Les hémoglobinopathies par trouble qualitatif de la synthèse de l’hémoglobine
Ce sont les anomalies de structure de l’une des chaînes α ou β de l’Hb. Il existe plusieurs variantes d’hémoglobinoses, la majorité est asymptomatique et concerne essentiellement la chaîne β.Selon la nature de l’anomalie on distingue 5 sous-groupes d’hémoglobinoses :
– les variantes avec substitution d’un seul acide aminé (Hb S et Hb C) ;
– les variantes avec substitution de 2 acides aminés (le plus souvent de la même chaîne), exemple Hb C Harlem, Hb C Ziguinchor ;
– les variantes avec délétion d’un ou plusieurs acides aminés, exemple Hb Gun Hill où il manque 5 acides aminés ;
– les variantes avec allongement de la chaîne: Hb qui comporte plus d’acides aminés que normalement. Exemple l’ Hb Constant Spring ;
– les variantes avec fusion de chaîne, exemple l’ Hb Lepore.
HISTORIQUE
Quelques dates rappellent les principales étapes dans la compréhension de la maladie, dans sa description clinique et physiopathologie: En 1910, HERRICK montre l’anomalie morphologique érythrocytaire de la drépanocytose chez un étudiant en Odontostomatologie d’origine caribéenne, il décrit l’aspect en faucille des hématies [5].En 1915, EMMEL découvre et étudie le phénomène de la falciformation provoquée et évoque en 1917 le caractère familial de la maladie. DIGGS, en 1933 introduit la notion de deux états cliniques totalement différents; celui des malades graves anémiques, et celui des malades chez qui aucun trouble spontané n’existe, et dont les anomalies cellulaires n’apparaissent que si on les provoque in vitro; ce sera la notion du trait drépanocytaire [6]. Il faudra attendre NEEL, en 1947 et 1949, puis BEET en 1949 pour interpréter ces observations comme les formes homozygotes et hétérozygote d’une anomalie transmise selon les lois mendéliennes. Parallèlement, la déformation cellulaire n’apparaissant qu’à basse tension d’oxygène (PO2 inférieur à 50 mmHg) et réversible est découverte par HAHN et GILLEPSIE en 1927 (6). Le fait majeur unifiant l’ensemble des observations précédentes est, en 1949, la mise en évidence par PAULING, TANO, SINGER et WELLS d’une différence électrophorétique entre l’hémoglobine drépanocytaire S et l’Hb A de l’adulte normale. Ce sera le premier exemple démontré d’une maladie moléculaire [6]. INGRAM en 1956-1959 précise que l’Hb S est due à la substitution d’un acide glutamique par la valine en position 6 sur la chaîne bêta. C’est en 1960 qu’il à été démontré que cette substitution est due à la mutation d’une base du triplet codant GAG en GTG [5 ; 6]. Enfin à partir de 1972 le diagnostic prénatal de la maladie est envisagé par KAN et VALENTI [5]. En Afrique, la maladie a été décrite pour la première fois au Cameroun par LINHARD et LEROY [5]. Depuis lors elle suscite un grand intérêt dans les milieux scientifiques africains. Ces dernières années, on a surtout exploré l’hétérogénéité clinique et biologique, le polymorphisme génétique et la thérapeutique avec la possibilité d’un diagnostique anténatal et les perspectives d’un traitement par action directe au niveau du génome [chatpfe.com].
