Les grands travaux de constructions de la fin du XVIIe siècle a la fin du XVIIIe siècle

L’une des premières chartreuses féminine de l’ordre

Plusieurs monastères cartusiens d’hommes furent fondés au XIIe siècle, mais le premier couvent de femmes de l’ordre des chartreux a été Prébayon. Vers 1150 ce monastère situé dans le sud de la France demanda son affiliation à l’ordre et les moniales adoptèrent les coutumes de l’ordre. La première fondation véritable d’un monastère de cartusiennes a été celle de Bertaud, dans le diocèse de Gap en 1188 . Prémol, ayant été fondé en 1234, le monastère peut être considéré comme la troisième fondation de moniales chartreuses. Ce XIIIe siècle a d’ailleurs été le théâtre d’une vague de fondations de monastères de moniales, pas moins de douze monastères furent établis : Poleteins en 1250, Parménie en 1252, La Celle Roubaud en 1260…
La fondation de Prémol s’est donc réalisée au cœur de cette vague d’établissements de monastères cartusiens, une fondation que l’on pourrait juger « classique », le monastère étant installé dans un « désert » végétal.
Au même moment l’ordre accompagna cette arrivée massive de moniales dans l’ordre par des contributions législatives, tentant de contrôler le développement de la branche féminine de l’ordre. Les deux tiers des ces fondations ne furent cependant pas durables et dès le 17e, le nombre de chartreuses de moniales fut limité à cinq . Avant la Révolution, il restait en effet cinq couvents de moniales chartreuses : Prémol (1234), Mélan (1292), Salettes (1299), Gosnay (1329) et Bruges (1348). La chartreuse de Prémol s’est donc maintenue à travers les siècles jusqu’à la Révolution Française et ses effets collatéraux. Nous analyserons l’histoire évènementielle de Prémol à travers trois espaces chronologiques : la fondation, la constitution du domaine et les guerres de religion.

La fondation de la chartreuse de Prémol

Une fondation cartusienne ?

