Les gens du voyage en France : terminologie, cultures, modes de vie

Les enfants du voyage et l’Ecole

Le mode de vieย 

Je me rends chaque semaine sur une aire d’accueil des gens du voyage depuis 5 ans. Je connais surtout une famille, mais je visite les autres familles, les autres caravanes sur le terrain. Les enfants sont scolarisรฉs ร  l’รฉcole T. et sont semi-sรฉdentaires sur une aire d’accueil officielle. Cependant, gรฉnรฉraliser ร  partir d’un seul lieu d’observation est impossible, รฉtant donnรฉ la diversitรฉ des populations du voyage et des contextes de vie. J’ai รฉgalement posรฉ des questions aux enseignants et plus particuliรจrement ร  une enseignante qui est en contact direct avec une famille depuis 8 ans pour avoir son tรฉmoignage. J’ai aussi complรฉtรฉ avec des lectures scientifiques.

Le rapport ร  l’Ecoleย 

J’ai utilisรฉ l’entretien semi-directif auprรจs d’une dizaine d’enfants du voyage et de leurs parents sur plusieurs aires d’accueil (annexes 2 et 3). J’ai dรฉcidรฉ de cibler une population bien prรฉcise : les gens du voyage semi-sรฉdentaires, c’est-ร -dire qui vivent en caravane mais dont les enfants sont scolarisรฉs ร  l’annรฉe dans la mรชme รฉcole. J’ai utilisรฉ volontairement le tutoiement pour les entretiens avec les enfants et leurs parents. En effet, le vouvoiement est trรจs peu utilisรฉ et a une image nรฉgative auprรจs des gens du voyage. A mon arrivรฉe, on m’a dit que le tutoiement รฉtait de rigueur et j’ai respectรฉ cette rรจgle. Les tรฉmoignages d’enseignants permettent รฉgalement de comprendre le rapport ร  l’รฉcole des enfants et des familles, en croisant les diffรฉrents points de vue.

Les rรฉussites ou difficultรฉs scolaires rencontrรฉes par les enfants du voyage

L’adaptation ร  la forme scolaireย 

Les entretiens avec les enseignants vont m’รชtre utiles afin de rendre compte des rรฉussites ou difficultรฉs de ces enfants. Les enfants et les parents m’ont aussi fait part de leur vรฉcu.

Les enfants allophones

J’ai pu m’entretenir avec un enseignant de maternelle qui accueille un enfant allophone en petite section de maternelle. Les lectures scientifiques ont pu m’aider ร  comprendre ce qu’est un enfant allophone et les rรฉussites ou difficultรฉs rencontrรฉes par ces enfants. Madame D., conseillรจre acadรฉmique au CASNAV, m’a รฉgalement expliquรฉ les enjeux du plurilinguisme.

La maรฎtrise de la langue franรงaise

J’ai pu observer l’entrรฉe dans l’รฉcrit d’un enfant du voyage du CP au CM2, ainsi que l’acquisition d’une culture รฉcrite. J’ai รฉgalement demandรฉ ร  d’autres enseignants qui accueillent des enfants du voyage s’ils ressentaient des difficultรฉs ou des rรฉussites particuliรจres.

Les dispositifs mis en ล“uvre pour favoriser la rรฉussite de ces enfants

Le lien avec les famillesย 

J’ai effectuรฉ un entretien avec une directrice d’รฉcole maternelle qui a mis en ล“uvre un projet dans l’รฉcole et invitรฉ les familles afin de crรฉer du dialogue. Je me suis renseignรฉe auprรจs des parents pour savoir s’ils avaient dรฉjร  รฉtรฉ invitรฉs ร  l’รฉcole et ร  quelle occasion. J’ai demandรฉ aux enseignants s’ils รฉtablissaient un lien avec les familles, s’ils les invitaient ร  l’รฉcole et pour quelles raisons.

Une pรฉdagogie diffรฉrenciรฉe

J’ai pu avoir un compte rendu par une directrice d’un projet mis en ล“uvre par une รฉcole de Tourcoing qui a crรฉรฉ un partenariat avec une รฉcole en Roumanie et des รฉchanges entre รฉlรจves et enseignants. Lors des entretiens, j’ai demandรฉ aux enseignants si une pรฉdagogie diffรฉrenciรฉe รฉtait possible afin de faire progresser les enfants du voyage.J’ai รฉgalement procรฉdรฉ ร  des lectures scientifiques qui m’ont permis de complรฉter mes connaissances surla question.

