Les tumeurs stromales digestives ou (gastro-intestinal stromal tumors : GIST) sont définies comme des tumeurs mésenchymateuses du tube digestif, présentant des caractéristiques histologiques évocatrices (prolifération de cellules le plus souvent fusiformes, parfois épithélioïdes, rarement pléiomorphes) et exprimant habituellement, mais non constamment, la protéine KIT, à un niveau suffisant pour permettre sa détection par une technique immunohistochimique [50]. Les GIST sont des tumeurs rares, elles représentent 1 à 3% des cancers gastro-intestinaux. Ce sont les tumeurs conjonctives les plus fréquentes du tractus digestif. Elles siègent le plus souvent dans l’estomac (60-70%), mais elles sont également rencontrées tout le long du tractus digestif [6]. L’incidence et la prévalence des GIST ont été longtemps sous-estimées. De récentes études de populations ont montré que l’incidence annuelle varie entre 10 et 20 cas par million d’habitants [104]. Elles ont fait l’objet de nombreuses controverses en termes d’histogenèse et de classification. Bien que leur description initiale date de 1983, les GIST ne sont réellement individualisées que depuis la découverte de l’expression fréquente du CD34 et de celle quasi constante de KIT. En pratique, ce n’est que récemment que les GIST sont diagnostiquées en routine, et distinguées des autres tumeurs mésenchymateuses digestives telles les léiomyomes, léiomyosarcomes ou schwannomes. La localisation des GIST à la musculeuse, tout le long du tractus digestif, et leur expression quasi-constante de KIT suggèrent fortement que ces tumeurs dérivent des cellules interstitielles de Cajal.
HISTORIQUE
Les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) représentent une découverte majeure ces dix dernières années dans le domaine des tumeurs mésenchymateuses. Auparavant la morphologie distinguait principalement deux catégories de tumeurs mésenchymateuses du tube digestif: les schwannomes et les tumeurs musculaires lisses (léiomyomes et léiomyosarcomes), en se basant sur leur ressemblance avec les gaines nerveuses et les cellules musculaires lisses. Les applications immuno-histochimiques et les données de la biologie moléculaire ont permis l’individualisation des tumeurs stromales, qui sont maintenant reconnues comme une entité distincte de première importance parmi les tumeurs mésenchymateuses bénignes et malignes du tractus gastro-intestinal. Une description chronologique de l’évolution des concepts de la classification des tumeurs conjonctives permet de comprendre les données actuelles sur les GIST : En 1941 : Golden et Stout révèlent l’évolution inhabituelle d’une série de tumeurs musculaires lisses du tube digestif [152].
-En 1960 : Martin et al. ont décrit des tumeurs myxoïdes [102].
-En 1962 : Stout suggère de les appeler leiomyomes à cellules bizarres, pour désigner des tumeurs gastriques à pronostic incertain, puis leiomyoblastomes, terme repris fréquemment dans la littérature [1].
-En 1977 : Appelman utilise le terme de léiomyome cellulaire de l’estomac pour évoquer une possible origine cellulaire stromale multipotente capable de différentiation musculaire lisse, le nom de tumeur stromale est alors utilisé pour la première fois dans la littérature [55]. Dans les années 80 l’utilisation extensive de l’immunohistochimie a révélé l’identité singulière des GIST sans pour autant préciser leur différentiation exacte.
-En 1983 : Mazur et Clark ont introduit le concept de tumeurs stromales pour désigner les tumeurs conjonctives CD34+ et n’exprimant aucun marqueur de la lignée musculaire lisse ou nerveuse [97].
-En 1984 : Herrera et al. ont introduit le concept de plexosarcomes [53].
-En 1986 : Walker et Dvorak ont remplacé le terme de plexome et plexosarcome par l’acronyme GANT (gastrointestinal autonomous nerve tumors) dont le diagnostic repose sur des critères ultra structuraux, ce qui rend leur identification problématique en pratique courante [161].
-En 1992 : Min.Kw et al. rapportent une nouvelle entité ultrastructurale les tumeurs avec fibres en écheveau ou fibres skénoïdes [108].
-En 1998 : la découverte du C-KIT un nouveau marqueur immunohistochimique des tumeurs stromales digestives [58,146].
Kindbloom a proposé l’acronyme GIPAC (Gastrointestinal interstitiel Pacemaker cell Tumors) en se basant sur la similitude ultra structurale et immunohistochimique de ces tumeurs et les cellules interstitielles de Cajal -ICC- (interstitiel cell of Cajal) suggérant que les GIST pourraient dériver des cellules de Cajal [80]. Le consensus actuel est de conserver l’expression neutre et générique, mais dorénavant classique de GIST. Cette expression continue encore parfois à désigner des entités différentes selon les auteurs cependant les données les plus récentes plaident pour une définition immunohistochimique des GIST articulée autour de leur positivité au CD117.
RAPPEL ANATOMIQUE
L’estomac est le réservoir du tube digestif, qui a la forme d’un J majuscule. Il mesure environ 25 cm de haut sur 10 cm d’épaisseur. L’estomac possède quatre régions : la grosse tubérosité, le corps, le fond et l’antrum. La portion verticale est composée de la grosse tubérosité et du corps de l’estomac, La portion horizontale du fond et de l’antre gastrique [121].
L’estomac se projette en grande partie sous phrénique, sur l’hypochondre gauche et sur l’épigastre. En haut, l’estomac fait suite à l’œsophage au niveau du cardia. En bas, l’estomac s’ouvre dans le duodénum par le pylore, portion rétrécie munie d’un sphincter [121].
CONFIGURATION EXTERNE
La forme de l’estomac est variable selon l’âge, les sujets, la position et, bien entendu, l’état de réplétion de la poche gastrique dont les parois ont une plasticité très grande [121,139]. L’estomac présente une portion verticale, supérieure, et une portion inférieure plus petite dite horizontale (figure 1).
Portions et jonctions
La portion verticale représente les 2/3 de la totalité de l’estomac et comprend [121, 139]:
❖ La grosse tubérosité ou pôle supérieur qui est le siège de la poche à air.
❖ Le corps gastrique oblique en bas et en avant, dont le pôle inférieur forme la partie déclive de l’organe.
❖ A l’union du corps et de la grosse tubérosité, sur le bord droit de l’estomac, la jonction oeso -gastrique, le cardia. La portion horizontale comprend l’antre oblique en haut, en arrière et à droite, qui va en se rétrécissant vers la jonction gastroduodénale, le pylore [121, 139].
Les faces
L’estomac présente deux faces, dont une antérieure et une postérieure, plus ou moins convexes et unies par deux courbures [121, 139].
❖ à droite : la petite courbure est divisée en deux portions, verticale et horizontale, que sépare l’angulus ;
❖ à gauche : la grande courbure forme avec l’œsophage un angle aigu, l’angle de His. Elle circonscrit la grosse tubérosité et le corps où elle devient verticale, puis suit un trajet oblique en haut, à droite et en arrière pour se terminer au pylore.
CONSTITUTION ET CONFIGURATION INTERNE DE L’ESTOMAC
La paroi gastrique est constituée de quatre tuniques superposées ; ce sont de dehors en dedans [121, 139]: la séreuse, la musculeuse, la sous muqueuse et la muqueuse (figure 2).
❖ La séreuse formée par le péritoine gastrique [121, 139].
❖ La musculeuse (figure 2): faite de muscles lisses, particulièrement développées et subdivisées en trois plans de fibres [121, 139]:
❖ un plan superficiel longitudinal, où les fibres réalisent un puissant faisceau le long de la petite courbure.
❖ un plan moyen circulaire, avec des fibres qui continuent celles de l’oesophage et s’épaississent au niveau du pylore, réalisant un sphincter.
❖ un plan profond oblique, avec des fibres qui irradient en éventail de l’angle de His aux deux faces gastriques.
❖ La sous-muqueuse : très lâche, parcourue par de nombreux vaisseaux et nerfs, constituant un plan de glissement entre la musculeuse et la muqueuse (figure 2).
❖ La muqueuse (figure 3,4) : épaisse, rosée, sillonnée par de longs plis anastomosés visibles à la gastroscopie, qui disparaissent à mesure que l’estomac se distend. Il existe sur toute la surface inférieure de l’estomac de fins sillons qui circonscrivent de petites surfaces légèrement saillantes, polygonales, de 3 à 4 millimètres de diamètre, les «lobules» gastriques. Ces sillons ne sont pas effacés par la distension de l’estomac. La portion verticale de l’estomac (appelée fundus) est tapissée de cellules bordantes et de cellules principales constituant les glandes fundiques, qui sécrètent l’acide chlorhydrique et la pepsine. La portion antrale est tapissée de glandes à mucine et à pepsine et comporte également des cellules à gastrine [121, 139].
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Table des matières
Introduction
1. HISTORIQUE
2. RAPPEL ANATOMIQUE
2.1 CONFIGURATION EXTERNE
2.1.1 Portions et jonctions
2.1.2 Les faces
2.2 CONSTITUTION ET CONFIGURATION INTERNE DE L’ESTOMAC
2.3 RAPPORTS DE L’ESTOMAC
2.3.1 Face antérieure
2.3.2 La face postérieure
2.3.3 La grande courbure
2.3.4 La petite courbure
2.3.5 Extrémité supérieure ou cardia
2.3.6 L’extrémité inférieure ou pylore
2.4 VASCULARISATION, INNERVATION ET DRAINAGE LYMPHATIQUE
2.4.1 Vascularisation artérielle
2.4.2 La vascularisation veineuse
2.4.3 L’innervation de l’estomac
2.4.4 Le drainage lymphatique
3. ETUDE CLINIQUE
3.1 La présentation clinique
3.1.1 Circonstances de découverte
3.1.2 Formes cliniques particulières
3.1.2.1 Triade de Carney
3.1.2.2 La maladie de Von Recklinghausen ou neurofibromatose de type 1
3.1.2.3 Tumeurs stromales digestives de forme familiale
3.2 LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES
3.2.1 La biologie
3.2.2 L’endoscopie
3.2.3 L’écho-endoscopie
3.2.4 L’échographie abdominale
3.2.5 La tomodensitométrie
3.2.6 Imagerie par résonnance magnétique
3.2.7 Le pet-scanner
4. ETUDE ANATOMOPATHOLOGIQUE
4. 1 Aspect macroscopique
4. 2 Microscopie optique
4. 3 Microscopie éléctronique
4. 4 Immunohistochimie
4.4.1 CD 117 / C-KIT
4.4.2 Marqueurs complémentaires recommandés
4.4.2.1 CD34
4.4.2.2 L’actine musculaire lisse
4.4.2.3 Desmine
4.4.2.4 Protéine S100
4.4.3 Marqueurs complémentaires facultatifs
4.4.3.1 La protéine h-caldesmone
4.4.3.2 La nestine
4.4.4 Nouveaux marqueurs diagnostiques
4.4.4.1 La protéine DOG1
4.4.4.2 La protéine kinase C thêta
4.4.5 Marqueurs pronostiques
4. 5 BIOLOGIE MOLECULAIRE ET CYTOGENETIQUE
5. DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS
5.1 Léiomyomes
5.2 Schwannome
5.3 Tumeur desmoïde
5.4 Tumeur glomique de l’estomac
5.5 Polype fibroïde inflammatoire
5.6 Tumeur myofibroblastique inflammatoire
5.7 Léiomyosarcome
5.8 Mélanome
6. BIOLOGIE DES GIST
6.1 Récepteurs tyrosines kinases
6.1.1. Structure
6.1.1.1 C- KIT ou CD117
6.1.1.2 PDGFR A
6.1.2 L’activation des récepteurs tyrosine kinase
6.2 Voies de signalisations normales et pathologiques
6.3 Oncogenèse des GIST
6.3.1 La mutation de C-KIT
6.3.1.1Mutations du domaine juxta membranaire exon 11
6.3.1.2 Mutations du domaine extracellulaire exon 9
6.3.1.3 Mutations du domaine kinase I exon 13
6.3.1.4 Mutations de la boucle d’activation exon 17
6.3.2 Les mutations du PDGF
6.3.3 Autres anomalies cytogénétiques
Conclusion