Les actes de fondation sont en effet conservés dans les premières entrées de la côte 17 H des Archives Départementales. Ils ont été repris dans les Annales de Dom Le Coulteux . Voici un extrait de l’acte en latin des Annales : « In nomine Domini nostri Jesu Christi. Anno Incarnationis ejusdem M CCXXXIIII, VIdus Septembris, Gregorio nono Papa et Friderico Romano Imperatore existentibus. Cum domina Beatrix Vennensis et Albonensis comitissa vellet et proposuisset construere monasterium Sancti monialium degentium sub regula sancti Ordinis Cartusiensis » . Il est aisément plus compréhensible de lire l’acte en latin moderne que sur le parchemin originel. Un bémol se glisse cependant à la clé, car il semblerait qu’il ne s’agisse pas de la copie conforme de l’acte de fondation de 1234. Tout d’abord par la sémantique utilisée par l’auteur, qui semble différer des textes de l’époque médiévale.
Ensuite, dans les citations extraites de l’acte, il y a un problème chronologique. Béatrix de Montferrat demanda les terres aux chanoines et aux Alleman le 5 des Ides de Septembre 1234. Un deuxième extrait du texte nous apprend pourtant que la princesse a fait don des terres de Prémol pour un couvent de femmes le 3 des Calendes de Février : « Anno ab Incarnatione ejusdem MCCXXXIV, tertio Calund. Februarii » . Comment aurait pu-elle faire don des terres en Février 1234 puisqu’elle ne les reçut qu’en septembre de la même année ?
Un autre fait accentuant la présomption du doute est la mention Ordinis Cartusiensis . Il semblerait plutôt qu’il n’y ait pas eu mention des chartreux dans l’acte de fondation, mais simplement l’expression d’instituer un monastère de religieuses. Sans avoir l’acte sous les yeux, deux choses nous permettent d’établir cette hypothèse. Valbonnais, du fait de l’absence d’une affiliation à un ordre dans l’acte de fondation, a exprimé la possibilité que le monastère ne fût pas gouverné par les chartreux à son début.
S’appuyant pour corroborer ses dires sur le testament de Guigues VII, fils de Béatrix de Montferrat, dont le corps reposait et repose à priori encore sous les ruines de l’église de Prémol, en compagnie de sa mère. Il légua au couvent de Prémol, pour y tenir trois prêtres outre ceux qui s’y trouvaient attachés, 25 livres de rente annuelle , imposées sur les revenus de sa terre de Vizille, sous la clause qu’il maintenait cette rente lors même que les religieuses n’auraient pas ces trois prêtres de plus…
C’est cette mention de trois prêtres, exprimé en latin par le mot « nuntius », qui fit dire à M.Valbonnais que les moniales avaient des prêtres particuliers pour le spirituel et des convers pour les questions temporelles de la maison, sans être sous la direction des Chartreux. Une idée réfutée par M. Pilot qui y voit dans la traduction de trois prêtres, trois moines qui seraient prêtres. Son interprétation est tout à fait juste puisque dans « l’état des biens et revenus » présenté à l’Assemblée du Générale du Clergé de France en 1730, on peut y lire la phrase suivante : « Ladite chartreuse de Prémol est composée de trois religieux prêtres… ». De plus M.Pilot cite un acte de 1239 sans doute ignoré de M.Valbonnais, explicitant l’attachement aux Chartreux : « Religiose domui sive monasterio monalium de Prato molli, ordinis Cartusiensis » . S’il y avait eu la mention « cartusia », Valbonnais n’aurait surement pas échafaudé des hypothèses sur la possibilité d’une fondation « neutre ». Et M. Pilot n’aurait pas réfuté ses dires en s’appuyant sur la donation de 1239, celle d’Odon Alleman pour ses terres de Vaulnaveys au lieu dit les Alberges.
Enfin, dernier argument en faveur de cette hypothèse, ce n’est qu’à la fin du XIIIe siècle que le régime des moniales commença à être uniformisé avec la prise en main de la direction par les hommes. La présence de trois prêtres dans les sources n’est pas gênante.
De cette embroglio latinistique, nous pouvons mettre en valeur des faits semblant avérés : un couvent de femme a été fondé en 1234 d’après des actes cons ultés par l’archiviste Pilot. Il semblerait qu’il soit l’acte le plus ancien. Il est fort probable que le couvent soit cartusien dès cette date, malgré le fait que l’attachement à la règle de Saint Bruno ne soit mentionné qu’en 1239. Au final, les textes de Dom le Coulteux sont surement vrais dans l’idée, mais le texte publié dans les Annales n’est apparemment pas l’extrait fidèle de l’acte de naissance de Prémol.

La donation principale

Les terres données comprendraient « l’église de Prémol, avec tout ce qu’ils possédaient sur la montagne du même nom, depuis la sommité de la Roche-Ferrière, en suivant le lit du ruisseau des Mouilles et la descente des montagnes du côté du levant, du nord et du couchant, vers la susdite église ». On retrouve une description généralement similaire dans les autres études historiques de Prémol. Cette première donation fut rapidement suivie d’autres qui seront détaillées dans la deuxième partie de ce chapitre. La vocation cartusienne nécessitait calme et paix au sein d’un territoire permettant aussi aux chartreux de subvenir à leur besoins : le désert.
Ces terres auraient préalablement appartenu à l’abbaye bénédictine de Notre-Dame et Saint-Jean-Baptiste de Chalais avant de se retrouver par un tour de passe-passe dans les mains de la prévôté d’Oulx, ou plutôt de sa dépendance, le prieuré de Saint-Jean de Vaulnaveys . C’est cette version des faits que l’on retrouve dans l’ensemble des ouvrages et notices sur la chartreuse de Prémol. Eugène Pilot de Thorey s’est pour cela appuyé sur deux bulles des papes Alexandre III et Lucre III, datées, la première de Latran, le 28 Mars 1179, et la seconde de Veletri, le 12 mai 1182, qui « confirmèrent à l’abbé et aux religieux de Chalais, entre autres possessions, celle de l’église de Prémol, ecclesia Pratimollis. »

