La période révolutionnaire présente des idées très modernes, peut-être trop car les esprits ne sont pas préparés à une transformation aussi rapide. Bruno Poucet met en évidence ce brusque changement d’état :
Le nouveau régime hésite entre deux postures : le monopole étatique (c’est la Constitution de 1791), la liberté totale (rapport du philosophe Condorcet et Constitution de 1791 dite de l’an III). C’est le temps du libre enseignement dans un cadre déchristianisé où le catéchisme républicain tend à remplacer le catéchisme des Églises : l’enseignant reçoit une mission éducative, de défense de la République, de lutte contre l’obscurantisme, en concurrence avec la conception éducative des Églises. Le choc était inévitable et les parents d’élèves, comme le souligne Lakanal, adhèrent difficilement aux nouvelles orientations67.
La Révolution bouleverse les structures éducatives à Fécamp. Les Annonciades disparaissent et les sœurs de la Providence ferment leurs écoles après avoir refusé de prêter serment à la Constitution. Les petites écoles tenues par des laïcs continuent leur travail. La municipalité tente d’établir des écoles communales.
En plus des petites écoles, assurant l’instruction jusqu’à treize ans, des grandes écoles existent déjà avant la Révolution, dirigées par des religieux. Charles Nicolas Le Vicq, prêtre demeurant sur la paroisse Saint-Fromond déclare à la municipalité le 11 mars 1790 :
Je suis possesseur titulaire des dites grandes écoles à la nomination de Monseigneur l’Abbé de Fécamp. Cette école consiste en une cour, jardin et plusieurs bâtiments connus que messieurs les Bénédictins ont toujours réparés, en outre ils ont toujours fait une pension annuelle de 120 livres au dit titulaire de Fécamp68.
Les petites écoles continuent d’être tenues par des particuliers et par les sœurs de la Providence pour les filles jusqu’en 1791, date à laquelle les sœurs de la Providence partent. La citoyenne Maze remplace en octobre 1791 la sœur Chappron dans l’école de la paroisse Saint-Étienne71. Elle y enseigne encore au 14 germinal an XI72 alors qu’elle réclame son dû au Conseil Général « pour avoir enseigné dans les petites écoles73 ». En effet elle avait enseigné gratuitement à une centaine d’enfants dans le quartier Saint-Étienne ayant « présumé qu’elle recevrait un traitement de la Nation74 ».
Pour les garçons, ce sont des maîtres particuliers qui enseignent ainsi que des ecclésiastiques pour le latin aux frais des parents. Aucune indication n’est précisée dans le rapport de la mairie au district quant à l’éducation des garçons pauvres75.
La municipalité accrédite plusieurs maîtres dans Fécamp sans une réelle surveillance. Elle décide donc de faire passer un examen simple en l’an II de la République pour vérifier la compétence des instituteurs communaux. Ils évaluent en même temps le patriotisme et l’attachement à la République des candidats. L’un d’eux, le citoyen Bellan, tient un pensionnat et une école avec sa femme. Il était secondé par M. Barbaray, que l’on retrouvera l’année suivante parmi les maîtres choisis par la commune, « bon maître à lire et à écrire mais ce citoyen Barbaray en est parti76 et demande lui-même à être instituteur ». Or ce citoyen Bellan, qui tient son école avec sa femme depuis le départ de M. Barbaray « ne lit que très mal et écrit encore plus mal […] sa femme lit un peu mieux mais elle écrit encore plus mal que son mary77 ». La municipalité estime avoir « été trompé[e] » et demande le remplacement du citoyen Bellan par le citoyen Barbaray ainsi que la nomination supplémentaire des citoyens Lemonnier et Lecoq pour assurer l’instruction à Fécamp. Le 13 thermidor an 3 de la République78, le district de Brutus-Villiers79, dont dépend Fécamp, autorise les citoyens Louis Lemonnier, Louis Blot, Louis Barbaray et la citoyenne Catherine-Suzanne-Marie Maze à exercer la fonction d’instituteurs après avoir passé un examen. La municipalité de Fécamp aurait dû, par rapport à sa population, faire nommer plus de quatre maîtres mais le district estime le nombre suffisant « attendu le supplément des écoles libres80 ».
