Les forêts périurbaines : caractéristiques et fonction sociale

L’un des phénomènes géographiques modernes les plus marquants d’un point de vue tant spatial que social concerne le développement urbain et ses conséquences. L’augmentation des populations citadines et la périurbanisation avec ses phénomènes originaux nés de l’inégale répartition des individus, des activités et des espaces naturels, ont profondément marqué les territoires (Devisme, 2007). Au-delà des phénomènes sociaux, les discontinuités spatiales produites par le développement périurbain ont entrainé l’intrication d’espaces boisés multifonctionnels dans des territoires où habitent des populations nombreuses.

Au XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle, les forêts qui ont été absorbées par la croissance urbaine sont parfois devenues des espaces verts et boisés ou des parcs forestiers urbains (Booth, 1998 ; Fauvy, 2003). Aujourd’hui, la situation est relativement différente. Avec la périurbanisation diffuse ou en archipel d’espaces éloignés des grandes agglomérations centrales, de vastes espaces forestiers sont insérés dans un tissu urbain qui conditionne au moins en partie leurs rôles et leurs caractéristiques socio-spatiales. Que deviennent les forêts quand le développement des agglomérations urbaines, impacte leurs fonctions productives, environnementales et sociales ? L’étalement des villes et l’intégration des forêts aux trames vertes locales interrogent les urbanistes, les biologistes et les géographes sur l’équilibre territorial et fonctionnel des espaces naturels aux interfaces urbaines (Cormier, 2011).

Les milieux naturels boisés évoluent sur des rythmes considérés comme lents par les forestiers et les environnementalistes qui les connaissent bien (Bonneau., 2005; Houzard, 1980), tandis que la société humaine change si vite que les individus semblent parfois en perte de repères (Martuccelli, de Singly, 2009). Ainsi, la discontinuité socio-spatiale créée ou accentuée par une périurbanisation souvent non-organisée, induit un déphasage temporel entre une société humaine en évolution rapide et le milieu naturel boisé caractérisé par une croissance lente. Les sociétés contemporaines sont marquées par des intrications géographiques toujours plus compliquées. Les populations ont des pratiques nouvelles tout en conservant certaines traditions ou habitudes locales. Dans les nouveaux territoires soumis à l’influence urbaine, les usagers sont nombreux dans les forêts qui leurs sont accessibles. Compte tenu des changements socio-spatiaux, les motivations et l’ampleur des fréquentations des forêts interrogent : quelles sont les évolutions en matière d’activités récréatives pratiquées dans les espaces boisés réservés aux loisirs et dans les forêts multifonctionnelles ? La proximité ou la variété des forêts différencient-elle les fréquentations ?

Les forêts périurbaines : caractéristiques et fonction sociale

Les forêts et leur fonction sociale

Les arbres et les forêts ont toujours été liés aux hommes qui se nourrissent de leurs fruits et qui utilisent leurs bois pour de multiples usages ; toutefois c’est en défrichant les forêts que des hommes ont fait acte de civilisation (Caritey, 2011 ; Chalvet, 2011). Loin des espaces particulièrement isolés, les forêts françaises poussent généralement sous le contrôle des hommes, et leur présence ou leur absence peut marquer l’identité des lieux. Traditionnellement, les espaces boisés n’ont pas le même rôle en ville qu’à la campagne. Près des villes, dans les parcs suburbains, les arbres sont choisis et sélectionnés pour l’agrément des populations (Stefulesco, 1993), tandis que les arbres des grandes forêts sont davantage destinés à la production du bois et à la préservation de l’environnement.

Pour comprendre les rapports des usagers aux espaces boisés, il faut d’abord cerner le cadre culturel de ces espaces avant d’aborder leurs définitions et leurs diverses fonctions. Comment sont perçues les forêts ? Quelles sont leurs définitions ? Comment et par qui sont-elles gérées ? Quels sont les rapports des propriétaires ou des gestionnaires de ces espaces avec les usagers ? La présentation des forêts et de leurs rôles doit permettre d’en saisir les enjeux sociaux qui sont souvent dépendants des choix productifs et environnementaux.

Des images et des légendes du passé aux perceptions des forêts contemporaines

De tout temps et dans presque toutes les civilisations et cultures, les arbres et les forêts ont eu une symbolique forte. L’arbre a été étudié par de nombreux spécialistes de l’histoire des mythologies, et par des psychanalystes dont Carl Jung (1971) qui l’a décrit comme un archétype de la pensée humaine. L’arbre symbolise la vie et dans de nombreuses régions du monde la tradition est de planter un arbre à la naissance d’un enfant. Les liens symboliques des hommes à la nature et à la forêt sont divers. Ils sont constitutifs des individus et ils créent une sorte d’imprégnation culturelle indélébile (Morin, 1991 ; Thom, 1988) qui sera très utile au cours de la vie des individus, pour les guider et les aider à surmonter diverses épreuves (Kaplan, 1995, 2001).

Des symboles et de l’Histoire ancienne au marketing il n’y a souvent qu’un pas. Ainsi les légendes et les origines historiques servent parfois à valoriser les territoires à travers diverses opérations de communication à destination des populations locales et touristiques. Le marketing transforme les racines culturelles en une sorte de garantie d’authenticité, et la méthode utilisée est souvent efficace, car la quête des origines répond aux désirs d’historicité de nombreux usagers. Dans la Sarthe, le nouveau musée de la forêt de Bercé s’appelle Carnutta, en référence à la forêt des Carnuttes décrite par César. Les guides et les dépliants touristiques rappellent ainsi les origines des forêts françaises depuis l’époque gauloise jusqu’aux grands aménagements du Second Empire, et ces informations accréditent implicitement l’idée d’une nature préservée et entretenue depuis des siècles.