Le premier monastère de Prémol

Dans son analyse du texte de la fondation de Prémol, Dom Le Coulteux affirmait que les moniales commencèrent à habiter le lieu en « en adaptant un certain nombre de vieux édifices » . On peut donc supposer que les anciens propriétaires du lieu, les chanoines de Vaulnaveys y avaient aménagé quelques constructions. Peut-être même un bâtiment à fonction religieuse comme une chapelle. La montagne de Prémol étant un lieu de passage pour les pâturages ; il est aussi possible que des granges ou des haberts y étaient implantés pour la gestion de l’activité pastorale. En tout cas il est sûr que les lieux ont été aménagés et des bâtiments construits afin de recevoir les moniales. Cependant déterminer comment était configuré le monastère du XIIIe siècle se révèle bien plus ardu.
Prémol était en effet la deuxième fondation de moniales cartusiennes. Bien que les chartreux en aient accepté la cura, les monastères de moniales restaient relativement autonomes ; de plus le régime des différents monastères ne fut sans doute pas uniforme durant l’époque des premières fondations . Ce qui complique évidemment notre tâche pour analyser et décrypter la situation de Prémol dans l’ordre cartusien à l’époque Médiévale.
Ce n’est qu’en 1260, dans un souci de hiérarchiser l’accroissement de la branche féminine Cartusienne que le chapitre général décida de donner les rênes des couvents féminins à un prieur masculin , reléguant ainsi la prieure à un rôle plus simple. Une décision extrêmement mal accueillie par les moniales de l’ordre ; notamment à Prébayon,amenant le chapitre Général a statuer de nouveau en 1280 et 1297 sur la répartition des charges entre les moines « chargés » du monastère et la prieure. La référence à l’histoire « générale » de l’ordre est indispensable dans l’étude du bâti de la Chartreuse de Prémol.
Car les dispositions prises par le chapitre général pour uniformiser le régime des chartreuses féminines influèrent directement sur l’architecture et l’aménagement du monastère : la mise en place de bâtiments pour les religieux (notamment d’un petit cloître) distincts de ceux des moniales ; église divisée en deux chœurs afin d’isoler les moniales des religieux (ainsi que le chapitre lui aussi divisé en deux parties)… A la fondation de la chartreuse de Prémol, les statuts des monastères de moniales n’étaient donc pas fixés. Il est néanmoins possible de répertorier des bâtiments indispensables à la vie cartusienne de la communauté.

