Un XVIIe siècle marqué par la Fronde et des temps difficiles
Pour entamer ce long XVIIe siècle, j’ai choisi de vous faire part d’un incident survenu le 24 novembre 1612. Jean de Bavolier, maire de Libourne et Pierre Picaud, procureur d’office se font écraser par la herse de la porte Périgueux. Ceci était sans doute le présage d’une époque difficile. En effet bien que Libourne soit devenue une ville phare de la province depuis que la cour des Aides d’Agen y a été transférée en 1634, sa population ne vit pas dans les meilleures conditions et subit de plein fouet une terrible disette en 1613.
Libourne devient de plus en plus importante aux yeux de la couronne, ce qui lui valut la visite de Louis XIII en 1615. Et si la première tentative pour installer un siège présidial a échoué, ce n’est pas le cas sous son règne c’est ainsi qu’en 1640 Libourne accueille ses premiers magistrats présidiaux. Un siège présidial sénéchal est une Cour ayant des compétences autant de justice que de police, constitué d’officiers qui achètent leur charge. Ce sont donc des bourgeois ayant la possibilité d’acheter leur charge qui les occupent. Renforçant ainsi leur attachement à la couronne puisqu’elle leur permet de s’élever socialement.
Ainsi le pouvoir royal se renforce au sein de cette cité. Et lorsque la Fronde débute en 1650, Libourne s’engage au côté de son souverain et est dirigée pendant la période de trouble par le duc Bernard d’Epernon alors gouverneur de Guyenne. Bien que le peuple commence à gronder contre la politique fiscale du royaume, celui-ci continue de dépenser l’argent du peuple. Il fait construire à Libourne une citadelle, loge et nourrit les troupes catalanes et bloque le ravitaillement par le fleuve. Le contexte devient de plus en plus lourd, c’est ainsi qu’éclate la Fronde parlementaire (dure jusqu’en décembre 1649). Celle-ci se termine par un bain de sang à Branne lorsque les troupes royales répriment les révoltés. Libourne a également été le théâtre de terribles scènes de combat, et c’est seulement lorsque Mazarin accorde la paix le 26 décembre 1649, que les combats s’arrêtent. Cependant une seconde Fronde débute en juin 1650, celle des princes, et c’est véritablement celle-ci qui a marqué Libourne. En effet Louis XIV et sa mère Anne d’Autriche, accompagnés par Mazarin y séjournent une partie du mois d’août 1650, faisant de Libourne la capitale de la France. Afin de rallier les nobles à sa cause, le roi de France nomme le Grand Condé (l’un des plus célèbres ligueurs) gouverneur de Guyenne. Cependant celui-ci fait détruire de nombreuses habitations afin de construire des fortifications, il fait également emprisonner des bourgeois et officiers du roi afin de montrer sa résistance à l’autorité royale et surtout à Mazarin. C’est ainsi que le cardinal envoie en 1652 le duc de Vendôme reprendre Libourne qui tombe le 11 juillet 1653. C’est une véritable victoire pour le pouvoir royal car les libournais toujours royalistes chassent eux même les frondeurs et ils sont alors récompensés en 1659 lorsque Mazarin leur rend hommage en les visitant.
Le XVIIe siècle est également une période compliquée au niveau de la pratique du culte.
Déjà depuis quelques années, les protestants subissent à nouveaux des persécutions. A Libourne ceci se traduit par la destruction du temple des Fontaines, celui des Billaux, et la destruction d’ouvrages protestants. C’est ainsi que Louis XIV, attisé par son désir d’un royaume uni dans le culte catholique révoque l’édit de Nantes en 1685 par l’édit de Fontainebleau. Les protestants quittent alors la province, et le commerce s’en fait ressentir. Enfin au niveau du commerce Libourne n’est pas non plus à son apogée. En effet avec la perte des négociants protestants et des contacts avec les puissances étrangères dus à leur pratique du culte réformé, c’est toute une partie du commerce maritime qui est touchée. A cela il faut ajouter les nombreuses guerres de Louis XIV qui touchent les principales villes portuaires comme Libourne, comme celle de la Ligue d’Augsbourg entre 1688-1697. Les puissances étrangères faisant blocus contre la France.
