Les fondements scientifiques sur lesquels repose le travail de groupe
Le conflit socio-cognitif
Le conflit socio-cognitif nait dans l’opposition des idées et des points de vue entre plusieurs personnes. Cette opposition permettrait à l’enfant de se décentrer et de remettre en question sa propre pensée, en la faisant ainsi évoluer. Il est l’un des mécanismes responsables de l’acquisition des connaissances, grâce à des interactions entre pairs. En résumé, c’est l’inter-individuel qui serait au service de l’intraindividuel. Il peut être efficace dans l’apprentissage de l’enfant pour plusieurs raisons. La première est que la décontraction requise lors des travaux de groupes, permet à l’enfant de prendre conscience qu’il existe d’autres réponses et procédures que les siennes et donc de les comparer. C’est ainsi qu’il prend en compte la diversité des points de vue et qu’il remet en question la validité de son propre avis. Ensuite, l’enfant peut trouver dans les réponses des autres ou simplement dans le cheminement collectif, des réponses qui permettent de construire ses connaissances et de les ancrer sur les situations concrètes. Il sera plus à même de s’en souvenir contrairement à de simples cours théoriques. Le conflit augmente fortement la probabilité de l’activité cognitive de l’enfant par la nécessité de régulation sociale liée à l’activité de groupe. Dernièrement et comme cité plus haut, le conflit socio-cognitif permet à l’enfant d’accepter l’existence d’un autre point de vue et donc de réévaluer le sien. Ce processus permet donc la coopération au sein d’un groupe de travail.
Les grandes théories concernant le travail de groupe
Les recherches de plusieurs psychologues permettent d’appréhender les différents mécanismes contribuant au développement de l’enfant. L’un des psychologues ayant travaillé sur le développement de l’enfant est Jean Piaget. Il condamne le modèle transmissif, souvent vu dans les classes. Le professeur étant détenteur du savoir, reste actif tandis que les élèves sont passifs face à leurs apprentissages. L’école traditionnelle ne forme pas selon lui, les élèves à s’ouvrir aux autres. Elle les dirige plutôt vers un égocentrisme déjà spontané chez l’enfant. Cette école, nommée école réceptive ne fait pas assez appel à l’activité même des élèves.
Ils devraient selon lui construire leurs apprentissages et leurs savoirs eux-mêmes. La communication verbale utilisée massivement dans la pédagogie transmissive ne serait pas assez riche, pour permettre aux élèves d’engranger des savoirs. Il prône une école qui laisse les enfants poursuivre eux-mêmes des recherches communes afin de construire des savoirs. Les groupes peuvent être organisés à l’avance ou se former de manière spontanée. Bien que les rapprochements spontanés mettent en exergue un système qui peut être questionné, il met en avant le fait que les élèves doivent être à l’origine de leurs apprentissages, en les construisant. Le psychologue met en avant le fait que les autres membres d’un groupe sont perçus comme des sources de conflit cognitif pour l’élève. Les interactions au sein du groupe poussent l’enfant à évaluer ses propres conceptions et à s’en construire de nouvelles, en lien avec celles d’autres membres. Ces ajustements d’idées opérés au sein d’un groupe ont pour objectif d’atteindre de nouvelles coordinations. Les élèves prennent conscience de points de vue différents et remettent en question le leur, c’est alors que le développement intellectuel se créer. Piaget voit le groupe comme un vecteur de changement et d’apprentissage, non comme sa substance même. Le travail se fait donc de manière solitaire, chez chaque élève qui fort des autres opinions, questionne et réorganise les siennes. Le conflit