L’église, point névralgique de la vocation religieuse

L’église est évidemment le premier bâtiment qui nous vient à l’esprit, puisqu’il est le bâtiment indispensable à toute cérémonie liturgique. Il est même possible qu’il y en ait eu une avant l’implantation de la chartreuse puisque c’étaient les chanoines du prieuré de Vaulnaveys, qui possédaient cette terre ; peut-être n’était-ce qu’une chapelle… Nous ne savons rien de l’architecture de cette église, cependant la tradition cartusienne impliquait la construction d’un vaisseau simple, sans transept ni bas-côtés ; on les retrouve ainsi dans les monastères féminins de Bertaud et Parménie. Une architecture simple et adéquate à la position géographique difficile des chartreuses. Il est aussi presque certain que l’église était orientée vers l’Est, en respect de la tradition ; les ruines de l’église actuelle de Prémol montrent qu’elle l’était au XVIIIe siècle. Le manuscrit de Dom Palémon Bastin sur Prémol, nous révèle l’existence de sépulture au sein de l’église . La description qui en est faite évoque à Anne Cayol Guerrin l’existence « non seulement un caveau mais aussi une véritable crypte pouvant accueillir les religieuses (et pas seulement le prêtre célébrant le service) » . Si cette crypte a existé, son aménagement a dû être réalisé assez rapidement après la fondation de Prémol, puisque Béatrix de Montferrat mourut en 1274 et que son fils Guigues VII choisit lui aussi d’être enterré au couvent (il meurt en 1270). Bien qu’interdites par les Coutumes de Guigues, les sépultures furent autorisées dès 1174 par le chapitre pour le fondateur de l’église à l’exclusion de leurs héritiers. Un siècle après (1276), le chapitre général autorisait une sépulture de séculier par maison en plus de celle des fondateurs. Il semblerait que Prémol ait pris les devants de cette décision étant donné que Béatrix et son fils moururent quelques années avant et qu’ils avaient exprimé dans leur testament leur souhait d’être enterrés dans ce couvent. La sépulture dans l’église n’a rien d’extraordinaire, d’après Alain Girard c’est une habitude prise pour les prélats et les fondateurs. Alix de Montaigu, bienfaitrice de Val-Profonde en Auxerrois, fut ainsi inhumé en 1335 dans l’église de la chartreuse.
L’église était certes le bâtiment central du couvent, du moins celui autour duquel s’articulait la vie religieuse. Le chartreux, ou la moniale en ce qui nous concerne devait s’y rendre de manière très régulière pour assister aux Offices. Concernant Prémol, la présence de la sépulture des fondateurs dans l’église nous incite à penser que l’église n’a peut-être jamais changé de place du XIIIe au XVIIIe siècle ! La présence de la tombe de la fondatrice, sans laquelle Prémol n’aurait jamais existé est un gage de stabilité pour le bâtiment. Ensuite, l’aménagement d’une hypothétique crypte renforcerait l’ancrage de l’église dans le sol. On voit en effet mal pourquoi les moniales auraient décidé de modifier la position de l’église s’il y avait eu une crypte aménagée. D’autant plus que les ruines au sol de l’église du XVIIIe siècle nous démontrent la pérennité du vaisseau unique dans son architecture ainsi que son orientation à l’Est. Cependant des éléments indépendants comme les incendies, les saccages du monastère ont pu évidemment troubler la disposition des lieux. Au final, seule une étude archéologique de la position actuelle des ruines de l’église (et notamment de l’autel, situé à l’Est) pourrait nous en dire plus…

La communauté monastique

Ce chapitre sur la communauté monastique pourrait apparaitre comme un écart au sujet du mémoire. Et pourtant il apparait en réalité indispensable de connaitre au mieux la manière de vivre des moniales ainsi que l’application de ce mode de vie au sein du couvent, afin de comprendre l’occupation du territoire bâti… D’autant plus que les principes de vie des cartusiennes ont été fixés au fil des siècles, sur un temps long et progressif. L’évolution des coutumes de vie a donc parfois modifié l’organisation architecturale de la maison, on peut par exemple penser à l’instauration du mur de l’enclos.
La vie des moniales sera donc étudiée au sein d’une première sous-partie. Au sein de l’ordre des Chartreux, les communautés de moniales étaient cependant encadrées par des hommes, des moines chartreux occupant des postes de direction, liturgiques et temporels.
Un paradoxe s’inscrit donc ici, si les hommes occupaient des sièges de direction, ils devaient s’occuper des travaux touchant aux bâti, quelle était donc la place des femmes dans d’aménagement du lieu ? Enfin, dans une troisième sous-partie, nous aborderons la question des dépenses du bâti par rapport aux autres postes de dépense. Une manière de finaliser le portait de cette chartreuse de Prémol avant d’attaquer de manière précise la question du bâti à l’époque Moderne.