L’essor commercial du XVIIIe siècle
Après un long XVIIe siècle marqué par les difficultés économiques, les guerres, les intempéries…la population espère du nouveau siècle une bouffée d’oxygène. Cependant leurs espoirs sont étouffés dans l’oeuf avec le vigoureux hiver de 1709 (période connue également sous le nom de petit âge glacière). La disette sévit alors partout dans le royaume et Libourne n’en n’est pas exempte. C’est ainsi que les grandes familles bourgeoises s’investissent pour fournir au peuple assez de blé pour tenir (c’est notamment le cas de la famille Fontémoing).
L’hiver est tellement dur que les deux tiers des vignes meurent, et les bateaux ne peuvent plus naviguer pendant deux mois. Au XVIIIe siècle plus aucun conflit armé ne se déroule dans le royaume, cependant, la population est touchée par de nombreuses disettes qui font des ravages. La seconde plus importante est celle de 1720 suite à la diffusion de la peste à Marseille, à cela s’ajoute un climat catastrophique (gelées, grêle, inondations…) faisant grimper le prix des céréales. La population ne peut plus se nourrir seule et encore une fois les grandes familles interviennent pour subvenir à leurs besoins. Enfin en 1773 des émeutes bouleversent le calme de Libourne, celles-ci sont encore dues à la faim. Cependant le XVIIIe siècle n’est pas qu’un siècle de catastrophes pour Libourne. Elle suit les bouleversements culturels et économiques du siècle des Lumières. C’est ainsi que les routes ravagées par les guerres sont refaites permettant ainsi aux voies de communication d’être efficaces et de permettre un renouveau dans les échanges économiques. Puisqu’aucun conflit ne se déroule dans le royaume les défenses des cités passent au second plan et de nombreuses transformations urbaines sont alors réalisées, tout ça sous l’impulsion de l’intendant de Guyenne Louis-Urbain Aubert de Tourny. Ainsi des promenades sont rajoutées le long des fortifications, des lavoirs et des fontaines sont placées à l’intérieur de la ville (sous l’influence des hygiénistes), une caserne est construire, les maisons en bois sont remplacées par des maisons en pierres, et surtout de nombreux chais viticoles sont construits le long des quais marquant véritablement la nouvelle fortune de Libourne basée sur son or noir : la vigne.
En effet Libourne connaît au XVIIIe siècle, une expansion incroyable. Elle devient une cité commerçante impliquée dans le commerce d’outre-mer. C’est la plaque tournante du commerce entre le nord et le sud. Les négociants font ainsi fortune grâce à leurs vignobles qui gagnent en renommée et sont alors connus dans toute l’Europe : châteaux de Saint-Emilion ou encore ceux de Fronsac. Surtout l’activité du port reprend et les échanges avec la Hollande, la Suède et l’Angleterre reprennent de plus belle. Libourne devient ainsi l’un des pôles les plus attractifs de la province et fait ainsi prospérer toute sa région. En conséquence de quoi, la population se multiplie et atteint même les 10000 habitants en 1770.
Enfin le XVIIIe siècle est marqué par une période trouble qui divisa la France et son peuple : la Révolution. Si Libourne, loin de la capitale est restée plutôt éloignée des conflits, mais toujours favorables aux idéaux de la Révolution. Après une première tentative pour devenir un chef-lieu de département (elle échoue, laissant sa place à Bordeaux), elle est le siège de l’élection des Girondins à la Convention Nationale. Cependant elle subit de pleins fouets les âcres de la Terreur (1793-1794). Au début 1793 elle est dotée d’un Comité de surveillance qui divisa la ville en trois parties (Nord, Sud et Est) mais qui n’était pas vraiment efficace. Et c’est en novembre 1793 que Libourne est touchée par la Commission militaire. Considérée comme le « refuge de conspirateurs et de deux des principaux chefs du fédéralisme »10, la Commission révolutionnaire souhaite donner l’exemple et montrer au peuple, les punitions qu’il encoure s’il va à l’encontre des idées révolutionnaires. La Commission arriva à Bordeaux le 3 novembre au matin avec dans son giron l’échafaud et l’armée révolutionnaire. Le 4 le Tribunal entre en séance, présidé par Jean-Baptiste-Marie Lacombe, et condamne plus d’une soixantaine de Libournais dont six à la peine de mort. Le quinze novembre le président et toute sa troupe rentra à Bordeaux et reprit sa terrible mission.
