Les fondements théoriques et la doctrine du travail gouvernemental
Les fondements théoriques
L’OTG est articulée autour de deux expressions clés dont il convient de saisir la signification : «organisation du travail » d’une part et « gouvernemental » d’autre part.
L’organisation du travail, en tant que stratégie d’action d’une entité donnée, remonte au début du XXème siècle. Elle s’abreuve à la source des travaux de Frederick Winslow Taylor (1856-1915) sur l’organisation scientifique du travail. Dans son ouvrage intitulé « The principles of scientific management » (1911), Taylor développe la théorie selon laquelle l’organisation scientifique du travail constitue l’un des moyens essentiels permettant d’optimiser le rendement des entreprises privées. Il établit que la faible productivité des entreprises est liée, entre autres, à la flânerie systématique des ouvriers, et préconise la rationalisation du travail. Celle-ci constitue le pilier du taylorisme, mais sera essentiellement critiquée sur le fait qu’elle marginalise la dimension humaine du travail.
Néanmoins, le concept d’organisation du travail connaîtra par la suite un essor et un raffinement singulier grâce à Henri Fayol (1841-1925).
À travers son essai sur F « Administration industrielle et générale » (1916), considéré comme le texte fondateur du management, Fayol a structuré la pensée rénovatrice de la gestion de l’entreprise autour de six fonctions essentielles. D’après lui, les fonctions verticales ou spécifiques au sein d’une entreprise sont la technique (production, transformation et fabrication), le commercial (achat, vente et échanges), la finance (recherche et utilisation optimale des capitaux), la comptabilité (calcul de la rémunération et statistiques) et la sécurité (protection des personnes et des biens).
La doctrine du travail gouvernemental
II existe très peu d’écrits sur le travail gouvernemental et nombre de chercheurs n’abordent cette thématique que de façon incidente. À partir des travaux de plusieurs théoriciens (Lasswell & Kaplan, 1950 ; Simon, Smithburg & Thompson, 1950), Thoenig (1985, p. 17) observe que «des efforts multiples traversent la littérature spécialisée pour répertorier, classifier, disséquer les fonctions essentielles et les tâches parcellaires accomplies par les décideurs politiques ou leurs agents administratifs ». Plusieurs modèles sont suggérés pour déterminer le contenu de la « boîte à outils » du travail gouvernemental.
Au rang des plus emblématiques, figure la grille analytique de Jones (1970) qui se présente comme une séquence d’activités allant de l’émergence publique d’un problème à la terminaison de l’action gouvernementale. March et Osen (1976) développe le «modèle de la poubelle». Il met en évidence les composants de base présents dans tout processus décisionnel : des problèmes à résoudre, des solutions à mettre en œuvre, des acteurs qui interviennent, des occasions favorables pour prendre la décision.
La gestion de projet et le management de projet
La littérature révèle une terminologie plurielle de la gestion de projet et les érudits rivalisent de dextérité pour lui donner un contenu à la fois complet et précis. Parler de gestion de projet, par opposition au management de projet est, au-delà d’une différence d’école de pensée, une question d’approche et de perspective. La terminologie « gestion de projet » est beaucoup plus répandue dans les pays anglo-saxons (Etats-Unis, Canada), sous l’influence du Project Management Institute (PMI). Les pays francophones, au premier rang desquels la France, sont plutôt adeptes du concept de « management de projet », sous l’inspiration notamment de l’AFITEP.
S’agissant de la gestion de projet, Meredith et Mantel (1985) l’abordent sous l’angle de la gestion des interfaces entre la performance, le temps et les coûts. Pour Adams et Martin (1987), la gestion de projet amène l’organisation à adapter sa, structure et son fonctionnement pour accomplir une tâche précise. Quant à Kerzner (1992), la gestion de projet implique une structure temporaire, hautement organique, capable de réagir rapidement, facilitant l’intégration et les communications tant horizontales que verticales.