Le conseil municipal de Fécamp installe en 1796 quatre instituteurs communaux dans les presbytères des paroisses, les maîtres des autres écoles exercent alors dans des maisons particulières. Une seule maîtresse est installée à la place des sœurs de la Providence dans la paroisse de la Trinité.
L’enseignement à domicile
L’enseignement à domicile par la mère
La première instruction dans les familles aisées est souvent donnée par la mère elle-même. Elle apprend à lire et à écrire à ses enfants qui iront perfectionner leurs savoirs dans des collèges ou pensions au début de l’adolescence. Des membres proches de l’entourage familial, volontaires pour les membres de la famille et amis, ou rémunérés pour les professeurs à domicile, peuvent alors contribuer à l’instruction des enfants. De nombreuses biographies de grands personnages de cette époque témoignent de cette pratique. Ainsi Victor Hugo96 entrera à la pension Cordier après le divorce de ses parents mais il reçoit les bases de son éducation à son domicile. Sa mère est alors aidée par un vieux prêtre. À l’époque où le jeune Victor vivait dans l’ancien couvent des Feuillantines, dans le quartier du Val-de-Grâce97, son parrain et amant de sa mère « dans lequel sans doute à tort, certains ont voulu voir le véritable père de Victor Hugo », le général Victor Fanneau de la Horie vit dans l’ancienne chapelle au fond du jardin familial. En disgrâce avec Napoléon, il a du temps libre, il « trompe ses angoisses dans les bras de madame Hugo et va jusqu’à servir de précepteur à ses trois fils car ce sabreur est aussi un intellectuel de bon niveau98 ». Pour Gustave Flaubert, c’est la bonne qui participe à sa formation littéraire. Enfant, il restera au lit pendant un an à cause d’une maladie et c’est Julie, la bonne, qui l’ « initie au merveilleux des contes99 » pour lui faire passer le temps.
Des professeurs, spécialisés dans certaines matières, apportent leurs compétences à domicile. Les élèves peuvent aussi aller au domicile de leur enseignant. Des religieux interviennent régulièrement, surtout pour le latin et l’histoire sainte. Ce sera le cas de Guy de Maupassant et de Jean Lorrain.
L’enseignement à domicile avec un précepteur
Le précepteur, sous l’Ancien Régime, était souvent un homme d’Église. En 1830 on retrouve la figure de ce maître à domicile dans la littérature avec le personnage de Julien Sorel100, précepteur des enfants de M. de Rênal, maire de la ville. Ce dernier souhaite avant tout un prestige social, un signe extérieur de sa réussite au même titre que son concurrent direct, M. Valenod « a deux beaux Normands pour sa calèche, mais il n’a pas de précepteur pour ses enfants. »
J’aime assez qu’ils voient passer les enfants de M. de Rênal allant à la promenade sous la conduite de leur précepteur. Cela imposera. […] C’est cent écus qu’il pourra m’en coûter mais ceci doit être classé comme une dépense nécessaire pour soutenir notre rang101.
Le précepteur habite dans la maison des ses employeurs, comme les domestiques, et peut partager la chambre des enfants, comme c’est le cas dans Le rouge et le noir, où Julien Sorel s’occupe des enfants tant pour l’instruction que pour la promenade et la vie quotidienne.
Certains enfants partent très tôt en tant que pensionnaire. Honoré de Balzac, né à Tours en 1799, est mis en nourrice dès sa naissance. Il revient dans sa famille trois ans après et est mis quelques mois sous l’autorité non pas d’un précepteur mais d’une sévère gouvernante avant d’être mis en pension.
L’éducation en internat
La pension ne signifie pas toujours un éloignement radical. Les élèves quittent souvent l’internat au moment des vacances. Certains sont placés là non à cause d’un éloignement géographique qui rendrait indispensable la pension mais par principe éducatif. Ceux-là peuvent rentrer chez eux plus souvent, tel Édouard Manet102, placé très près de chez lui, au collège Rollin et qui « rentre le jeudi et le dimanche à la maison103 ».