Les aides possiblesย 

J’ai obtenu un entretien avec Madame D., conseillรจre acadรฉmique au CASNAV, pour savoirs’il existait des aides spรฉcifiques du CASNAV auprรจs de ces enfants. Je me suis renseignรฉe sur les aides possibles, auprรจs des enseignants, des enfants et dans les lectures scientifiques.

ANALYSE DES Rร‰SULTATS

Nous allons dans un premier temps nous intรฉresser aux principaux acteurs qui nous intรฉressent dans ce mรฉmoire. Tout d’abord ร  l’รฉcole, ร  son rรดle et ses finalitรฉs ainsi qu’ร  l’รฉquitรฉ scolaire ; puis ร  la population des gens du voyage, ร  leur mode de vie et ร  leur culture. Nous confronterons ensuite les deux afin de comprendre quel rapport les enfants du voyage entretiennent avec l’รฉcole. Rappelons que la population de l’รฉtude regroupe des ensembles de familles semi-sรฉdentaires habitant en caravane. Nous analyserons alors les rรฉussites ou difficultรฉs scolaires que peuvent rencontrer ces enfants au long de leur scolaritรฉ. Pour terminer, nous envisagerons diffรฉrents dispositifs qui peuvent รชtre mis en ล“uvre pour favoriser leur rรฉussite et restaurer l’รฉquitรฉ scolaire.

L’รฉquitรฉ et l’Ecole franรงaise

Nous allons en premier lieu nous questionner sur les missions et les finalitรฉs de l’รฉcole franรงaise.

Une รฉcole pour tous les รฉlรจves

Le systรจme รฉducatif franรงais a รฉtรฉ en รฉvolution tout au long de son histoire. L’objet de ce mรฉmoire n’est pas l’รฉtude du systรจme รฉducatif mais il me paraรฎt important de passer en revue les lois les plus importantes et leurs influences sur notre รฉcole franรงaise actuelle.
Le dรฉbat sur l’รฉcole a commencรฉ aprรจs la rรฉvolution franรงaise et la parution de la Dรฉclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cette Dรฉclaration stipule en effet que ยซ les hommes naissent et demeurent libres et รฉgaux en droits ยป.
Le rapport Condorcet de 1792 propose un projet d’organisation gรฉnรฉrale de l’Instruction publique. Il prรฉsente le but premier de l’Instruction publique.
Offrir ร  tous les individus de l’espรจce humaine les moyens de pourvoir ร  leurs besoins, d’assurer leur bien-รชtre, de connaรฎtre et d’exercer leurs droits, d’entendre et de remplir leurs devoirs.
Assurer, ร  chacun d’eux, la facilitรฉ de perfectionner son industrie, de rendre capable des fonctions sociales, auxquelles il a droit d’รชtre appelรฉ, de dรฉvelopper toute l’รฉtendue de talents qu’il a reรงus de la nature ; et par lร  รฉtablir, entre les citoyens, une รฉgalitรฉ de fait, et rendre rรฉelle l’รฉgalitรฉ politique reconnue par la loi. Tel doit รชtre le premier but d’une instruction nationale et, sous ce point de vue, elle est, pour la puissance publique, un devoir de justice. (Condorcet, 1792)
De grandes lois vont fonder l’รฉcole franรงaise. La loi Guizot porte sur la libertรฉ d’enseignement des instituteurs et impose aux communes de plus de 800 habitants l’ouverture d’une รฉcole. L’instruction devient plus facilement accessible aux รฉlรจves d’un point de vue territorial, mรชme si elle n’est pas obligatoire. Ce sont les lois Ferry promulguรฉes de 1881 ร  1886 qui rendent l’รฉcole publique gratuite, laรฏque et obligatoire pour tous les enfants. Elle a pour but d’acquรฉrir les savoirs fondamentaux et de former des citoyens. L’instruction primaire est devenue accessible ร  tous les รฉlรจves. Cependant, il n’est pas encore question d’un dรฉsir de justice et d’รฉquitรฉ pour tous les รฉlรจves, mais d’une instruction qui dรฉveloppe les talents naturels des enfants, talents inรฉgaux au dรฉpart.