La gestion de projet consiste à planifier, organiser, diriger et contrôler les ressources consenties en vue d’accomplir un objet découlant des buts et des objectifs plus vastes.
Cette approche correspond au modèle de Fayol (1916) pour qui le rôle de gestionnaire est défini suivant les fonctions traditionnelles de management à savoir «planifier», «organiser», «décider» et «contrôler», auxquelles Bolivar (2011) suggère d’ajouter la fonction «communiquer», compte tenu de son importance dans la gestion des parties prenantes.
L’abduction comme mode de raisonnement utilisé
Le choix du mode de raisonnement à emprunter pour produire des connaissances constitue l’une des préoccupations essentielles à laquelle est confronté tout chercheur avant d’entamer une recherche. Il peut recourir à l’approche hypothético-déductive, l’approche holistico-inductive ou encore l’abduction. C’est la démarche abductive qui a été privilégiée dans le cadre de ce travail, en ce qu’elle a semblé plus appropriée à notre question centralede recherche. Pour Peirce (1933 1967), l’abduction est un type d’argument dans lequel on passe de l’observation de certains faits à la découverte de conclusions plausibles, compte tenu de ce que l’on sait grâce aux prémices. Koeing (1993, p.7) souligne que «alors que Vinduction vise à dégager de l’observation des régularités indiscutables, l’abduction consiste à tirer de l’observation des conjectures qu ‘il convient ensuite de tester et de discuter ». Elle consiste à produire des connaissances à partir de l’intervention sur le terrain, plutôt que d’obliger la réalité à rejoindre de « force » un cadre théorique défini a priori (Garel, 1998). Quant à David (1993), il considère l’abduction comme le raisonnement que l’on tient lorsqu’il s’agit d’interpréter ce que l’on observe, donc de faire coïncider des faits mis en forme et des théories de différents niveaux de généralité.
Une certaine réalité du management par projets au Cameroun
La réalité du management par projets au Cameroun se révèle à travers deux caractéristiques majeures : d’une part, la mise en place de structures spéciales ou ad hoc. Elles sont distinctes des structures classiques ou permanentes de l’administration, et sont chargées de la conduite ou du pilotage des projets. D’autre part, ces structures ad hoc sont constituées de ressources humaines issues de différentes administrations ou directions permanentes de l’administration, en vue de la gestion d’un projet. Elles ont par conséquent une vocation transversale.
D’une manière générale, l’OTG au Cameroun est marquée par une certaine « addiction » à la comitologie et à Y ad hocratie. La gestion de projets s’organise à travers une foultitude de comités de pilotage et de groupes de travail dont l’efficacité reste à démontrer. Ces entités font office d’équipes de projet, avec une structuration qui peut varier. Dans certains cas, la structure par projet est privilégiée. Elle est notamment de règle pour les projets financés par les partenaires techniques et financiers. Les membres de l’équipe projet consacrent tout leur temps de travail au projet. Il en est par exemple du projet de construction du Complexe Industrialo-Portuaire de Kribi (CIPK), pour lequel l’Unité opérationnelle est analogue à une structure par projet.
