Madagascar, pays de tradition orale, se caractérise par un bilinguisme institutionnel: deux langues sont en présence dans la grande Ile, le français et le malgache. Le français, ancienne langue coloniale, langue de l’enseignement et de l’administration, est confiné à l’écrit, tandis que le malgache s’emploie presque exclusivement à l’oral, toutes les communications entre les citoyens du pays se faisant dans cette langue. Le malgache est, en effet, avec ses variétés dialectales, la seule langue nationale à Madagascar. Le français y est donc moins utilisé que dans beaucoup de pays d’Afrique francophone où elle s’emploie comme langue véhiculaire entre locuteurs de langues différentes ; c’est langue qui assure l’intercompréhension entre ces groupes. Cette répartition fonctionnelle des langues ressortit plus à une situation de diglossie qu’à celle du bilinguisme.
De nos jours, le contact du français et du malgache se trouve dans une phase où la langue étrangère fait son intégration au sein de la langue d’accueil. C’est pour cette autre raison que nous avons choisi le présent sujet, car le malgache de Toliara intègre des mots du français erroné ; qui se reflète dans les écriteaux. Par exemple, on peut citer le mot bazar qui, selon le Dictionnaire Petit Larousse édition 2004, signifie, lieu où règne le désordre, magasin où l’on vend toutes sortes d’articles ou un ensemble d’objets hétéroclites de peu de valeur. Ces différentes significations du mot sont le produit d’un grand nombre d’utilisations. Il n’est pas rare de voir des fautes et des erreurs au niveau de des panneaux publicitaires. Etudier ces mauvaises manipulations du français revient aussi à faire l’étude du malgache.
Histoire de la langue française à Madagascar
Avant de donner un aperçu historique de la langue française à Madagascar, il est aisé de comprendre qu’avec la venue des Français la langue française s’est introduite à Madagascar. Le rappel historique de l’introduction des colons français va remonter à l’époque où Diego Dias a abordé la Grande Ile.
En 1500, Diego Dias, navigateur portugais en route vers les Indes, est le premier Européen à approcher les côtes de Madagascar. Au cours du XVII e siècle, les Européens qui ont ouvert en Inde des comptoirs à épices tentent de s’établir sur les côtes malgaches. Quelques comptoirs portugais sont fondés sur le littoral nord-ouest, concurrençant le commerce arabe. Les Français s’installent à la pointe méridionale de l’île en 1642 où ils créent le port de Fort Dauphin. Louis XIV, afin de prendre de vitesse les Anglais, proclame la souveraineté française sur le territoire malgache et le baptise île Dauphine.
En 1828 Ranavalona I èr e, épouse de Radama, mit fin à la politique de réformes menées par ce dernier ; les missionnaires sont persécutés et les traités avec le Royaume-Uni dénoncés. Les Français en profitaient pour revenir dans l’île : le palais de la reine, le Rova de Manjakamiadana, à Antananarivo, est bâti sur l’initiative du négociant Jean Laborde. La rivalité franco-britannique gagnait en intensité en 1856, date du retour des Britanniques sur l’île. Les Français, accusés de complot contre la reine, sont expulsés — ainsi que d’autres étrangers. Leur absence était brève ; Radama II est monté sur le trône en 1862, mais a été assassiné l’année suivante pour avoir encouragé leur implantation. Le pouvoir était alors tombé aux mains du Premier ministre Rainilaiarivony qui épousait les trois reines successives du pays : Rasoherina, Ranavalona II et Ranavalona III. Il réorganisait le pays mais ne pouvait résister à la pression de la France qui s’était fait attribuer Madagascar au congrès de Berlin en 1885. Elle avait donné en contrepartie toute liberté sur Zanzibar à la Grande-Bretagne. L’unité du pays a été achevée contre la France. Pourtant, en 1895, une expédition militaire française lancée contre Antananarivo brisait la résistance de la reine Ranavalona III, qui s’était soumise avant d’être exilée, deux ans plus tard, à la Réunion puis à Alger.