C’est seulement lorsque la Convention thermidorienne est mise en place que le climat redevient vivable à Libourne et que celle-ci pût appréhender à l’entrée dans le XIXe siècle. 10 Arrêté de 1793
Libourne et le XIXe siècle
Si aux siècles précédents Libourne a fait l’objet d’une expansion économique inouïe et a été le théâtre d’événements historiques, le XIXe siècle est quant à lui plus calme. C’est à partir du mandat de Gascon Lacaze, maire de 1798 à 1815, que la ville se modernise. Les rues changent de nom, d’autres sont construites et la mise en place de la numérotation des maisons en 1866 permet une circulation plus facile dans la ville. De nombreux travaux font entrer
Libourne dans une nouvelle ère urbanistique. La ville sort de ses murs et s’agrandit grâce à la démolition d’une partie des remparts. Ce n’est que le début de son incroyable extension. C’est ainsi que sont construits les deux ponts l’un au dessus de la Dordogne en 1824, l’autre sur l’Isle en 1832 et est également bâtie la gare en 1853, mettant Libourne au coeur des communications du nord de la Gironde. A cause de l’ouverture de ses voies terrestres, le port commence à décliner lentement cependant les cales et les quais sont refaits afin d’accueillir les gabarres et navires restants en activité. Mais surtout Libourne entre dans la révolution industrielle et subit les changements de son temps. C’est ainsi que l’éclairage au gaz pour la ville est mis en place en 1849, le télégraphe quant à lui fonctionne dès 1860, des bainsdouches municipaux et des fontaines sont également mises à la disposition de la population tout comme une école gratuite sous le patronage du duc Decazes en 1818. Tout est fait pour rendre la vie des Libournais meilleure. Cependant les questions de religion continuent d’engendrer des conflits au sein même de la communauté. Si l’école gratuite est faite par un instituteur protestant ce n’est pas le goût de tout le monde et les Libournais poussent les Frères des écoles chrétiennes à ouvrir une école catholique en 1840. D’autres bâtiments publics (comme le dépôt départemental d’étalons en 1829, ou l’hôpital Récollet 1833-1835) et culturels (comme la bibliothèque municipale ou le musée de l’hôtel de ville en 1812) viennent embellir la ville et en faire la seconde plus importante du département. Tous ces bouleversements mettent en évidence la prospérité économique de la ville qui reste dominée par la présence de nombreux chais le long des quais, les entrepôts à l’intérieur de la ville ; et surtout marque son explosion démographique (plus du double d’habitants en soixante ans).
L’entrée dans le XXe siècle
Nous entrons dans le XXe siècle libournais avec la fin de la construction de l’hôpital Sabatié et son inauguration en 1912. Etienne Sabatié est né à Libourne en 1820, fils de tanneur, il fait très vite fortune et part en Amérique dans les années 1840. A la fin de sa vie il achète une grande propriété à Villenave-d’Ornon et fait un legs de plus de 2,5 millions de francs or à la ville de Libourne afin que celle-ci crée une « oeuvre de bienfaisance ou d’utilité publique ». Ni une ni deux les débats fusent pour savoir à quoi ou à qui alloué ce budget. Et ce n’est qu’en 1904 que la décision est prise de bâtir un hôpital hospice au milieu de jardins, d’un potager, d’une étable et du château d’eau, au nord de la ville. Hôpital civil et militaire il subit les déboires de la Première Guerre mondiale. Comme la plupart des villes françaises, Libourne a été touchée de plein fouet par les deux grandes guerres.
La Première Guerre Mondiale (1914-1918) a fait beaucoup de morts et de nombreux blessés. Beaucoup d’entre eux sont soignés à l’hôpital Sabatié ou envoyés en convalescence à Libourne. Devant l’afflux de malades, l’hôpital est obligé d’ouvrir d’autres ailes et d’envoyer les patients à l’ancien hôpital de la ville : l’hôpital des Récollets ou à Castillon-la-Bataille.
