Les facteurs socioculturels de blocage du depistage du cancer du sein

De tout temps, la santé a été une préoccupation majeure des populations humaines. On a cherché de la nuit des temps jusqu’à nos jours à conserver ou à recouvrer une bonne santé par la pratique d’activités physiques et sportives, par des offrandes, par l’alimentation, par toutes les méthodes traditionnelles et modernes à améliorer notre état de santé. Cette focalisation sur les questions sanitaires s’explique par le fait que la santé est la« première des richesses ». Et nous en voulons pour illustration cette maxime pulaar : « ceellal woni afo ngalu », « la santé est l’ « aînée » (aînée entendue au sens de première) des richesses » .Cet intérêt pour les questions de santé a fait apparaître des organisations (non gouvernementales, gouvernementales et intergouvernementales) oeuvrant dans la santé. Cependant, malgré la forte présence de ces organisations, des stratégies mises en place, l’hôpital ou plutôt les structures sanitaires n’ont jamais été les premiers recours thérapeutiques des populations surtout pour ce qui est des pathologies comme le cancer et plus précisément du cancer du sein. Nous en voulons pour preuve l’étude que nous avions effectuée en 2004, en année de maîtrise, étude qui avait porté sur les conséquences psychosociales de l’ablation du sein suite à un cancer. En effet, dans la culture sénégalaise, les pathologies se manifestant par une enflure, une boule ne sont jamais soignées par la biomédecine.

On suppose qu’une enflure est due à un mauvais sort qu’on nous a jeté et que pour en guérir il faut l’intervention du « motieukat », ou « panseur de douleurs ». Ainsi, pendant longtemps, le cancer a été assimilé à la mort, à un dépérissement total, à un état général horrible et a été décrit comme cette « plaie qui tue » etc. Ainsi, dans l’imaginaire populaire, le seul remède du cancer était la mort et on dit pour le qualifier en langue wolof « goomu robale », « la plaie qui mène au tombeau ». Ainsi, les personnes qui en étaient atteintes étaient dans des positions qui vont du déni de la maladie, à la fuite en avant, en passant par le fatalisme. Dés lors, l’idée d’en guérir était donc exclue. On ne pouvait donc pas imaginer que, des dépistages régulièrement effectués à des ages précis de la vie reproductive pouvaient permettre de détecter les tumeurs mammaires à leur stade précoce. Cette situation est due au fait qu’il n y a pas de programme national de lutte contre le cancer, lequel programme aurait permis de mettre en place les stratégies communicationnelles nécessaires devant aider à une meilleure connaissance de la pathologie. A ce fait s’ajoute, comme c’est le cas de beaucoup de pays en développement, celui du manque de ressources humaines et du plateau technique nécessaires à une bonne prise en charge des tumeurs du sein. Le Sénégal n’échappe pas à la règle. Souvent, les deux ne sont jamais disponibles en même temps.

En effet, si les ressources humaines existent, très souvent le plateau technique, lui n y est pas et inversement. Et pour ne prendre que l’exemple de la région de Dakar, celle-ci compte deux structures sanitaires publiques où la mammographie peut être effectuée. Ces structures sont : l’hôpital Principal de Dakar et l’Hôpital général de Grand-Yoff. Les autres étant des structures privées. Signalons par ailleurs que dans les dix (10) autres régions du Sénégal, on ne dispose pas de mammographes. Ainsi, les cas soupçonnés ou avérés de cancer du sein sont acheminés vers l’Hôpital Aristide Le Dantec qui reste de ce point de vue le centre de référence au Sénégal et en Afrique de l’Ouest. Cependant, bien qu’étant le centre de référence, l’institut Curie de l’hôpital Aristide Le Dantec n’a pas à sa disposition un mammographe. Les populations soupçonnées ou réellement atteintes sont référées aux dites structures déjà citées. Et là, les coûts de la mammographie varient en moyenne entre 60.000 et 90.000FCFA selon les structures. Ce qui n’est souvent pas à la portée de beaucoup de femmes sénégalaises qui souvent, dépendent économiquement de leur conjoint qui souvent à plusieurs charges à honorer. Cette dépendance économique surtout des femmes, combinée aux dysfonctionnements internes au système public de santé influent beaucoup sur les itinéraires thérapeutiques faisant des hôpitaux les derniers recours thérapeutiques.  Les populations optent pour l’automédication ou choisissent dans le cas d’espèce d’aller vers d’autres systèmes de soins : cliniques privées pour les plus nanties, médecines traditionnelles ou automédication pour les autres. Ces méthodes de soins sont utilisées parce que souvent moins contraignantes, moins chères et plus rapides. A ces problèmes d’ordre administratifs et économiques, s’ajoutent ceux d’ordres socioculturels. En effet, dans les représentations populaires dominantes sénégalaises, avoir une boule au sein n’est pas en soi un phénomène anormal. Bien au contraire. Cette « ignorance » ou plutôt cette perception des populations est à mettre sur le compte du déficit d’information sur à la fois la constitution de leur corps et sur les signes avant coureurs d’une quelconque maladie. Ces deux obstacles sont à lier comme nous l’avions mentionné plus haut à l’absence d’un programme national de lutte contre le cancer, lequel programme aurait mis en place des stratégies d’éducation et de communication devant mieux faire connaître les maladies en général et le cancer en particulier. Ces programmes d’information, d’éducation et de communication communément appelés IEC, auraient permis de relever le niveau d’éducation des populations, le niveau d’information sur les problèmes de santé, le niveau de recommandation mais également le niveau d’auto-discipline commun aussi bien aux cancers qu’aux autres pathologies.