La rรฉussite pour tous les รฉlรจves

Le plan Langevin-Wallon, publiรฉ aprรจs la seconde guerre mondiale, est prรฉcurseur d’une pรฉdagogie centrรฉe sur l’intรฉrรชt de l’enfant et son dรฉsir de rรฉussite.
La loi d’orientation sur l’รฉducation de 1989 relaie cette pensรฉe et formule clairement les objectifs de l’รฉcole en plaรงant l’รฉlรจve au centre du systรจme รฉducatif : ยซ pour assurer l’รฉgalitรฉ et la rรฉussite des รฉlรจves, l’enseignement est adaptรฉ ร  leur diversitรฉ par une continuitรฉ รฉducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolaritรฉ ยป.
L’รฉcole franรงaise se veut explicitement une รฉcole juste, qui fasse rรฉussir tous ses รฉlรจves, indรฉpendamment de leur origine sociale et culturelle. Elle veut ยซ l’รฉgalitรฉ deschances ยป, dans le refus de toutes les discriminations.
La loi de 2005 pour l’รฉgalitรฉ des droits et des chances, la participation et la citoyennetรฉ des personnes handicapรฉs vise la scolarisation des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire, afin de favoriser l’inclusion.
La loi pour la refondation de l’Ecole de 2013 rรฉaffirme ce dรฉsir d’ยซ une รฉcole juste pour tous et exigeante pour chacun ยป. L’un de ses principaux objectifs est de ยซ rรฉduire les inรฉgalitรฉs sociales etย  territoriales pour tenir sa promesse rรฉpublicaine de la rรฉussite รฉducative pour tous ยป.
L’รฉcole de la Rรฉpublique multiplie donc les missions : elle accueille tous les รฉlรจves (de toutes les classes sociales, en situation de handicap, ร  besoin รฉducatif particulier…) et doit รชtre juste en permettant ร  chacun d’eux de rรฉussir.

Quelles finalitรฉs pour l’Ecole de la Rรฉpublique ?

L’รฉcole est ainsi supposรฉe servir un ensemble de finalitรฉs sociales non seulement par la transmission de savoirs et compรฉtences, mais aussi par la prรฉparation informelle aux futurs rรดles sociaux. (Bulle, 2005).
L’รฉcole a pour but de faire acquรฉrir des compรฉtences relatives ร  la vie en collectivitรฉ, ร  devenir citoyen, mais aussi des compรฉtences disciplinaires, relatives aux matiรจres d’enseignement. L’ensemble de ces compรฉtences forme le socle commun de connaissances et de compรฉtences de 2006, mis ร  jour en 2015 : les ยซ indispensables ยป ร  maรฎtriser ร  la fin de la scolaritรฉ.
La deuxiรจme finalitรฉ trรจs importante, et qui tend ร  รชtre de plus en plus mise en avant, est celle de l’insertion dans le futur milieu socio-professionnel. En effet, l’รฉcole et les diffรฉrentes structures d’รฉducation forment des futurs professionnels, comme dรฉveloppรฉdans les propos suivants.
La domination actuelle dโ€™une certaine idรฉologie ยซ รฉconomique ยป tend souvent ร  la rรฉduire ร  la prรฉparation des nouvelles gรฉnรฉrations ร  lโ€™entrรฉe sur le marchรฉ du travail. Le systรจme scolaire devrait avant tout prรฉparer lโ€™insertion professionnelle future de ses รฉlรจves actuels, et devrait รชtre jugรฉ sur la bonne conduite de cette mission.
Peur du chรดmage et montรฉe des attitudes consumรฉristes des familles, comme des รฉlรจves eux-mรชmes dans lโ€™enseignement secondaire et supรฉrieur, contribuent solidairement ร  la montรฉe en puissance dโ€™une telle approche. (Calin, 2006)

Des missions trop ambitieuses ?

Les diffรฉrentes lois d’orientation ou de refondation ont fait s’accumuler les missions confiรฉes ร  l’รฉcole. Ce discours institutionnel lui demande de faire rรฉussir tous ses รฉlรจves, en leur faisant acquรฉrir ร  tous les compรฉtences du socle commun, en les prรฉparant implicitement ร  l’insertion socio-professionnelle et ce, en faisant ainsi disparaรฎtre les inรฉgalitรฉs sociales ร  diffรฉrentes รฉchelles (celle de la classe, mais aussi entre les รฉcoles, communes, les rรฉgions…). Une utopie que chacun des acteurs du monde de l’รฉducation aimerait voir se rรฉaliser. La transposition de ce discours dans la rรฉalitรฉ s’avรจre beaucoup plus complexe.
L’รฉcole juste est beaucoup plus difficile ร  dรฉfinir que ce qu’il paraรฎt au premier abord. Ainsi, il n’y a pas une justice, mais des justices qui doivent se compenser au sein du systรจme รฉducatif, de faรงon plutรดt ร  le rendre le moins inรฉgalitaire possible.
Le premier principe de justice, selon Dubet et Duru-Belat (2004), est le mรฉrite. En effet, il est normal que les รฉlรจves qui fournissent des efforts pour progresser rรฉussissent.
Une รฉcole juste serait donc celle qui permet de crรฉer une compรฉtition scolaire juste dans laquelle les plus mรฉritants rรฉussiront grรขce ร  leurs efforts. Rappelons qu’il y a cinquante ans, le statut social รฉtait dรฉterminant : les enfants des classes sociales trรจs favorisรฉes รฉtaient inscrits dans les ยซ petites classes ยป des lycรฉes, ils รฉtaient ainsi directement orientรฉs vers desรฉtudes longues et reproduisaient ainsi le schรฉma social.
Or le mรฉrite seul n’est pas suffisant, car les รฉlรจves qui arrivent ร  l’รฉcole ne dรฉmarrent pas la compรฉtition avec les mรชmes chances. Les รฉtudes en sociologie de l’รฉducation ont ainsi prouvรฉ que ยซ plus les parents sont dotรฉs de capital scolaire, plus les enfants ont une chance de rester durablement (et avec bonheur) dans le systรจme scolaire ยป (Lahire, 1998). En effet, les รฉlรจves qui auraient une culture familiale plus proche de la forme scolaire seraient ainsi plus enclins ร  comprendre les exigences de l’institution. La compรฉtition scolaire s’en retrouve faussรฉe, car certains รฉlรจves auraient alors beaucoup moins d’efforts ร  fournir pour dรฉcoder et s’approprier les savoirs scolaires que d’autres.
Pour rendre cette compรฉtition juste ร  nouveau, ยซ l’รฉcole doit tenir compte des inรฉgalitรฉs rรฉelles et viser ร  compenser tout ce qui รฉchappe ร  la responsabilitรฉ individuelle afin d’atteindre ร  un juste mรฉrite. C’est le principe de la discrimination positive ยป (Dubet et Durut-Belat, 2004).
L’รฉcole doit alors compenser les inรฉgalitรฉs de dรฉpart entre enfants afin de garantir l’entrรฉe dans les apprentissages de tous. A l’arrivรฉe, tous les รฉlรจves n’arriveront pas รฉgaux : l’รฉcole ne peut pas garantir que tous les รฉlรจves auront acquis exactement les mรชmes compรฉtences. Cependant, il paraรฎt impรฉratif que l’รฉcole soit lร  pour transmettre les savoirs les plus fondamentaux, on pense directement au ยซ lire, รฉcrire, compter ยป, mais รฉgalement des compรฉtences liรฉes ร  la vie collective et rรฉpublicaine. C’est en ce sens qu’a รฉtรฉ instaurรฉ le socle commun, un ยซ SMIG scolaire ยป comme le dira Dubet et Duru-Bellat.
Une รฉcole juste qui permette ร  tous ses รฉlรจves d’acquรฉrir exactement les mรชmes compรฉtences au fil de leur scolaritรฉ obligatoire ne peut pas exister en France. Les inรฉgalitรฉs sociales sont importantes et c’est ร  l’รฉcole de prendre en charge ses รฉlรจves de faรงon ร  ne pas discriminer un enfant de par son origine socio-culturelle mais au contraire, de compenser les inรฉgalitรฉs liรฉes ร  l’environnement social de l’enfant. C’est en ce sens que l’รฉcole franรงaise doit s’efforcer de tendre vers l’รฉquitรฉ scolaire. Cependant, ce n’est pas ร  l’รฉcole seule d’effacer toutes les inรฉgalitรฉs sociales et elle ne doit pas รชtre perรงue commeproductrice de toutes les iniquitรฉs.