socio-cognitif apparait, dès lors que l’élève doit argumenter son point de vue, réévaluer sa validité et prendre en compte différents avis. Suite à ses recherches et observations, Jean Piaget met en avant deux types de rapports sociaux. Tout d’abord le rapport de contrainte où le respect est unilatéral et dirigé vers une figure d’autorité et qui renforce l’égocentrisme plutôt que tenter de le corriger. Puis la coopération est un système d’échange entre individus égaux. Celle-ci apparait vers l’âge de 7-8 ans chez les enfants. Chaque élève tire profit d’une situation coopérative dans laquelle les différents comportements au sein même du groupe éduquent l’esprit critique et l’objectivité de chacun. Ce système est selon Piaget un facteur essentiel dans la construction de l’élève en tant qu’individu et dans son développement intellectuel. De manière générale et pour résumer les propos de Jean Piaget, les travaux de groupe servent à l’enfant pour se décentrer, prendre en compte l’autre et ses opinions, remettre en question ses propres avis et les réajuster au besoin. Il place l’utilisation du conflit socio-cognitif en lien avec les travaux de groupes comme vecteur de changement et d’évolution. Le deuxième psychologue ayant mené des recherches sur le sujet, et considéré comme en opposition aux théories de Jean Piaget est Lev Vygotski. Selon lui, le processus du développement de la pensée chez l’enfant ne part pas de l’individuel pour servir le social. Il pense que c’est l’activité sociale qui va vers celle individuelle. Il met en avant une relation asymétrique entre l’enseignant et sa classe ; l’enseignant est détenteur du savoir alors que l’enfant sait moins. Il explique que cette relation est indispensable dans l’acquisition de nouveaux concepts et notions chez l’enfant. Selon lui, ce n’est pas le conflit socio-cognitif entre pairs qui fera évoluer les savoirs de l’élève, mais bien le heurt des représentations de l’élève et celles de l’adulte. Vygotski pense que l‘enfant construit ses savoirs en les réajustant sans cesse, après confrontation avec ceux de l’adulte. Il met en avant la méthode de Shakharov dans laquelle l’élève est confronté à un problème et que l’adulte lui offre petit à petit, les clés pour résoudre cette situation. Il apporte avec sa théorie le concept de zone proximale de développement. En d’autres mots, cette zone se situe entre ce que l’élève est capable de faire seul, son niveau, et ce qu’il est capable de faire en étant accompagné. Il s’agit donc de l’espace potentiel de développement et d’apprentissage de l’enfant. L’élève va grâce à la confrontation de ses propres opérations mentales avec celles d’un adulte, s’approprier des connaissances. Ce que l’élève est capable de faire avec l’aide d’un adulte à un moment donné, sera réalisable seul plus tard.
Bien que ces deux théories soient diamétralement opposées, elles se retrouvent tout de même sur un point commun ; l’action de l’élève. En effet, c’est en faisant que l’élève réussira à comprendre, avec ou sans l’aide de l’adulte. La pédagogie transmissive où l’élève reste passif devant ses apprentissages est donc selon ces deux théoriciens, à bannir. La socialisation de l’élève se construit grâce à des émotions collectivement ressenties. L’enfant se construit en tant que personne en s’identifiant à des modèles extérieurs, en s’y confrontant et en ayant le désir d’affirmer son identité
Comment organiser le travail de groupe
Le travail de groupe permet aux élèves de confronter leurs idées et d’apprendre de ses conflits. Mais il ne suffit pas de regrouper des élèves pour que la magie opère. Il s’agit pour l’enseignant de mettre en place un environnement de travail propice aux échanges et à l’entraide mutuelle.