L’internat est souvent choisi vers l’âge de dix à douze ans. Les professeurs proposent une offre pédagogique plus étoffée que la mère et l’internat en lui-même, avec sa vie en collectivité, enrichit la formation de l’enfant. C’est aussi pour les filles, dans le cas des pensionnats religieux, un passage important afin de préparer la première communion dans des conditions optimales et un gage de bonne éducation.
Hector Malot, auteur de Sans famille avec son héros orphelin Rémi, est né le 20 mai 1830 à La Bouille, près de Rouen. Il est issu d’une famille de notables. « Son père est notaire et maire du village. Hector Malot est pensionnaire à Rouen dès l’âge de neuf ans puis élève au Collège Royal104 », fréquenté par Flaubert et Maupassant. C’est le parcours classique des garçons des familles aisées.
Gustave Flaubert, né en 1821 dans le hameau de Croisset105 près de Rouen, suit ce cursus. Son père est chirurgien à l’Hôtel-Dieu de Rouen. C’est sa mère qui commence son instruction, « comme il était courant dans les familles bourgeoises106 ». Son biographe Michel Winock estime que son éducation est peu empreinte de religion, « dans une ville où la bourgeoisie tournait souvent à l’anticléricalisme, surtout sous la Restauration107 », même si le petit Gustave est baptisé, « on n’y échappait pas », mais sa mère se déclarera athée après le décès de son père. À dix ans il entre au collège royal108 de Rouen où ses bonnes places dans les palmarès le désignent comme un très bon élève. Externe, puis interne un an plus tard jusqu’en terminale, année où il sera exclu, ce qui ne l’empêchera pas d’obtenir son baccalauréat ès-lettres, Gustave Flaubert garde de mauvais souvenirs de ces années d’enfermement, « les années de collège furent misérables ; il ne put jamais s’y habituer ayant horreur de la discipline109 ». Michel Winock rappelle que seulement deux pour cent de la population a accès aux études dans un lycée, ou collège royal, alors que le coût de sept cents francs de la pension dépasse le salaire annuel d’un instituteur débutant. Il décrit les conditions de vie dans ces internats comme étant des plus difficiles :
Le régime d’internat est sévère. Les lieux sont mal chauffés, l’hygiène laisse à désirer, la discipline est rigoureuse, le confort rudimentaire. On prend ses dictées sur ses genoux, le corps plié en deux, en tenant son cahier et son encrier d’une main, et sa plume de l’autre. Les insurrections ne sont pas rares110.
Honoré de Balzac part très tôt en pension. Il souffre du manque d’amour et de la distance que sa mère impose à leur relation. Son père est un riche propriétaire, adjoint au maire de Tours et administrateur de l’hospice général de la ville.
Dès le printemps 1804, Honoré, qui n’a pas encore cinq ans, est placé en tant qu’externe à la pension Leguay de Tours où il demeure trois ans tandis que ses sœurs subissent le même sort à la pension Vauquer […] Au terme de ce véritablepurgatoire » il intègre non pas le paradis mais l’enfer, en l’occurrence le collège de Vendôme où ses parents l’expédient le 22 juin 1807. Pourquoi Vendôme alors que Tours possède un établissement réputé ? Sans doute pour s’en débarrasser,
madame de Balzac ne voulant pas dans ses jupes cet enfant que pendant des années elle ne prendra pas la peine de visiter, ou seulement deux fois en sept ans111.
L’éducation des filles pauvres par les sœurs de la Providence
Avant la Révolution ce sont les sœurs de la Providence qui instruisent les filles pauvres. Pendant la période révolutionnaire elles quittent Fécamp et laissent la place une dizaine d’années à des citoyennes comme mademoiselle Maze177 avant de reprendre le contrôle complet de l’instruction des filles pauvres.
Les sœurs de la Providence sont présentes depuis la fin du XVIIe siècle à Fécamp et vivent en communauté dans les deux, puis trois lieux d’implantation de leur congrégation.
Elles enseignent dans toute la région et dirigent, par exemple, les deux écoles de filles d’Étretat, l’école communale et l’école libre. L’inspecteur, en 1883, suggère un changement de congrégation pour l’école communale d’Étretat car, le jour de son inspection, il trouve la AMF Écoles libres 1808-1958 1R11. Lettre du sous-préfet du 1er mai 1823 sœur de l’école libre enseignant le soir dans l’école communale publique. Il pense, après enquête dans la région, qu’elle « vient pour choisir les meilleures élèves et les entraîne avec elle dans l’école libre » or il ne souhaite pas que l’école communale devienne « la pépinière de l’école libre » et suggère que « chacun reste chez soi178 ».
Dans les campagnes proches de Fécamp, ce sont surtout des religieuses de la congrégation du Sacré-Cœur-de-Jésus de Saint-Aubin179, souvent seules dans le village, installées plus tardivement dans les années 1850 : C’est le cas pour les villages de Saint-Léonard (depuis 1854), Yport (1849 avec deux sœurs), Vattetot-sur-Mer (1840), Froberville (1849), Épreville (1851), Tourville (1850). Aux Loges ce sont deux sœurs de la communauté d’Ernemont de Rouen depuis 1841180.
Malgré la Révolution l’héritage de l’Ancien Régime est très présent. Jean-François Condette estime que le rôle majeur de l’école tenue par l’Église « est certes d’alphabétiser les petits Français, mais aussi et surtout de former de bons chrétiens, poursuivant la politique de reconquête catholique initiée par la Contre-Réforme181 ». La présence des enseignants religieux est de plus en plus forte au cours du XIXe siècle.
En ce début de XIXe siècle seule une congrégation est implantée à Fécamp : les sœurs de la Providence, en place depuis plus d’un siècle en dépit d’une absence d’environ quatorze ans entre 1792 et 1806.
Seule congrégation enseignante déjà présente avant la Révolution, l’Institut des sœurs de la Providence perdure aujourd’hui encore sous la forme d’une petite communauté religieuse à Fécamp. Leurs écoles existent toujours mais avec des enseignants laïques.
Les pauvres parmi les pauvres : les orphelins.
Aucun orphelinat n’existe à Fécamp au début du XIXe siècle. Les orphelins sont pris en charge par leur famille, sans aucune aide financière particulière, ils sont alors considérés comme un enfant de plus à charge. Les orphelins qui ne peuvent être recueillis dans une famille proche sont envoyés à l’hospice départemental à Rouen ou au Havre. Trois hospices dépositaires sont créés en Seine-Inférieure après le décret de 1811 à Rouen, au Havre et à Dieppe277.
Sous la Convention Nationale, le décret du 8 juillet 1793278 (loi du 28 juin 1793) prévoit la prise en charge des enfants les plus pauvres : « La Nation se charge de l’éducation physique et morale des enfants connus sous le nom d’enfants abandonnés. Ces enfants seront désormais désignés sous la dénomination d’orphelins ». Cette loi offre des secours aux familles dont le revenu du travail ne peut suffire à élever des enfants. Quand l’enfant atteint dix ans, l’aide diminue puis s’arrête à ses douze ans, mais les frais d’apprentissage seront pris en charge par la nation pendant deux années. Les orphelins, pris en charge par l’hospice, sont placés chez des nourrices rémunérées qui les gardent jusqu’à leur entrée en apprentissage ou dans l’agriculture279.
Le décret du 19 janvier 1811280, sous Napoléon 1er, sépare les enfants confiés à la charité publique en trois catégories :
les enfants trouvés : ceux qui sont laissés dans les tours d’abandon des hospices ou dans les hospices mais sans qu’on connaisse le nom des parents.
les enfants abandonnés : ceux qui sont reconnus par leurs parents mais ces derniers ne donnent plus de nouvelles.
les orphelins pauvres : ceux dont les parents sont décédés et « n’ont aucun moyen de subsistance ».