Cadre Général et Méthodologique

CADRE GENERAL

Problématique
Chaque année, le monde enregistre plus de six millions de décès dus au cancer. Sur les 10 millions de nouveaux cas annuels, plus de la moitié proviennent des pays en développement. Responsable de 12 % des décès dans le monde, le cancer est la deuxième cause de mortalité dans les pays industrialisés après les maladies cardiovasculaires. Chez l’homme, les cancers des poumons et de l’estomac sont les plus courants à l’échelle mondiale, tandis qu’on observe celui de la prostate avant tout dans les pays développés. Chez la femme, les cancers du sein et du col de l’utérus sont les formes les plus courantes à l’échelle mondiale, tandis que l’on observe le cancer du col avant tout dans les pays en développement. L’OMS estime que si les tendances actuelles se poursuivent, les chiffres ne feront qu’empirer dans les vingt prochaines années pour atteindre 10 millions de décès par an et 15 millions de nouveaux cas. Ainsi, selon les dernières estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé , le cancer tue environ six millions de personnes chaque année dans le monde et plus de la moitié en Afrique. Au Sénégal, les cancers du col de l’utérus et du sein occupent respectivement la première et la seconde place parmi les cancers féminins. Le cancer que nous comptons étudier et qui est celui du sein est le second cancer gynécologique. Il est de tous les cancers celui qui offre le meilleur pronostic vital s’il est vu à un stade précoce, traité de façon efficace, suivi de façon rigoureuse au moins pendant 5 ans à la condition de trouver le juste équilibre entre la prévention, le dépistage précoce, le diagnostic, le traitement et les soins palliatifs.

Cela a fait dire à Cecilia Sepulvéda, coordonnatrice du programme de lutte contre le cancer au Siége de l’OMS que : « face au problème complexe et croissant du cancer, le programme complet de lutte est la meilleure stratégie que puisse adopter un pays ». C’est dans ce sens que beaucoup de programmes nationaux de lutte ont été conçus afin de diminuer l’incidence et la mortalité du cancer ainsi que pour améliorer la qualité de vie des patients. Les pays industrialisés comme ceux en développement se heurtent à plusieurs obstacles pour mettre en place les systèmes de lutte recommandés. Seuls quelques pays ont mis au point des programmes nationaux et complets de lutte contre le cancer. Certains ont élaborés des initiatives au niveau d’Etats ou de Provinces, mais ces efforts tendent à rester fragmentaires et à ne pas être durables. D’autres encore ne s’intéressent qu’à un ou deux domaines prioritaires. Il est alarmant de constater que dans certains pays, aucun travail n’est effectué en matière de lutte anticancéreuse au niveau national, tel est le cas du Sénégal. Notons, cependant que l’Association Sénégalaise pour le Bien-Être Familial (ASBEF) en collaboration avec les laboratoires pharmaceutiques Pfizer ont eu à organiser le 9 Juin 2005 « des journées portes ouvertes », journées lors desquelles des dépistages du cancer sein et de l’utérus ont été effectués. A cela s’ajoutent d’autres, nées de l’initiative de personnes comme le docteur Kassé, cancérologue à l’Institut Curie de l’hôpital Aristide Le Dantec. Et pourtant, de telles initiatives gagneraient à être multipliées car seul un dépistage précoce permet de venir à bout de la maladie. Commençons d’abord par définir le terme. « Dépister » signifie étymologiquement « découvrir une piste». En anglais, c’est le mot « screening » qui est utilisé et désigne l’action de « trier ». Médicalement, dépister c’est « trier pour découvrir ».