Afrique noire
On retrouve la drépanocytose surtout entre le 15e parallèle de latitude Nord et le 20e parallèle de latitude sud, c’est-à-dire du sud du Sahara au nord du Zambèze. Cela correspondant à la ceinture sicklémique de LEHMANN, qui se superpose à celle de l’endémie palustre dont font partie la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Bénin, le Mali, le Togo pour ne citer que ceux-là. La fréquence augmente d’Ouest en Est avec des taux d’hétérozygote de 5 à 25% pouvant atteindre 49% dans certaines régions d’Afrique tropicale: Côte d’Ivoire 14% [7], Ghana 20% [49], Bénin 26,3% [8], Gabon 22% [9] » Zaïre 23 à 25% [10], Mali 10,8% [44]. Ces chiffres correspondent à un pourcentage d’homozygote de 1 à 3%. On rapproche de cette zone les pays à population négroïde : Madagascar, Antilles, Amérique. Sur le continent américain (USA, Brésil), les hétérozygotes représentent 8 à 10% de la population noire; les homozygotes sont à 0,25% environ
L’hématie
A l’examen en contraste de phase ou sur un frottis coloré au May-Grunwald-Giemsa, les globules rouges ou hématies ou érythrocytes apparaissent comme des cellules biconcaves, de couleur orangée, anucléées de 7 à 9μm de diamètre [11]. La membrane érythrocytaire est de nature phospholipidique ; et le cytoplasme acidophile constitué essentiellement par l’hémoglobine. La durée de vie des hématies est de 120 jours après laquelle ils sont détruits dans le foie et la moelle osseuse. Cette destruction est compensée par une production équivalente dans la moelle osseuse. L’hématie à une propriété essentielle celle d’assurer le transport de l’oxygène et du gaz carbonique, grâce à sa plasticité [12]
Catabolisme de l’hémoglobine
Après la mort du globule rouge, le stroma globulaire subit une dégradation dans les macrophages. La globine est décomposée en acide aminé; le fer est réutilisé pour la synthèse d’une nouvelle molécule d’Hb. Le noyau tétrapyrolique de l’hème est transformé sous l’action des enzymes spécifiques dans la cellule macrophagique en une série de pigments avec libération de monoxyde de carbone puis de bilirubine libre. Celle-ci subit dans l’hépatocyte une glycuro conjugaison (grâce à une glycuronyl-transférase) pour donner la bilirubine conjuguée. La bilirubine conjuguée passe dans la bile, y est éliminée en partie tandis qu’une partie est réabsorbée dans l’intestin et éliminée dans les urines sous forme d’urobiline.
Bases physiopathologiques de la drépanocytose
Le remplacement de l’acide glutamique hydrophile par la valine hydrophobe entraîne une modification sévère de la conformation spatiale et des propriétés de la molécule. Il va se créer en effet un pont hydrophobe entre les radicaux valines en position 1 et 6, entraînant la formation d’un anneau par la chaîne β anormale, anneau qui vient s’ajouter à un creux complémentaire de la chaîne α d’une autre molécule d’Hb. C’est seulement à l’état désoxygéné que 1’anneau et le creux seront en contact étroit. Constituant une structure tubulaire spiralée beaucoup plus solide que celle formée par l’Hb A, et réalisant une véritable polymérisation moléculaire [5]. Il s’en suit la formation de longues fibres rigides et insolubles d’hémoglobine, véritable gélification qui modifie considérablement l’aspect de l’hématie, en lui conférant son aspect caractéristique en faucille (drépanos en grec). Le globule rouge ainsi déformé a 2 particularités :
– hématie perde ses propriétés d’élasticité et est ainsi plus rapidement détruit qu’un globule rouge normal, ce qui rend compte de l’anémie hémolytique;
– le drépanocyte augmente la viscosité du sang qui s’écoule mal dans certains organes expliquant les complications vaso-occlusives de la maladie [chatpfe.com]. La manifestation clinique de toutes ces modifications se traduit:
– Chez l’homozygote SS par une symptomatologie sévère marquée surtout par une anémie hémolytique. Une susceptibilité accrue aux infections et des crises vaso-occlusives (syndrome pied mains. Douleurs abdominales et osseuses, infarctus splénique, nécrose aseptique de la tête fémorale etc…).