Les gens du voyage en France : terminologie, cultures, modes de vie

J’ai rรฉcemment entendu une jeune enseignante se plaindre dans les couloirs d’une nouvelle Ecole Supรฉrieure du Professorat et de l’Education. Tels รฉtaient ses propos : ยซ Oh non, je suis dรฉgoutรฉe… J’ai une nouvelle รฉlรจve qui arrive dans ma classe la semaine prochaine… A trois mois de la fin de l’annรฉe ! Qu’est-ce que je vais en faire ? Et le pire…
Devinez quoi ? C’est que c’est une enfant du voyage… Alors lร  je sais pas quoi faire… J’ai vraiment de la chance moi ! ยป. Il serait simple d’analyser ces phrases comme discriminatoires envers les gens du voyage, mais cet analyse ne serait que rรฉducteur. Le plus remarquable est en fait la mรฉconnaissance de ces populations, des spรฉcificitรฉs liรฉes ร  l’accueil de ces enfants et surtout le sentiment de peur, la peur de mal faire, la peur de l’inconnu et de l’รฉtranger.
Avant d’analyser le rapport entre les enfants du voyage et l’รฉcole, il me paraรฎt primordial de collecter des observations et des savoirs scientifiques sur ces populations. Le plus important est d’รฉviter les stรฉrรฉotypes et les gรฉnรฉralisations : chaque individu reste unique et possรจde son identitรฉ propre, chaque parcours individuel est un cas particulier.

Explication de la terminologie employรฉe

Le terme employรฉ principalement sera ยซ gens du voyage ยป. Cette terminologie est apparu en 1972, dans les circulaires nยฐ72-186 du 20 octobre et nยฐ78-202 du 16 mai. Il apparaรฎt รฉgalement dans la loi Besson de 2000. C’est un terme administratif prรฉconisรฉ par le Conseil de l’Europe. Il dรฉsigne l’ensemble des populations non sรฉdentaires, et pas l’appartenance ร  une ethnie ou une communautรฉ : c’est un terme plus neutre.
L’expression ยซ gens du voyage ยป regroupe un ensemble de populations trรจs vaste.
C’est un terme que l’on utilise dans l’administration, et qui regroupe l’ensemble des populations qui ne sont pas sรฉdentaires.
Or, contrairement ร  ce que l’on pense, tous les gens du voyage ne sont pas nomades.
Seuls 15% de cette population sont aujourd’hui itinรฉrants d’aprรจs les statistiques du conseil de l’Europe. Le reste est semi-sรฉdentaire : ils habitent dans des rรฉsidences mobiles (caravanes ou mobil-homes) mais occupent un lieu de rรฉsidence fixe.
Les gens du voyage seraient 400 000 en France d’aprรจs les statistiques du Conseil de l’Europe datant de juillet 2009 et reprรฉsentent 0,62% de la population.
Les autres termes sont relatifs ร  l’origine gรฉographique ou ร  l’appartenance ร  une ethnie de ces populations.
Deux groupes principaux constituent la grande famille des gens du voyage :
D’une part les Voyageurs, d’origine europรฉenne.
D’autre part, les Tsiganes est un nom qui regroupe l’ensemble des populations originaires du Nord l’Inde, qu’ils ont quittรฉ au X รจme siรจcle.
Trois sous-groupes se sont ensuite formรฉs au sein des Tsiganes : les Roms, les Manouches et les Gitans. La distinction tient au fait que les Roms ont sรฉjournรฉ en Europe orientale, les Manouches dans des pays germaniques et les Gitans en pรฉninsule ibรฉrique (Faure, 2004, p. 515). Les mots ยซ Gitan ยป et ยซ Roms ยป seront employรฉs en temps qu’ethnonymes, c’est ร  dire le nom que se donnent les communautรฉs elles-mรชmes (Spinelli, 2003).
Les gens du voyage que j’ai interrogรฉs lors des entretiens sont semi-sรฉdentaires, de nationalitรฉ franรงaise, voyageurs ou tsiganes, se revendiquant de culture gitane. Ils habitent ร  l’annรฉe sur une aire d’accueil officielle. Ces aires d’accueil existaient parfois et sont devenues obligatoires depuis la loi Besson de 2000 dans les communes de plus de 5000 habitants. Des aires se sont crรฉรฉes mais toutes les communes ne sont pas dans le respect de cette loi aujourd’hui encore. Certaines des familles interrogรฉes ont pu obtenir une place sur une aire d’accueil officielle, ce qui n’est pas le cas de toutes, รฉtant donnรฉ la raretรฉ de ces aires.