Organiser les groupes
Il faut d’abord expliquer aux élèves et les convaincre que ce mode de travail leur servira, car ils pourraient ne pas voir l’intérêt de ce changement. Pour certains élèves, il est plus simple et rassurant de continuer à utiliser la méthode « traditionnelle » ; chacun pour soi et en silence. Bien que l’enseignant reste souvent le décisionnaire des sujets à aborder et de la composition des groupes, cette méthode de travail va pousser les élèves vers une plus grande autonomie en leur conférant plus de responsabilités. Si toutefois des élèves persistaient à refuser ce travail, il faut dans un premier temps ne pas les forcer à intégrer un groupe, ils le feront d’eux mêmes avec le temps et l’observation des différents groupes. Il est primordial de mettre en place cette situation en prenant en compte la personnalité des élèves et en leur laissant un temps d’adaptation. Les résultats viendront avec les habitudes qui se mettent en place. Il faut veiller également à constituer les groupes sans ignorer les aspects affectifs. Il s’agit d’établir un environnement serein afin de favoriser les échanges productifs. Il est vrai que les groupes constitués spontanément par les élèves seraient plus riches en échanges, mais moins en apprentissages. Les groupes gagneraient donc à être constitués d’environ quatre membres, afin de susciter des échanges riches sans priver un membre de la parole ou le rendre passif. Plusieurs possibilités s’offrent à l’enseignant en matière de constitution des groupes ; il semble utile d’en expliciter quelques-unes. Tout d’abord le groupe de besoin, qui sera constitué suite à une évaluation, tendra plutôt à être homogène. Il suit une logique de remédiation, plutôt mené par l’enseignant ou alors faisant suite à une évaluation qui contiendrait des éléments précis aidant à la construction des groupes. Ensuite, le groupe de confrontation qui permet de créer un conflit socio-cognitif chez les membres du groupe. Il faut s’assurer que chaque élève entend l’avis d’un autre membre et s’en sert pour réorganiser sa pensée. Mais cela peut tendre vers une dérive oppositionnelle au sein du groupe. Des groupes de niveaux peuvent être créés, les apprentissages y sont différents en fonction des degrés de maitrise des notions abordées. Dans ce système le risque est, que les élèves reconnus comme plus « faibles » s’identifient comme tels et développent un sentiment d’incompétence. Dernièrement, les groupes d’entraide mutuelle tendent à rendre la tâche plus simple pour chaque élève en s’appuyant sur les ressources collectives du groupe. Il faut cependant faire attention à ne pas éluder le personnel au profit du groupe, en veillant à instaurer des moments individuels de travail après la phase collective.
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Table des matières
Introduction
I.Partie théorique
I.1.La pédagogique de groupe : Quelles questions pose le travail de groupe ?
I.1.1.Pourquoi faire travailler les élèves en groupe ?
I.1.2. Pourquoi le travail de groupe plutôt que le travail individuel ?
I.1.3. Dérives et limites du travail de groupe
I.2.Les fondements scientifiques sur lesquels repose le travail de groupe
I.2.1.Le conflit socio-cognitif
I.2.2.Les grandes théories concernant le travail de groupe
I.3.Comment organiser le travail de groupe
I.3.1.Organiser les groupes
I.3.2.Organiser le travail
I.3.2.1.Consignes
I.3.2.2.Temps
I.3.3.Le rôle de l’enseignant
II.Partie pédagogique
II.1.Situation initiale
II.1.1.Contexte
II.1.2.Constitution des séances
II.1.2.1.Français
II.1.2.2.Mathématiques
II.2.Dispositif
II.2.1.Mise en place
II.2.1.1.Première séance de français
II.2.1.2.Première séance de mathématiques
II.2.1.3.Questionnaire
II.2.2.Dernières séances
II.2.2.1.Français
II.2.2.2.Mathématiques
III.Analyse et ajustements du dispositif
III.1.Regard des élèves sur le dispositif
III.1.1.Premier questionnaire
III.1.1.1.Tableau comparatif des réponses au premier questionnaire
III.1.1.2.Analyse du premier questionnaire
III.1.1.3.Discussion et mise en place de règles
III.1.2.Deuxième questionnaire
III.1.2.1.Tableau comparatif des réponses du deuxième questionnaire
III.1.2.2.Analyse du deuxième questionnaire
III.1.3.Changement des comportements
III.2.Composition des groupes
III.2.1.Homogénéité ou hétérogénéité
III.2.2.La motivation influe sur les résultats
III.3.Gestion de la séance
III.3.1.La tâche proposée
III.3.2.Les consignes
III.3.3.Le temps
III.3.4.La correction
III.3.5.Du côté de l’enseignant
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Questionnaire
Annexe 1 : Questionnaire proposé
Réponses aux questionnaires
Annexe 2 : Réponses Nahel au premier questionnaire
Annexe 3 : Réponses Camille au premier questionnaire
Annexe 4 : Réponses Ashanty au deuxième questionnaire
Annexe 5 : Réponses Noah au deuxième questionnaire