Tout Libourne est mobilisée dans la guerre, de nombreux migrants et soldats arrivent en Gironde pour se réfugier, et tous les bâtiments publics de la ville sont réquisitionnés. C’est ainsi que Libourne doit faire face aux problèmes de ravitaillement. De plus en 1917 est bâti un camp d’instruction de troupes américaines. C’est le 14 juillet 1919 qu’est célébrée à l’hôpital Sabatié la fin de la guerre. Et c’est clairement à partir de là que Libourne entre dans le XXe siècle. Bien que l’entre-deux-guerres soit une période de croissance et de bouleversements scientifiques, Libourne subit des difficultés économiques et la misère s’installe peu à peu. Bientôt les Libournais doivent faire face à la Seconde Guerre Mondiale.
Libourne est située dans la zone occupée, l’hôpital Sabatié est alors réquisitionné par les allemands qui s’approprient également tous les bâtiments militaires de la ville et créent en 1939 un camp d’internement appelé également centre de rassemblement des étrangers. Le 26 juin 1940, le maire Abel Boireau autorise l’armée allemande à entrée dans Libourne et à occuper officiellement la ville. Cependant après l’armistice de 1940 un général polonais alors en exil à Libourne, Sosnkowski, décide de continuer le combat avec ses hommes, et encourage les Libournais à entrer dans la résistance. C’est véritablement après 1943 que les actions de résistance mettent à mal l’armée allemande et surtout s’organisent sous le nom de « Corps franc Jean ». Des attaques sont menées contre l’ennemi et ce groupe parvient même à libérer Castillon-la-Bataille le 28 août 1944. Bien que composée uniquement de cinquantehuit hommes, l’unité des lieutenants Sicot et Dubielh harcèle sans discontinuité l’armée adverse. C’est après quatre ans d’occupation, le 28 août 1944 que la ville est enfin libérée.
Cependant avant de fuir et en représailles aux attaques, les soldats allemands exécutèrent cinq civils puis firent sauter les deux ponts (de pierre et Eiffel) de Libourne.
La fin de la guerre marque ainsi une nouvelle époque, et Libourne se reconstruit lentement. Entrée dans la période des Trente Glorieuses, de nouveaux bâtiments sont construits comme le Lycée Max Linder ou encore l’hôpital Robert Boulin en hommage au maire de Libourne de 1959 à 1979 (ministre dans les gouvernements de Georges Pompidou et Raymond Barre) qui vient suppléer l’ancien hôpital Sabatié (plus assez moderne). Libourne est surtout une ville de garnison et abrite le centre d’instruction santé de l’Armée en 1959 et l’Ecole Nationale des Officiers de Réserve de santé des armées en 1980. Aujourd’hui cette Ecole est remplacée par l’école d’instruction de la gendarmerie. Le XXe siècle est ainsi marqué par l’expansion incroyable de la ville au niveau urbanistique. C’est ainsi que des anciens quartiers (comme celui de l’Epinette) sont transformés pour accueillir une population toujours plus dense, et surtout faire de Libourne une ville attractive. Bien sur au niveau économique Libourne bénéficie des retombées touristiques et économiques de sa région notamment grâce au développement et à l’expansion de ses terres viticoles.
Libourne au XXIe siècle
En 2001 est crée la Communauté de Commune du Libournais composés de six communes, celle-ci disparaît en 2011 après le regroupement avec les deux Communautés de Communes du canton de Guîtres et du Pays de Coutras. C’est ainsi qu’en 2012 est crée la Communauté de Commune du Nord Libournais. Mais celle-ci ne dure pas longtemps et est remplacée par la Communauté d’agglomération du Libournais. Ceci permet ainsi aux communautés environnantes de Libourne de bénéficier des aides de cette agglomération et de faire parti de ses projets leur permettant ainsi de mieux s’intégrer. Si au niveau historique, il n’y a pas eu de grands bouleversements, ce n’est pas le cas au niveau de l’urbanisme. En effet devenue une commune péri-métropolitaine dans le giron de Bordeaux, elle se développe en même temps que la métropole. C’est ainsi que le coeur de la bastide est refaçonné, que les quais sont mis en avant et transformés, que les casernes sont réemployées en centre hôtelier et culturels, que la gare est devenu un pôle central dans la vie Libournaise, enfin que le site naturel des Dagueys est promu pour devenir un des centres touristiques phares de la région.
