Les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) (Zedeck, 1980)
Définition des HAP
Les HAP font partie de la famille des composés organiques hydrophobes (COH) qui comprend de nombreux autres types de substances (composés des résidus de pétrole et de fuel, composés chlorés dont les biphényles polychlorés, PCB, certains pesticides…). Les hydrocarbures aromatiques polycycliques sont très répandus dans l’environnement. Depuis quelques années, ils ont particulièrement attiré l’attention des scientifiques, et ce principalement à cause de leurs propriétés cancérigènes et mutagènes (Zedeck, 1980), reconnues chez certains animaux et fortement soupçonnées chez l’homme. Par conséquent, les HAP sont de plus en plus étudiés, à la fois chez les organismes vivants et dans les différents compartiments de l’environnement (atmosphère, sols, océans, rivières, etc…). Ces composés organiques peuvent notamment être utilisés comme traceurs du transport atmosphérique de contaminants d’origine anthropique. En effet, leur relative stabilité dans l’environnement et leur composition variable en fonction des sources et/ou de la distance par rapport à ces dernières font de ces molécules des marqueurs privilégiés (Halsall et al., 1997). Contrairement aux composés organochlorés, les HAP sont produits en grandes quantités par des processus naturels, ce qui fait que les échantillons prélevés dans l’environnement peuvent contenir à la fois des HAP d’origines anthropique et naturelle. Toutefois, les émissions de HAP par les activités humaines ont crû dramatiquement durant le siècle dernier, à cause de l’augmentation de la combustion des énergies fossiles. Les HAP d’origine anthropique sont donc devenus largement prédominants dans les régions fortement industrialisées et urbanisées et constituent un problème majeur. Ces composés font ainsi partie des polluants à surveiller dans le cadre de la directive européenne nº 96/62/CE du 27 septembre 1996 (https://aida.ineris.fr/consultation_document/1029) et doivent être pris en compte dans les objectifs de qualité de l’air à atteindre.
Principales caractéristiques des HAP
Structure et propriétés physico-chimiques
Les HAP sont des composés organiques neutres, contenant uniquement des atomes de carbone et d’hydrogène et présentant au minimum deux cycles benzéniques fusionnés. A l’état pur et dans les conditions thermodynamiques standards (pression de 1 atm et température de 25°C), ils se présentent sous la forme de solides cristallins.
Les caractéristiques physico-chimiques des HAP sont extrêmement liées à leur structure particulière. La position des cycles de façon linéaire (anthracène) ou angulaire (phénanthrène) influence la stabilité des molécules, les HAP angulaires étant les plus stables (Bouchez et al.,1996, Kanaly et Harayama, 2000). De la même façon la présence de cycles à 5 carbones parmi des cycles benzéniques augmenterait la stabilité des molécules vis-à-vis des attaques de micro- organismes (Wammer et Peter, 2005). La présence de ces cycles aromatiques leur confère également la capacité à absorber un rayonnement ultra-violet (UV) et une partie du rayonnement visible (Lampi, 2005) ou encore à ré-émettre un rayonnement de fluorescence en réponse à une excitation par un rayonnement UV. Ces dernières propriétés sont utilisées pour la détection de ces molécules.
De la forte influence des cycles aromatiques sur les propriétés physico-chimiques découlent des différences très marquées entre les HAP à deux ou trois cycles et ceux à quatre cycles et plus. On distingue ainsi généralement deux classes de HAP (Bouchez et al.,1996), ceux à faible poids moléculaire ou « légers » (deux et trois cycles, donc inférieurs à 180 g mol-1 ) et ceux à poids moléculaire élevé ou « lourds » (quatre cycles et plus et supérieurs à 200 g mol-1 ).
