Les groupements en EPS, un moyen de partager et construire des connaissances ?

À l’heure où le vivre ensemble est devenu une dimension incontournable dans la société et qu’il est omniprésent dans les programmes actuels du collège et du lycée (2015), il semble important de mettre en place des conditions d’apprentissage permettant de construire un environnement propice au bien-être de chacun. Depuis quelques années, la diversité des élèves s’accroît au sein des EPLE. Le vécu de chaque élève varie en fonction de son environnement social, familial, sportif et scolaire, ce qui crée un écart inévitable entre chaque élève d’une même classe face à un nouvel apprentissage. Cet écart confronte l’enseignant à de nouvelles problématiques telles que le respect, la tolérance, la différenciation entre les élèves de niveaux différents, mais surtout l’accès et le développement de tous à de nouvelles compétences. Ces nouvelles problématiques remettent en question le climat scolaire actuel, amenant l’enseignant à répondre aux besoins de chaque élève.

En effet, la construction d’un climat scolaire serein, propice aux apprentissages de tous est devenu un enjeu primordial pour les enseignants. En EPS, là où les problématiques du corps et des relations aux autres sont omniprésentes, il apparaît nécessaire d’envisager un climat scolaire permettant à chaque élève de s’épanouir et d’apprendre. En effet, dans les programmes de 2008, la finalité de l’EPS était de « former un citoyen cultivé, lucide, autonome physiquement et socialement éduqué ». L’une des modifications notables apportée aux nouveaux programmes d’EPS, au collège, en 2015, était l’intégration de la notion du « souci de vivre ensemble » à la finalité de l’EPS, invitant ainsi les enseignants à être vigilants sur la cohabitation entre des élèves différents. De plus, dans les récents programmes de Lycée (2019), cette notion de climat propice aux apprentissages est soulignée par des directives qui permettaient de « garantir des conditions d’enseignement optimales », « l’exigence de sécurité» et « la nécessité de tenir compte de l’hétérogénéité des élèves ». Ces ajouts dans les programmes officiels montraient la volonté d’inciter les enseignants à davantage prendre en compte l’écart de vécu entre leurs élèves pour construire un climat plus favorable aux apprentissages.

Revue de littérature : les groupements en EPS, un moyen de partager et construire des connaissances ? 

Afin de répondre à ces enjeux professionnels, éducatifs et sociétaux, nous nous sommes appuyées sur des recherches antérieures, notamment celles qui se sont intéressées à la gestion des groupes. Nous avons plus particulièrement ciblé les groupes coopératifs afin de comprendre l’influence de l’hétérogénéité sur les apprentissages, et les processus de partage et de construction de connaissances par les élèves.

La gestion des groupes en EPS

En EPS, le climat scolaire est principalement dû aux choix de groupes effectuées. Selon Bordes (2002), il existait sept manières de faire les groupes : homogène, hétérogène, alternance, affinitaire, affinitaire dirigé, auto-évaluation. Bordes a défini les groupes homogènes comme un groupe où les élèves sont répartis « selon les mêmes niveaux d’habiletés ou de performance » et les groupes hétérogènes comme des groupes d’élèves présentant « des niveaux de performance différents ». Il semblait donc intéressant de se focaliser sur les groupes homogènes et hétérogènes qui se rapportent à la question de la diversité évoquée ci-dessus. De plus, il ne suffisait pas de mettre les élèves ensemble pour qu’ils apprennent, il fallait envisager les groupes avec la participation de chaque individu au sein du collectif dans la poursuite d’un but commun.

Le groupe coopératif

Cette manière d’envisager les groupes renvoyait à la notion de groupe coopératif défini en cinq points par Johnson et Johnson, (1990). Les groupes coopératifs sont caractérisés par : (1) l’interdépendance positive (chaque individu dépend des autres et participe à l’atteinte d’un but commun), (2) la responsabilité individuelle et collective (répartition des responsabilités à chacun ou une partie du groupe, par un membre du groupe ou l’enseignant), (3) la promotion des interactions de soutien et d’entraide entre les élèves (valorisation des actions de soutien et entraide), (4) la sollicitation et le développement d’habiletés coopératives (chaque élève va devoir expliquer ou enseigner, partager des responsabilités) et (5) la discussion et l’évaluation collective du fonctionnement du groupe (temps de réflexion collectif pour évaluer l’action). Au sein de ce fonctionnement où chacun cherchait à accéder à un but commun, il était intéressant de se poser la question de la place du niveau d’habileté de chacun.

L’effet de l’hétérogénéité dans les groupes sur l’apprentissage

Des études ont montré l’impact des modes de groupement en dyades symétrique et dissymétrique sur le progrès des élèves et notamment les plus en difficulté. En effet, selon l’étude de Darnis et Lafont (2008), la condition dissymétrique serait plus favorable au progrès que la condition symétrique. Les sujets initialement en difficulté ont tiré le plus de bénéfices de la condition dissymétrique. L’étude de D’Arripe-Longueville (1998), mettait en évidence que les interactions au sein des dyades dissymétriques étaient majoritairement des interactions de tutelles tandis que dans les dyades symétriques, elles, étaient coopératives ou sous forme de « conduites parallèles », chacun travaillait de son côté. Afin de savoir ce que chaque condition apportait à l’élève selon son niveau, l’étude du partage et de la construction de connaissances entre les élèves pouvait être un moyen de connaître les plus-values de ces interactions pour chacun d’entre eux. Cette étude permettrait d’éclaircir la question des groupes en EPS.

