Les géomembranes (GMB) en polyéthylène (PE)
Rôle et réglementation en fond d’ISDND
Afin de minimiser les risques environnementaux et sanitaires qu’une ISDND peut engendrer, la réglementation impose l’utilisation d’une barrière d’étanchéité en fond de site dans le but de limiter le transfert des lixiviats vers les sols (arrêté du 09/09/97 et directive européenne 1999/31/CE). Cette étanchéité est assurée par une structure multicouche (Figure I1). Une barrière de sécurité active, constituée d’une géomembrane surmontée d’une couche de drainage, assure à la fois l’étanchéité et le drainage des lixiviats. Cette dernière est associée à une barrière de sécurité passive qui doit présenter, de haut en bas, une première couche de perméabilité inférieure à 1 x 10⁻⁹ m.s-1 sur au moins 1 mètre et une seconde couche d’une perméabilité inférieure à 1 x 10⁻⁶ m.s-1 sur au moins 5 mètres (Prud’hommes 1998). Lorsque la barrière géologique ne répond pas naturellement aux conditions précitées, le recours à une solution d’équivalence peut être envisagé. C’est dans ce cadre qu’un géotextile bentonitique peut être placé sous la géomembrane en renforcement de la barrière passive (Touze-Foltz et al., 2008).
Ainsi, pour assurer les fonctions requises, une alvéole de stockage doit comprendre, du bas vers le haut :
– Un fond de forme servant de support au système de drainage et aménagé de manière à posséder au moins un point bas ;
– Un dispositif d’étanchéité servant à empêcher les infiltrations dans la barrière passive tout en obligeant les eaux à se diriger et s’évacuer dans le réseau de drainage ;
– Une structure de protection de l’étanchéité ;
– Une couche drainante contenant des drains collecteurs afin d’évacuer les lixiviats vers le point de collecte (point bas du réseau).
L’installation doit également comporter un ou plusieurs bassins de récupération des lixiviats, composés des mêmes géomembranes que celles présentes en fond d’ISDND. Ces bassins sont dimensionnés pour recevoir toute la quantité des lixiviats avant traitement par décantation, où les particules sont séparées des boues. Les lixiviats ne doivent être rejetés dans le milieu naturel qu’après traitement et sous réserve que leur composition respecte les valeurs réglementaires de rejets.
Fabrication des GMB en PE
Les géomembranes se présentent sous forme de feuilles d’épaisseurs comprises entre 1 et 5 mm suivant le matériau utilisé. Elles sont définies selon la norme NFP 84-500 « comme un produit adapté au génie civil, mince, souple, continu, étanche aux liquides même sous sollicitations en service ». Ni les produits de faible épaisseur (<1 mm), ni les produits dont l’étanchéité est assurée uniquement par un matériau argileux, ne sont considérés comme géomembrane. Les géomembranes sont fabriquées en grande largeur, d’un seul tenant, par extrusion-soufflage. Le produit est chauffé et calandré entre deux ou plusieurs cylindres jusqu’à former une feuille continue. Au sortir de la calandre, la feuille est stockée sous forme de rouleaux de 4 à 5m de largeur. Lors de sa mise en œuvre, le polymère est chauffé à une température comprise entre 140°C et 170°C (Wyart, 2007), soumis à des contraintes mécaniques au dessus de sa température de fusion, puis refroidi. Les chaînes macromoléculaires sont déformées, puis figées par le processus de cristallisation dans cet état lors du refroidissement. On a alors à faire à un processus de post cristallisation : le pseudo équilibre entre phase amorphe et phase cristalline n’étant pas atteint, le taux de cristallinité pourra alors augmenter au cours du vieillissement.
