Les fondements philosophiques de la pensée politique de Locke et la question des Droits Humains

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La situation politique de l’époque de Locke

La vie de Locke coïncide avec un chapitre important de l’histoire d’Angleterre. Son œuvre exprime une double évolution : historique et idéologique. Historiquement, il est lié à Guillaume III d’Orange (1650-1702) et à la Glorieuse révolution de 1688/89, celle qui fait date dans l’histoire de la liberté des peuples.
John Locke, Philosophe, humaniste et médecin anglais, est né près de Bristol en août 1632 et est mort à Oates en 1704. Sa famille représente bien le milieu puritain, le monde de petits propriétaires, attachés à la loi divine et aux droits nouveaux des entrepreneurs, qui aura raison de la monarchie absolue. Il succède à Hobbes comme figure dominante de la philosophie anglaise du XVIIème Siècle. Comme son prédécesseur, il se trouvera confronté à la crise de pouvoir politique. Rappelons que la réflexion philosophique de Hobbes fut alimentée, en ce siècle si troublé, par la première révolution anglaise, dont les causes étaient le conflit du Roi et du Parlement et la guerre civile à partir de 1640.
Le roi Charles Ier exerce son pouvoir de manière absolue, il impose la tyrannie de onze ans : le Parlement ne siège pas de 1629 à 1640, qui traditionnellement, depuis le XIII° siècle au moins, était régulièrement convoqué ou réuni. Ce roi avait une conviction qu’il recevait son pouvoir directement de Dieu. A l’époque, la théorie du droit divin se traduit en Angleterre par la « prérogative royale ». Ce qui peut assurer le monarque, l’autorité entière dans divers domaines, dont la politique étrangère, la défense et les impôts. Cette prérogative, Charles Ier entend l’exercer pleinement.
Pourtant, comme déjà souligner en haut, les Anglais connaissent depuis le XIII° siècle un système de contre-pouvoir incarné par le Parlement. Face à la « prérogative royale », s’affirme le « privilège du Parlement ».
Dès le début du règne de Charles Ier, en 1629, le malentendu éclate : le Parlement entend contrôler l’utilisation des crédits votés, le roi s’y refuse absolument. Ainsi, le Parlement est dissous et les députés sont renvoyés chez eux. A partir de ce moment, une opposition s’est formée, le conflit était donc inévitable.
En 1641, la guerre civile éclate, opposant les « têtes rondes » (partisans du Parlement), nombreuses dans le sud et l’est, aux « cavaliers », (partisans du roi), majoritaires dans le nord de l’ouest de l’Angleterre. Le roi est arrêté en 1646. La révolution se radicalise. Une armée puritaine, dirigée par Cromwell, est devenue la force principale dans le pays. Quand le roi tente de s’échapper en 1648, le nouveau pouvoir impose au Parlement de le juger, puis de l’exécuter. Charles Ier est décapité le 30 janvier 1649. Ainsi, s’instaure un régime militaire de dictature personnelle dirigé par Olivier Cromwell (1599-1658). A sa mort en 1658, la transmission du pouvoir à son fils Richard Cromwell (1626-1712) est un échec. Les parlementaires survivants rétablissent la monarchie en 1660 au profit de Charles II, fils du roi décapité. C’est ainsi qu’on parle de la Restauration.
Depuis la restauration, le contexte a changé, il s’agit maintenant, moins de fonder la légitimité de l’institution de l’Etat et de démontrer les avantages du régime monarchique, que de définir les droits attachés au pouvoir politique, de réorganiser la monarchie en insistant sur le devoir du magistrat et les normes qui doivent régir le bon fonctionnement de l’institution publique. Au pouvoir absolu de Jacques II, successeur de Charles II, fera place après la seconde révolution en 1688. Cette révolution est appelée glorieuse révolution ou révolution pacifique.
La cause de la seconde révolution est la conversion au catholicisme du duc d’York, Jacques Stuart (1633-1701), puis son avènement au trône (1689) sous le nom de Jacques II. Ce nouveau roi catholique favorise les Eglises dissidentes et le catholicisme. Il fait la déclaration d’indulgence et se rapproche beaucoup trop de la papauté et de Louis XIV (empereur de la France).
La naissance du prince héritier Jacques Edouard (1688) permet l’établissement d’une dynastie catholique et éloigne l’accession au trône de la princesse Marie, fille de Jacques II et de son époux Guillaume III d’Orange. Ils chassent Jacques II qui s’enfuit en France, signent la Déclaration des Droits en 1689 qui garantit au Parlement d’être librement élu et régulièrement convoqué, arrêté depuis 1629 par Charles Ier, et que son consentement est nécessaire pour abolir une loi, lever une armée ou décider du montant des impôts. Ce fut instauré en Ainsi, en moins d’un demi-siècle, les Anglais expérimentent tous les régimes politiques et imaginent toutes les utopies. Est mise à l’épreuve une monarchie absolue avec Charles Ier qui fait sienne la formule de son père Rex est lex, et avec Jacques II, obstiné dans sa mission divine de restaurer le catholicisme. Est essayée une sorte de communisme protestant et puritain avec le mouvement des Niveleurs qui voyaient en Jésus-Christ, ce « puissant esprit de fraternité », le « Niveleur en chef ». Est aussi mise à l’essai une république parlementaire pendant cinq ans : le résultat est un désastre ; le Parlement républicain et le Conseil d’État déconsidérés, l’Écosse et l’Irlande écrasées, et le puritanisme impose une série de lois intransigeantes. Quant à Cromwell, il invente un régime personnel, dictatorial, avec « Dieu le Père et Jésus-Christ comme inspirateurs quotidiens, la Bible comme manuel de gouvernement et la “verge de fer” en main ». À quoi s’ajoute un Parlement qui oppose la coutume anglaise au droit divin.
Pendant cinquante ans, l’Angleterre se transforme en laboratoire politique qui annonce les révolutions américaine et française. Et tout cela débouche sur une monarchie tempérée, modèle et référence obligés pour les philosophes du siècle des Lumières.
De plus, à cette époque même, la réflexion sociale et politique n’est pas homogène. Cette diversité est la traduction des besoins politiques, éthiques et religieux, et est dominée par l’opposition significative de deux grandes tendances : la tendance des Tories et celle des Whigs.
Publiés en 1690 et présentés par John Locke comme une apologie de la « glorieuse Révolution » de 1688, les Deux traités de gouvernement civil sont d’abord connus comme une des plus rigoureuses critiques de la monarchie absolue dont le refus est fondé sur l’idée de la nécessaire subordination de l’activité des gouvernants au consentement populaire. C’est ainsi que Locke prend part au conflit entre les Tories et les Whigs.
Le mouvement des Tories est une tendance favorable à la théorie du droit divin. Partisans de l’Eglise anglicane, les Tories encourageaient les gens à accomplir leurs devoirs religieux et à se soumettre à l’ordre établi. Ils prônaient même la soumission du politique au religieux. Cette sacralisation de l’Etat et des institutions s’opère à travers la personnalité même du prince : « Les rois ne sont pas seulement les lieutenants de Dieu sur la terre, assis sur le trône divin lui-même, mais, bien plus, Dieu en personne les a dénommés dieux […] Les rois sont la tête du microcosme humain […] De même qu’il est blasphématoire de mettre en question un acte de Dieu, de même il serait séditieux pour des sujets de critiquer ce qu’un roi accomplit dans la plénitude de son pouvoir »10.
Il apparaît clairement que l’ordre politique est déterminé par le respect même de la loi divine et à la sacralisation des institutions politiques correspond celle de l’ordre social. Rébellion et péché ici sont indissolublement liés. L’autorité civile est requise pour prêter main forte à l’exécution des ordonnances ecclésiastiques.
