Les hommes sages-femmes au XXIème siècle

Le Larousse définit le mot « sage-femme » comme étant : « praticien exerçant une profession médicale à compétence limitée au diagnostic et à la surveillance de la grossesse, et à la pratique de l’accouchement ». L’étymologie du mot « sage » vient du latin sapere qui signifie « connaître », « sage-femme » fait référence à la connaissance de la femme et non au fait que le praticien soit de sexe féminin. On définit la maïeutique comme la « partie de l’obstétrique qui concerne la pratique de l’accouchement assurée essentiellement par les sages-femmes » (Larousse). D’après le Centre National de Ressources Textuelles et lexicales (CRNTL), maïeuticien est un néologisme du XX° siècle, emprunté du grec maieutikos, « qui sait accoucher les femmes ». A l’entrée des hommes dans la profession ce terme a été proposé pour remplacer celui de sage-femme. Cependant, les propositions de «maïeuticiens » et « parturologue » n’ont pas été retenues (1). Les hommes sages femmes au même titre que leurs pairs féminins sont appelés « sage-femme ». Malgré cela, le dictionnaire médical de l’académie de médecine fait une distinction entre les deux genres en définissant sage-femme comme « femme diplômée qui pratique l’art des accouchements » et maïeuticien comme « homme exerçant la profession d’accoucheur ».

Le monde de la natalité a longtemps été réservé aux femmes. Des femmes en accompagnant d’autres à accoucher, un métier au cœur de l’intimité féminine que seules des femmes capables de vivre l’expérience de la naissance peuvent comprendre et soutenir (2). L’entrée des hommes dans ce monde s’est faite par le côté technique quand les chirurgiens se sont intéressés à la naissance. Deux visions de la naissance s’opposaient alors : les femmes et leur rôle d’accompagnantes avec leur capacité d’empathie nécessaire au soutien de la parturiente et les hommes avec la chirurgie, la partie purement technique de l’accouchement. (3) En 1982, la profession de sage-femme, jusqu’à présent exclusivement réservée aux femmes, est ouverte aux hommes sous l’impulsion d’une directive européenne de non discrimination sexuelle dans le domaine professionnel. Depuis, le nombre d’hommes dans la profession reste constant et très minoritaire. En 2017, les hommes représentaient 2,6% des sages-femmes en France.

La profession d’hier à aujourd’hui

La profession de sage-femme, même si elle n’est pas nommée ainsi, se retrouve dès le néolithique par des représentations de femmes en accompagnant d’autres lors de l’enfantement (5) . La naissance est restée pendant des millénaires une « affaire » de femme. (6) Au Moyen – Âge, appelées « ventrières », elles sont les seules personnes investies de ce rôle d’accompagnement et d’assistance de la parturiente. Il n’y a pas de trace d’accoucheur même auprès des plus hautes sphères du pouvoir comme les reines de France (6). La naissance est réservée aux femmes et n’intéresse pas les médecins. La pratique de l’accouchement est vue comme le « métier le plus vil, le plus déshonorant même, l’opération la plus dégoutante de la chirurgie » (3). Ces ventrières, sont des femmes âgées ayant elles-mêmes enfantées, capables d’empathie, de comprendre la parturiente. Il n’y a pas de formation, l’art de l’accouchement se transmet oralement de génération en génération. Au XIVème siècle, c’est le terme de « matrone » qui est employé. Elles sont désignées par l’ensemble des femmes de la paroisse en présence du prêtre mais n’ont pas plus de connaissances, une seule caractéristique est nécessaire, être elle-même mère. Pour l’église, c’est son comportement moral qui compte, son rôle est moral et humanitaire : elle sauve les âmes et les corps. (3) Au XVIIIème siècle, la mortalité maternelle étant tragiquement élevée, l’Etat s’engage dans une politique d’accroissement de la population, les matrones sont écartées à cause de leurs pratiques jugées dangereuses. Traditionnellement, l’Etat et l’église se méfiaient de ces femmes ayant une pratique de la sorcellerie, elles sont perçues comme « la sorcière blanche » pratiquant des délits comme l’avortement.(3) En parallèle, l’hôtel Dieu de Paris organise « l’office des accouchées ».Si dans les villes, les sages femmes sont formées, les matrones des campagnes gardent des connaissances empiriques héritées oralement. Les facultés de médecine ne s’intéressant pas à la formation des sages-femmes, leur enseignement reste limité.

Le 30 juin 1802, la première école de l’art de l’accouchement est créée. La profession est alors considérée comme une profession médicale à responsabilité limitée. Le Code Civil de Napoléon (1804) impose aux sages-femmes d’être diplômées pour exercer. Aux matrones, femmes ayant comme seule formation leur expérience personnelle, se substituent des sages-femmes qui n’ont pas forcément déjà accouché mais qui bénéficient d’une formation de six mois. Le XXème siècle est décisif pour la profession de sage-femme, en intégrant de nombreux changements dans la formation. A partir de 2003, elle est mise au même niveau de recrutement que les autres professions médicales avec l’accès à la formation par la première année du premier cycle des études médicales (PCEM1). En 2010, cette dernière est substituée par la première année commune aux études santé (PACES) qui confère un grade de licence et un grade de master.

L’arrivée des hommes dans le monde de la naissance

Comme expliqué précédemment, le rôle « d’accoucheur » est resté très longtemps réservé aux femmes ayant elles-mêmes accouchées. Celui-ci étant considéré avec mépris par les médecins. L’arrivée des hommes dans le monde de la naissance est progressive. Dans un premier temps ce sont les barbiers chirurgiens qui s’y intéressent au XVIème siècle. La chirurgie-barberie n’étant pas considérée par les médecins comme une science noble, grâce à la science des accouchements elle va acquérir plus de prestige. Les premiers hommes à exercer sont le chirurgien français Ambroise Paré ou encore François Mauriceau, premier chirurgien pratiquant exclusivement des accouchements. L’entrée des hommes dans le monde de la naissance se fait sur le plan théorique. La profession d’accoucheur est reconnue en 1663 lorsque Louis XIV demande l’assistance d’un chirurgien pour l’accouchement de sa maîtresse. Le chirurgien accoucheur devient alors une « mode » dans l’aristocratie ce qui participe à son avènement. En 1718, l’appel aux accoucheurs est fréquent mais reste limité aux zones urbaines. A la fin du XVIIème siècle, les accoucheurs s’imposent dans l’art de l’accouchement devant les sages-femmes et auprès des femmes avec l’utilisation des instruments : forceps, levier etc. Interdits aux matrones et utilisés seulement par les sages-femmes de première classe, les instruments sont le moyen par lequel les accoucheurs vont prendre une place importante dans le monde de la naissance. Au siècle des lumières, la connaissance médicale de l’accoucheur s’oppose à l’obscurantisme des matrones. Ils apparaissent comme indispensables. Les sagesfemmes vont s’instruire auprès des chirurgiens à l’art de l’accouchement. Ils s’imposent donc comme leurs maîtres, des hommes qui enseignent aux femmes. Certaines sagesfemmes, comme Angélique Le Boursier Du Coudray, inversent cette vision et rencontrent encore les critiques de certains accoucheurs. Le XIXème siècle est marqué par la mise sous tutelle de la sage femme par le chirurgien, elle a un rôle de subordonnée dans un domaine qui était exclusivement le sien auparavant. En 1806, Jean-Louis Baudelocque est nommé premier titulaire de la Chaire d’obstétrique, première spécialité médicale. Il formera femmes sages-femmes et médecins accoucheurs. On distingue alors les hommes, obstétriciens, chirurgiens exerçant l’art de l’accouchement en hôpital et les femmes sages-femmes qui exercent à domicile. L’arrivée des hommes dans le monde de la naissance s’est donc fait par des médecins. Il faudra attendre 1982 pour que la profession de sage-femme soit autorisée aux hommes. En effet, la loi du 19 mai 1982, permet aux hommes d’accéder à la formation, en application d’une directive européenne de non-discrimination sexuelle dans le domaine professionnel.

Les hommes sages-femmes

En France, la directive européenne de non-discrimination sexuelle dans le domaine professionnel est retranscrite dans l’article L.1132-1 du Code du travail qui prévoit : «aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement, de formation […] en raison de son sexe. » (7). La formation est ouverte aux hommes en
1982. Les premiers hommes sages-femmes seront diplômés trois ans plus tard. L’entrée des hommes dans ce milieu « hyperféminisé » (2) a posé la question de leur intégration. La profession est considérée traditionnellement et historiquement comme féminine (8). C’est un métier étroitement lié à deux aspects du monde féminin, il est au cœur de l’intimité et porte sur un moment de la vie que seules les femmes connaîtront : l’accouchement (2). L’idée que l’histoire se fait de ce métier, est, que pour l’exercer, l’empathie est essentielle. L’empathie est la « capacité de s’identifier à autrui dans ce qu’il ressent ». Seules les femmes, seraient en mesure de répondre à cette exigence. Selon cette vision de la profession, qui aux compétences médicales et techniques s’ajoutent les qualités relationnelles, de conseils, de pédagogie et d’empathies, compétences dites féminines (9), les hommes seraient exclus de facto. Philippe Charrier, sociologue des professions s’est intéressé à l’intégration des hommes dans le groupe professionnel des sages-femmes, milieu féminin. Il a montré que l’absence supposée de qualités considérées comme féminines pour des hommes, loin d’être un handicap se révélait être un avantage (2). La vision traditionnelle du métier n’est partagée que par un petit nombre de sages-femmes dites de la « vieille génération ». Les patientes ne paraissent pas ressentir de différences entre l’intervention d’un homme ou d’une femme, les quelques cas de refus étant principalement motivés par des raisons religieuses et non du fait que la parturiente craint que l’homme n’ait pas les compétences nécessaires. Dans la dynamique actuelle de la profession d’acquérir son autonomie, de s’émanciper de cette vision archaïque et de se voir reconnaître des compétences médicales, les hommes apparaissent comme une valeur ajoutée. Charrier évoque la logique de dévalorisation des professions qui se féminisent, et montre que, dans le cas des sages-femmes, la dynamique pourrait être inversée, les hommes pouvant être un atout dans la valorisation de la profession.

Il s’est ensuite demandé si l’arrivée d’un nouveau sexe conduirait à une segmentation de la profession (1). Est-ce qu’un métier marqué par son caractère féminin et ses compétences dites féminines est exercé de manière différente par les hommes ? Il rappelle la segmentation survenue entre hommes et femmes exerçant dans le milieu de la naissance au XVIIIème siècle. Son étude montre qu’il n’y a pas eu d’effet de segmentation après 1982, les hommes sages-femmes se considèrent comme sagefemme à part entière, leur intégration est totale, le peu de difficultés qu’ils peuvent rencontrer s’est mué en avantages. Ils dépassent le genre en montrant leur capacité d’écoute, libre de jugement ou de transfert des expériences personnelles, en prouvant que la relation entre patient et soignée n’est plus «genrée» comme traditionnellement.(1) Mais les études de Philippe Charrier (1 ; 2 ;10), ont également montré que les hommes entrent dans la profession par défaut. Ils ne se distinguent pas des femmes sagesfemmes par un mode d’activité privilégié (10), au contraire ils valorisent la polyvalence de la profession et le caractère médical de la profession qui est un argument de choix pour s’y diriger. Ils contournent la capacité d’empathie par de la douceur, de l’écoute, par la limitation des gestes intrusifs afin de pouvoir lier la même relation de confiance avec la femme. Ils n’écartent pas la dimension relationnelle du métier mais ne l’envisage pas de la même manière que leurs consœurs.

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Table des matières

Introduction à l’étude
Matériels et méthode
Résultats
Analyse et discussion
I – Les représentations des hommes au sein de la profession
II- Les ressentis des hommes sages-femmes
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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