Les femmes consommatrices de substances psychoactives

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Les femmes consommatrices de substances psychoactives

Au vu des risques encourus, la mise en place d’un traitement de substitution est primordiale chez la femme enceinte, tant pour sa santé que pour celle du foetus.
De nombreuses études ont maintenant mis en évidence l’intérêt d’un traitement de substitution chez les femmes enceintes, qui améliore le pronostic obstétrical, la surveillance de la grossesse ainsi que les conditions de vie. En effet, la substitution permet d’éviter une prise incontrôlée d’héroïne dans la rue et des consommations non hygiéniques en la remplaçant par un produit sous contrôle médical. De plus, les traitements de substitution contrôlent l’irrégularité des périodes de prises et de « sevrages » entrainant des atteintes foetales par hypoxie (12).

Retentissement de la consommation d’héroïne sur l’état de grossesse

Conséquences médicales

Lorsque les femmes consomment de l’héroïne, elles présentent souvent des troubles du cycle. En effet, l’héroïne provoque une chute du taux d’hormones hypophysaires, la LH et la FSH, une augmentation du taux plasmatique de prolactine et de l’hormone de croissance.
Ces femmes présentent donc en majorité une aménorrhée ou oligoménorrhée. De plus, sous opiacés, il y a une diminution de la libido. Ces deux facteurs ne sont donc pas en faveur d’une observance correcte de la contraception. On peut donc imaginer que ces troubles du cycle vont impacter le diagnostic de grossesse qui est souvent tardif, parfois incompatible avec une interruption volontaire de grossesse et retarde le suivi obstétrical (17).
Il existe des conséquences médicales maternelles liées à l’utilisation de matériel non stérile, dont des complications infectieuses (thrombophlébites, endocardites…). Ces conséquences maternelles peuvent aussi être liées aux infections virales comme les hépatites B, C et le VIH lorsque les mesures d’hygiène ne sont pas respectées (18).
De plus, il existe des conséquences médicales maternelles qui sont liées principalement au mode de vie marginal des femmes consommatrices. Il y a un possible éclatement de la cellule familiale. Le produit est recherché continuellement et consommé en dépit de la connaissance des conséquences négatives (9).
Enfin, certains auteurs comme J. Bouchez et C. Carlus (1997) montrent que les possibles carences alimentaires de la mère toxicomane sont « non spécifiques des pharmacodépendances mais retrouvées parmi les grossesses sans suivi régulier, en conditions de précarité » (1).

Conséquences obstétricales

Les grossesses des femmes toxicomanes sont des grossesses peu suivies, qui peuvent parfois être absentes de soins prénataux. En effet, d’après Finnegan en 1984, « le mode de vie et la crainte d’attirer l’attention sur sa toxicomanie l’amènent [la femme enceinte] souvent à éviter de demander des soins prénataux » (1).
Ainsi, les conséquences obstétricales les plus fréquemment retrouvées dans la littérature sont les accouchements prématurés et les avortements spontanés. Il peut aussi exister une hypoxie foetale lorsqu’il y a eu une grande fréquence d’alternance « overdosemanque », la plupart du temps en fin de grossesse, ce qui conduit à un liquide amniotique plus fréquemment teinté lors de l’accouchement (19)
– Les accouchements prématurés
L’étude GEGA, sur les femmes enceintes substituées à la méthadone ou à la buprénorphine haut dosage et caractéristiques de leurs nouveau-nés, il a été décrit des naissances prématurées. En effet, sur les 260 bébés nés de la cohorte de 259 mères substituées, on retrouve 12,3% de naissances prématurées, alors que l’enquête de périnatalité de 1998 retrouvait 6,9% de naissances prématurées dans la population générale, soit près de deux fois moins (15). L’héroïne en elle-même ou sa substitution provoquent par les périodes de sevrage une certaine irritabilité utérine, entrainant des contractions utérines. Mais la toxicité du produit n’est pas seule imputable, un rôle majeur est aussi attribuable aux facteurs environnementaux maternels et aux modes de vie (19).
Le tabagisme ainsi que les périodes d’alternance de manque et de consommation du produit entrainent des épisodes de stress foetaux et donc une certaine hypoxie foetale, conduisant parfois à des épisodes de tachycardies foetales, pouvant amener à un accouchement prématuré (19).
– Les avortements spontanés
Il existe dans la littérature et selon les séries environ 15 à 30% d’avortements spontanés.
Dans la population, cette fréquence est de 12 à 15%. Malgré tout, cette fréquence est difficile à interpréter car le diagnostic de grossesse est souvent tardif et il existe donc de nombreuses fausses couches spontanées se déroulant sans intervention médicale (15) (19).

