Madagascar et l’Afrique en général font face depuis plusieurs décennies à un paradoxe étonnant : celui de la pauvreté extrême de la majorité de leurs populations et de l’immense richesse que regorgent leurs sols et sous-sols. Pourquoi et comment une telle situation existe et persiste-t-elle? Toute personne ayant penché sur le cas de l’Afrique et de Madagascar n’a certainement pas omis de réfléchir sur ces deux questions. Et comme en témoignent les nombreux ouvrages consacrés à ce sujet, le contexte dans lequel s’érige le sous développement de l’Afrique intrigue plus d’un. Mais voilà, depuis plus de cinquante ans, depuis que les vagues d’indépendance ont pris cours, le débat sur le développement de l’Afrique et de Madagascar reste ouvert et le paradoxe demeure entier.
A cet effet, nous avons voulu apporter notre contribution. A notre tour, nous avons voulu réfléchir sur le pourquoi et le comment de cette situation. Le développement est la quête poursuivie par tout pays. Et dans cet objectif de longue haleine, chacun entend mettre à profit les atouts qu’il juge être les plus importants. Madagascar ne fait pas exception à cette règle. L’intérêt accru porté en direction du secteur minier démontre la volonté des gouvernements successifs à creuser dans cette voie pour tracer le chemin du développement. En effet, Madagascar peut se vanter de l’exceptionnelle diversité et de l’abondance de ses ressources naturelles. Le sous-sol malgache n’a rien à envier aux géants miniers à l’instar de l’Afrique du Sud ou de l’Australie. La présence des investisseurs internationaux opérant dans l’industrie extractive sur le territoire est la preuve que le pays dispose de potentiels non négligeables dans le domaine. Au vu des pourparlers et des négociations qui s’enchainent entre de nouveaux investisseurs et les autorités malgaches, le pays est à l’heure actuelle au centre de toutes les convoitises.
Les firmes multinationales : une stratégie de domination à l’échelle mondiale
Le but ultime de la Science est la compréhension et la saisie du monde dans lequel nous évoluons. La science économique n’échappe pas à cet impératif. L’économiste a la lourde tâche de rendre compte des faits économiques avec pour principale exigence la rigueur de la vérité et de la pertinence. Nous nous inscrivons actuellement dans l’ère de l’intégration économique mondiale. Il va sans dire que ce phénomène constitue une des conséquences de la mondialisation de l’économie qui n’est pourtant pas un phénomène récent. Aussi, certains auteurs parlent aujourd’hui de mondialisation contemporaine pour accentuer le caractère multidimensionnel de celle-ci, et donc du renforcement et de l’intensification de cette interdépendance entre les territoires. Fabrice HATEM affirme que cette intégration économique multidimensionnelle a pour corollaire un rôle croissant des firmes multinationales. A cet effet, la réflexion axée sur cet acteur primordial de l’économie mondiale nous apparait entièrement justifiée. Le poids de ce dernier est tel qu’afin de déceler le fonctionnement même du système économique global et des implications de celui-ci à l’échelle nationale, il importe de percer dans les mécanismes et les stratégies de ces firmes multinationales.
Naissance des firmes multinationales : une revue historique
L’histoire atteste de l’important rôle que les firmes multinationales ont eu à jouer et jouent aujourd’hui encore dans la conduite de l’économie mondiale. Inscrire leur apparition dans le temps s’avère donc opportun. Mais d’abord, qu’entend-on par firme multinationale ?
Comment définir une multinationale ?
Nombreux sont les auteurs qui se sont penchés sur le thème des multinationales. Dès lors, les avis divergent sur les véritables raisons de l’existence de ces grandes entreprises comme l’indique Marc PENOUIL dans son article tiré de l’ouvrage « Tiers monde : controverses et réalités » : « … pour les uns, la multinationale est présentée comme le véhicule principal du progrès technique et de l’innovation, comme l’entreprise type qui peut apporter les capitaux, les connaissances et les hommes qui assureront la transformation de l’économie. Pour d’autres, nous sommes en face du mal absolu ; la multinationale est le symbole du capitalisme étranger exploiteur, néocolonial et impérialiste. ».Néanmoins, que l’on soit du côté du premier ou du second, le fait est que ces firmes tiennent un rôle majeur dans le devenir des pays dans lesquels elles s’implantent, et c’est précisément ce dont cette étude se propose de démontrer. Mais pour l’heure,attardons-nous sur quelques définitions utiles.
La Multinationale : une entreprise complexe
Pour Fabrice HATEM , une multinationale est une entreprise ou un groupe d’entreprises possédant au moins une filiale dans un pays étranger.