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Table des matières
L’INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER : LE CADRE THÉORIQUE
1.1. l’organisation du travail gouvernemental : entre le politique et l’administratif
1.1.1. Les fondements théoriques et la doctrine du travail gouvernemental
1.1.2. Les deux facettes du travail gouvernemental
1.2. la gestion de projet
1.2.1. Le projet et le cycle de vie du projet
1.2.2. La gestion de projet et le management de projet
1.2.3. Les principales approches de management de projet
CHAPITRE II : LE DESIGN ET LE CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
2.1. le design de la recherche
2.1.1. Les constats issus de la revue de la littérature
2.1.1.1 La corrélation entre le cycle de vie du projet et le cycle de vie du travail gouvernemental
2.1.1.2. Les interactions entre le cycle de vie du projet, les processus du travail gouvernemental et le cycle de vie du travail gouvernemental
2.1.2. Les questions de recherche
2.1.3. Les objectifs et l’intérêt de la recherche
2.2. le cadre conceptuel de recherche
CHAPITRE IIl : LA METHODOLOGIE DE RECHERCHE
3.1. l’approche générale de la recherche
3.1.1. Le choix de l’approche qualitative
3.1.2. Le positionnement épistémologique : Pinterprétativisme
3.1.3. L’abduction comme mode de raisonnement utilisé
3.1.4. Le cadre de la recherche : une approche exploratoire
3.1.5. Le terrain de recherche 633.1.6. Le choix des participants à l’étude
3.3. LA STRATEGIE D’ANALYSE DES DONNEES
3.3.1. La codification des données
3.3.2. La validité et la fiabilité de la recherche
3.3.3. L’éthique de la recherche
CHAPITRE IV : L’ANALYSE DES RESULTATS
4.1. LA DESCRIPTION DES RESULTATS ISSUS DE LA COLLECTE DES DONNEES
4.1.1. La perception de la gestion intégrée de projet dans le travail gouvernemental au Cameroun
4.1.2. Les éléments relatifs au management multi-projets
4.1.2.1. Le management de portefeuilles de projet ou approche « portefeuille »
4.1.2.1.1. La sélection et le regroupement des projets au Cameroun
4.1.2.1.2. De l’alignement stratégique des projets au Cameroun
4.1.2.2. La perception de l’approche « plateforme de projet »
4.1.2.3. L’approche trajectoire de projet
4.1.3. La perception des éléments caractéristiques du management par projets
4.2. L’INTERPRETATION DES DONNEES
4.2.1. La transposition des approches de management de projet dans l’organisation du travail gouvernemental au Cameroun
4.2.1.1. L’effectivité de la gestion intégrée de projet
4.2.1.2. L’internalisation des caractéristiques du Management multi-projets
4.2.1.2.1. Une certaine affirmation de l’approche portefeuille
4.2.1.2.2. Vers la mise en place d’une plateforme de projets
4.2.1.2.3. Une approche trajectoire qui reste à définir
4.2.1.3. Une certaine réalité du management par projets au Cameroun
4.2.2 La compatibilité entre les approches de management de projet et les processus du travail gouvernemental
4.2.3 Les approches de management de projet privilégiées dans l’organisation du travail gouvernemental au Cameroun
CHAPITRE V : SYNTHESE DES RESULTATS ET DISCUSSION
5.1. PRESENTATION GLOBALE DES RESULTATS ET DISCUSSION
5.1.1. Les liens entre les résultats de la recherche et le questionnement de départ
5.1.2. Discussion des résultats
5.1.2.1. La relative césure entre les différentes approches de management de projet
5.1.2.2. Le caractère dynamique des processus du travail gouvernemental
5.1.2.3. L’iriévidente transposition homothétique des approches de management de projet dans le champ gouvernemental
5.2. LES CONTRIBUTIONS DE LA RECHERCHE
5.2.1. Les contributions théoriques
5.2.1.1. Une catégorisation du travail gouvernemental en familles de processus et une détermination du cycle de vie du travail gouvernemental
5.2.1.2. Une exploration du lien entre le travail gouvernemental et le management de projet
5.2.2. Les contributions pratiques et managériales
5.3. LES LIMITES DE L’ETUDE
5.3.1. Les limites liées au chercheur
5.3.1.1. Le choix des participants
5.3.1.2. Les exigences inhérentes à la triangulation des sources
5.3.1.3. Le chercheur comme instrument de mesure
5.3.2. Les limites liées aux participants
5.3.2.1. Le déséquilibre entre le nombre de participants informatifs et celui des participants confîrmatifs
5.3.2.2. Le statut des participants informatifs
5.4. LES PISTES DE RECHERCHE FUTURES
5.4.1. Recourir à un autre terrain de recherche
5.4.2. Approfondir l’étude avec une seule approche
5.4.3. Intégrer la dimension performance
5.4.4. Tenir compte de l’apport des processus du travail gouvernemental dans le management de projet
LA CONCLUSION
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