Mode de vie de la chartreuse de Prémol

Evolution des coutumes au fil des siècles

Fixer un modèle de vie pour les cartusiennes de Prémol n’est pas une évidence, car il y a bien sûr eu des évolutions mineures du XIIIe au XVIIIe siècle. C’est à partir du XIIe siècle, avec l’affiliation de Prébayon que l’ordre cartusien accepta de se charger de la cura des moniales. Jean d’Espagne, chartreux de Montrieux contribua à l’adoption des coutumes cartusiennes par les moniales, vraisemblablement au cours du deuxième Chapitre général de 1155 . Les origines des moniales cartusiennes ont été étudiées à plusieurs reprises depuis 1986 et le VIe Colloques d’Histoire et de Spiritualité Cartusiennes , nous ne nous y attarderons donc point précisément. Il faut cependant citer les travaux récents de Dom Augustin Devaux sur les origines des moniales, qui après une minutieuse enquête sur les sources les plus anciennes et les textes qui en découlèrent, l’amènent à réfuter l’existence d’une règle législative adaptée aux moniales par Jean d’Espagne. En 1259 les Coutumes de l’Ordre ont été codifiées au sein des Antiqua Statuta, seul 10 paragraphes concernaient les moniales. Les Nova Statuta de 1368 comprenaient elles aussi quelques succincts renseignements sur les moniales. Leurs principes de vie ont ainsi été renforcés progressivement au fils des diverses constitutions et décisions du Chapitre Général. Une progression qui ne fut réellement structurée qu’au XVIIe siècle avec les Statuts des moniales chartreuses tirés des Statuts de l’Ordre et de quelques ordonnances des chapitres généraux, publié à Grenoble en 1690.
L’ensemble de cette progression a été analysé par Nathalie NABERT, au sein de l’article cœur de femmes . La démarche principale, dégagée dans ces siècles d’évolution est le renforcement de la solitude; qui est l’une des caractéristiques nécessaires de la vie cartusienne. En 1298, notamment, une bulle du pape Boniface VIII leur imposa la clôture, face aux abus constatés. Une directive qui nécessita de ce fait la construction d’un enclos; celui de Prémol est encore en partie debout sur sa partie Nord-Ouest comme on peut le constater sur la photo.
On constatera aussi que sur le plan réalisé à la révolution, l’espace de vie était réellement important dans l’enclos qui date du XVIe ou XVIIe siècle. En 1333, il n’était peut-être pas si grand, puisque des problèmes de place pour la réalisation concrète du spaciement sont posés et certaines interdictions sont même amendées…
Un point des coutumes cartusiennes qui restera d’actualité jusqu’en 1690 puisque Dom Le Masson légiférera lui aussi sur ce point dans ces Statuts…
Dom Innocent Le Masson, conscient de cette difficulté, trouva une solution à cet enfermement par une promenade supplémentaire au jardin, mais solitaire : « Comme nos religieuses n’ont point de jardins commodes pour s’y promener et travailler, et qu’elles n’ont point de spaciement hors de la Maison, nous leurs accordons ce qui suit pour le service de récréation et d’exercices. Les jours de deux récréations qu’on dîne à dix heures, si quelqu’une a besoin de prendre l’air au temps qui est destiné pour le travail manuel avant le dîner, elle pourra s’en aller promener au jardin commun ; mais en en se promenant seule et en gardant le silence. »

Trois vocations et trois principes

Comme chez les moines, les religieuses étaient divisées en trois groupes différenciés par la nature de leur vocation religieuse : les moniales, les convers et les données. Divers étapes rythmaient l’incorporation d’une nouvelle moniale : une année de postulat, une autre de noviciat, suivi de trois années de profession de vœux simples avant la prononciation des vœux solennels. Plusieurs années après, la consécration virginale était accordée… Avant l’incendie de 1707 la future moniale devait ramener une dot avec elle, d’une somme inférieure à 3500 livres semble t-il puisqu’en 1716 le prieur de Saint Hugon en Visite à Prémol relayait la demande du couvent jusqu’au Saint Siege afin qu’on acceptât que des prétendantes amenant « une liberalité par forme de dot de trois mille cinq cent livres » . Le document explique préalablement que l’incendie de 1707 a ruiné la maison et que les revenus de la maison ne peuvent suffire à tout payer. On en conclut donc que la dot demandée était encore moins élevée avant cette date… Bien que l’entrée à Prémol fût certes sélective, ce n’était pas un couvent riche. En comparaison à la chartreuse de Gosnay en 1659, une lettre fait état d’un refus de prétendante car sa dot n’était que de 3000 livres.
On distinguait les sœurs professes des sœurs consacrées. Les moniales portaient une robe de laine blanche, recouverte d’une cuculle (ou scapulaire) à bandes latérales symbolisant leur dépendance envers leurs supérieurs . Il n’y avait pas de capuchon, qui était remplacé par une guimpe pour le cou, un bandeau et un voile. Ce dernier étant blanc pour les professes et noir pour les vierges consacrées. Les converses et données étaient chargées des tâches matérielles tout en participant à la vie religieuse de la Communauté (elles n’assistaient cependant pas à tous les offices). La donation durait cinq années, suivie du noviciat de converse pendant encore une année avant la profession des vœux.
Un trait particulier des moniales cartusiennes était la consécration diaconnissale que l’on pensait héritée de l’Eglise primitive et conservée par Prébayon après l’affiliation aux chartreux. Dom Augustin Devaux nous a montré que cette origine n’était qu’une légende, le rituel provenant des Chartreuses de Gosnay et de Bruges et qui est « un honneur précieux, mais tardif, et qui n’a jamais été connoté de fonctions actives » 1735-1739 : quatre années d’aménagements intensifs de l’extérieur du couvent (phase C1).
Les vingt années écoulées depuis la reconstruction de monastère n’ont à priori pas été le théâtre d’importants bouleversements dans l’organisation des bâtiments de la chartreuse de Prémol. Une phase d’entretien ordinaire des bâtiments couplée à quelques investissements pour les fameuses toitures d’ardoises, fort coûteuses. Les cinq années s’écoulant entre 1735 et 1739 ont tout au contraire modifié la physionomie du couvent. Ces changements semblent cependant pour la plupart avoir concerné la « basse-cour » du monastère, l’espace et les obédiences compris dans la seconde enceinte. L’espace chronologique est assez bien délimité et ne nécessite pas d’après nous, la confection d’un graphique, comme pour la phase A 1. Les années 1735 et 1736 furent consacrées à la construction d’une écurie, très probablement celle située à l’extrémité Est du plan de la Révolution. Les trois années suivantes ont été le cadre de quantités d’aménagements, les plus significatifs étant la mise en place de canaux au sein du monastère, le remplacement d’enclos, la construction d’un nouveau portail, d’un four à briques et d’une laiterie.
En 1735, plus de 1477 livres ont été dépensées pour « la construction du nouveau batiment » , l’on dénombrait dans les comptes de cette année 661 journées d’ouvriers, métiers confondus. 448 livres ont été dépensées pour l’achat et le transport d’ardoises « façon de chartreuse », et des pierres de tailles furent utilisés pour les murs (de Berlant et de Beauregard). La description du compte nous indique un bâtiment bien construit, l’utilisation de matériaux de qualité mais aussi la participation d’artisans de divers lieux, payés à des prix différents, l’utilisation d’ardoises fort coûteuses et de pierres de tailles. L’année d’après, 872 livres furent dépensées pour la « continuation du nouveau batiment » . C’est seulement au sein de ce paragraphe comptable que la nature de la construction nous est dévoilée : une écurie. Les détails des achats mentionnaient de manière plus précise leur provenance et leur utilisation. De la « pierre dure de grenoble » a été utilisée spécialement pour la confection des piliers, lesdits piliers étant eux-mêmes assis sur une « muraille ». Pour le reste des murs, de la pierre a été tirée d’une autre carrière, celle de « Bertant » ou « Berlan ». On peut supposer que celle de Grenoble était de meilleure qualité que l’autre, au vu de l’utilisation spécifique qui en a été faite. Mais elle était aussi plus chère, et il fallut payer 53 journées de bœufs pour transporter les pierres des piliers jusqu’à Prémol. L’écurie était voûtée sur au moins 50 toises carré , les murailles intérieures et extérieures étaient crépies. Un soin particulier a été pris dans le choix des matériaux pour les diverses parties de l’écurie, et l’ensemble laisse l’impression d’une construction robuste. Il semblerait que cela fut en partie vrai puisque, c’est aujourd’hui le seul bâtiment habitable du site de Prémol . Il fut choisi comme logement par les premiers gardes forestiers après 1793, avec la porterie également.
Les travaux effectués les trois années suivantes nous montrent l’intérêt que portaient les chartreux à l’aménagement pratique de leur lieu de vie. On peut distinguer trois types d’aménagements. En premier lieu, l’hydraulique. L’eau est en effet un élément indispensable dans la vie d’un groupement d’hommes, c’est la commodité d’accès qui diffère souvent. Il semblerait qu’à Prémol, en 1737, les moines commencèrent à contrôler l’eau qui ruisselait dans la bassecour en y construisant un canal. L’année d’après, le canal semble terminé et la cour de Séchilienne praticable, il semblerait même qu’il y eut un grand bassin de bois « ou coule une fontaine pavée tout autour un assez long pont ».Cette même année, d’autres canaux furent réparés dans divers endroits du monastère et notamment dans « la maison interieure des V.bles religieuses »