Le naphtalène qui est le plus léger a une solubilité notable de 32 mg L-1 , mais la solubilité décroît fortement avec le nombre de cycles jusqu’à 10⁻⁴ mg L-1 . Il en va de même pour leur volatilité puisque la constante de Henry KH qui traduit la répartition du composé entre la phase liquide et la phase gazeuse va de 43 Pa m³ mol-1 pour le naphtalène à près de dix-mille de fois moins (3,07.10⁻³ Pa m³ mol-1 ) pour l’indeno pyrène. L’hydrophobie des HAP est caractérisée par une constante de partage n octanol-eau (KOW) élevée. Cette constante traduit la répartition d’un composé entre une phase lipophile (octan-1-ol) et la phase hydrophile (l’eau). La structure en cycles aromatiques des HAP influence directement leur devenir dans l’environnement puisqu’elle est responsable de leur faible solubilité et forte hydrophobie et par conséquence de leur forte adsorption sur les phases solides du sol.
Toxicité des HAP
Actuellement, les effets toxicologiques de tous les HAP sont imparfaitement connus. Toutefois, les données expérimentales disponibles chez l’animal ont montré que certains HAP pouvaient induire spécifiquement de nombreux effets sur la santé, des effets systémiques (hépathiques, hématologiques et immunologiques), et/ou des effets sur la reproduction ainsi que des effets génotoxiques et cancérigènes (www.ineris.fr).
La toxicité des HAP peut s’exprimer selon trois mécanismes principaux :
– La toxicité narcotique qui affecte la fluidité et les fonctions des cellules membranaires sans la présence d’un récepteur spécifique. Cette toxicité semble être en partie liée à l’hydrophobie des HAP (Sverdrup et al., 2002) qui leur permettrait d’interagir avec les membranes lipidiques (qui sont lipophiles et donc hydrophobes). Cette toxicité est dite « directe » (Boese et al., 1999) par opposition entre autres à la toxicité photo-induite ou phototoxicité.
– La photo-toxicité correspond à une toxicité indirecte des molécules de HAP sous l’effet d’un rayonnement UV. Une molécule de HAP excitée par un rayonnement UV peut transmettre son énergie à une molécule d’oxygène et former ainsi un radical oxygène. Ce radical peut alors s’attaquer aux molécules biologiques et en particulier aux membranes cellulaires par peroxydation des lipides (Mc Donald et Chapaman., 2002). Cette toxicité est fonction à la fois de la quantité de HAP présents en surface de l’organisme et de la dose de radiations UV. Bien que les effets nocifs de cette photo-toxicité soient démontrés en laboratoire, il semble cependant que ces effets ne sont pas significatifs dans l’environnement, les espèces animales concernées ayant probablement développé des moyens de protection (Mc Donald et Chapaman., 2002).
– La génotoxicité correspond à l’apparition d’altérations dans la structure de l’ADN. Le principal risque que présentent ces composés sur la santé, est leur capacité à induire le développement de cancer dans les organismes exposés. L’induction du cancer chez les mammifères par les HAP passe par la participation d’un groupe d’enzymes capables de transformer les composés xénobiotiques en produits solubles dans l’eau. Ces enzymes sont des mono oxygénases qui appartiennent au groupe cytochrome P450 (voir figure 2). Les HAP sont transformés en HAP diolépoxydes qui sont alors particulièrement réactifs avec l’ADN, l’ARN et les protéines cellulaires, créant ainsi de nombreuses mutations irréversibles et induisant la formation de tumeurs. Ce système enzymatique est stimulé dans un organisme par exposition aux composés lipophiles persistants.
Les expositions répétées à ces composés induisent de grandes quantités d’enzymes. La capacité d’induction de ces enzymes dépend de chaque organisme. Les mammifères par exemple, ont une grande capacité d’adaptation à ces agents mutagènes et une exposition chronique aux HAP provoque à terme la production d’anticorps dégradant les composés lipophiles persistants. Par contre, les poissons ont une capacité limitée de dégradation (Sutherland et al., 1995).