Le dépistage peut être compris comme « la recherche systématique chez toutes les personnes dans une population définie, même celles qui se considèrent en excellente santé, d’anomalies, témoins d’une maladie inapparente et méconnue, en général en début d’évolution » . Au Sénégal, le seul dépistage effectivement organisé et gratuit à ce jour, est le dépistage du VIH/ Sida. C’est dans ce sens que des Centres de Dépistages Volontaires Anonymes et Gratuits (CDVAG) ont été ouverts et intégrés dans des structures sanitaires pour garantir le plus possible l’anonymat. Cependant, force est de constater que la gratuité d’un dépistage n’est pas pour autant un facteur incitatif suffisant du dépistage. Et l’exemple des centres de dépistage volontaires et anonymes et gratuits (CDVAG) en est une belle illustration si l’on sait que la fréquence des dépistages est 20 clients à Dakar et moins de 05 dans les autres régions du Sénégal . Là encore, les rares personnes à venir se faire dépister sont des femmes, enceintes, référées dans la majeur partie par un médecin pour le dépistage obligatoire au VIH/Sida. La question qui est en droit de se poser est pourquoi malgré la gratuité du dépistage du VIH les populations sénégalaises ne se bousculent pas devant ces centres ? De même, la démarche pour le test de dépistage n’est jamais prise spontanément. C’est souvent un autre problème de santé – paludisme, diarrhée, dermatose, zona, furoncles, tuberculose – qui motive la démarche du test. Les personnes ayant effectué le test l’ont pour la plupart fait sur la demande ou de leur médecin (et c’est pour éviter une transmission mère enfant) ou de leur employeur. Seules une poignée de personnes l’effectuent pour connaître leur statut sérologique. Plusieurs raisons empêchent les populations de se faire dépister du VIH/ Sida. Parmi cellesci, figurent la « peur de se découvrir infectée » avec comme conséquence la crainte de mourir sans possibilité d’être soigné, à cela s’ajoute la crainte de se voir rejetée par l’entourage.

Entre autre raisons avancées, il y a la peur de la perte du partenaire qui souvent est le « partenaire économique », mais aussi la perte du travail. Pour en revenir à la définition du dépistage, précédemment entamée, nous pouvons dire qu’un dépistage précoce de quelque maladie que ce soit augmenterait du double les chances de la guérir. Soulignons qu’identifier les obstacles au dépistage du cancer du sein revient à considérer implicitement les obstacles à l’accès aux soins. Ainsi, des obstacles décriés quant à l’accès aux soins au Sénégal comme dans les autres pays en développement, les auteurs ont surtout mis l’accent sur la qualité des routes et le manque de moyens de transports. En effet, trouver un véhicule approprié pour évacuer, en tout confort et sécurité, est un problème récurrent qui empêche l’acheminement d’une femme, à cela s’ajoute l’inexistence de moyens de transports appropriés qui desservent les points les plus reculés des villes et villages ainsi que l’inexistence et à la mauvaise répartition spatiale des structures sanitaires qui sont loin de répondre à la norme internationale préconisée par l’OMS qui est 1 poste pour 10.000 habitants, contre 1/ 20.000 habitants pour celles sénégalaises. Il s y ajoute le caractère précaire des soins des structures sanitaires. Les structures sanitaires n’ont pas une grande capacité hospitalière et ne sont pas dotées en matériel. Cependant, les facteurs qui empêchent les femmes de se faire dépister du cancer du sein vont au-delà des obstacles administratifs ou disons politiques, logistiques et infrastructurels. Certains obstacles sont à lier, selon Christine Durif (Durif, 1992) à la psychologie des individus qui ont peur de « découvrir une maladie » . Ainsi, pour une des femmes interrogées : « si je vais voir un médecin, il risque d’attirer mon attention sur les insuffisances et les aggraver. Je risque de grossir un problème qui existe peut être, mais en le négligeant, on le diminue », ou encore « je ne vais pas aller voir le truc qui ne va pas, si on y pense, ça favorise… les gens qui ont la hantise d’avoir un cancer, il est rare qu’ils n’en aient pas ».