Cette situation était soutenue dans une moindre mesure par Hobbes, dans son œuvre monumentale, le Léviathan, 1650. Mais son défenseur phare reste R. Filmer, avec son maître ouvrage, Patriarcha or natural power of kings, 1680 (Patriarche ou pouvoir naturel des rois). C’est un essai sur l’obligation politique et l’origine historique du pouvoir qui légitimait l’autorité de Charles Ier Stuart (1600-1649) sous sa forme la plus absolue au nom du droit divin des rois, fondé sur la puissance paternelle et la primogéniture.
Cette tendance a été critiquée et rejetée au moment des deux grandes révolutions du XVIIe siècle par le mouvement des Whigs.
S’appuyant sur les arguments des monarchomaques11 réfugiés aux Pays-Bas, les Whigs prennent le contre-pied des Tories. C’est ainsi qu’ils n’ont pas hésité à justifier les guerres et les révolutions, respectivement sous Charles Ier Stuart et Jacques II Stuart. Leur message est celui de la tolérance, du pluralisme confessionnel et politique. Pour eux, la tolérance apparaît comme un droit naturel au même titre que la liberté individuelle et la propriété. J. Locke, dans sa Lettre sur la tolérance de 1689 et dans le Second Traité de gouvernement civil, se fait tout à la fois l’écho et le guide de cette tendance contestataire.
Locke considère que la multiplicité des religions est un moyen de prévenir les troubles dans la société. Il pense ainsi que les troubles dans la société naissent de la volonté étatique d’empêcher l’exercice de différentes religions, là où il serait préférable de les tolérer. Ici, Locke prétend défendre un nouveau rapport entre le gouvernement et la religion basé sur les principes de la démocratie.
Sous son influence, le mouvement des Whigs incarne essentiellement les valeurs républicaines et démocratiques. Il prône la liberté par la loi promulguée et connue de tous et l’idée de la balance des forces au sein du corps politique. Il est également favorable à la politique de la représentativité du peuple au parlement par les élus locaux, à travers laquelle ses promoteurs voient un moyen pour le peuple de s’autogérer.
Ainsi, il se dégage dans cette nouvelle pensée politique, des thèses constitutionnalistes, qui expriment un contexte doctrinal qui est déjà celui de la démocratie moderne. Elle a été une occasion pour Locke de préparer sa théorie critique de l’absolutisme.

La critique lockéenne de l’absolutisme

Locke va consacrer une grande partie de ses écrits politiques, Le Premier Traité, à rejeter toute justification de la monarchie absolue et l’arbitraire du pouvoir politique. En faisant, il attaque la théorie absolutiste de Filmer.
Au 16° siècle et, surtout au 17° siècle, l’idée se répand chez des hommes de loi français et anglais que le roi détient un pouvoir sans limites, qu’il peut établir les lois selon son bon plaisir, que ses sujets n’ont pas de comptes à lui demander. Cette idée est soutenue par des hommes d’Eglise, pour lesquels le roi est le ministre de Dieu sur terre. Les sujets doivent donc obéissance au souverain et toute révolte est une faute contre Dieu. Ces principes, qu’on appelle absolutisme, triomphent un peu partout en Europe.
En effet, le régime totalitaire ou despotique se caractérise par le fait que la souveraineté est détenue et exercée par un individu en la personne du monarque. Entre ses mains sont concentrés tous les pouvoirs et aucune autre volonté ne peut s’opposer à la sienne. Le peuple est constitué de sujets comme personnes qui dépendent de la volonté absolue du monarque. La source de la souveraineté réside dans le monarque. En effet, dans ce système, le peuple reste et demeure soumis aux initiatives unilatérales du monarque dont les actes politiques visent parfois à soigner plutôt son image et sa grandeur que le bien-être du peuple.
Si Sir R. Filmer est un auteur peu connu, son ouvrage principal, Patriarcha or natural power of kings, 1680, ne l’est pas. Il explique dans ce document la théorie de l’origine divine du pouvoir civil telle qu’elle avait été annoncée depuis Saint Augustin (354-430)
Selon R. Filmer, « L’origine de la société humaine remonte à Adam et que la relation qui s’établit dans la société politique entre gouvernants et gouvernés dérive de l’autorité paternelle […] Autrement dit, Dieu, en créant Adam, lui a donné autorité sur tous ceux qui viendraient après lui, d’abord sur Eve puis sur leur postérité. Ainsi affirme-t-il que la souveraineté qu’Adam a reçue directement de Dieu s’est transmise par héritage de Caïn à Charles Ier selon le droit de primogéniture. Dans ce contexte, la femme et les enfants, hormis le fils aîné, sont en un état de subordination qui est le signe de leur infériorité. L’idée de liberté naturelle est donc vide de sens. En effet, à raison de leur origine et par la volonté de Dieu, les hommes sont toujours assujettis à leurs pères ; en conséquence de quoi, ils ne sont ni égaux ni libres. De là il ressort qu’un roi est, conformément à la volonté divine, le père de son peuple. Autrement dit, le rapport du prince et de ses sujets est de même nature que la relation du père et de ses enfants. La société politique, identique en sa nature à la société familiale, ne requiert en rien l’artifice logique d’un contrat consensuel : tout simplement, elle existe depuis que Dieu a donné Eve à Adam. Quand au rapport de commandement à obéissance qui existe en une telle société familiale ou politique, c’est un tout, il est originairement déterminé par l’arbitre de Dieu lui-même et ne peut, en tant que tel, tolérer ni réserve ni exception : l’obligation politique se ramène ainsi à une allégeance totale envers l’autorité patriarcale du prince. »12 Filmer justifie ainsi l’absolutisme monarchique comme héritage direct de l’empire paternel d’Adam et l’obéissance passive des sujets nécessairement subordonnés et assujettis. L’idée des Droits naturels est ici vide de sens. Filmer, comme les théoriciens classiques de cette doctrine absolutiste, estime que Dieu est la « source naturelle » et « le principe nécessaire » de l’autorité politique.
En plus de Filmer, Hobbes était à l’époque une des références en matière de la politique. Il va réfléchir au sens de l’autorité et à son pourquoi. Il est fidèle au pouvoir, y croit, il va d’ailleurs écrire le Léviathan (1651). Le Léviathan est un monstre marin qui représente une multitude d’individus en une seule personne. C’est le nom que Hobbes donne à l’Etat rationnel dont il rêve ; il va défendre le pouvoir absolu, au nom des intérêts de l’individu, mais aussi pour conserver la paix et donc pour l’utilité de celui-ci. Hobbes va donner de ses convictions une justification purement rationnelle et utilitaire. Il réfléchit à la situation de l’Homme sur terre et il constate que l’homme se trouve dans un état de nature qui se caractérise par un état anarchique, parce que les Hommes sont égaux, donc se font la guerre les uns contre les autres, sans frein.
Pour s’échapper au calvaire de l’état de nature, les hommes s’organisent en société. Ils s’imposent des restrictions à la liberté. Si l’Homme a consenti des restrictions à sa liberté, c’est pour se préserver de l’état de guerre, de l’anarchie, de l’abus de pouvoirs. L’Etat apparaît comme un géant, une personne qui s’élève au-dessus des villes, campagnes et même de l’autorité spirituelle. Léviathan est la somme des intérêts particuliers. C’est l’autorité sans limites, car le citoyen a abandonné ses droits pour être protégé. Donc il n’existe pas de limites extérieures au pouvoir politique. Primauté de l’intérêt de l’Etat, c’est le « Droit d’Etat ». Donc pour lui, le souverain est au-dessus de la loi. Car : « […] ayant le pouvoir de faire les lois et de les repousser, il peut quand cela lui plaît se libérer de cette sujétion en repoussant les lois qui le dérangent et en faisant de nouvelle : il était donc dès auparavant. »13
En réaction contre Filmer et Hobbes, Locke va préciser l’origine et l’étendue véritables du gouvernement civil. Telle est la tâche entreprise par J. Locke dans son traité politique qui est à la fois la réfutation de R. Filmer et la poursuite du combat pour la reconnaissance des droits contre l’absolutisme à travers une réflexion philosophique scientifiquement programmée.
Le Premier Traité est une attaque en règle contre Filmer qui a argumenté en faveur d’un droit divin, héréditaire, absolutiste et monarchique. Locke attaque ceci sous différents angles, il reprend un à un les arguments de Filmer. D’abord, il fait la distinction entre l’ordre divin qui symbolise la création et l’ordre politique qui porte la marque de la création humaine. Par conséquent, l’autorité d’un père sur ses enfants n’est pas absolue puisqu’elle est soumise à la loi naturelle. Quand on admettrait que l’autorité royale s’apparente à l’autorité paternelle, il est impossible de la dire absolue. Si non l’autorité paternelle est naturelle, tandis que l’autorité souveraine implique un artifice institutionnel. Par ailleurs, Locke pense que : « Le pouvoir d’Adam sur sa famille fut un pouvoir domestique, non un pouvoir politique. Le pouvoir paternel ne confère nullement au père le droit d’ôter la vie que Dieu a créée ou permise. D’ailleurs, poursuit Locke, le pouvoir politique n’est apparu qu’à l’époque des rois, donc, plus tard, bien après Adam, Noé et les Patriarches […] Et l’on voit mal en quoi et comment les rois actuels auraient reçu le legs de l’autorité originaire d’Adam […] Il est donc clair que la souveraineté n’est pas réductible à l’autorité paternelle. »14
Ensuite, Filmer suggère que le pouvoir absolu d’Adam lui venait du fait qu’il avait la possession du monde entier. À ceci, Locke s’oppose. A l’origine, le monde était en propriété commune (dans les deux Traités). Mais, même dans le cas contraire, Dieu n’a accordé qu’un droit sur la terre et les animaux, mais pas sur les être humains. Ni Adam, ou ses héritiers, ne peuvent utiliser ce droit pour soumettre à l’esclavage l’humanité, car la loi de la nature interdit de réduire son prochain à un état de désespoir, si l’on possède un excédent suffisant pour se maintenir en sécurité. Et même si ceci n’était pas commandé par la raison, poursuit Locke, une telle stratégie pour la domination prouverait seulement que le fondement du gouvernement réside dans le consentement. Aucun roi n’a jamais proclamé que son autorité repose sur le fait d’être l’héritier d’Adam. C’est Filmer, prétend Locke, qui innove en politique, et non ceux qui déclarent l’égalité naturelle.
Par ailleurs, nous pouvons comparer la situation de l’Angleterre du XVII° à celle de l’Afrique à l’aube du XXI° siècle. Nombreux régimes politiques actuels en Afrique évoluent sur la base de la monarchie présidentielle. Les pouvoirs se concentrent entre les mains d’un seul homme, le président. C’est la « présidentocratie ». Le Président nomme les membres du gouvernement et n’est pas responsable devant le Parlement. De ce fait, il règne seul, sans contre pouvoir et empêchant du coup les autres responsables d’émerger.
La similitude entre la situation politique de l’époque de Locke et celle qui existe présentement en Afrique est claire. Bon nombre des dirigeants africains pensent qu’ils sont les seuls nés pour commander. C’est pourquoi, l’esprit de s’éterniser au pouvoir leur amine tous. Ils pratiquent chez eux une politique de règne sans partage, la dictature. Les tribunaux, le pouvoir exécutif et législatif sont directement liés aux décisions du dictateur. On n’y trouve aucun contrepoids ; c’est-à-dire qu’il y a une absence de liberté d’expression, notamment dans la presse, une absence de partis d’opposition et une absence de groupes de pression indépendants dans la société. De plus, les policiers ont quasiment un droit de vie ou de mort sur les individus. Depuis les indépendances, l’Afrique n’a connu presque que des régimes de ce genre, autoritaires.
La dictature s’installe soit par un coup d’état, soit par une occupation de territoire au terme d’une guerre ou d’une révolution. La plupart du temps, une dictature émerge dans un contexte de crise. Les dictatures peuvent être dirigées par une ou plusieurs personnes. En effet, il peut s’agir d’un individu, d’un parti ou d’une junte militaire.
Pour mémoire d’homme, au cours de la dernière décennie plusieurs chefs d’Etat africains ont modifié la Constitution pour rester au pouvoir au-delà de la durée inscrite dans la Loi fondamentale de leur pays. D’autres dont les mandats arrivent à terme au cours des prochaines années sont tentés de faire de même. Ils ont en commun d’être en fin de leur second mandat. On leur prête l’intention de rempiler, car ils ne peuvent briguer un nouveau mandat sans amender leurs Constitutions. Leur entourage les pousse à aller de l’avant, alors que la société civile est dans la rue pour les en empêcher.
En Afrique, le tripatouillage des constitutions est devenu un sport favori des gouvernants. Le parti au pouvoir change les textes pour s’éterniser aux affaires. Ce qui est souvent la cause des tensions politiques alimentées par des soulèvements de l’opposition et de la société civile qui appellent parfois la communauté internationale à intervenir pour arbitrer.
Comme on le voit, les tripatouillages constitutionnels sont devenus en Afrique un mot de passe entre les présidents africains au pouvoir. Cela n’est pas du tout normal, puisque de tels tripatouillages provoquent souvent des soulèvements populaires avec leurs corollaires de morts d’hommes, d’assassinats politiques, de réfugiés, etc. Le cas burkinabè en est une parfaite illustration.
Barack Obama pense qu’avec des institutions fortes et une volonté forte, les Africains peuvent vivre leur rêve à Nairobi, à Lagos, à Kigali, à Kinshasa, à Harare et aussi à Accra. Autre chose, Barack Obama a rappelé que l’histoire est du côté des courageux Africains, pas de ceux qui font des coups d’Etat ou changent les Constitutions pour se maintenir au pouvoir.
« L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin d’institutions fortes »15, a-t-il ajouté. Et pourtant, ce discours historique du Président américain a été rappelé lors du Sommet Etats-Unis/Afrique, tenu les 4, 5 et 6 août 2014 à Washington, pour mettre en garde les quelques dictateurs africains à ne pas réviser la Constitution. Ce qui, du coup, a fait grincer des dents, certains présidents qui « se sentent morveux », notamment Blaise Compaoré. Selon Obama : « Lorsque des dirigeants s’éternisent au pouvoir, ils empêchent du sang nouveau de s’exprimer ; ils empêchent le renouvellement et le risque, c’est qu’à la longue, les gens œuvrent plus pour durer que pour le bien de leur peuple »16. Ces propos du président américain vibrent encore dans les têtes de certains présidents africains ayant ou pas pris part au Sommet Afrique/Etats-Unis.
L’ex chef de l’Etat burkinabè, dans une interview, lançait ceci : « Barack Obama nous parle de l’histoire de l’Amérique. Nous, nous avons notre histoire du Burkina. L’histoire de chaque pays africain, c’est différent. Il n’y a pas d’institutions fortes, s’il n’y a pas, bien sûr, d’hommes forts. L’Amérique a dû traverser des épreuves. Je vois la ségrégation raciale, je vois l’esclavage… Pour la suppression de ces pratiques, il a fallu des hommes forts. Il n’y a pas, aussi, d’institutions fortes, s’il n’y a pas une construction dans la durée. Je crois qu’on peut écouter, çà et là, les expériences d’Amérique, d’Europe, d’Afrique ou d’Asie… Mais rien ne vaut l’expérience de chaque peuple. Il n’y a pas d’expérience unique à partager pour le monde. Parce qu’il y a des pays où bien sûr ces transitions qu’on souhaite sont allées très vite – tous les cinq ans, tous les dix ans – mais il y a certainement plus de pagaille. Donc, je pense que ce dont les peuples ont besoin aussi, c’est de la stabilité »17.
Cette seule réponse du président burkinabè prouvait, s’il en était besoin, que les présidents africains qui veulent s’éterniser au pouvoir dans leurs pays respectifs ne gobent pas que Barack Obama jette des pierres dans leurs jardins.
En tout cas, au Burkina Faso, le président Blaise Compaoré en a appris à ses dépens. Pour rappel, il est arrivé au pouvoir en 1987 par un putsch et il a ensuite effectué deux septennats (1991 et 1998) à la tête du pays, avant de se faire élire de nouveau en 2005 suite à un amendement modifiant la durée du mandat présidentiel ramenée à 5 ans. Réélu en 2010, il ne peut briguer un troisième mandat aux termes de la Constitution. Pour lui permettre de se représenter au scrutin présidentiel de 2015, son parti, le Conseil national du congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), a proposé d’organiser en avril un référendum relatif à la modification de l’article 37 de la Constitution qui limite à deux quinquennats le nombre de mandats présidentiels.
L’opposition crie alors au « coup d’Etat constitutionnel » et demande au chef de l’Etat de ne pas participer à la prochaine élection. Soutenue par une partie de la société civile, l’opposition a organisé une grande manifestation dans la capitale le 31 mai et a continué de se mobiliser contre le référendum. Le CDP, parti de Blaise Compaoré, a organisé pour sa part une contremanifestation en guise de démonstration de force des pro-modifications (partisans de la modification) de la Constitution. Finalement, c’est la rue qui a fini par chasser Blaise du pouvoir.
Cette révolution burkinabè constitue une belle illustration en guise de comparaison des crises politiques africaines avec les révolutions anglaises de XVII°. De tous les deux côtés les révolutionnaires cherchent à imposer les valeurs démocratiques en limitant les pouvoirs du roi (cas de l’Angleterre) ou en mettant fin aux pouvoirs du président roi (cas du Burkina Faso). Ils se sont tous battus pour l’émergence de la démocratie et des Droits de l’Homme.
En ce qui concerne Locke, il classe la théorie absolutiste de Filmer au rang des mythes à combattre. Par suite, il prétend lui-même recherché la vraie origine du pouvoir politique. Cela le conduit à savoir dans quel état se trouve naturellement les hommes ?

Les fondements philosophiques de la pensée politique de Locke et la question des Droits Humains

L’état de nature et les Droits naturels

Locke pense que : « Pour bien entendre en quoi consiste le pouvoir politique, et connaître sa véritable origine, il faut considérer dans quel état tous les Hommes sont naturellement »18 L’état de nature dans la pensée lockéenne constitue les conditions de vie des individus ou leur situation avant leur intégration de la société civile. Cet état représente ce que serait l’homme en l’absence de tout pouvoir politique et par conséquent de toute loi écrite. Il correspondrait en somme à l’homme tel que Dieu l’a créé, ce qui suppose que l’entrée en société civile procède d’un choix volontaire et ne soit pas le produit d’une providence divine.
Locke trouve l’état de nature, un état déjà social. A l’origine, les hommes sont donc rassemblés en sociétés naturelles, « Dieu ayant fait l’homme une créature à qui, selon le jugement que ce Sage Créateur en avait porté lui-même, il n’était pas bon d’être seul, il l’a mis dans l’obligation, la nécessité et la convenance qu’il lui a inspirée avec le désir de se joindre en société »19.
Mais, avant Locke, Hobbes avait déjà analysé ce que serait l’homme avant l’institution de la société politique. Selon lui, l’état de nature serait un état de violence et de barbarie entre les hommes. C’est un véritable état anarchique. Parce que les hommes sont égaux et partagent les mêmes désirs et les mêmes moyens pour les satisfaire. En plus de l’égalité, il existait la liberté qu’à l’homme de faire tout ce qui lui plaît. Alors si chacun a la possibilité de faire tout ce qui lui plaît, fera ce qui déplaît aux autres. D’où la situation de guerre perpétuelle entre les hommes, « Une guerre de chacun contre chacun »20.
Thomas Hobbes pense que : « Les hommes sont égaux par nature. La nature a fait les hommes à ce point, égaux en ce qui concerne les facultés du corps et de l’esprit que […] le plus faible en a assez pour tuer le plus fort, soit en usant de ruse, soit en s’alliant à d’autres qui sont menacés du même danger que lui… Il est donc ainsi manifeste que, tant que les hommes vivent dans une puissance commune qui les maintienne tous en crainte, ils sont dans cette condition que l’on appelle la guerre, et qui est la guerre de chacun contre chacun […]»21 Dans cette guerre permanente et générale, Hobbes tire une autre conséquence ; l’absence des notions du droit et du tort, de la justice et de l’injustice. Dans la société qu’il décrit, il n’y a pas de loi. La force et la ruse y sont les deux vertus cardinales.
L’auteur assimile ici, le droit de la nature à « La liberté que chacun a d’user de sa puissance propre comme il l’étend, pour la préservation de sa propre vie. Et, que la condition humaine est une condition de guerre de chacun contre chacun, où chacun est gouverné par sa propre raison, et de ce que, pour préserver sa vie contre ses ennemis, il n’est aucun moyen qui ne puisse être de quelque utilité, il s’en suit que dans une telle condition, chacun a droit sur toutes choses, même sur le corps des autres [… ]»22
En réaction farouche contre l’objection de Hobbes selon laquelle l’homme est naturellement intrépide, et ne cherche qu’à attaquer, et à combattre dans la logique de l’homme est un loup pour un autre, Rousseau pense au contraire en disant que : « Rien n’est si timide que l’homme dans l’état de nature, et qu’il est toujours tremblant, et prêt à fuir au moindre bruit qui le frappe, au moindre mouvement qu’il aperçoit. »23 Ce faisant, à la différence de l’animal, l’homme est libre et est doué d’une faculté de se perfectionner, perfectibilité qui le caractérise. L’homme est toujours en devenir. C’est un être temporel et historique.
Selon Rousseau, l’isolément de l’homme et l’abondance des richesses autour de lui, pour satisfaire ses besoins naturels, garantissent la stabilité de son existence. Il n’est lié à rien, même pas à sa femme et à ses enfants. Pas de véritable langage qui répondrait à un besoin de communication, pas de possibilité de progrès par accumulation de connaissances nouvelles. Rousseau se sépare clairement de toutes les théories philosophiques anciennes qui voyaient dans l’homme un « animal raisonnable ».
Pour lui, la raison est une virtualité qui ne se développera chez l’homme que plus tard. Quand aux passions de l’homme, dans cet état, elles se ramènent à l’amour de soi et à la pitié qui est la seule vertu naturelle reconnue à l’homme de nature et par laquelle découlent d’autres qualités. Cet homme connaît un amour de soi immédiat, exempt de véritable égoïsme. Cet amour de soi naturel, en vue de sa conservation, se transformera en amour-propre dans l’état de la civilité où l’homme perfectionnera sa raison. L’homme ne connaît, alors, ni le bien ni le mal ; il n’est ni bon ni méchant et n’a ni vice, car il n’a pas de relations morales, de lois qui l’unissent à ses semblables.
Comme Rousseau pense : « Dans cet état primitif, n’ayant ni maison ni cabanes ni propriété d’aucune espèce, chacun se logeait au hasard et souvent pour une seule nuit ; les mâles et les femelles s’unissaient fortuitement selon la rencontre, l’occasion et le désir, sans que la parole fût un interprète fut nécessaire des choses qu’ils avaient à se dire : ils se quittaient avec la même facilité ; la mère allaitait d’abord les enfants pour son propre besoin ; puis l’habitude les lui ayant rendus chers, elle les nourrissait ensuite pour le leur. »24
Contrairement à Hobbes, Rousseau affirme que l’homme naturel n’est pas féroce envers les autres. Selon lui, l’homme de la nature est un animal solitaire mais organisé, au tempérament robuste et vivant paisiblement dans sa solitude.
Locke en revanche, réfute avec force les thèses de Hobbes et de Rousseau. A ce qui concerne l’état de nature hobbesien, Locke pense que cette liberté de tout faire ne peut nullement mettre les hommes les uns contre les autres, dans la mesure où la liberté est limitée par la loi naturelle. Ma liberté s’arrête là où commence celle des autres constitue une véritable réalité à l’tat de nature. Par ailleurs, si aucune organisation formelle n’existe encore, celle simple collection d’individus repose seulement sur la structure familiale constitue aussi une autre réalité. A la différence de Rousseau, Locke croit en la sociabilité naturelle des hommes. L’homme est bien ce « vivant politique » dont parlait déjà Aristote dans le Livre I de ses Politiques. Par sa nature-même, l’homme est sociable. Il existe donc une sociabilité naturelle de l’homme. « Tout homme naît inévitablement dans une famille »25 et reçoit des soins de ses parents jusqu’à l’âge de la majorité que donne l’acquisition de la raison. « La famille est un cadre dans lequel vit un groupe d’individus quel que puisse être leur nombre »26.
L’homme n’est donc pas un être isolé, solitaire comme le fait croire Rousseau, mais il est toujours en relation avec ses semblables, à qui il porte assistance en cas de besoin. Cette relation est effective et permanente, donc loin d’être asociale. C’est ce qui est contraire chez Locke. Selon lui, la sociabilité est inhérente à la nature de la personne humaine. C’est pourquoi Locke dit-il : « La première société a été celle de l’homme et de la femme ; elle a donné lieu à une autre qui a été entre le père, la mère et les enfants. »27 La loi de la nature dicte à tout homme qu’il vit avec d’autres et qu’il ne doit pas se tenir n’importe comment. La conscience des autres était prescrite en chaque homme comme un besoin de la nature humaine.
Donc, la première société constitue une société conjugale, une société de l’homme et de la femme. C’est une union conjugale fondée par le « contrat de mariage »28. Cette société conjugale a été mise en place pour atteindre trois objectifs : la procréation, l’éducation des enfants et l’héritage laissé aux enfants. Pour la gestion familiale, les responsabilités sont partagées. Le mari étant plus capable et plus fort, a un pouvoir qui s’étend sur les choses qui les appartiennent en commun. Mais son pouvoir est loin d’être un pouvoir d’un monarque absolu, que la femme a, en plusieurs cas, la liberté de se séparer de lui, car le droit naturel le permet.
De plus, cette société conjugale s’élargie avec les enfants, les serviteurs et les esclaves qui sont unis et assemblés sous un même gouvernement domestique. Le père ou le maître étant le chef du gouvernement n’a pas un pouvoir sur la vie ou sur la mort d’aucun de ceux qui composent sa famille ; et la maîtresse en a au tant que lui.
Donc la société conjugale a été formée par accord volontaire entre l’homme et la femme. Ainsi, selon Locke, la sociabilité constitue chez l’homme une valeur naturelle. Il existe une loi non écrite mais qui régit néanmoins raisonnablement cette société. Mais la société naturelle n’est pas politique, c’est-à-dire quelque chose unanimement établie par les hommes.
Contrairement à la pensée de Hobbes ou l’état de nature est un état de guerre de tous contre tous, Locke prévoit que dans l’état de nature les hommes sont des êtres raisonnables, donc aptes à obéir aux prescriptions de la loi rationnelle de la nature. Aussi dans l’état de nature, l’inégalité est aperçue comme une réalité étrangère et nulle, étant donné que chacun s’auto-suffit et est équilibré. Elle est donc à peine sensible.
Cela est possible grâce à une capacité de rationalité dont il est doté et qui, du même coup, lui permet de pouvoir se différencier de l’animal qui, lui, est soumis à ses instincts. La raison est cette mesure que Dieu a établie pour les actions humaines, afin de procurer les mutuelles sûretés. C’est ce qui fait dire à Locke que l’état de nature est un état régi par la loi naturelle qui constitue un commandement de Dieu. C’est la règle de la raison qui régit la nature de toutes choses. Cette loi naturelle n’est pas écrite comme les lois sociales, elle se trouve gravée dans la mémoire des personnes. Et l’homme la reconnaît à partir de l’expérience sensible et grâce à la lumière de la raison qui est une marque de perfection humaine. Donc la loi de la nature selon Locke, a pour but unique, le respect des droits individuels pour la conservation du genre humain.
Locke écrit : « La raison étant cette loi qui enseigne à tous les hommes s’ils veulent bien la consulter, qu’étant tous égaux et indépendants, et nul ne doit nuire à un autre, par rapport à sa vie, à sa santé, à sa liberté, à son bien »29. Une position qui met en cause la thèse de Hobbes. Pour Hobbes, la caution divine donnée aux lois naturelles est purement négative, les lois ne naissant pas d’une injonction positive à se conserver, mais d’une passion irrationnelle : la peur de la mort. Ainsi Hobbes peut-il conduire l’élaboration du corps politique à partir de ses éléments premiers, puisque ces éléments sont clairement identifiés ; ce sont les désirs humains et le mouvement qui les animent.
Mais, pour Locke « La loi naturelle est fondamentalement une norme éthique, c’est-à-dire, une détermination du bien et du mal. Elle nous est donnée par Dieu, créateur de l’univers et des hommes. »30 A travers elle, Dieu a prescrit aux unes et aux autres espèces de la nature, son œuvre, une téléologie appropriée à la nature de chacun. Ainsi, la loi de nature propre à l’homme s’insère-t-elle aussi dans l’ordre logique, téléologique du monde créé par Dieu, et revêt du même coup cette signification naturelle.
Les hommes faits à la gloire de Dieu, sont ici des êtres égaux, soumis à une loi de conservation personnelle et collective. Ils sont fondés à sauvegarder mutuellement « leurs personnes, leurs biens, leurs libertés et leurs vies »31. Cet énoncé propre de la loi de nature les oblige également à vivre dans un état social de paix et de sécurité. La formation et la conservation de celui-ci sont subordonnées à cette loi de nature.
C’est pourquoi Locke, contrairement à Hobbes, refuse d’assimiler l’état de nature à un état de guerre. Il admet tout de même que les individus y sont exposés à beaucoup d’inconvénients et d’incertitudes. C’est pour cette raison qu’ils aspirent à un autre état qui puisse leur donner la sécurité et les garanties que réclame une raison raisonnable. Autrement dit, les hommes ont besoin d’une société civile, dans laquelle une législation et un système judiciaire et juridique communs, protègent leurs « personnes », leurs « libertés » et leurs « biens ». Au besoin, en sanctionnant ceux qui violent la loi universelle de nature sur la base des normes stables et connues de tous.
Il ressort donc sous la plume de Locke que, l’état de nature n’est pas essentiellement conflictuel. Il est dynamique. C’est ce dynamisme qui prédispose les hommes à la bienveillance réciproque. Mais, avec l’apparition de la propriété privée, doublée du manque d’arbitre et des règles du jeu approuvées par tous, cette bienveillance naturelle observable entre les individus est susceptible d’être niée et contredite. Ce qui peut, en dernier ressort, générer des conflits entre les particuliers. C’est l’ensemble de ces prédispositions qui prouve que l’homme est sociable et c’est cette sociabilité qui lui permet de pouvoir s’intégrer dans une société.
De plus, l’état de nature est un état dans lequel les hommes ont des droits à préserver. L’individu, selon Locke, est par nature possesseur des droits sacrés et inaliénables. Ces Droits naturels ne sont pas simplement des privilèges qui peuvent être supprimés selon les caprices de quelqu’un. Locke écrit : « Par droit de nature, donc, j’entends les lois mêmes ou règles de la Nature suivant lesquelles tout arrive, c’est à dire la puissance même de la nature. Par suite le droit naturel de la Nature entière et conséquemment de chaque individu s’étend jusqu’où va sa puissance, et donc tout ce qui fait un homme suivant les lois de sa propre nature, il le fait en vertu d’un droit de nature souverain, et il a sur la nature autant de droit qu’il a de puissance. »32
Ce sont donc des « droits » que chaque individu possède du fait de son appartenance à l’humanité et non de par la société dans laquelle il vit. De ce fait, l’état de nature est un état dans lequel le droit à la vie serait garanti. Il constitue le droit naturel absolu de la conservation de soi. Il est défini comme le droit de ne pas être tué. Au sens strict, ce droit protège l’être humain contre les atteintes à l’intégrité corporelle de la part d’une autre personne ou de sa propre part. Il s’agit donc principalement de l’interdiction du meurtre et du suicide, condition indispensable à la vie en société. Le droit à la vie protégeant les personnes.
De plus, selon Locke, l’état de nature est un état de l’égalité qui est l’un des piliers des Droits naturels, qui doit fonder et guider le développement de la société (de l’Etat de droit). « Naturellement tous les hommes sont égaux »33, dit Locke. L’égalité est classiquement conçue comme l’absence de discrimination. Pour lui, l’état de nature est un état de parfaite égalité dans lequel naturellement nul n’a de supériorité, ni de juridiction sur un autre. C’est pourquoi il pense que : « Cet état est aussi un état d’égalité ; en sorte que tout pouvoir et toute juridiction est réciproque, un homme n’en ayant pas plus qu’un autre. Car il est très évident que des créatures d’une même espèce et d’un même ordre, qui sont nées sans distinction, qui ont les mêmes facultés, doivent pareillement être égales entre elles, sans nulle subordination ou sujétion […]. »34
L’essence humaine se réside dans la raison. Les hommes ont la même faculté de raison, ils sont donc pareillement égaux entre eux, sans nulle subordination.
L’état de nature est aussi un état de liberté. Locke trouve que : « La liberté naturelle de l’homme consiste à ne reconnaître aucun pouvoir souverain sur terre et de n’être point assujetti à la volonté où l’autorité législative de qui que ce soit ; mais de suivre seulement les lois de la nature. Chez Locke, le règne de la loi naturelle est la seule voie de la liberté.
Puisque la liberté trouve son fondement dans l’obéissance de cette loi »35. Il poursuit : « C’est aussi un état de parfaite liberté, un état dans lequel, sans demander de permission à personne, et sans dépendre de la volonté d’aucun autre homme, les hommes peuvent faire ce qui leur plaît, et disposer de ce qu’ils possèdent et de leurs personnes, pourvu qu’ils se tiennent dans les bornes de la loi de la Nature »36.
Donc, le règne de la loi de la nature est la seule voie de la liberté. Puisque la liberté trouve son fondement dans l’obéissance de cette loi. Le droit à la liberté était limité par le principe de mesure, « ma liberté s’arrête là où commence celle des autres » constitue une réalité dans cet état.
C’est pourquoi Locke trouve que : « La liberté de l’homme, par la quelle il peut agir comme il lui plaît, est donc fondée sur l’usage de la raison, qui est capable de lui faire bien connaître ces lois, suivant les quelles il doit se conduire, et l’étendue précise de la liberté que ces lois laissent à sa volonté. Mais le laisser dans une liberté entière, avant qu’il ne puisse se conduire par la raison, ce n’est pas le laisser jouir du privilège de la nature, c’est le mettre dans le rang des brutes. »37
Locke continue : « Un homme, en cet état, a une liberté incontestable, par laquelle il part disposer comme il veut de sa personne ou de ce qu’il possède : mais il n’a pas la liberté et le droit de se détruire lui-même, non plus que de faire tort à aucune autre personne, ou de la troubler dans ce dont elle jouit »38. En clair, la liberté, dans la condition naturelle, ne signifie pas une auto destruction mais une règle de vie. Elle doit être fondée sur la droite raison. La liberté est un état d’esprit propre à tous les âges des hommes. Elle permet aux hommes de vivre leur vie sans contrainte, sans obstacle. Sans liberté, la vie de l’homme n’a pas de sens et pour cause : « Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même aux devoirs »39 dit Rousseau.
L’état de nature est également un état qui reconnaît le droit à la propriété privée. C’est un droit de disposer de sa personne et de ses biens. Le droit à la propriété désigne une obligation à laquelle chaque être humain se doit de satisfaire à tout ce qui est nécessaire à sa subsistance. Ce droit nous garantit les moyens de vivre.
La propriété est un don de Dieu fait à tous les hommes, dit Locke. Les Ecritures sont d’ailleurs de cet avis. C’est un de ses passages qui est mis à contribution et qui sert de point d’appui à Locke, Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre […] Dieu dit : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez là ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre »40.
Si la terre et toutes les créatures inférieures soient communes et appartiennent en général à tous les hommes, il faut nécessairement qu’avant qu’une personne particulière puisse en tirer quelque utilité et quelque avantage, elle puisse s’en approprier quelques-unes. A ce niveau, une question mérite d’être posée. En quoi consiste le mode d’appropriation des avantages de la nature à l’état de nature ?
Le droit à la propriété nous est garanti par le travail. Les hommes peuvent acquérir une part de la terre et de ses contenus par leur travail. « Le travail met les choses hors de l’état commun »41. Locke pense que « Tout ce que l’homme a tiré de l’état de nature, par sa peine et son industrie, appartient à lui seul : car cette peine et cette industrie étant sa peine et son industrie propre et seule, personne ne saurait avoir droit sur ce qui a été acquis par cette peine et cette industrie, surtout, s’il reste aux autres assez de semblables et d’aussi bonnes choses communes »42. C’est donc le travail qui met les choses hors de l’état commun où elles étaient. Ce n’était pas nécessaire d’avoir le consentement exprès de tous les membres d’une société, afin de pouvoir s’approprier quelque partie de ce qui est donné ou laissé en commun. C’est le travail, dans le commencement qui a donné droit de propriété.
Mais le travail d’un homme ne peut être employé par rapport à tout, il ne peut s’approprier tout ; et l’usage qu’il peut faire de certains fonds, ne peut s’étendre que sur peu de chose. Ainsi, il est impossible que personne, par cette voie, n’empiète sur les droits d’autrui, lequel trouvera toujours assez de place et de possession. C’est cette mesure qui met les limites aux biens de chacun, et oblige à garder de la proportion et user de modération et de retenue ; en sorte qu’en appropriant quelque bien, on ne fasse tort à qui que ce soit.
Selon Locke, la mesure de la propriété a été très bien réglée par la raison. C’est pourquoi dit-il : « Donc la raison nous dit que la propriété des biens acquis par le travail doit être réglée selon le bon usage qu’on se fait pour l’avantage et les commodités de la vie. Mais si on dépasse les bornes de la modération, et que l’on prenne plus de choses qu’on n’en a besoin, on prend, sans doute, ce qui appartient aux autres »43.
La propriété renvoie ainsi à tout ce qui est nécessaire à la subsistance et à la réalisation de la vocation et des potentialités propres aux hommes, comme le Créateur le désire.
On comprend ici aussi l’existence du principe de la mesure de propriété. La propriété doit être réglée de telle sorte que chacun soit en mesure de disposer non de beaucoup de richesses, mais de ce qui est nécessaire pour sa subsistance. Il y a là toute évidence, le souci d’éviter à un seul homme de s’accaparer de tous les biens au détriment des autres ; puisque quand un individu dispose de plus de biens qu’il n’en a besoin, il enfreint, pour Locke, les droits des autres. « L’homme a donc un devoir moral envers lui-même, mais aussi et surtout envers le genre humain »44. La propriété est donc soumise aux impératifs de solidarité et de protection de l’humanité que l’instauration de la société civile n’abolit pas.
L’état de nature est également un état de sûreté qui permet aux hommes le droit de se défendre (légitime défense) et surtout de punir l’agresseur. Chacun dans l’état de nature, a le droit de tuer un meurtrier afin de détourner les autres de faire une semblable offense. Cela met les hommes à l’abri des attentats d’un criminel qui, ayant renoncé à la raison, à la mesure commune que Dieu a donné au genre humain, par conséquent doit être détruit comme un lion, comme un tigre, comme une de ces bêtes féroces avec lesquelles il ne peut y avoir de société ni de sûreté. « Si quelqu’un répand le sang d’un homme, son sang sera aussi rependu par un homme »45.

L’état civil et les Droits de l’Homme

Parler du pouvoir tel que le conçoit et le comprend John Locke est une entreprise qui nous pousse inévitablement dans un premier temps, à faire mention de ce qui a conduit à la formation de la société civile et, dans un deuxième temps, à considérer les structures mises en place pour consolider ce corps et assurer sa prospérité. A ce niveau, il sera question de montrer en quoi l’exercice du pouvoir se fait en fonction des lois qui, lorsqu’elles sont respectées, garantissent l’ordre public. Finalement, nous montrerons comment le pouvoir, pris comme fonction (comme service) et comme obligation, peut contribuer considérablement à la bonne marche de la société politique.
Locke, après avoir étudiée la situation naturelle des hommes, laquelle situation présentait pourtant le cadre de vie propice au respect des Droits de la personne humaine, mais existe en son sein des carences qui peuvent dégénérer en toute situation de conflit. Sinon l’état de nature n’est pas un état de guerre, mais la possibilité de guerre existait. C’est pourquoi les hommes ont décidé librement et volontairement de vivre dans un cadre politique dans lequel les lois seront désormais établies et appliquées par des hommes choisis à cette fin.
C’est pourquoi Locke écrit : « Ceux qui composent un seul et même corps, qui ont des lois communes établies et des juges auxquels ils peuvent appeler, et qui ont l’autorité de terminer les disputes et les procès qui peuvent être parmi eux et de punir ceux qui font tort aux autres et commettent quelques crimes : ceux-là sont en «société civile» les uns avec les autres ; mais ceux qui ne peuvent pas appeler de même à aucun tribunal sur la terre, ni à aucunes «lois positives», sont toujours dans «l’état de nature», où il n’y a point d’autre juge, étant juge et exécuteur soi-même, ce qui comme je l’ai montré auparavant, le véritable et parfait « état de nature. »50
Nous comprenons que l’état de nature au sens lockéen, est déjà un état social. A l’origine, les hommes sont donc rassemblés en sociétés naturelles. Mais cette société naturelle n’est pas politique, c’est-à-dire quelque chose unanimement établie par les hommes. Contrairement à la société naturelle, la société politique est établie sur la base d’un contrat ou du consentement.
Le contrat social provoque, selon Locke, la métamorphose de la liberté qui n’est plus une liberté selon la nature, mais une liberté selon la loi40. Le droit naturel à la liberté est désormais garanti par une Constitution. Il tire sa réalité juridique du contrat qui définit la mission du gouvernement. L’optimisme libéral est là tout entier et la légitimité n’est plus à chercher du côté du pouvoir du monarque. Son principe réside dans la volonté des individus membres de la communauté politique. Ainsi, si pour certains il s’agit d’un instrument de pouvoir améliorer rationnellement la relation des hommes en société, pour d’autres, la question du contrat social est une mesure, dans une certaine mesure, de réduction de la liberté de l’homme dans la société, d’autant qu’il ne pourra pas agir en fonction de ses désirs, de sa volonté, mais en fonction des désirs des autres membres de la société à laquelle il appartient. Car c’est à l’état de nature, d’après la « philosophie rousseauiste », que l’homme jouit pleinement et parfaitement de toute sa liberté. C’est l’exercice par chacun de celle-ci qui conduit purement et simplement à l’égalité.
Mais, Hobbes trouve que : « La finalité du pacte social est d’aboutir à la sécurité personnelle : c’est pour l’avoir que les hommes renoncent à la violence qu’ils pouvaient exercer contre les autres hommes. » Pour cette raison le pacte social parait indispensable pour échapper de l’insécurité de l’état de nature vers la paix de l’état social. Le pacte social est formulé de cette manière « j’autorise cet homme ou cette assemblée et lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à la condition que tu lui abandonne ton droit et que tu autorises toutes ses actions de la même manière. »51
En effet, Rousseau récuse le pacte de soumission car « renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme. »52
Ainsi, ayant rejeté la famille comme modèle de la société politique, ainsi que les théories de Grotius et de Hobbes selon lesquelles le droit, issu des faits donne le pouvoir à un petit nombre de chefs de nature supérieure, c’est-à-dire, à une minorité d’individus; ayant rejeté l’autorité naturelle et la force comme sources du droit et de légitimité; ayant établi que la doctrine selon laquelle l’autorité peut être fondée sur une convention d’aliénation est inacceptable, Rousseau souligne qu’une convention unanime d’association, antérieure aux institutions, est indispensable. En effet, « Puisque aucun homme n’a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes »53
Rousseau, en effet, définit le contrat, en ces termes: « Chacun de nous met en commun toute sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale; et nous recevons encore chaque membre comme partie indivisible du tout. »54
Ainsi, la plus grande et principale fin que se proposent les hommes, lorsqu’ils s’unissent en communauté politique, est de se soumettre à un gouvernement qui a pour mission de conserver leurs Droits naturels. Ceci n’est pas tout à fait garanti dans l’état de nature.
Pour Locke, « Problématiser la politique, c’est faire de la propriété réelle un objet de pensée. De sorte que, pour ainsi dire, la propriété est à elle-même sa propre preuve, elle est ce qui permet de penser le régime de l’Etat, de la société. Elle est donc pour Locke, le concept éminent de la pensée politique et, dans le même temps, elle devient une institution réelle, légitimée et moralisée. Elle est le centre organisateur de la société civile, l’origine et la fin de la vie politique : les volontés y tendent et en procèdent. »55
De plus, un pouvoir judiciaire reconnu fait défaut, de sorte que les passions et l’intérêt risquent de l’emporter dans les délibérations ; comme chacun s’institue juge et partie, au lieu de la justice, c’est la vengeance qui règne. Bien qu’il soit certain pour Locke que dans l’état de nature les hommes ont tous les pouvoirs grâce à la liberté dont ils jouissent, il demeure qu’ils ne peuvent pas en jouir effectivement. Chacun pouvant faire ce qu’il veut, les droits et les libertés des autres se trouvent continuellement en danger. On est par ce fait même exposé à l’arbitraire de tous. L’organisation en communauté politique et la soumission à un gouvernement n’ont d’autre but que de palier aux limites et difficultés rencontrées dans la condition naturelle de l’homme.
C’est ainsi, l’idée de consentement occupe une place centrale dans la pensée politique de Locke. Pour lui, la citoyenneté repose sur le fait qu’une personne consent à abandonner sa liberté naturelle au profit du bien commun, c’est-à-dire le bien-être de tous les membres de la société. La société civile repose donc sur l’union des hommes, décidés à former un seul corps, dans lequel il y ait un système juridique et judiciaire commun auquel ils peuvent recourir. D’où la création du contrat social entre les hommes et le gouvernement. Le consentement volontaire est la condition nécessaire et suffisante de possibilité d’une société politique. Un gouvernement qui s’appuie exclusivement sur la force pour s’imposer sera tôt ou tard renversé par une force supérieure à la sienne. C’est pourquoi Rousseau dit : « Le plus fort n’est jamais toujours assez fort pour être toujours le maître »56.
Le contrat social permet, selon J. Locke, la métamorphose de la liberté qui n’est plus une liberté selon la nature, mais une liberté selon la loi. Le droit naturel à la liberté est désormais garanti. Il tire sa réalité juridique du contrat qui définit la mission de l’autorité politique. L’optimisme libéral se trouve à ce niveau. La légitimité n’est plus à chercher du côté du pouvoir du monarque, son principe réside désormais dans la volonté des individus membres de la communauté politique. C’est ce qui prépare la naissance de la démocratie et de la République dont Locke est artisan. L’état civil, produit de la volonté générale, permet une nouvelle naissance de l’homme. Ce bond de l’état naturel à l’état civil effectué par celui-ci marque des signes de changement où, désormais, il substitue l’instinct à la justice, cette faculté rationnelle ou intelligible de rendre à chacun son dû, et d’autant plus que toutes ses actions, toute sa conduite seront couronnées par une moralité qui lui manquait à l’état de nature.
La société politique est une union volontaire d’individus naturellement libres et égaux qui consentent de former un corps politique afin de choisir la forme du gouvernement sous lequel ils aimeraient vivre. La naissance de la société civile se place sous le signe de la « règle de la majorité » (rule of majority). C’est pourquoi nous disons que chez J. Locke, originairement, la « majorité » s’est unie, à la fois pour donner des lois ou un système juridique à la communauté politique, et pour nommer les magistrats de leur choix afin de faire appliquer ce système. Ce qui nous conduit à dire que chez Locke, la communauté politique n’a pas une forme prédéterminée.
C’est ainsi qu’elle peut être une démocratie, notamment quand le pouvoir d’édicter, d’exécuter et de faire respecter les lois appartient à la majorité des citoyens, c’est-à- dire : le « plus grand nombre ». Elle peut être aussi une oligarchie. C’est quand le pouvoir de légiférer est placé entre les mains d’un petit nombre. Enfin, ce pouvoir peut être placé entre les mains d’un seul homme. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une monarchie qui est soit héréditaire, soit élective. Mais du moment où c’est la manière de légiférer qui détermine la forme de la société civile, J. Locke admet la possibilité d’envisager des régimes mixtes, comme la monarchie constitutionnelle pour laquelle il éprouve beaucoup d’admiration.
Selon J. Locke, l’organisation du corps politique est destinée à pallier les carences de la condition naturelle de l’état de nature. C’est pour éliminer les défaillances naturelles qu’il distingue trois pouvoirs au sein de la société civile : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir fédéral. Le pouvoir législatif est le pouvoir suprême de la république. Il tire sa raison d’être du pouvoir constituant du peuple avec lequel il se confond. Ce pouvoir manifeste le choix du peuple, désignant ses gouvernants et les habilitant à faire les lois qui le régiront. Aucune autre possibilité de légiférer n’est envisageable en dehors de lui en tant que titulaire de la souveraineté. Le pouvoir législatif est donc bien souverain mais seulement en tant qu’il a reçu pour mission de conserver la société. De sorte que le peuple doit être considéré, à cet égard, comme ayant toujours le pouvoir souverain, mais non toutefois comme exerçant toujours ce pouvoir. Le but des lois civiles est de préserver et de garantir des Droits naturels qui leur préexistent. Ces lois prescrites sont donc le prolongement et la garantie de la loi de nature.
Le pouvoir exécutif est le pouvoir qui procède à l’application des règles législatives en transformant leur caractère obligatoire en effectivité. Car, une loi que l’on n’applique pas est vaine et inutile. La loi s’applique à tous, sans exception. Ainsi, Locke s’oppose radicalement à Hobbes, qui place le souverain ex-lege (en dehors ou au-dessus des lois). Pour Locke, le caractère obligatoire de la loi ne connaît pas d’exception. Aucun magistrat, puisque tous font partie intégrante du corps politique, n’est ex-lege. Tous, à quelque niveau qu’ils se situent dans la hiérarchie, sont obligés par la loi. Ce qui fait de cette dernière un rempart contre l’arbitraire. Toutefois, J. Locke estime aussi que l’exécutif n’apparaît pas seulement comme un simple exécutant des ordres du législatif. Car, il possède dans des contextes exceptionnels « Le pouvoir d’agir avec discrétion pour le bien public, lorsque les lois n’ont rien prescrit sur certains cas qui se présentent, ou quand même elles auraient prescrit ce qui doit se faire en ces sortes de cas, mais qu’on ne peut exécuter dans certaines conjonctures sans nuire à l’Etat
: ce pouvoir, dis-je, est ce qu’on appelle prérogative, et il est établi fort judicieusement »57. Ce pouvoir, c’est la prérogative58, un moyen exceptionnel accordé à l’autorité civile pour pallier au problème de la loi et aux vides juridiques ou les silences de la loi. Il répond chez le prince, au souci de « faire le bien ».
Il est soumis aux prescriptions de la loi naturelle et oblige le prince à la droite raison. L’action déraisonnable d’un prince ou d’un magistrat suprême ne peut en aucune façon se prévaloir de la prérogative. Si non la prérogative, encadrée par la loi naturelle doit être employée uniquement pour l’avantage de l’Etat, et en accord avec la confiance du peuple et aux fins du gouvernement qui est d’œuvrer pour le bien public.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1 : Les fondements historiques de la théorie politique de Locke 
1.1. Situation politique de l’époque de Locke
1.2. Critique lockéenne de l’absolutisme
Chapitre 2 : Les fondements philosophiques de la pensée politique de Locke et la question des Droits Humains
2.1. L’état de nature et les Droits naturels
2.2. L’état civil et les Droits de l’Homme
Chapitre 3 : La théorie lockéenne des Droits de l’Homme et l’Afrique 
3.1. La problématique des Droits de l’Homme en Afrique
3.2. La nécessaire amélioration de la conception africaine des Droits de l’Homme par la théorie lockéenne
CONCLUSION
BIBIOGRAPHIE

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