De plus par tous les axes routiers qui se construisent autour de Libourne : l’A89 Bordeaux Clermont-Ferrand, l’A10 Bordeaux-Paris, rocade ; elle devient une ville étape dans tous ces itinéraires, et s’impose alors comme une ville relais.
LES FONTÉMOING, UNE FAMILLE IMPORTANTE DU LIBOURNAIS
La branche de cette famille est peu connue à Libourne. Grâce à l’étude de huit personnes je souhaite vous montrer l’évolution de cette famille, de travailleurs de la terre à rentiers et propriétaires ils font fortune au XVIIIe siècle. Cette branche s’éteint progressivement et n’existe plus au XXe siècle. Entrons dès à présent dans cette famille, et laissez-vous porter par l’histoire de ses membres.
Membre d’une importante fratrie, il est tout comme son père et ses frères, maître de barque ainsi que marchand. Un maître de barque est un riche armateur. Il s’occupe ainsi du transport de marchandises et prend alors sa commission sur les biens qu’il transporte. Habitant de la région de Libourne, c’est grâce à la rivière que ses bateaux peuvent transporter des denrées vers la Bretagne, Lille, voire l’Angleterre (bien que le commerce d’outre-mer ne soit pas encore prééminent pour cette famille). En effet Libourne de par sa situation géographique bénéficie de l’Isle et de la Dordogne, et de sa proximité avec Bordeaux. Elle commence à devenir au début de ce XVIIe siècle. Libourne devient petit à petit une ville sur laquelle le pouvoir royal peut s’appuyer et ainsi elle peut devenir l’un des acteurs clés du développement de la région. C’est ainsi que les Fontémoing commencent à faire fortune. Le développement de leurs activités commerciales et l’exercice de leurs fonctions en tant que maître de barque leur permettent d’acquérir la richesse nécessaire afin de conserver leur statut de bourgeois. C’est ainsi que les autorités de Libourne renouvellent leur droit de bourgeoisie en 1665. C’est dans le fond Bigot que nous avons eu trace de cet acte. Grâce à cette attestation, les enfants d’Olivier Fontémoing et Marie Roussier acquièrent le droit de bourgeoisie pour eux ainsi que toute leur descendance. En effet ce droit de bourgeoisie est héréditaire et accorde de nombreux privilèges ainsi que des obligations à celui qui le possède.
En plus du paiement pour l’obtention de ce droit, il faut pouvoir subvenir aux besoins des autres bourgeois lorsque ceux-ci ont besoin d’aide, il faut également pouvoir entretenir un équipement militaire en cas d’attaque, participer aux frais de la commune… Il est donc évident que n’importe qui ne peut pas « s’offrir » ce droit. C’est donc pour cette famille le début de la reconnaissance sociale et surtout de la fortune. En effet par ce droit, ils sont désormais exemptés de certains impôts mais surtout, celui-ci leur confère une toute nouvelle sociabilité leur ouvrant les portes d’un nouveau milieu et leur permet d’avoir alors de nouveaux contacts.
Il faut faire attention avec l’utilisation de ces termes de bourgeoisie marchande puisqu’ils révèlent une toute autre réalité à cette époque. En effet la bourgeoisie n’a pas un sens unique, elle révèle plusieurs réalités. C’est un statut juridique surtout lié à la résidence en ville, accordant à celui qui le possède la pleine citoyenneté urbaine.