Outre cette peur de la maladie, un autre obstacle psychologique empêche les soignés de se rendre dans les structures sanitaires. Très souvent le manque de confiance au personnel soignant a été décrié comme obstacle. Ainsi, rapportant les propos de malades, De Sardan et Jaffré, (De Sardan et Jaffré, 2003) dans leur ouvrage collectif intitulé Une médecine inhospitalière,  avancent que les soignés manquent souvent de confiance envers les structures de santé et mettent en doute la compétence des soignants avec lesquels « ils ont fait l’école ou ont vu grandir dans le quartier ». Et comme raisons avancées, les auteurs évoquent le manque de formation du personnel. Pour les populations, les soignants n’ont pas été formés pour offrir des soins. Elles affirment à ce propos que : « toutes les femmes qui ont contribué au désherbage et à la propreté des lieux sont devenues, après trois mois d’apprentissage dans une structure de santé communale, des filles de salle. ». Dans ce même ordre d’idée, les soignés ont déploré le comportement du personnel de santé vis-à-vis de certains patients « anonymes » et dépourvus de « tous signes extérieurs de statut ou de richesse ». Dans cette interaction – soignants-soignés – on assiste selon les mots des auteurs à une « médecine non centrée sur le patient », un univers médical où le patient n’est pas pris en compte en tant que personne et où, qui plus est, il apparaît plutôt comme un « gêneur » et où les « règles même de bienséance » sont foulées au pied. Malgré les tentatives d’amélioration des services médicaux amorcées par les gouvernants, nombre d’obstacles persistent et empêchent les femmes d’aller à l’hôpital. De ces obstacles, des auteurs comme le docteur Défa Wane ont montré dans leurs études que certains restaient fortement liés à un déficit communicationnel et d’autres des valeurs socioculturelles. En effet, pour le Dr Défa Wane le premier obstacle est dû au retard dans la prise de décision d’aller à l’hôpital.

Ce retard est, selon elle, le fait d’une sous-information de l’entourage qui ne sait souvent pas reconnaître les signes de complications. Cette sous-information de l’entourage fait que la décision d’amener la personne malade au service de santé pour les soins d’urgence se prend souvent très tardivement, après moult hésitations. La réponse à ce long tâtonnement est à chercher toujours selon Défa Wane dans les croyances qui imposent « une discrétion absolue autour de la grossesse, dans la fatalité face à la mort, dans la valorisation de l’endurance de la femme face à la souffrance et dans la recherche absolue de la permission du mari ou de la belle mère en l’absence de ce dernier».* Et l’auteure de renchérir pour nous donner les raisons de ce retard. Pour elle, l’évacuation d’une femme, même dans un état critique, peut être retardée faute de cette permission, avec des conséquences souvent fatales. Pour palier ce phénomène, l’auteure propose, comme solutions, une information et une sensibilisation des populations concernées, information et sensibilisation qui permettront non seulement de rectifier les idées fausses, de modifier les pesanteurs culturelles, d’éclairer la compréhension mais de susciter la confiance et l’acceptation. Elle propose par ailleurs, pour une meilleure connaissance des maladies que la sensibilisation soit effectuée avec « des supports pédagogiques visuels adaptés et basés sur les perceptions socioculturelles » mais également des stratégies mobiles de soins de santé primaires.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Première Partie : Cadre Général et Méthodologique
CHAPITRE I : – CADRE GENERAL
I- Problématique
II- Objectifs de la recherche
Objectifs généraux
Objectifs spécifiques
III- Hypothèse
IV- Justification du choix du sujet
V- Modèles d’analyses
VI- ETAT DES CONNAISSANCES SUR LA QUESTION ET APPROCHE OPERATIONNELLE DES CONCEPTS
VII- APPROCHE OPERATIONNELLE DES CONCEPTS
CHAPITRE II : CADRE METHODOLOGIQUE
I- Cadre d’étude
II- Population cible
III- L’échantillonnage
IV- Les techniques de recherche
IV-1 Les techniques quantitatives
IV-2 Les techniques qualitatives
V- Déroulement de l’enquête
VI- Obstacles rencontrés
DEUXIEME PARTIE : Présentation des résultats de l’enquête
CHAPITRE III : FEMMES ET CONNAISSANCE DU CANCER
III-1 Répartition selon les caractéristiques socio-démographiques de la population
III- 2 Répartition selon le niveau d’instruction et niveau de pratique du dépistage
III- 3 Connaissances et perceptions du cancer du sein
III- 4 Les sources de connaissances
CHAPITRE IV : REPRESENTATIONS SOCIOCULTURELLES DE LA MALADIE ET DU CORPS
IV- 1 Généralités sur la maladie
IV-2 La nosographie ou système de classement des maladies
IV-3 Les approches populaires et biomédicales de la maladie : Convergences ou divergences ?
IV- 4 Les modèles explicatifs de la maladie
IV- 5 Les itinéraires thérapeutiques
IV-6 Femmes et représentations du « sein normal »
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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