Retentissement des opiacés sur le foetus et conséquences néonatales

Risques opiacés

– Les malformations
Le risque malformatif en cas de consommation d’héroïne est identique à celui de la population générale, c’est-à-dire de 2 à 3%. En effet, l’héroïne, comme les autres opiacés, n’a pas d’effet tératogène et n’entraine donc pas de malformation. Ainsi, les publications faisant état de malformations chez les foetus de mères héroïnomanes témoignent plutôt de polyconsommation, particulièrement l’intoxication à l’alcool, puissant tératogène (19) (20).
– La mort foetale in utero (MFIU)
L’héroïne, comme tout opioïde, passe la barrière placentaire. De plus, la décroissance du taux d’héroïne dans le sang du foetus diminue moins rapidement que dans le sang maternel. Cette dépendance de l’héroïne expose le foetus à des syndromes de manque in utero graves, pouvant se traduire par des mouvements actifs foetaux répétés.
Ainsi, l’alternance des périodes de consommation maternelle et de manque entraine un risque pour le foetus de MFIU (19).
– Le retard de croissance intra-utérin (RCIU)
Chez les enfants de mères consommatrices d’héroïne, on retrouve plus de RCIU harmonieux que dans la population générale, même si ce RCIU est autant imputable à la consommation d’héroïne, qu’au de mode de vie de la mère (15).
L’expérimentation animale et de nombreuses études prouvent que l’héroïne entraine des retards de croissance. En effet, ces études montrent une fréquence significativement plus élevée de RCIU chez les héroïnomanes (27 à 32%) que chez les femmes soumises aux mêmes conditions de vie, sans consommation de toxiques (3%) (15).
Les poids de naissance sont aussi plus faibles que dans la population générale comme le montre l’étude GEGA. En effet, 23,7% des 260 bébés ont des poids inférieurs 2500g, alors qu’ils représentent 7,2% de la population générale dans l’enquête de périnatalité de 1998. Ce pourcentage d’hypotrophes est lié à l’hypoxie foetale due aux périodes de manque-overdose mais aussi à la prématurité (15).

Le syndrome de sevrage néonatal (SSNN)

Les organes du foetus sont encore immatures et il a développé des capacités moindres de métabolisation et d’excrétion rénale. Les opiacés se retrouvent donc facilement dans le cerveau. Les foetus sont donc susceptibles d’avoir des signes de manque car ils développent une accoutumance. L’arrêt brutal de cette imprégnation à la naissance entraine le syndrome de sevrage néonatal, qui est un ensemble de manifestations cliniques que risque de présenter le nouveau-né du fait de l’arrêt brutal de cette imprégnation des opiacés 15).
Les signes retrouvés le plus fréquemment sont les tremblements et les perturbations du sommeil. Le critère de gravité apparaît lors de convulsions. Ce SSNN peut être létal s’il est sévère et non traité.
Avec un traitement de substitution par la méthadone chez les mères, on retrouve un syndrome du sevrage néonatal plus fréquent et qui peut être plus sévère et plus tardif qu’avec l’héroïne. Ce syndrome de sevrage apparaît le plus souvent vers J2-J3 mais parfois 2, 4 voire 6 semaines après la naissance. Quelque soit le traitement de substitution, l’intensité du syndrome de sevrage ne semble pas liée à la dose du produit (16).
Le syndrome de sevrage néonatal est retardé, quelque soit le TSO pris, lors de prise simultanée de benzodiazépines. Ainsi, la baisse des doses de traitements de substitution en fin de grossesse, souvent demandée par les femmes elles-mêmes, semble plus dangereuse qu’utile. En effet, il faut éviter de déséquilibrer les dosages alors que la mère est proche de son accouchement et qu’elle aura besoin d’être la plus stable possible pour établir le lien mère-enfant. Ainsi le Pr Henrion signale que la posologie de la méthadone en fin de grossesse nécessite « des doses suffisantes pour éviter la consommation d’autres drogues » (15).

Perception psychique de la grossesse chez les femmes consommatrices de substances psychoactives

La grossesse est donc une période charnière pour prendre en charge ces femmes qui sont normalement dans une situation d’échappement du suivi médical (16).
On retrouve des troubles psychiques liés spécifiquement à la prise d’opiacés, mais aussi à l’état psychique initial de la personne et à son environnement. Il n’est pas rare de retrouver quelques caractéristiques communes chez les femmes enceintes toxicomanes, sur les développements psychologique et comportemental (21).
L’accouchement est une période difficile pour la femme toxicomane, il réactualise une angoisse d’abandon et la disparition de la proximité avec le foetus renforce cette angoisse.
Enfin, l’enfant préalablement idéalisé est en conflit avec l’enfant réel qui peut présenter un syndrome de manque qui culpabilise encore plus la mère. Le nouveau-né exige une présence permanente et ne tolère pas l’attente et la frustration. Les toxicomanes fonctionnent aussi sur ce principe, ce qui peut être difficilement vécu par elles (21).

Le post-partum chez les femmes enceintes sous traitement de substitution

Il n’existe pas plus de complications médicales dans le post-partum chez les femmes consommatrices d’héroïne ou sous traitements de substitution aux opiacés que dans la population générale (20).
Les consommations d’opiacés passent dans le lait maternel. Mais la quantité de BHD et de son métabolite actif ingérée dans le lait maternel est très faible, environ 1% de la dose maternelle, celle de la méthadone est d’environ 3%. L’allaitement maternel est donc possible lors de traitement de substitution par méthadone ou Subutex® (11) (14) (15).
Il est même vivement encouragé, pour le travail du lien mère-enfant, surtout quand la demande vient de la mère. Il a aussi un rôle calmant lors des crises du syndrome de sevrage néonatal (20).

La prise en charge des femmes enceintes sous traitement de substitution et de l’enfant dans deux maternités de niveau III : Caen et Montpellier

Prise en charge au pôle femme-enfant du CHU de Caen

Les femmes enceintes toxicomanes ou sous traitement de substitution ont donc des grossesses à risque, qui doivent au minimum avoir l’avis d’un gynécologue-obstétricien au cours de leur suivi (suivi A2) (1) (22).
Au pôle FEH du CHU de Caen a été créée la Consultation Obstétricale Spécialisée Médico-Psycho-Sociale (COS MPS) en juin 2017. Deux sages-femmes y ont des vacations de onsultation : une sage-femme ayant le DU d’addictologie et une sage-femme ayant le DU de précarité et grossesse.
Au CHU de Caen, la sage-femme addictologue dispose d’une demi-journée de consultation tous les 15 jours. Ces consultations addictologie durent 30 minutes. Les femmes peuvent venir d’elles-mêmes en consultation avec la sage-femme addictologue mais elles sont la plupart du temps repérées par le biais des consultations obstétricales (médecins ou sages-femmes) et sont adressées en consultation addictologie, si elles n’ont aucun suivi ailleurs.
La sage-femme détenant le DU de précarité dispose d’une journée par semaine de consultation en COS MPS. Les femmes enceintes peuvent lui être adressées par les différents professionnels qui suivent la grossesse que ce soit au CHU ou dans les PMI. La sage-femme détenant le DU de précarité reprend tout le suivi de la grossesse et cible les vulnérabilités des femmes enceintes pour pouvoir les orienter vers des spécialistes (psychologue, psychiatre, addictologue) et créer un maillage autour d’elles.
En même temps qu’ont lieu ces consultations, une sage-femme ou un gynécologueobstétricien est aussi présent pour d’éventuelles échographies.
Il existe un staff médico-psycho-social (SMPS) se réunissant une fois par semaine, où les situations nécessitant une plus grande surveillance psycho-sociale peuvent être évoquées, sous réserve d’avoir l’accord des patientes. L’initiative de ce staff est partie de la volonté d’une prise en charge globale dans le cas de situations préoccupantes nécessitant des besoins de communication entre les missions de la protection l’enfance et les équipes de la maternité. Il s’agit donc de créer un maillage suffisamment dense pour qu’aucune situation de vulnérabilité n’échappe à la vigilance des professionnels de santé, en travaillant en équipe pluridisciplinaire (23).

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Table des matières

PARTIE I : INTRODUCTION
1. Héroïne et grossesse
1.1 L’héroïne
1.2 Les traitements de substitution
1.2.1 Le Subutex®
1.2.2 La méthadone
1.2.3 Méthadone ou Subutex®
2. Les femmes consommatrices de substances psychoactives
2.1 Retentissement de la consommation d’héroïne sur l’état de grossesses
2.1.1 Conséquences médicales
2.1.2 Conséquences obstétricales
2.2 Retentissement des opiacés sur le foetus et conséquences néonatales
2.2.1 Risques opiacés
2.2.2 Le syndrome de sevrage néonatal (SSNN)
2.2.3 Perception psychique de la grossesse chez les femmes consommatrices de substances psychoactives
2.2.4 Le post partum chez les femmes enceintes sous traitement de substitution
3. La prise en charge des femmes enceintes sous traitement de substitution et de l’enfant dans deux maternités de niveau III
3.1 Prise en charge au pôle femme-enfant du CHU de Caen
3.2 Prise en charge à la maternité Arnaud de Villeneuve de Montpellier
3.2.1 Le repérage
3.2.2 Les différents acteurs
3.2.3 Le travail de coordination
3.2.4 Le fonctionnement de la cellule parentalité et usage de drogues
3.3 L’étude de Marion Virot
PARTIE II : MATERIEL ET METHODES
1. Problématique
2. Objectif
3. Exposition des hypothèses de départ
4. Population d’étude
5. Outils utilisés
6. Recueil des données
7. Analyse de données
PARTIE III : RESULTATS
1. Population de l’étude
2. Grossesse actuelle
2.1 Suivi de grossesse
2.2 Pathologies foetales
3. Accouchement
4. Le nouveau-né
5. Les suites de naissance
PARTIE IV – ANALYSE – DISCUSSION
1. Les limites et atouts de l’étude
1.1 Les limites de l’étude
1.2 Les atouts de l’étude
2. Discussion des résultats
2.1 Les populations des deux études
2.1.1 Les patientes
2.1.2 Les conjoints et leur toxicomanie
2.2 Les consommations maternelles de toxiques en début de grossesse
2.3 Le traitement de substitution
2.4 Les antécédents obstétricaux
2.5 La grossesse
2.5.1 Le suivi de grossesse
2.5.2 Les cours de préparation à la naissance et à la parentalité (PNP)
2.5.3 La présence de consultation anténatale avec le pédiatre
2.5.4 La rencontre avec un psychologue ou un pédopsychiatre
2.5.5 Les pathologies foetales et maternelles pendant la grossesse
2.5.6 Les hospitalisations pendant la grossesse
2.5.7 Le suivi en hôpital de jour pendant la grossesse
2.5.8 Les sorties contre avis médical pendant la grossesse
2.5.9 Le suivi en addictologie
2.6 L’accouchement
2.6.1 Le terme
2.6.2 La voie d’accouchement
2.7 Les consommations en fin de grossesse
2.8 La présence du syndrome de sevrage néonatal (SSNN) et son traitement
2.9 Les suites de naissances
2.9.1 La durée d’hospitalisation
2.9.2 Les sorties contre avis médical

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