Cultures et identitรฉs : des stรฉrรฉotypes ร  รฉviter

Une vision politique et mรฉdiatique dominante

Les premiรจres impressions qui nous sont vรฉhiculรฉes relatives aux populations du voyage sont les premiers รฉcueils auxquels nous sommes confrontรฉs. Les gens du voyage ne sont complรจtement inconnus ร  personne. Chacun exprime une opinion, souvent bien tranchรฉ sur la question des gens du voyage. J’ai eu l’occasion d’aborder le sujet avec des personnes plutรดt รฉloignรฉes de cette culture et ร  ce mode de vie, en leur expliquant que j’ai choisi ce sujet pour mon mรฉmoire. J’ai entendu ces prรฉjugรฉs divers : ce sont ยซ ceux qui mendient aux feux rouges, avec leurs bรฉbรฉs, qui volent ยป, qui รฉlaborent de vastes rรฉseaux de prostitution et qui ยซ prennent l’argent des franรงais pour le ramener dans leurs pays ยป.
Certains ont une vision idรฉalisรฉe, les gens du voyage deviennent des ยซ bohรฉmiens ยป nomades qui jouent de la guitare. Bien sรปr, aucune de ces visions n’est vรฉridique. J’ai compris que ces รฉcueils รฉtaient dus ร  deux choses.
Premiรจrement, ces conceptions sont celles que l’on voit en apparence : celui qui n’aura jamais รฉchangรฉ rรฉellement avec des familles pour comprendre leurs situations, n’aura en effet vu que les enfants des feux rouges et n’aura entendu que le bouche ร  oreille du ยซ je me suis fais voler mon portable par un Rom ยป et en arrivera ร  la conclusion que ces populations sont mauvaises de nature.
Deuxiรจmement, il faut prendre en compte les mรฉdias. Les gens du voyage sont en effet dรฉformรฉs par une vision politisรฉe. On peut citer pour exemple les politiques de reconduite aux frontiรจres menรฉes en France ces derniรจres annรฉes, largement critiquรฉes par le Conseil de l’Europe. Elles amรจnent ร  juger ร  tort que le tsigane est un ยซ parasite ยป en France, une vision fausse mais simpliste et justifiรฉe par les dirigeants du pays. Je me suis รฉgalement intรฉressรฉe aux documentaires sur les populations tsiganes transmis sur les ondes franรงaises qui sont un deuxiรจme facteur de prรฉjugรฉs. Ils ne sont en aucun cas objectifs et insistent sur une reprรฉsentation nรฉgative : les rรฉseaux de prostitution, les altercations avec la police, la dรฉtรฉrioration de biens publics…

Le statut de l’enfant

Dans la culture gitane, les enfants sont trรจs vite autonomes, ยซ dรฉbrouillards ยป (Faure, 2004, p512). Les enfants doivent apprendre la vie et les parents leur laissent une libertรฉ importante. Dans l’article de Pascale Faure, un homme de la communautรฉ gitane nous explique le statut de l’enfant : ยซ On ne les considรจre pas comme un enfant comme vous que l’ont doit dresser. Ils sont laissรฉs plus libres, un peu livrรฉs ร  eux-mรชmes, ils doivent en fait acquรฉrir l’expรฉrience ร  travers les situations ยป. Une mรจre me dit : ยซ Des fois je sais pas oรน est mon fils, mais il peut pas aller bien loin. Alors je crie quand j’ai besoin de lui ยป.
Les exigences de l’รฉcole leur sont donc รฉtrangรจres, il y a des rรจgles et des obligations, des droits et des devoirs. Au contraire, les enfants habituรฉs ร  rester assis et ร  rรฉpondre aux demandes et exigences de l’adulte n’auront pas ร  effectuer cet apprentissage, qui peut รชtre difficile chez certains enfants. J’ai pu observer un enfant du voyage en classe de CP, l’enseignante m’a dit qu’il ne tenait pas en place et qu’il avait beaucoup de mal ร  rester assis et ร  se concentrer sur les tรขches ร  effectuer.