Mathias Gardet et Fabienne Waks analysent la situation au XIXe siècle. Selon eux tous ces enfants seuls, parfois vagabonds ou ramassés par la police sous cette catégorie, sont perçus comme une menace pour la société, en particulier urbaine. Le choix politique consiste alors à envoyer les enfants abandonnés, souvent issus de l’exode rural, chez des nourrices en campagne « en réimplantant ces « petites fleurs des pavés » en plein champ, mère nature devenant source de rédemption281 ».
La situation économique et sociale au milieu du XIXe siècle
La situation économique et sociale à Fécamp est difficile avant le Second Empire. La population souffre des épidémies de choléra (1832), d’hivers particulièrement froids comme en 1837-1838 aggravant « la crise économique qui alors plonge les affaires et le pays dans le marasme285 ». Les familles manquent « de feu, de vêtements et de pain devenu très cher286 ».
L’industrie du coton occupe mille deux cents ouvriers en 1836. Dix filatures emploient cinq cents ouvriers. Sept moulins à blé, sept moulins à huile et deux moulins à tans fonctionnent. Parmi les autres industries on peut citer une sucrerie de betteraves dans le quartier Saint-Valéry, deux briqueteries, onze tanneries, quatre corderies, des entreprises de tonnellerie (qui emploient cent vingt ouvriers) entre autres exemples. En 1870, alors que la municipalité demande le passage de Fécamp en sous-préfecture, il est relevé deux cents établissements industriels287.
En 1847 la chambre de commerce émet un rapport sur l’économie du port. Elle constate qu’en un an le nombre de marins qui arrivent au port est supérieur à celui de la population fécampoise : dix mille deux cent quarante marins ont débarqué et consommé dans le port de Fécamp. C’est une source de revenus importante car le marin « se dédommage largement de toutes ses craintes et de ses misères passées en dépensant promptement l’argent gagné dans son voyage288 ».
Le port de Fécamp est un pôle économique essentiel pour la ville. Le quai Bérigny accueille les terre-neuviers qui assurent une richesse à la ville. BMF Photographie Gombert.
Le port prend son essor. Le bassin Bérigny inauguré en 1836 est déjà insuffisant en 1847. Les exportations et les importations augmentent. Les industriels attendent le train avec impatience :
Indépendamment de la pêche pour laquelle il s’y fait des armements importants, il [Fécamp] entretient un commerce considérable de bois avec la Suède, la Norvège et la Prusse, de charbon avec l’Angleterre, de chanvre et de fer avec la Russie, ville manufacturière voisine de grands centres d’industries, elle possède elle-même des filatures de coton et de lin fort importantes, de belles scieries mécaniques, de grands moulins à blé, des fonderies, des tanneries et autres établissements industriels mus par le feu et l’eau, elle est traversée par deux rivières et trouve dans son sein le moteur le plus sûr et le plus économique de l’industrie. Des chutes d’eau nombreuses n’attendent que la voie de fer pour être utilisées ; nul port voisin ne contient des terrains aussi vastes et à aussi bas prix que ceux qui entourent le nôtre289.
Les grandes étapes éducatives de la Restauration au second Empire
Avec la Restauration l’influence de l’Église, sous la pression des ultras, est importante. L’ordonnance du 29 février 1816, sous Louis XVIII, remet déjà le curé de la commune au cœur du système éducatif en lui donnant la présidence du comité d’instruction :
Article 2 : Seront membres nécessaires de ce comité : le curé cantonal, le juge de paix, le principal du collège, s’il y en a un dans le canton.
Article 3 : Les autres membres, au nombre de trois ou quatre au plus, seront choisis par le recteur de l’académie, d’après les indications du sous-préfet et des inspecteurs d’académie. Leur nomination sera approuvée par le préfet.
Article 4 : Les membres du comité prendront rang entre eux d’après l’ordre d’ancienneté de nomination ; ceux qui seraient nommés le même jour prendront rang d’après leur âge. Le curé cantonal présidera310.