Structure et propriétés du PE des GMB
Le polyéthylène haute densité est issu de la polymérisation du monomère éthylène, selon un procédé à basse pression (<50 bars) de type Ziegler-Natta. Il est constitué de macromolécules de masses moléculaires moyennes en poids (MW) extrêmement grandes, typiquement plusieurs centaines de milliers de g.mol-1 . La longueur des chaînes est généralement comprise entre 2000 et 50 000 unités monomères. Le polyéthylène basse densité est obtenu par polymérisation radicalaire à haute pression (>1000 bars) de l’éthylène, en autoclave ou dans un réacteur tubulaire.
La présence de comonomères tel le butène, l’hexène ou l’octène, gêne le processus de réorganisation des chaînes conduisant à la formation des lamelles cristallines. L’introduction de ces branchements courts sur une chaîne carbonée abaisse la masse volumique du polyéthylène en réduisant sa cristallinité. On parle alors de PEBDL (Polyéthylène Basse Densité Linéaire).
Le PE est un polymère semi cristallin composé de parties cristallines dans lesquelles les chaînes se replient sur elles-mêmes pour former des segments réguliers qui s’empilent selon un réseau cristallin pour former des cristallites, et de parties amorphes qui séparent les lamelles cristallines et dans lesquelles se trouvent des boucles de repliements, des bouts de chaînes, des enchevêtrements ainsi que des molécules liens. L’organisation et la régularité des chaînes macromoléculaires dans la zone cristalline impliquent une exclusion de tout agent étranger au PE (agents stabilisants…). Un polymère semi cristallin est défini par son taux de cristallinité : fraction massique du polymère engagé dans les cristaux.
Les GMB en PE sont les plus utilisées dans les ISDND, du fait de leur grande inertie chimique et biologique. Bien que la dénomination utilisée par l’ASQUAL et le Comité Français des Géosynthétiques (CFG) concernant les géomembranes utilisées dans les ISDND est « géomembranes en PEHD », il s’agit en fait en général de géomembranes composées d’une matrice de copolymères ethylène-octène qui correspondent à du polyéthylène basse densité linéaire (PEBDL) (Müller & Jakob, 2003). La présence du noir de carbone leur permet d’appartenir à la gamme de densité des PEHD. Afin d’augmenter la résistance des GMB aux attaques thermiques et aux UV, des additifs tels que des agents antioxydants et le noir de carbone sont introduits lors de la production. Une GMB en PEHD est constituée en moyenne de 97% de PE, de 2,5% de noir de carbone et de 0,5% d’AO (Hsuan & Koerner, 1995 ; Rowe & Sangam, 2002). Ces additifs sont inclus dans la matrice lors du processus de fabrication. Ils ne sont pas liés chimiquement à la matrice mais sont dispersés dans le polymère. Les épaisseurs et densités moyennes des géomembranes en PE sont respectivement comprises entre 1,5-2,5 mm et 0,941-0,959 g/cm3.
Soudure des GMB en PE
Etant donné la superficie de la plupart des ouvrages, des raccords entre lés de GMB sont indispensables. Les soudures apportent des contraintes supplémentaires à la bonne mise en œuvre du dispositif d’étanchéité. En effet, le moindre défaut dans une soudure ou la moindre perforation dans la GMB entraine d’importantes répercussions sur la qualité de l’ouvrage. Les soudures sont réalisées selon un processus à l’air chaud ou à coin chauffant pour les matériaux tel que le PE, elles ne nécessitent pas d’apport de matière. On peut obtenir soit une mono soudure, soit une double soudure avec canal central (Figure I-4). La présence d’un canal central permet de contrôler l’intégrité, la continuité et l’étanchéité des soudures par thermographie infrarouge ou par l’essai destructif de pelage et la mise en pression du canal central (Cannard et al., 2011).
Même si les défauts de soudure liés à la mise en œuvre peuvent être détectés lors de vérifications, les soudures demandent une attention particulière. En effet, quelque soit le type de soudure effectuée, les zones soudées peuvent ensuite céder sous l’action de force de traction (Haxo et al., 1990).