Le rapport ร  l’รฉcrit

En allant dans les caravanes des familles, j’ai posรฉ des questions aux parents et j’ai remarquรฉ que peu d’entre eux savaient lire et รฉcrire. Ce n’est pas une gรฉnรฉralitรฉ, j’ai รฉgalement rencontrรฉ des parents qui ont appris ร  lire ร  l’รฉcole. Cependant, le rapport ร  l’รฉcrit n’est pas le mรชme. Les supports รฉcrits sont trรจs peu nombreux : il n’y a pas de livres ni de journaux. Les parents, mรชme s’ils savent lire, ne lisent pas pour le plaisir. Je n’ai jamais vu de bibliothรจque, d’album ou de livre de jeunesse hormis ceux empruntรฉs ร  l’รฉcole. Or l’accรจs permanent ร  une culture รฉcrite et la sollicitation des parents hors de l’รฉcole permettent de rรฉinvestir les savoirs acquis dans la classe et de crรฉer un lien entre la famille et l’รฉcole. Les savoirs de l’รฉcole sont rรฉinvestis ร  la maison, ils prennent sens et ne sont pas isolรฉs. Lorsque les parents ne sont pas eux mรชme lecteurs, ils ne peuvent pas lire de livres de littรฉrature de jeunesse ร  leurs enfants ou les aider dans leurs apprentissages.
Lire et รฉcrire, pour de nombreuses familles, c’est pouvoir se dรฉbrouiller avec les ยซ papiers ยป, c’est ร  dire l’administratif. Lorsque j’ai demandรฉ lors des entretiens ร  quoi cela sert d’apprendre ร  lire et รฉcrire, la majoritรฉ des parents comme des enfants m’a rรฉpondu que cela servait ร  ยซ faire les papiers ยป. En aucun cas cet apprentissage est vu comme un accรจs ร  la culture รฉcrite, au plaisir et ร  l’รฉpanouissement personnel. L’apprentissage de la lecture รฉcriture s’en trouve entravรฉ. Les motivations des รฉlรจves deviennent complรจtement diffรฉrentes : la lecture-รฉcriture n’est pas vu comme un plaisir d’accรฉder ร  la culture รฉcrite, mais comme un apprentissage formel qui permettra de ยซ se dรฉbrouiller ยป dans la vie, parce qu’on en a besoin.
Il ne s’agit pas ici de faire des gรฉnรฉralitรฉs ou de stigmatiser une communautรฉ ou un mode de vie, mais au contraire d’observer et d’analyser afin de mieux comprendre ce qui peut provoquer des difficultรฉs. Le but est de pouvoir ensuite les prendre en compte afin de rรฉpondre au mieux aux besoins des enfants du voyage et de favoriser leur rรฉussite, aumรชme titre que tous les รฉlรจves.

Le rapport ร  l’รฉcole

A la lecture des articles (Faure, 2004 ; Strauss, 2001), j’ai pu constater que les enfants vont ร  l’รฉcole dans le but d’acquรฉrir les savoirs fondamentaux et de rรฉussir leur entrรฉe dans la vie professionnelle. En aucun cas l’รฉcole n’est vue comme une source de dรฉveloppement personnel, de plaisir, d’apport d’une culture commune.
Des apprentissages utiles.
J’ai demandรฉ aux parents et ร  leurs enfants pourquoi ces derniers allaient ร  l’รฉcole.
Les parents m’ont rรฉpondu que le but de l’รฉcole รฉtait d’apprendre ร  lire, ร  รฉcrire et ร  compter et trouver du travail. Une mรจre que j’ai interrogรฉe, F., explique : ยซ Maintenant la vie est dure, il faut savoir lire et รฉcrire, parce que maintenant il faut des diplรดmes. Sans diplรดmes c’est dur de trouver du travail, et il faut bien de l’argent, il tombe pas du ciel ! ยป
Certains sont allรฉs ร  l’รฉcole, d’autres pas. Pour R., c’est l’รฉcole qui lui a permis d’avoir du travail, elle est maintenant agent d’entretien dans une รฉcole, et elle pense que sans avoir appris ร  lire, elle n’aurait pas rรฉussi ร  avoir son travail. C. veut que ses enfants rรฉussissent ร  l’รฉcole, elle n’a pas pu รชtre scolarisรฉe ยซ ร  cause de la police qui รฉvacuait les camps et des voyages ยป, mais elle aimerait aujourd’hui avoir appris ร  lire et รฉcrire pour pouvoir aider ses enfants et รชtre autonome dans ses dรฉmarches administratives. Elle espรจre que ses enfants puissent l’aider, et qu’ils soient eux-mรชmes autonomes dans leurs dรฉmarches. Les parents ont donc conscience de l’utilitรฉ de l’รฉcole dans la vie de tous les jours. Ils voient en l’รฉcole un vecteur de rรฉussite professionnelle, ce qui nuance mon hypothรจse de dรฉpart.
Du cรดtรฉ des enfants, le lien entre l’รฉcole et le monde du travail est beaucoup plus flou. Ceux qui veulent travailler m’ont quasiment tous rรฉpondu que l’รฉcole ne leur servirait pas ร  avoir un travail plus tard. Seule F., en CM1, pense que ยซ l’รฉcole รงa peut m’aider, on fait de l’anglais et moi je veux devenir caissiรจre. Comme รงa, si j’ai un anglais ร  la caisse, je pourrai bien lui parler. ยป Le reste des enfants m’a rรฉpondu par un non catรฉgorique. Par contre, tous vont ร  l’รฉcole pour apprendre ร  lire et รฉcrire. Ils ajoutent parfois pour apprendre ร  compter. Q., en CP, apprend pour aider son petit frรจre. F, veut apprendre pour ยซ faire les papiers si je me marie ร  un gitan et qu’il sait pas lire ยป. Les enfants veulent acquรฉrir des savoirs utiles pour leur vie quotidienne, mais ne voient pas de finalitรฉ sur lelong terme.