– Chez le double hétérozygote SC, la pathologie est identique à celle de l’homozygote avec une sévérité moindre. Toutefois, les complications thrombotiques, sont au premier plan, et sont plus nombreuses avec une mortalité obstétricale et per-anesthésique particulièrement importante en l’absence de prise en charge appropriée. La nécrose aseptique de la tête fémorale et les atteintes rétiniennes sont plus fréquentes que chez l’homozygote [17].En plus des modifications spatiales de l’HbS, certains facteurs dits favorisants ou déclenchant interviennent : l’hypoxie, l’hypertonie du milieu, la déshydratation, la diminution du pH ou l’acidose, la diminution de la pression en O2 tissulaire et de la température, la stase vasculaire et les altérations de la membrane [5]; l’association à la bêta thalassémie ou à une autre Hb anormale (E, 0 arabe, c…). Il existe également des facteurs inhibants la falciformation ou facteurs de modulation positive ce sont:
– l’ Hb A : expliquant l’absence ou la rareté des crises chez les sujets AS.
– l’Hb F (Hb fœtale) : ce qui explique l’absence de crise avant l’âge de 6 mois; plus le taux d’Hb F est élevé plus la falciformation est partiellement inhibée [18].
— HbE : L’HbE est un mutant de la chaîne β où l’acide glutamique en position 26 est remplacé par une lysine. C’est sans doute la plus fréquente des Hb anormales. L’HbE a des propriétés fonctionnelles peu différentes de l’HbA.
— HbO-Arab : L’HbO-Arab est un mutant de la chaîne β où l’acide glutamique en position 121 est remplacé par une lysine.
— HbD-Punjab : L’HbD-Punjab est un mutant de la chaîne β où l’acide glutamique en position 121 est remplacé par une glutamine [48].
— Hb instables : Quelque 200 mutants dont la stabilité est diminuée ont été décrits. Seule la moitié d’entre eux est responsable d’anomalies cliniques.
— Hb hyperaffines : Les mutations responsables n’ont été décrites qu’à l’état hétérozygote, la forme homozygote étant probablement létale. Les patients présentent une polyglobulie sans augmentation des leucocytes ou des plaquettes et sans splénomégalie.
— Hb hypoaffines : Peu de variants de ce type ont été décrits. Ils engendrent une cyanose, présente dès la naissance si la mutation porte sur la chaîne α.
— HbM : La méthémoglobine (metHb) est une forme oxydée d’Hb, dans laquelle l’atome de fer à l’état oxydé Fe3+ est incapable de transporter l’oxygène. Son taux est physiologiquement inférieur à 1 %, un taux supérieur à1 % définissant la méthémoglobinémie
L’hémogramme
L’anémie constitue le premier signe d’alarme dans le diagnostic des syndromes drépanocytaires ;l’analyse des paramètres cytologiques et hématimétriques offre la possibilité de fixer un pronostic. L’anémie est la manifestation la plus connue, sans laquelle on ne peut évoquer le diagnostic [20].Chez l’homozygote SS, c’est une anémie hémolytique chronique, elle est généralement sévère avec un taux d’Hb de 7 à 9 g/dl, souvent normochrome normocytaire régénérative [20,21]. Chez le double hétérozygote SC, les signes sont un peu moins sévères que dans la drépanocytose homozygote car ils sont plus tardifs [20], l’anémie est absente ou modérée, souvent normochrome microcytaire ou hypochrome microcytaire
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Table des matières
DEDICACES ET REMERCIEMENTS
MEMBRES DU JURY
INTRODUCTION
1. INTRODUCTION
2. OBJECTIFS
2.1. Objectif général
2.2. Objectifs spécifiques
GENERALITES
3. GENERALITES
3.1. DEFINITIONS
3.1.1. Les hémoglobinopathies par trouble qualitatif de la synthèse de l’hémoglobine
3.1.2. Hémoglobinopathies par trouble quantitatif
3.2. HISTORIQUE
3.3. REPARTITION GEOGRAPHIQUE
3.3.1. Afrique noire
3.3.2. Pourtour du Bassin méditerranéen
3.3.3. Inde méridionale et Moyen-Orient
3.4. HEMATIE ET HEMOGLOBINE NORMALES
3.4.1. L’hématie
3.4.2. L’hémoglobine
3.4.2.1. Structure
3.4.2.2. Synthèse
3.4.2.3. Fonctions
3.4.2.4. Catabolisme de l’hémoglobine
3.4.2.5. Les variantes normales de l’hémoglobine
3.5. LES HEMOGLOBINES ANORMALES
3.5.1. Définition
3.5.2. L’hémoglobine de la drépanocytose
3.5.3. Bases physiopathologiques de la drépanocytose
3.6. Les thalassémies
3.6.1. Les thalassémies mineures
3.6.2. les thalassémies majeures
3.6.3. Les thalassémies intermédiaires
3.6.4. α-thalassémies
3.6.5. β-thalassémies
3.7. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DES HEMOGLOBINOPATHIES
3.7.1. L’hémogramme
3.7.2. L’électrophorèse de l’hémoglobine
3.7.2.1. Définition
3.7.2.2. Electrophorèse à pH alcalin
3.7.2.3. Electrophorèse à pH acide
3.7.3. Test de falciformation ou Test d’Emmel
3.7.4. Examens biochimiques
3.7.4.1. Le protidogramme
3.7.4.2. Evaluation du fer sérique
3.7.4.3. Distribution du fer dans l’organisme
3.7.5. Autres tests
3.7.5.1. Test d’Itano ou test de solubilité
3.7.5.2. Test de Scriver et Vaugh
3.7.5.3. Tests quantitatifs
3.8. TRAITEMENT DE LA DREPANOCYTOSE
3.8.1. Traitement de la crise vaso-occlusive
3.8.2. Thérapeutique
3.8.3. Durée du traitement et surveillance
3.8.4. La transfusion
3.8.5. Traitement des complications
3.8.6. La prévention des complications
3.8.6.1. Les médicaments
3.8.6.2. La lutte contre les facteurs déclenchants
3.8.6.3. Conseils génétiques
3.8.7. Autres traitements
3.9. Traitement des thalassémies
3.9.1. Les transfusions
3.9.2. Le traitement de la surcharge en fer
3.9.3. Splénectomie
3.9.4. Supplémentation en acide folique
3.9.5. Transplantation médullaire
METHODOLOGIE
4. METHODOLOGIE
4.1. LIEU D’ETUDE
4.2. TYPE ET LA PERIODE D’ETUDE
4.3. POPULATION D’ETUDE
4.3.1. LES CRITERES D’INCLUSION
4.3.2. LES CRITERES DE NON INCLUSION
4.3.3. ECHANTILLONNAGE
4.4. TECHNIQUES UTILISEES
4.4.1. ORGANISATION DU PRELEVEMENT
4.4.2. TYPAGE DE L’HEMOGLOBINE
4.4.2.1. Principe du test
4.4.2.2. Réactifs fournis dans le kit HYDRAGEL HB(E) K20
4.4.2.2.1. Gels d’agarose
4.4.2.2.2. Tampon
4.4.2.2.3. Diluant colorant et colorant d’amidoschwarz
4.4.2.2.4. Solution hémolysante
4.4.2.2.5. Applicateurs
4.4.2.2.6. Papiers filtres
4.4.3. ANALYSE DES ECHANTILLONS
4.4.3.1. Prélèvement et conservation des échantillons
4.4.3.2. Préparation des échantillons (méthode standard)
4.4.4. TECHNIQUE D’UTILISATION DU SYSTEME HYDRASYS
4.5. SAISIE ET ANALYSE DES DONNEES
4.6. CONSIDERATIONS ETHIQUES
4.6.1. Consentement libre et éclairé
4.6.2. Les risques
4.6.3. Les bénéfices
4.6.4. Alternatives à la participation
RESULTATS
5. RESULTATS
5.1. Résultats descriptifs
Résultats analytiques
6. DISCUSSION
7.1. CONCLUSION
7.2. RECOMMANDATIONS
REFERENCES BIBIOGRAPHIQUES
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