Problèmes de durabilité des géomembranes : études menées
L’utilisation des géomembranes en PEHD comme couche d’étanchéité des cellules de confinement des déchets remonte aux années 1980. Depuis, de nombreux prélèvements sur sites et plusieurs études de vieillissement en laboratoire ont été réalisées pour estimer la durée de vie de l’étanchéité des géomembranes. Afin d’accélérer le vieillissement, la majorité des études de vieillissement sont des essais d’immersion en milieux agressifs différents des milieux du site. Rappelons cependant que des retours d’expériences d’échantillons prélevés sur site restent tout à fait indispensables pour bien comprendre les mécanismes de vieillissement impliqués et ainsi corréler ceux observés sur site à ceux obtenus en vieillissement accéléré en laboratoire.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I. Synthèse bibliographique
I. Les géomembranes (GMB) en polyéthylène (PE)
I.1 Rôle et réglementation en fond d’ISDND
I.2 Fabrication des GMB en PE
I.2.1 Structure et propriétés du PE des GMB
I.2.2 Composition et structure des GMB en PE
I.2.3 Soudure des GMB en PE
I.3 Problèmes de durabilité des géomembranes : études menées
II. Processus de dégradation du PE de la GMB dans les ISDND
II.1 Vieillissement physique
II.1.1 Fissuration sous contrainte en milieu tensio-actif
II.1.2 Processus de recuit
II.1.3 Perte des stabilisants dans le lixiviat d’ISDND
II.1.3.1 Mécanismes
II.1.3.2 Facteurs influençant la perte des antioxydants (AO)
II.2 Vieillissement chimique : la thermo-oxydation et ses conséquences
II.2.1 Mécanismes de la thermo-oxydation
II.2.1.1 Schéma général
II.2.1.2 Les produits de dégradation
II.2.1.3 Evolution de la masse moléculaire (échelle macromoléculaire)
II.2.1.4 Evolution de la cristallinité (échelle microstructurale)
II.2.1.5 Fragilisation induite par l’oxydation à l’échelle macroscopique
II.3 Biodégradation du PE
II.3.1 Acteurs et facteurs de la biodégradation
II.3.1.1 Composition chimique
II.3.1.2 Masse moléculaire
II.3.1.3 Morphologies et hétérogénéités
II.3.1.4 Consommation des adjuvants extraits
II.3.1.5 Formation d’un biofilm
III. Les méthodes de prédiction de durée de vie
III.1 Approche « classique » de la durée de vie des géomembranes en PE
III.2 Construction d’un modèle non-empirique
III.3 Modélisation cinétique : cas du PE pur
III.4 Prise en compte de la stabilisation
III.4.1Décomposeurs d’hydroperoxydes
III.4.2Capteurs de radicaux
III.4.3Perte physique des AO dans le lixiviat
III.5 Prise en compte de la cinétique de formation du biofilm
IV. Conclusion et stratégie d’étude
V. Références bibliographiques
Chapitre II. Matériaux & méthodes d’analyse du vieillissement
I. Matériaux étudiés
I.1 Polyéthylène
I.2 Géomembrane
II. Milieux de vieillissement
II.1 Lixiviat réel d’ISDND
II.2 Lixiviats synthétiques
II.2.1 Influence des paramètres biologiques : lixiviat synthétique concentré en inoculum
II.2.2 Influence des paramètres chimiques : lixiviat synthétique concentré en tensio-actif
II.2.3 Eau distillée
II.3 Récapitulatif des conditions de vieillissement
III. Suivi du vieillissement
III.1 Echelle moléculaire : évolution de la composition chimique des matériaux
III.1.1Détermination de la teneur en antioxydants
III.1.1.1 Spectroscopie InfraRouge à Transformée de Fourier (IRTF)
III.1.1.2 Spectroscopie Ultra-Violet (UV)
III.1.1.3 Analyse Enthalpique Différentielle (AED) sous oxygène : mesure du Temps d’Induction à l’Oxydation (TIO)
III.1.2Dosage des acides carboxyliques par dérivatisation à l’ammoniac et spectroscopie IRTF
III.2 Echelle macromoléculaire : détermination de la masse moléculaire par Chromatographie de Perméation sur Gel Haute Température (CPG-HT)
III.3 Echelle microstructurale : évolution de la structure cristalline du PE
III.3.1Détermination du taux de cristallinité par AED
III.3.2Diffraction des Rayons X aux petits angles
III.4 Caractérisation mécanique : essais de traction uniaxiale
III.5 Evaluation de l’activité biologique à la surface des films et de la GMB en PE
III.5.1Présence du biofilm
III.5.1.1 Marquage fluorescent au DAPI et analyse par microscopie confocal à balayage laser
III.5.1.2 Microscopie Electronique à Balayage (MEB)
III.5.2Quantification du biofilm
III.5.2.1 Spectroscopie IRTF en mode « Attenuated Total Reflectance » (ATR)
III.5.2.2 Mesure de l’Adénosine Tri Phosphate (ATP)
IV. Références bibliographiques
Chapitre III. Comportement des antioxydants de la GMB dans les conditions de fonds d’ISDND
I. Démarche de détermination des paramètres cinétiques
II. Influence des microorganismes du lixiviat d’ISDND
III. Influence d’un tensio-actif du lixiviat sur la perte des antioxydants
III.1 L’Irganox 1010 du PE0,3
III.2 L’Irganox 1330 et L’Irgafos 168 de la GMB
IV. Influence de l’épaisseur du PE sur la perte des antioxydants de process
V. Cinétiques de perte des AO en fonction de la température : détermination des constantes cinétiques d’extraction
V.1 Antioxydants phénoliques du PE0,3 et du PEGMB
V.2 Antioxydant phosphite du PEGMB
V.3 Détermination des constantes cinétiques d’extraction des stabilisants
V.3.1 Dans le lixiviat d’ISDND
V.3.2 Dans l’eau distillée
VI. Modélisation cinétique
VII. Conclusions
VIII. Références bibliographiques
Chapitre IV. Comportements et critères de fin de vie de la géomembrane en PE dans les ISDND
I. Vieillissement du PE non oxydé dans le lixiviat d’ISDND
I.1 Echelle moléculaire
I.2 Echelle macromoléculaire : évolution des masses moléculaires
I.3 Echelle microstructurale : évolution du taux de cristallinité
I.4 Echelle macroscopique : propriétés mécaniques
I.5 Conclusions
II. Vieillissement du PE oxydé dans le lixiviat d’ISDND
II.1 Echelle moléculaire
II.1.1 Perte des composés carbonylés du PE
II.1.2 Quantification des produits carbonylés extraits
II.2 Echelle macromoléculaire : évolution des masses moléculaires
II.3 Echelle microstructurale : évolution du taux de cristallinité
III. Croissance d’un biofilm à la surface du PE
III.1 Microscopie Electronique à Balayage
III.2 Spectroscopie infrarouge en mode Réflexion Totale Atténuée
III.3 Mesures de l’ATP
III.4 Discussion
IV. Fragilisation du PE induite par la thermo-oxydation
IV.1 Caractérisation initiale des films et GMB en PE
IV.2 Caractérisation du vieillissement thermo-oxydatif du film de PEGMB
IV.2.1 Echelle moléculaire : nature et quantification des produits d’oxydation
IV.2.2 Echelle macromoléculaire : évolution des masses molaires
IV.2.3 Echelle microstructurale
IV.2.3.1 Evolution de la fraction cristalline
IV.2.3.2 Evolution de la structure lamellaire
IV.2.4 Echelle macroscopique : évolution des propriétés mécaniques
IV.2.4.1 Processus de fragilisation : allures des courbes contraintes/déformation à la rupture
IV.2.4.2 Source de la fragilisation
IV.3 Conclusion
Conclusion générale