Une dernière toxicité indirecte est la toxicité potentielle des produits de dégradation des molécules de HAP. Que la dégradation soit physique (comme la photo-modification) ou biologique, elle est susceptible de transformer le HAP parent en un produit beaucoup plus toxique comme les HAP oxygénés (Lampi, 2005; Lundstedt, 2003). Le benzo[a]pyrène est potentiellement le plus cancérigène. D’autres HAP sont également reconnus comme étant fortement génotoxiques et cancérigènes, comme le fluoranthène, le benzo[b]fluoranthène, le benzo[k]fluoranthène, le chrysène, le benzo[g,h,i]pérylène et l’indéno[1,2,3-cd]pyrène (Feix et Wiart, 1995). Le naphtalène est peu toxique car, en général, l’ingestion d’une dose correspondant à une boule d’antimite (4 grammes) n’entraîne qu’une irritation des muqueuses et éventuellement quelques troubles neurobiologiques réversibles. Les HAP sont absorbés par l’homme (Boufetta et al., 1997; Wornat et al., 2001) par :
● Les voies respiratoires via l’inhalation de particules atmosphériques contaminées ou de fumées de cigarettes. Le taux d’absorption par les poumons dépend du type de HAP, de la taille et de la composition des particules sur lesquelles ils sont adsorbés.
● Le système digestif via l’ingestion de produits alimentaires contaminés notamment les produits grillés ou fumés. Le poisson fumé peut contenir jusqu’à 80µg de HAP par kilogramme.
● La peau.
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Table des matières
Introduction générale
PARTIE I : Synthèse bibliographique
I. Les hydrocarbures aromatiques polycycliques
I.1.Définition des HAP
I.2.Principales caractéristiques des HAP
I.3.Origines des HAP
I.4. Distribution Des HAP
Références bibliographiques
II. Evolution des QSAR/QSPR
I. Bref historique sur les QSAR
Références bibliographiques
III. Bases théoriques
I. La modélisation moléculaire
II. optimisation de la géométrie des molécules
III. La mécanique moléculaire
IV. La dynamique moléculaire
Références bibliographiques
IV. Principe et méthodes des modèles QSAR/QSPR
1. Principe des méthodes QSAR/QSPR
2. Les bases de données
3. Les descripteurs moléculaires
4. Les types de descripteurs moléculaires
A. Les descripteurs 0D
B. Les descripteurs 1D
C. Les descripteurs 2D
D. Les descripteurs 3D
5. Méthodes d’analyses des données
6. Sélection des descripteurs
7. Validation et interprétation d’un modèle QSAR/QSPR
7.1. Validation
7.1.1. Coefficients et tests statistiques standards
7.1.2. Types de validation
A. Les Principes de l’OCDE
B. Validation interne
C. Validation externe
D. Choix de l’ensemble de calibrage et de validation
E. Domaine d’application
7.2. Métriques de validation pour les modèles de régression (QSAR/QSPR)
7.2.1. Métriques pour la validation interne
A. Validation croisée Leave-One-Out (LOO)
B. Validation croisée Leave-Many-Out (LMO)
C. La métrique r²m pour la validation interne
D. Test de randomisation
7.2.2. Paramètres de la validation externe
A. R² prédictif (R²ext ou Q² F1)
B. Critères de Golbraikh et Tropsha
C. La métrique r²m (test) pour la validation externe
D. Erreur Quadratique Moyenne de Prédiction (RMSEP)
E. Q²F2, Q²F3 et CCC
F. Interprétation des modèles
Conclusion
Références bibliographiques
PARTIE II: Propriétés étudiées, et méthodologie
I. Propriétés étudiées
I.1. Température d’ébullition (Teb)
Références bibliographiques
I. 2. Température de fusion ( Tfus)
Références bibliographiques
I. 3. Indice de rétention chromatographique (IR)
Références bibliographiques
I. 4. Solubilité aqueuse (Saq)
Références bibliographiques
I.5. Coefficient de partage octanol/carbone organique (Koc)
Références bibliographiques
II. Méthodologie
1. Traitement des données
2. Optimisation et calcul des descripteurs
3. Réduction du nombre de descripteurs et méthodes de sélection
4. Répartition des échantillons
5. Régression linéaire multiple (RLM)
6. Réseaux de neurones artificiels (RNA)
Références bibliographiques
PARTIE III: Résultats et discussions
Relations structure propriétés des 16 HAP prioritaires
Application de l’approche QSPR dans la modélisation de la température d’ébullition de HAP
Prédiction de la température de fusion des HAP à l’aide des méthodes MLR et RNA
Modélisation de la solubilité aqueuse
QSRR de l’indice de rétention de 209 HAP séparés par chromatographie gazeuse à température programmée
Conclusion générale
ANNEXES