L’ordonnance royale du 29 février 1816, sous la Restauration avec Louis XVIII, instaure le brevet de capacité obligatoire pour les maîtres sous la surveillance du recteur et met en place les comités cantonaux, présidés par le curé, pour surveiller toutes les écoles311.
Le changement important se fait sentir avec Charles X. Un tournant, en particulier pour l’éducation, est déjà pris sous Louis XVIII avec l’arrivée au pouvoir des ultras en 1820 après l’assassinat du duc de Berry. L’avènement de Charles X consolide leur politique.
Opposé au gallicanisme de la période précédente, avec la primauté à l’Église de France, l’ultramontanisme revient en force.
GRÉARD Octave, La législation de l’instruction primaire en France depuis 1789 jusqu’à nos jours, recueil des lois, décrets, ordonnances, arrêtés, règlements, décisions, avis, projets de lois, deuxième édition, tome 1 de 1789 à 1833, Paris, Éditeur Delalain, 1902, p. 240.
Le roi, par l’ordonnance royale du 10 février 1828, accorde aux congrégations religieuses la dispense du brevet de capacité en échange d’une lettre d’obédience signée par les autorités ecclésiastiques312. Tout candidat au brevet de capacité doit, selon l’article neuf, présenter un certificat de « bonnes vie et mœurs » ainsi qu’un « certificat d’instruction religieuse, délivré par un délégué de l’évêque ou, à son défaut, par le curé de la paroisse de l’aspirant ». Le pouvoir de l’Église sur l’enseignement est renforcé par cette ordonnance.
Sous Louis-Philippe, la loi du 28 juin 1833313 connue sous le nom de loi Guizot, impose une école par commune et l’obligation d’accepter gratuitement les enfants indigents. Elle introduit des inspecteurs relevant de l’État pour surveiller toutes les écoles. Le gouvernement consolide sa prise en main de l’éducation. Elle impose une École normale par département afin de fournir les instituteurs à toutes les communes de France. « En 1830, plus du tiers des communes [étaient] encore dépourvues d’école314 ». Un des points forts de la loi est de séparer désormais deux types d’écoles : les écoles publiques et les écoles libres. Les écoles publiques peuvent être tenues par des congrégations.
En 1850 « l’instruction primaire est, dans chaque département, spécialement placée sous la surveillance des préfets315 ». La loi dite Falloux du 15 mars 1850316 renforce le pouvoir de l’Église. Le conseil supérieur de l’Instruction publique est composé en premier du ministre immédiatement suivi de quatre évêques ou archevêques. La distinction officielle est établie entre « écoles publiques », entretenues par les municipalités et « écoles libres », entretenues par des fonds privés. L’instruction religieuse figure en tête de liste du programme obligatoire, avant la lecture et l’écriture.
Rémi Dalisson estime que « sous le Second Empire les effectifs du privé et du public congréganiste ont augmenté six fois plus vite que ceux du public laïque […] 70% des institutrices publiques sont congréganistes en 1863317 », ce qu’il explique entre autres par le faible salaire réclamé par les religieuses.
Avec l’exemple de Flaubert, il a été vu que sous la Restauration la bourgeoisie rouennaise « tournait souvent à l’anticléricalisme318 ». Jean Baubérot montre le retour de l’alliance entre la bourgeoisie et le clergé avec la Seconde République : La révolution de février 1848 semble sceller la réconciliation : le clergé bénit les arbres de la liberté ; les insurgés s’agenouillent devant le Saint-Sacrement. L’Ère nouvelle […] écrit : « L’Église doit respecter la République, la Nation doit respecter l’Église » […] Des bourgeois voltairiens considèrent maintenant le catholicisme comme un appui pour la propriété. Les petits notables perçoivent la religion comme la base d’une morale privilégiant l’esprit d’économie, la probité, le sens du travail319. […] L’enseignement congréganiste se développe, surtout celui de congrégations féminines.