C’est une définition simple du sujet mais il faudrait expliquer ce qu’est vraiment une filiale. Pour cela, référons-nous à l’étude de Fabrice MAZEROLLE qui a le mérite d’avoir procédé à une différenciation des entreprises implantées à l’étranger en se basant sur les deux critères : la personnalité moralede celles-ci et du degré de contrôle de la société d’origine ditesociété mèreou encore maison mère.Le terme « filiale » est employé lorsque d’une part, l’entreprise possède une personnalité morale, c’est-à-dire, jouissant de droit et devant répondre à des obligations, et d’autre part, la maison mère détient un droit de vote supérieur à 50% sur celle-ci. L’ensemble maison-mère/filiale(s) forme ce que l’on entend par « firme multinationale » ou, d’après l’appellation de la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce Et le Développement), « firme transnationale » qui n’est autre que la traduction du terme américain « transnational corporation ».
Selon la CNUCED
Outre cette première définition, la CNUCED propose également une autre approche en faisant abstraction de la forme juridique et en qualifiant comme étant une multinationale toute entreprise qui exerce directement ou non son contrôle sur les actifs possédés par une ou plusieurs autres entreprises situées dans des pays différents de celui où cette entreprise a installé son siègesocial.
La CNUCED propose alors une vision plus globale de la question en mettant l’accent sur le contrôle effectué par la société qui s’implante dans d’autres régions en dehors du territoire national. Il s’agira donc de mesurer l’influence effective de celle-ci sur ses partenaires.
La définition d’un auteur marxiste
Une dernière démarche mérite ici d’être soulevée en raison de la critique qu’elle suscite à l’égard des deux précédentes et offre à cet effet un angle nouveau permettant d’élargir notre vision par rapport à ces firmes multinationales. Cette définition est celle d’A.ASTAPOVITCH : « … enfin, les auteurs marxistes rejettent catégoriquement l’interprétation trop large, « sans rivage », qui définit les sociétés multinationales comme des entreprises possédant au moins une seule filiale ou quelque autre dépendance à l’étranger. Les SMN sont en fait des supermonopoles internationaux ayant un chiffre d’affaires de l’ordre d’un milliard de dollars et plus, possédant des dizaines, voire des centaines d’entreprises et de sociétés à l’étranger. Là est la raison de la profonde influence qu’elles exercent sur l’économie de nombreux pays et sur l’ensemble des relations économiques dans le monde. » Selon cet auteur, l’ampleur des actions des firmes multinationales est telle qu’il ne parle même pas de monopoles internationaux mais de « supermonopoles ». Une analyse critique portant sur la raison d’être de ces firmes sera donc de mise. Celle-ci commencera par une revue historique de leur apparition .
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Table des matières
Introduction
Méthodologie
Partie I : Les firmes multinationales : une stratégie de domination à l’échelle mondiale
Chapitre 1 : Naissance des firmes multinationales : une revue historique
1. Comment définir une multinationale ?
2. Du point de départ à l’apogée des multinationales de réseau
3. Leurs Etats d’origine : des liens aux enjeux conséquents
Chapitre 2 : Stratégie globale des firmes multinationales
1. La division du travail à l’intérieur de la firme
2. Les stratégies d’investissement de la firme multinationale
3. Etude de cas : General Motors
Chapitre 3 : Le choix de la localisation : la question de l’attractivité d’un pays
1. Les déterminants de l’attractivité
2. Les politiques d’attractivité
3. Qui sont les pays les plus attractifs ?
Partie II : Le secteur minier malgache : quels enjeux stratégiques pour Madagascar ?
Chapitre 1 : Des cartographiesnécessaires
1. Les potentiels miniers de Madagascar
2. Identité des exploitants : les firmes multinationales présentes à Madagascar
3. Le secteur minier dans le monde
Chapitre 2 : L’appel aux investisseurs étrangers dans le secteur minier : un choix politique de l’autorité étatique
1. Madagascar et la politique d’attractivité : les démarches entreprises par l’Etat malgache
2. Les entités en charge du secteur minier
3.Analyse comparative des initiatives politiques de Madagascar et de quelques pays à vocation minière
Chapitre 3 : La contribution du secteur minier au développement de Madagascar : controverses et réalités
1. La dynamique du secteur minier malgache : état des lieux
2. Les multinationales et le développement : un thème sujet à des controverses
3. L’extraction minière et son horizon temporel, quel avenir le pays se dessinet-il à long terme ?
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Glossaire