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Table des matières
PARTIE 1 – UNE CHARTREUSE EN BELLEDONNE 
CHAPITRE 1 – L’UNE DES PREMIERES CHARTREUSES FEMININE DE L’ORDRE
1. La fondation de la chartreuse de Prémol
2. La constitution du domaine
3. Les guerres de religion : syndrome d’un cache-trouble.
CHAPITRE 2 – LES PREMIERS BATIMENTS : DE LA FONDATION A LA FIN DES GUERRES DE RELIGIONS
1. Le premier monastère de Prémol
2. Maison basse et obédience
3. Le couvent à la fin des troubles religieux.
CHAPITRE 3 – LA COMMUNAUTE MONASTIQUE
1. Mode de vie de la chartreuse de Prémol.
2. La direction du monastère à travers les comptes
3. Le monastère à la fin des troubles religieux.
PARTIE 2 – UNE FRENESIE D’AMENAGEMENTS. 
CHAPITRE 4 – LES GRANDS TRAVAUX DE CONSTRUCTIONS DE LA FIN DU XVIIE SIECLE A LA FIN DU XVIIIE SIECLE
1. Les grandes phases de constructions
2. Les raisons du choix ou le choix de la raison
CHAPITRE 5 – LES PHASES D’ENTRETIENS DE LA CHARTREUSE
1. 1715-1735 : une première phase (B2) paisible dans les réparations
2. 1758-1778 : les proportions grandissantes des réparations.
CHAPITRE 6 – LE NERF DE LA PIERRE. 
1. Les recettes extraordinaires extérieures aux actions de la chartreuse
2. Les recettes extraordinaires de l’apothicairerie
PARTIE 3 – UN PALAIS EN MONTAGNE ? 
CHAPITRE 7 – LA COMPOSITION VISUELLE DU MONASTERE
1. La carte de la Grande Chartreuse : de l’utile à l’idéal
2. Quelques éléments d’analyses fiables
3. L’intérieur de la chartreuse pièce par pièce
CHAPITRE 8 – LES MATERIAUX
1. Les ardoises
2. Les matériaux courants
CHAPITRE 9 – LES ARTISANS ET LA CHARTREUSE
1. Le paiement d’un savoir-faire
2. Les artisans du bâti au cas par cas

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