Les images symboliques de la forêt ont longtemps été marquées par la grande diversité des activités vivrières, puis peu à peu, en parallèle à l’évolution sociale et économique, la forêt est devenue une muse pour des poètes, des littérateurs et des philosophes. Les forêts des ogres de Perrault, se sont lentement transformées pour devenir celles dans lesquelles Baudelaire devinait des cathédrales. Quant aux philosophes et aux écrivains qui ont pris la nature et la forêt pour thème, ils ont parfois été portés aux nues. C’est notamment le cas avec Rousseau (1777), Thoreau (1854) ou Giono (1953) dont les œuvres ont largement contribué à la promotion du milieu naturel. Au XIXe siècle, si l’image des forêts a évolué et changé, c’est en partie à cause des peintres de l’École de Barbizon dont les activités ont conduit au classement de plusieurs parcelles de la forêt de Fontainebleau (Kalaora, 1981).

Aujourd’hui, la forêt française est connue et inventoriée. Elle est gérée par des propriétaires publics ou privés, et toutes les parcelles sont administrativement enregistrées : « la forêt s’est rétrécie. Les forestiers l’ont parcourue en tous sens, l’ont balisée et marquée de sentiers » (De Rosamel, 2001, page 243). Pourtant, parallèlement à cette évolution rationaliste et matérialiste, un halo ou une part de rêve et de magie semble avoir perduré par endroits mais aussi dans l’imagination de certains individus. Le mot forêt est toujours synonyme de quelque chose de touffu, de compliqué, comme si les hommes ne pouvaient pas comprendre cette étendue dans son ensemble.

L’influence culturelle de la mythologie (encadré n°1), des légendes, des contes pour enfants puis de l’histoire des forêts et des individus sont des clés pour comprendre et expliquer les émotions des usagers. Cette empreinte environnementale et socio-culturelle qui marque les individus, se régénère aussi régulièrement à l’occasion des sorties en forêt ou lors de la visite d’expositions artistiques d’œuvres diverses (De Buyer, 1971 ; Urban Woods for People, 2002). Les photographies et les cartes postales anciennes font l’objet de publications (Dufour, 1997 ; Guides Habitants, 2010), et des films tels que « Délivrance », « La forêt d’émeraude » ou « Dersou Ouzala » sont réédités, et perpétuent la transmission d’images réelles ou symboliques plus ou moins valorisantes pour les forêts.

Encadré n°1

Vers un retour à une forme de spirituel ou de sacré ? 

Notre civilisation perdrait ses racines tandis que les peuples premiers ont gardé un contact privilégié avec la nature et les arbres sacrés représentant la vie et les dieux (De Rosamel, 2001 ; Caritey, 2011 ; Malaurie, 2008). Aujourd’hui, les représentants des peuples premiers deviennent des porte drapeaux qui rappellent ces liens naturels et symboliques. En septembre 2011, Raony, le chef du peuple des Kayapos (Brésil) était accueilli à Cheverny (41) où une cérémonie avait été organisée. Ce chef amérindien est mondialement connu à cause de son combat pour préserver la forêt amazonienne et dans la forêt chevernoise il a planté un arbre, un liquidambar. Raony adore planter des arbres, ainsi, le vieux chef défend son peuple et sa cause en respectant ses traditions et en nous rappelant les nôtres. Raony était déjà venu en France en l’an 2000, et il avait planté un arbre à Versailles. Il semble donc que pour ce représentant des peuples premiers, les contacts pratiques et symboliques avec l’arbre et la forêt ne sont pas rompus.

L’image et le symbole d’un Kayapo venu défendre sa cause peut nous interroger sur notre société et notre rapport à l’environnement. Sommes nous en train de recréer du sacré ou restons nous résolument profanes face à l’esprit des arbres et la forêt ? Quelles que soient les réponses à cette question, il est clair que l’émotion et l’intérêt soulevés par l’attitude de Raony confirment que le « sacré » et le « sauvage » sont des racines anthropologiques à notre relation à la forêt (Boutefeu, 2007 ; Jung, 1971).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction générale
Première partie – Les forêts périurbaines : caractéristiques et fonction sociale
Introduction de la première partie
Chapitre 1 – Les forêts et leur fonction sociale
Chapitre 2 – Les espaces périurbains et leurs forêts
Chapitre 3 – L’évaluation des fréquentations récréatives des forêts
Conclusion de la première partie
Deuxième partie – Les activités récréatives dans les forêts périurbaines d’Alençon, de Blois et du Mans
Introduction de la deuxième partie
Chapitre 4 – Les espaces de la recherche
Chapitre 5 – La méthodologie d’enquête et la présentation des usagers
Chapitre 6 – Le temps des loisirs et les activités des usagers
Chapitre 7 – Les perceptions et les in-satisfactions des usagers
Conclusion de la deuxième partie
Troisième partie – L’émergence d’une fonction prophylactique des forêts périurbaines
Introduction de la troisième partie
Chapitre 8 – La fonction sanitaire des forêts périurbaines
Chapitre 9 – Prévention, usages et projets thérapeutiques
Conclusion de la troisième partie
Conclusion générale
Bibliographie
Liste des sigles
Tables des illustrations
Table des matières
Annexes

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *