Les fondements historiques de la bibliométrie

Les fondements historiques de la bibliométrie

L’évolution historique de la science

Comprendre la science d’aujourd’hui nécessite de « remonter dans le continuum de son histoire » et de repérer ses « moments charnières » qui ne consistent pas forcément en découvertes clefs, mais plutôt aux instants où il aura fallu élaborer de nouveaux modes de pensées, ou introduire des éléments inédits dans la réflexion scientifique (Price 1975,p. 4). Price (1975) explique l’évolution de la science et son état « actuel » par ce qu’il présente comme une succession de « crises ». La première est celle qui a permis à notre civilisation de devenir scientifique, la distinguant ainsi des autres cultures. Dans un second temps, Price (1975) considère le passage de la sphère de la «pensée pure » à la technologie scientifique. Le développement de la science poursuit son cours pour épouser les contours de la science moderne au temps de la Renaissance. La transition entre les « théories classiques du XIXe siècle et la multiplication explosive des découvertes du XXe siècle » est qualifiée de « brutale » (Price 1975, p. XV). En s’appuyant sur ses raisonnements et analyses, Price (1975) introduit le développement à venir de la science comme « une future économie interne […] » qui lui apparait déjà comme différente (Price 1975, p. XV).
S’ils sont des découvertes scientifiques qui n’ont pas encore eu lieu, rien ne nous permet d’écarter la possibilité que des connaissances existantes ne soient pas déjà portées à la lumière du jour, dès lors intégrées dans les actuelles recherches scientifiques avance Price (1975). Pourquoi donc certaines connaissances scientifiques restent dormantes ?
Dans le domaine de la bibliométrie, ce phénomène est appelé « Belle au bois dormant » (van Raan 2004, cité dans Gingras 2014a).

De la crédibilité à la légitimité scientifique

L’Académie française (2019) rappelle que la crédibilité caractérise « ce qui mérite d’être cru ; ce qui rend digne d’être cru[e] », et que la légitimité qualifie non seulement « ce qui est fondé en droit ou conforme à l’équité, à la raison, aux règles établies, à la tradition », mais se dit également pour énoncer « l’adhésion dont peut se réclamer [un homme] et qui fondeson autorité». Elles s’expriment par la reconnaissance de la communauté, « seul bien dont peut jouir individuellement le scientifique » (Vinck 1995, cité dans Pignard 1999, p. 11). Selon Bourdieu (1975, p.95 et 1976, p. 91) cette « espèce particulière de capital social » qu’est l’autorité scientifique est définie : «  comme capacité technique et comme pouvoir social, ou si l’on préfère, le monopole de la compétence scientifique, entendue au sens de la capacité de parler et d’agir légitimement (c’est-à-dire de manière autorisée et avec autorité) en matière de science, ce qui est socialement reconnu à un agent déterminé. »(Bourdieu 1975, p. 92)
La réputation scientifique intéresse la sociologie des sciences10 qui l’assimile «  à une sorte de dot symbolique dont on peut mesurer l’importance relative au moyen d’indicateurs quantifiables », à l’instar des publications et du nombre de citations des publications d’un chercheur . Dans la culture
POP, le mérite est mesuré par la quantité et la qualité des publications (Moosa 2018) . Les publications scientifiques constituent donc un fondement important de l’octroi de la reconnaissance scientifiques.

Historique de l’évaluation des publications scientifiques

1665 est l’année de publication des deux premières revues savantes : le Journal des Sçavans et les Philosophical Transactions of the Royal Society (Gingras 2014a et Rousseau, Egghe et Guns 2018). Le second conçoit déjà la relecture des contenus par des membres de la société (Hall 2002, cité dans Gingras 2014a). “the motivating purpose of [those two scholarly journals] was not the publishing of new scientific papers so much as the monitoring and digesting of the learned publications and letters that now were too much for one man to cope with in his daily reading and correspondence.” (Price 1986, p. 13)
Les revues se spécialisent au XIXe siècle. L’évaluation par les pairs, mode d’évaluation des chercheurs par excellence, se pratique de manière relativement informelle jusqu’au tournant du XXe siècle (Gingras 2014a). Aux prémices de l’évaluation des chercheurs et de leurs publications se trouvent trois phénomènes distincts. Dans un premier temps, avec le développement exponentiel de la science, la gestion des collections de revues scientifiques devient, dès les années 1920, impérative pour les bibliothèques (Gingras 2014a). L’avènement de l’informatique permet enfin le développement de l’indexation à grande échelle. Dans le courant des années 1970, en plein choc pétrolier, les États pensent et édictent les premières politiques scientifiques. L’élaboration de mesures d’évaluation de la recherche et du développement parait évidente.

L’évaluation bibliométrique : au niveau des disciplines ou des domaines scientifiques ?

Du fait de son développement exponentiel, la science est aujourd’hui subdivisée en divers domaines (Price 1975). Les domaines d’étude et de recherche académiques, également nommés champs scientifiques (Bourdieu 1976) ou disciplinaires, sont constitués de nombreuses disciplines. Ils peuvent être fortement corrélés aux modes et habitudes de publication des chercheurs. L’Académie française (2019) définit la discipline comme : « [b]ranche de la connaissance, domaine d’activité, matière d’enseignement et d’étude »26. Heilbron (2003) précise que : “Discipline refers to a demarcated body of knowledge identified as a separate science with its own methods, problems, and practitioners. Members of different disciplines compete among each other for funding and academic turf. To exist disciplines require considerable political, economic, social, and cultural resources.” (Heilbron 2003 127).
Il s’agit de déterminer quelle est l’unité d’analyse la plus pertinente en matière de bibliométrie : la discipline ou le domaine disciplinaire. Il semble opportun de saisir dans un premier temps ce qu’est une discipline académique. Aristote considérait déjà une division de la connaissance, distinguant la pensée « pure » de l’observation de la nature (Thomson Klein 2005, cité dans Krishnan 2009).

La qualité d’auteur

Les publications scientifiques sont rédigées par un ou plusieurs auteurs. « L’auteur est la personne qui, par son travail scientifique personnel, a fourni une contribution essentielle à la planification, à la réalisation, à l’évaluation ou au contrôle du travail de recherche. » (Académies suisses des sciences 2008, p. 18)
Nous observons une augmentation du nombre d’auteurs par publications, ce qui peut avoir une incidence directe sur certains indicateurs bibliométriques. Ce fait participe aux critères qui permettent de définir qui doit être considéré comme qu’auteur. Les principes en matière d’intégrité de la recherche offrent des indications quant à la gestion de la qualité d’auteur. Il est évident que si le nom d’un auteur ne figure pas sur la publication ou n’est pas intégré dans les métadonnées des bases de données, ladite publication ne saurait être portée à son actif. Le fait est que la «collectivisation de la recherche » et le nombre d’auteurs par article n’a cessé de croître au XXe siècle (Gingras 2014a, p. 40).
Il s’agit de savoir qui est considéré comme auteur et de qualifier la qualité de l’auteur. L’International Committee of Medical Journal Editors (ICMJE) (2020) dresse une liste de quatre conditions cumulatives permettant d’être légitimement considéré comme auteur ; le chercheur doit : «  Avoir contribué de manière substantielle à l’œuvre sinon avoir travaillé à l’acquisition, analyse ou interprétation des données puis  Avoir rédigé l’œuvre sinon avoir procédé à une revue critique du cœur du contenu intellectuel puis  Avoir approuvé la version finale destinée à la publication puis  Accepter d’assurer la responsabilité de tous les aspects de l’œuvre tout en s’assurant que l’exactitude et l’intégrité du travail soient convenablement examinées et résolues.

 

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Table des matières

1. Introduction
2. Méthodologie
2.1 Type de recherche
2.2 Périmètre de la recherche
2.3 Question de recherche
2.4 Collecte des données
2.4.1 Étapes de la collecte
2.4.1.1 Méthodologie appliquée aux deux premiers objectifs
2.4.1.2 Méthodologie de l’enquête
2.4.1.2.1 Population et échantillonnage pour l’enquête
2.4.1.2.2 Instruments de collecte des données
2.5 Qualité de la recherche
3. Les fondements historiques de la bibliométrie
3.1 L’évolution historique de la science 
3.2 De la crédibilité à la légitimité scientifique 
3.3 Historique de l’évaluation des publications scientifiques
3.3.1 De l’évaluation des revues scientifiques au concept de « demi-vie »
3.3.2 De l’indexation aux bases de données informatisées
3.3.3 De l’essor parallèle de la bibliométrie et des politiques scientifiques
3.3.4 De la bibliométrie comme outil d’évaluation du chercheur
3.3.5 La culture du “Publish or Perish”
4. État de l’art dans le domaine de la bibliométrie appliquée à la production scientifique
4.1 L’évaluation des publications scientifiques à l’aune des métriques
4.2 Des éléments à prendre en considération en matière d’évaluation bibliométrique 
4.2.1 L’évaluation bibliométrique : au niveau des disciplines ou des domaines scientifiques ?
4.2.2 Des habitudes de publication et de citation entre les domaines scientifiques
4.2.2.1 Les habitudes de publication selon les domaines scientifiques
4.2.2.2 Les habitudes de citation selon les domaines scientifiques
4.2.3 La qualité d’auteur
4.2.4 Les biais préexistants
4.3 Les lois « piliers » de la bibliométrie
4.3.1 La loi de Lotka
4.3.2 La loi de Bradford
4.3.3 La loi de Zipf
4.4 Les indicateurs bibliométriques
4.4.1 Introduction aux indicateurs
4.4.1.1 Les caractéristiques des indicateurs
4.4.1.2 La validité des indicateurs selon Gingras
4.4.1.2.1 L’adéquation entre l’indicateur et ce qu’il doit mesurer
4.4.1.2.2 Sensibilité de l’indicateur à l’inertie intrinsèque de l’objet mesuré
4.4.1.2.3 L’homogénéité des dimensions de l’indicateur
4.4.1.3 Du bon usage des indicateurs bibliométriques
4.4.2 Les indicateurs bibliométriques classiques
4.4.2.1 Le nombre de publications
4.4.2.2 Le nombre de citations des publications
4.4.2.3 Les indicateurs adaptés aux pratiques de publication et de citation des domaines scientifiques
4.4.3 L’indice de Hirsch et ses variantes
4.4.3.1 Le h-index
4.4.3.2 Les variantes du h-index
4.4.4 Les indicateurs basés sur les revues
4.4.4.1 Le facteur d’impact
4.4.4.2 Aperçu d’autres indicateurs basés sur les revues
4.5 Les critiques formulées à l’encontre des indicateurs bibliométriques classiques
4.5.1 Les critiques sur le fond
4.5.2 Les indicateurs dont la pertinence n’est pas largement reconnue
4.5.2.1 Le facteur d’impact des revues scientifiques
4.5.2.2 La validité du h-index
4.6 Les nouvelles tendances en matière de mesure et d’évaluation
4.6.1 Le développement de nouvelles mesures de la production scientifique sur le Web
4.6.2 La refonte de l’évaluation dans le cadre de l’Open Science
5. Étude des pratiques en matière d’évaluation des publications scientifiques au sein des institutions académiques
5.1 L’évaluation des publications au sein des facultés et domaines échantillonnés
5.2 Autres systèmes d’évaluation des publications
6. Discussion et recommandations
7. Conclusion 

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