En 1896, Madagascar est intégré à l’empire colonial français. La résistance anticoloniale se poursuit, conduite par une société secrète, la Vy, Vato, Sakelika (fer, pierre, ramification), qui est démantelée en 1916 mais demeure une référence dans la conscience nationale. Les Hautes Terres, favorisées par la douceur du climat, deviennent une colonie de peuplement, où s’établissent de nombreux colons français, tandis que Diégo Suarez, dans le Nord, devient la plus importante base navale française de la région, protégeant la route de l’Indochine.
La période d’après-guerre est marquée par la reprise de l’agitation nationaliste. En 1946, Madagascar obtient le statut de territoire français d’outre-mer. La grande île est dotée d’une assemblée élue, aux pouvoirs limités. Durant les années 1950, l’autonomie de l’île a été renforcée. En 1958, un référendum a été organisé : il fallait choisir entre le « oui » et le « non ». Le « oui » l’a emporté par 78% de l’électorat malgache et Madagascar devient une République autonome dans le cadre de la Communauté française. Philibert Tsiranana, chef du Parti social démocrate, en devient le président. Le pays accède à l’indépendance le 26 juin 1960 tout en conservant des relations privilégiées avec la France. En septembre ; il a été admis au sein de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Il intégrait ensuite l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Et jusqu’à nos jours, cette relation de privilège avec la France continue d’exister.
D’après ce bref historique, on peut déduire que la langue française s’est introduite à Madagascar à peu près au XVIIiè me siècle. Commerçants et voyageurs assurèrent une présence francophone sur les côtes.
En 1820, d’après Jean Michel ELOY dans Le français dans l’espace francophone : « Le roi Radama I er confia aux étrangers le monopole de l’enseignement. Les jésuites menèrent une action décisive en faveur du français dans leur centre La Réunion où ils formaient des jeunes Malgaches et dans le pays même où ils créèrent des écoles où l’enseignement du français tenait une large place» . D’après cet écrit, on peut affirmer que l’implantation du français dans l’Ile ne date pas d’hier mais qu’elle date de Radama I er. Mais cette donnée ne nous prouve pas pourquoi, après tant d’années, le français reste toujours une langue qu’on ne maîtrise pas à Madagascar.
Nous citons Jean Michel ELOY : « dès son arrivée, Gallieni prit des mesures pour franciser les écoles et l’administration […] aucun Malgache ne pourra[it] être admis à exercer une fonction rétribuée par le Gouvernement français à Madagascar, s’il ne justifie[ait] d’une connaissance suffisante de la langue française » . Ainsi la connaissance du français, comme de nos jours, constitue d’ors et déjà un atout pour réussir dans la vie. On peut dire que depuis cette époque le français jouit du statut de langue seconde.
Mais il faut dire aussi, mis à part quelques cas très rares, que les Malgaches n’avaient pas droit à l’accès aux écoles réservées aux Européens. Les écoles indigènes et les écoles françaises n’avaient pas le même programme d’enseignement.
En 1972, les Malgaches ont rejeté le français pour revenir à leur langue maternelle. « Mais la population, aspirant à la malgachisation du contenu de l’enseignement, se souleva en 1972 et en vint à demander le rejet de la langue du colonisateur» . Mais cette décision prise un peu à la hâte ne profita pas au Gouvernement malgache, qui n’arrivait à s’imposer ni dans le domaine de la formation ni dans celui de l’économie. Dans les années 85, le peuple malgache a regretté la langue française et a demandé le retour de la langue du colonisateur qui s’imposait dorénavant. La malgachisation a duré à peu près quinze ans ; on a essayé de mettre la langue française au placard mais cela s’est soldé par un échec.
Depuis son intégration dans la Grande Ile, la langue française a eu des hauts et des bas. Les Malgaches ont essayé de la rejeter mais en vain, d’où la raison de ce retour après l’erreur de 1972 (la malgachisation). Une question se pose : Comment utilise-t-on cette langue à Madagascar ? Et notre travail essaiera d’apporter une réponse à cette question.
Fautes phonologiques (phonétiques et phonologiques)
Nous appelons fautes phonologiques toutes les productions erronées qui résultent de la phonétique et de la phonologie. Une définition succincte de ces deux disciplines s’impose pour mieux encadrer notre domaine.
La phonétique est le nom donné à la discipline qui étudie les sons des langues humaines du point de vue de leur production et de leur réception. La production et la réception des sons se font à trois niveaux : linguistique (élaboration du message par le locuteur, identification et intégration des données par l’auditeur), physiologique (activités neuromusculaires nécessaires aux actes d’élocution et d’audition) et acoustique (propriétés physiques des signaux sonores lors de l’émission et de la réception). « La phonétique s’intéresse plus particulièrement aux niveaux acoustique et physiologique qui déterminent trois types d’analyse : une analyse acoustique pour le premier, une analyse articulatoire et une analyse auditive pour le second. » .
La phonétique est une discipline linguistique qui étudie les différents sons du langage du point de vue physique. Mais la discipline joue un autre rôle : « La phonétique est la transcription conventionnelle des sons d’une langue à partir de l’Association Phonétique Internationale ou A.P.I. Elle est représentative de la norme orale de cette langue dans la description et la réalisation phonique des sons. » Par contre, la phonologie est une discipline linguistique qui étudie les systèmes abstraits de sons des langues.
En français, il y a un très grand écart entre l’oral et l’écrit. L’alphabet graphique présente une sous-différentiation par rapport à l’alphabet phonique, « on a vingt six (26) graphies dont six (06) voyelles et vingt (20) consonnes alors qu’à l’oral on a trente sept (37) sons dont dix-neuf (19) sons voyelles, dix-sept (17) sons consonnes et trois (03) sons semi-consonnes » . Ce fait pose un problème à la pratique du français, surtout au niveau de l’orthographe car tout ce qui s’écrit ne se prononce pas en français, d’autant plus qu’il y a plusieurs sons ou graphèmes du français qui n’existent pas en malgache. Mais ce qui provoque surtout les mauvaises manipulations graphiques c’est la mauvaise prononciation qui peut provenir d’une mauvaise perception d’un son lors de sa première acquisition ; il peut y avoir approximation ou confusion des sons à cause de la sous différenciation des sons de la langue source par rapport à la langue cible.
Pour ce qui est de la phonologie, c’est une discipline linguistique qui étudie les systèmes abstraits de sons des langues et non l’articulation physique des sons parlés, laquelle est du ressort de la phonétique. Dans l’immense variété des sons que peut produire un seul locuteur, nous sommes capables de reconnaître ceux qui représentent le « même » son, bien qu’ils soient en fait différents sur le plan acoustique, et de repérer le type de différences qui signalent une distinction au niveau du sens. La phonologie étudie la fonction des sons et permet d’isoler des phonèmes, distinguant les signifiants d’une langue. On identifie trente-six phonèmes en français.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
BREVES HISTORIQUES ET CLASSIFICATIONS DES FAUTES COMMISES
Introduction
I.1-Histoire de la langue française à Madagascar
I.2-Fautes phonologiques (phonétiques et phonologiques)
I.3-Fautes morphosyntaxiques
I.4-Les fautes sémantiques
Conclusion
ANALYSE DES FAUTES
Introduction
II.1-Fautes phonologiques
II.2-Analyse des fautes d’origine morphosyntaxique ou grammaticale
II.3-Mauvais choix de signifiant et/ou incompréhension du signifié
Conclusion
EVENTUEL RISQUE DANS UN CONTEXTE DE CONTACT DE LANGUES
Introduction
III.1-Madagascar, deux langues en contact
III.2-Les fautes phonologiques possibes
III.3-Problèmes morphosyntaxiques
III.4-Emprunts et mode d’intégration sémantique
Conclusion
CONCLUSION GENERALE
CORPUS
BIBLIOGRAPHIE