Afin de renforcer son statut et surtout sa réussite au sein de sa ville, il crée ses armoiries. En effet il paie l’enregistrement de ses dernières en 1696 lorsque Charles d’Hozier crée son recueil. A partir de ce moment, celles-ci sont reconnues officiellement et lui permettent alors de justifier de son statut de bourgeois et surtout d’être une preuve de sa réussite sociale. Les armoiries se transmettent de façon héréditaire, tout comme le droit de bourgeoisie (si le paiement est renouvelé). C’est pourquoi son fils Mathieu Fontemoing est également présent dans le recueil d’Hozier. Il n’est pas évident de connaître exactement la signification de ces armoiries. Et mon analyse reste subjective : le rouge symboliserait l’amour de sa patrie, tandis que l’argent serait la marque de sa réussite. Ainsi il montre sa fortune naissante.
Dans notre étude, nous n’avons pas souhaité remonter au delà de Mathieu Fontémoing père. Mathieu Fontémoing jeune (1665-1737). Mathieu Fontémoing est né le 7 juillet 1665 à Libourne. Fils de Mathieu Fontémoing et Jeanne Marsaudon, il fait parti d’une fratrie de quatre frères : Louis, Emmanuel, Michel et lui-même. Premier né de la famille, il porte le nom de son père, ce qui marque bien la volonté d’une continuité familiale. Bien que nous n’ayons pas de trace de son enfance, nous pouvons penser grâce à cette attestation, que Mathieu a pris part très tôt à l’entreprise de son père. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, il est de coutume de former les enfants directement dans l’entreprise familiale dès leur plus jeune âge pour que ceux-ci soient efficaces lorsqu’ils seront aptes à reprendre les rênes de l’entreprise familiale. Il est d’abord mentionné comme maître de barque tout comme son père et ses frères. Grâce aux voyages réalisés et aux transports de marchandises assurés, Mathieu Fontémoing fait fructifier les affaires familiales, et très vite devient un des notables de la ville. C’est ainsi qu’en 1696 il fait enregistrer ses armoiries dans l’armorial de Charles d’Hozier. Ceci n’est pas anodin. En effet par là, il souhaite montrer son élévation sociale, désormais il fait parti de l’élite de la ville et le montre. L’enregistrement a un coût et tous ne peuvent pas le payer. C’est ainsi que désormais ses papiers officiels pourront être scellés par ses armes.
A ces actes qui prouvent le statut de Mathieu, il faut rajouter l’une des plus belles pièces de cette recherche : le verbal de procédure sur le livre de raison de Mathieu Fontémoing réalisé le 7 janvier 1713. Mathieu Fontémoing père avait l’habitude de tenir un livre de raison pour son commerce. Le livre de raison est quelque chose de courant tout au long du XVIIe siècle et il se développe encore plus au XVIIIe siècle. C’est un registre tenu par le maître de famille, ou le chef d’entreprise qui inscrit dedans tous les événements, comptes, faits auxquels il assiste. C’est ainsi un outil indispensable pour les enfants qui reprennent les rênes de l’entreprise familiale. Dans celui-ci, le père de famille peut donner des conseils à ses successeurs et leur montrer la voie à suivre.
C’est ainsi qu’après la mort de Mathieu Fontémoing père en 1712, un conflit entre ses fils débute pour la propriété de ce livre de raison. C’est à la demande d’Emmanuel que l’action en justice a débuté. Celui-ci souhaitant avec ses frères reprendre l’entreprise familiale voulait que le livre de raison du père soit partagé entre eux. Le verbal de procédure met en avant les disputes des frères, et surtout la volonté de Louis de substituer à ses frères ce livre de raison. Ce procès verbal est composé de seize pages qui expliquent non seulement la dispute, mais surtout décrivent avec précision ce que contenait l’ouvrage :
De son mariage avec Jeanne Lavaud, Raymond Fontémoing a eu sept enfants, dont deux jumeaux mort-nés (Charles et Emmanuel). Afin de faire prospérer sa famille, et dans un souci d’augmenter le patrimoine familial (tant au niveau des propriétés foncières que de la richesse), Raymond Fontémoing a organisé des mariages avec les plus grosses familles commerciales de Libourne. Ainsi deux de ses fils épousent des filles Fourcaud. Ses fils reprennent la direction des affaires. Si dans un premier temps, les quatre frères s’associent à leur père pour faire prospérer les affaires, en 1791 Yacinthe en prend la tête. Son frère Jean- Baptiste quant à lui se tourne vers une carrière politique et devient membre du corps législatif. De sa descendance directe naissent plus de quinze petits enfants. Les Fontémoing deviennent ainsi une famille avec une emprise sur la terre et sur la société Libournaise.