Le partage et la construction de connaissances

L’identification des connaissances partagées reposait sur la nature de ces connaissances. Selon Bourbousson (2010), deux natures distinctes de connaissances sont apparues dans leurs résultats, celles relatives à la tâche à accomplir et celles relatives à l’organisation du travail d’équipe. Quant à la distribution des connaissances partagées, la notion de « réseaux de communication » apparaît. Elle est définie par le fait que le partage de connaissances soit hétérogène au sein du groupe, sous forme d’interactions dyadiques et/ou triadiques. En ce qui concernait l’identification des modalités de construction des connaissances partagées, les auteurs on mis en évidence en évidence deux modalités de diffusion : de manière simultanée ou de manière progressive. Elles peuvent être construites et partagées par certains ou tous les membres du groupe en même temps. Autrement, elles sont d’abord construites par certains membres du groupe puis ils la partageaient avec les autres membres du groupe. Les connaissances construites représentaient l’ensemble des connaissances qui n’ont pas encore été validées. L’évolution de ces indicateurs sera la base de l’analyse des interactions au sein du groupe pour identifier les rôles de chacun et leurs apprentissages respectifs.

L’étude menée par Kirk, Brooker, & Braiuka (2000), mettait quant à elle en évidence que les connaissances sont marquées par trois dimensions perçues dans un contexte : (a) la dimension physique (par l’expérimentation vécue des stratégies), (b) la dimension sociale (par l’interaction avec ses coéquipiers et/ou adversaires) et (c) la dimension culturelle (par l’apport théorique sur l’APSA). Ces trois dimensions peuvent être mises en relation avec la construction et le partage des connaissances au sein du groupe. En effet, l’élève va construire et partager des connaissances par la confrontation et la discussion avec les autres membres du groupe s’inscrivant ainsi dans la dimension sociale. Il va également expérimenter et tester les solutions apportées en lien avec la dimension physique. Enfin, la dimension culturelle, pouvait concerner l’activité et plus particulièrement les connaissances liées à l’activité que rencontrait l’élève.

Ces trois dimensions permettaient de comprendre la provenance des informations validées ou non dans la construction de connaissances. La dimension sociale devenait particulièrement pertinente dès lors que nous nous intéressions aux formes de groupement en éducation physique et sportive et aux partages des connaissances en leur sein. L’étude de Evin, Sève et Saury (2017) permettait de conclure cette revue de littérature en reliant plusieurs thématiques associées aux travaux de groupes et notamment l’impact des formes de groupement (homogène ou hétérogène) au sein d’un groupe coopératif sur les connaissances construites par chacun. Cette étude a montré « l’importance des formes de groupement et notamment de la place à accorder à la stabilité des groupes et à leur caractère affinitaire au cours d’un cycle d’enseignement ».

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Table des matières

1. Introduction
2. Revue de littérature : les groupements en EPS, un moyen de partager et construire des connaissances ?
2.1. La gestion des groupes en EPS
2.2. Le groupe coopératif
2.3. L’effet de l’hétérogénéité dans les groupes sur l’apprentissage
2.4. Le partage et la construction de connaissances
2.5. Orientation du travail de recherche
3. Cadre d’analyse
4. Méthode
4.1. Participants
4.1.1. Étape de contractualisation et familiarisation avec la classe
4.1.2. Choix des élèves volontaires et caractéristiques
4.2. Recueil des données
4.2.1. Enregistrement des communications en situation
4.2.2. Entretiens d’autoconfrontation
4.3. Procédure d’analyse
4.3.1. Transcription et construction des protocoles à 2 volets
4.3.2. Identification des connaissances de chaque étudiant
4.3.3. Catégorisation des connaissances
4.3.4. Spécification des catégories de connaissances
4.3.5. Harmonisation des connaissances entres les étudiants et entre les équipes
5. Résultats
5.1. Analyse quantitative des connaissances mobilisées par les étudiants experts/novices
5.2. Equipe 1 (Alice et Louis)
5.2.1. Analyse de la construction de connaissances
5.2.2. Analyse du partage de connaissances
5.2.3. Analyse de la relation entre la construction et le partage de connaissances
5.3. Equipe 2 (Manon et Sylvain)
5.3.1. Analyse de la construction de connaissances
5.3.2. Analyse du partage de connaissances
5.3.3. Analyse de la relation entre la construction et le partage de connaissances
5.4. Comparaison de l’équipe 1 et l’équipe 2
5.4.1. Comparaison de la construction de connaissances selon l’équipe
5.4.2. Comparaison du partage de connaissances selon l’équipe
5.4.3. Comparaison de la relation entre la construction et le partage de connaissances selon l’équipe
6. Discussions
6.1. Les tendances générales à l’issue de cette recherche
6.1.1. L’apport de connaissances précises de l’expert à un instantt
6.1.2. Une meilleure qualité de connaissances partagées par l’expert
6.1.3. La co-construction des connaissances dans le groupe de novices
6.1.4. La mobilisation d’un grand nombre de connaissances, résultat d’une absence de structuration des connaissances
6.2. Pistes d’interventions
6.3. Limites et perspectives
7. Conclusion
8. Annexes

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