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Table des matiรจres
Choix du sujet, questionnement de dรฉpart
Problรฉmatique : Quelle scolaritรฉ pour les enfants du voyage ?
Hypothรจses
Mรฉthodologie
1) L’รฉquitรฉ et l’Ecole franรงaise
2) Les gens du voyage en France : terminologie, cultures, modes de vie
3) Les enfants du voyage et l’Ecole
4) Les rรฉussites ou difficultรฉs scolaires rencontrรฉes par les enfants du voyage
5) Les dispositifs mis en ล“uvre pour favoriser la rรฉussite de ces enfants
Analyse des rรฉsultats
1) L’รฉquitรฉ et l’Ecole franรงaise
a) Une รฉcole pour tous les รฉlรจves
b) La rรฉussite pour tous les รฉlรจves
c) Quelles finalitรฉs pour l’Ecole de la Rรฉpublique ?
d) Des missions trop ambitieuses ?
2) Les gens du voyage en France : terminologie, cultures, modes de vie
a) Explication de la terminologie employรฉe
b) Cultures et identitรฉs : des stรฉrรฉotypes ร  รฉviter
Une vision politique et mรฉdiatique dominante
Cultures et identitรฉs
Une culture des gens du voyage ?
3) Les enfants du voyage et l’Ecole
a) Spรฉcificitรฉs liรฉes ร  la culture et au mode de vie
Les spรฉcificitรฉs de la vie sur une aire d’accueil
Le statut de l’enfant
Le rapport ร  l’รฉcrit
b) Le rapport ร  l’รฉcole
Des apprentissages utiles
La question des diffรฉrences entre garรงon et fille
Le rapport aux autres enfants, les ยซ gadge ยป
4) Les rรฉussites ou difficultรฉs scolaires rencontrรฉes par les enfants du voyage
a) L’adaptation ร  la forme scolaire
Le respect des horaires et l’assiduitรฉ
L’entrรฉe en petite section et le ยซ devenir รฉlรจve ยป
L’amรฉlioration au fil des gรฉnรฉrations
b) Les enfants allophones
c) La maรฎtrise de la langue franรงaise
Les prรฉmices de la lecture et de l’รฉcriture
La construction d’une culture รฉcrite
5) Les dispositifs mis en ล“uvre pour favoriser la rรฉussite de ces enfants
a) Le lien รฉcole-familles
b) Une pรฉdagogie et une scolaritรฉ adaptรฉe aux besoins des รฉlรจves
L’aide du CASNAV et les publics concernรฉs
Le PPRE et l’aide du RASED
La mise en place de diffรฉrenciation
La pรฉdagogie de projet
Favoriser l’interculturel
c) Les aides possibles
L’AREAS gens du voyages, mรฉdiateur famille-รฉcole
L’AFEV
Conclusion
Bibliographie et sitographie
Annexes

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