C’est par leur travail dans le commerce comme négociants que peu à peu la fortune de la famille Fontémoing s’établie. Le parcours de vie de Mathieu Fontémoing jeune est plutôt traditionnel dans la société du XVIIe siècle. Celui-ci marche dans les traces de son père en reprenant l’activité familiale. Cependant là où il se différencie de ses frères c’est dans sa capacité d’adaptation au contexte de son époque lui permettant ainsi de s’enrichir et d’entrer dans une nouvelle ère. C’est donc tout naturellement que son fils Raymond Fontémoing prend à son tour les rênes de l’entreprise familiale et devient ainsi l’un des premiers négociants libournais de son époque. Il parvient alors à diversifier la production commerciale familiale et prend peu à peu le pas sur les vignes libournaises. C’est grâce à sa persévérance et son travail inestimable que désormais sa famille accède à un nouveau statut social. Plus que des travailleurs de la terre et des négociants actifs, peu à peu la famille Fontémoing s’illustre dans les fonctions de gouvernance et accède peu à peu à la catégorie de rentier.
DE NEGOCIANTS A PROPRIETAIRES, L’ACCESSION AU STATUT DE RENTIER (FIN XVIIIE-DEBUT XIXE SIECLE)
Le XVIIIe siècle est l’âge d’or pour Bordeaux grâce au commerce Outre-Atlantique.
Les négociants font fortune et parviennent à accéder à des nouvelles fonctions. C’est ainsi que s’illustre Joseph-Raymond Fontémoing. S’il reprend les affaires de son père, il est surtout connu pour être un rentier et un propriétaire foncier. Mais la fin du XVIIIe siècle est surtout marquée par l’impact et les conséquences de la Révolution. Pour vous montrer l’évolution de cette famille durant cette période importante de l’histoire de France, nous étudierons le parcours d’Arnaud Valentin-Tranchère, beau-frère de Joseph-Raymond Fontémoing.
La tradition se perpétue, son père est lui aussi un bourgeois, négociant et marchand. Il fait ainsi fructifier les affaires familiales. Ce couple a eu cinq enfants. Ils continuent de pratiquer des unions endogames : deux de leurs filles s’unissent avec des Fourcaud, famille de négociants bien connue à Libourne, quant à leurs autres enfants, ils se marient avec des membres de l’élite de la société Libournaise : Arnaud Valentin Tranchère est officier de marine, et la famille de Pierre-Louis-Joseph Trigant de Beaumont est courtier en commerce.
Joseph-Raymond Fontémoing s’est marié deux fois au cours de sa vie. C’est l’un des premiers cas dans cette branche de la famille. Sa première union remonte à 1804 lorsqu’il épouse Jeanne-Françoise-Aglaé Limouzin née le 30 mars 1773. Les jeunes époux ont le même âge, nous pouvons ainsi constater l’évolution des pratiques matrimoniales. Désormais les jeunes gens ont approximativement le même âge. Si la pratique au XVIIe siècle était un homme de plus de trente avec une jeune fille de 18-20 ans, ce n’est plus le cas. Désormais les jeunes gens ont quasiment le même âge. La nécessité première qui était d’avoir beaucoup d’enfants pour en avoir au moins un qui survit n’est plus aussi présente. Leur contrat de mariage n’a pas pu être retrouvé car il a été enregistré en sous-seing privé. Cependant grâce à l’enregistrement de l’acte nous avons un aperçu de la dot que reçoit Jeanne-Françoise-Aglaé Limouzin lors de la formation du contrat de mariage le 3 messidor an XI. Par les sommes mentionnées, nous constatons bien que les futurs mariés viennent du même milieu social, un milieu fortuné. Jean-Raymond Fontémoing donne quant à lui à son fils une pension annuelle de mille francs. Une société d’acquêts est également mise en place, c’est le régime matrimonial habituel de la France du XIXe siècle. Ci dessous vous pouvez voir un extrait de cet enregistrement, concernant la dotation de Jeanne-Françoise-Aglaé Limouzin.
La fortune sociale et économique de cette famille se voit notamment dans la création de leurs armoiries. Présentes dans l’armorial de Charles d’Hozier, celles-ci se blasonnent ainsi : « De gueule à un arbre terrassé de sinople dont le tronc est traversé d’une levrette courante d’argent et surmonté de trois étoiles rangées en chef de même ». Dans l’armorial d’Hozier, ce blason appartient à « N…. Chaperon, Conseiller au présidial de Libourne ». Au niveau des meubles représentés l’arbre, les étoiles et la levrette se distinguent. Les étoiles d’argent sur champ de gueule signifient le succès sur le champ de bataille. L’arbre n’a pas de particularité, mais sa forme peut faire penser à celle d’un chêne. Il symboliserait alors la force et la puissance de cette famille qui exerce des fonctions dans les cours souveraines du royaume de France car les Chaperon font partis de la bourgeoisie de robe. La levrette est la femelle du lévrier, elle évoque ici la fidélité, l’obéissance, ou encore l’amitié, des valeurs qui font d’un homme quelqu’un de respectable.
Leurs armoiries évoquent toutes les qualités de cette famille, leurs permettant ainsi de justifier leur statut social ainsi que leur réussite. Pour les Fontémoing une alliance avec une telle famille est faite dans le but de glorifier leur statut social. Pas moins de dix unions ont pu être recensées sur six générations entre les Chaperon et les Fontémoing. Pour ces derniers, ces multiples alliances permettent de les enraciner dans cette bourgeoisie de robe, dans le milieu « bureaucratique » de la monarchie. Leur statut de maître de barque, de marchand, ne leur suffit plus et ces alliances leur permettent d’accéder à de nouvelles fonctions.
|
Table des matières
REMERCIEMENTS
PREAMBULE
INTRODUCTION
PARTIE I. LA GÉNÉALOGIE AU SERVICE DE L’HISTOIRE FAMILIALE
CHAPITRE I. METHODOLOGIE DE RECHERCHE
LES SOURCES UTILISEES
METHODE DE RECHERCHE
CHAPITRE II. L’ANTHROPONYMIE AU COEUR DES STRATEGIES FAMILIALES
CHAPITRE III. LIBOURNE, CHEF LIEU DU DEVELOPPEMENT DE LA DYNASTIE FONTEMOING GEOGRAPHIE DE LIBOURNE ET DE SON ENVIRONNEMENT
HISTOIRE DE LIBOURNE
PARTIE II. LES FONTÉMOING, UNE FAMILLE IMPORTANTE DU LIBOURNAIS
CHAPITRE I. LES FONTEMOING, TRAVAILLEURS DE LA TERRE (FIN XVIIE-XVIIIE SIECLE)
MATHIEU PERE ET FILS A L’ORIGINE D’UNE GRANDE FAMILLE 1634-1737
RAYMOND FONTEMOING LE CADET 1702-1800
CHAPITRE II. DE NEGOCIANTS A PROPRIETAIRES, L’ACCESSION AU STATUT DE RENTIER (XVIIIEXIXE SIECLE)
JOSEPH RAYMOND FONTEMOING 1733-1808
ARNAUD VALENTIN-TRANCHERE 1721-1783
CHAPITRE III. UN NOUVEL ORDRE FAMILIAL, UNE DESCENDANCE COURTE (XIXE SIECLE)
PHILIPPE-LEO FONTEMOING (1812-1892)
MARIE-ANNE FONTEMOING (1843-1920)
PARTIE III. ÉTUDE D’UNE PROPRIÉTÉ : LE DOMAINE DE MONTAIGUILLON
CHAPITRE I. LE DOMAINE DE MONTAIGUILLON, CHEF-LIEU DE LA FAMILLE FONTEMOING
CHAPITRE II. VENTE DU DOMAINE DE MONTAIGUILLON, (1867)
CONCLUSION
ANNEXES
SOURCES
BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet