Les facteurs génétiques impliqués dans la floraison
Le passage de la phase végétative à la phase reproductive chez les angiospermes s’accompagne de multiples modifications morphologiques et physiologiques des méristèmes apicaux. Du point de vue morphologique, il a été noté la réorganisation de l’architecture de l’apex conduisant à la formation des ébauches florales. Sur le plan physiologique la sensibilité aux différents stimuli s’accentue et déclenche un ensemble de processus biologiques dont leur intégration par les produits d’un réseau complexe de gènes aboutit à la mise à fleur. Les premières tentatives d’études de la floraison remontent au XXème siècle afin de connaître en détail les rôles joués par la lumière et la température (Garner et Allard, 1920; Salisbury et Marinos, 1985). De nos jours, différents auteurs ont montré que la floraison chez la plante modèle Arabidopsis thaliana, est contrôlée par au moins 5 voies qui sont la photopériode, la vernalisation, l’acide gibbérellique, des facteurs endogènes et des microRNA (Knott, 1934; Coupland, 1995; Levy and Dean, 1998 ; Simpson and Dean, 2002; Srikanth et Schmid, 2011). Dans ce document, nous nous focaliserons sur les 5 gènes qui font l’objet de notre étude dans ce présent travail.
APETALA 1 (AP1)
APETALA 1 code pour un facteur de transcription ayant une boîte de type MADS qui a été identifié chez A. thaliana (Irish and Sussex, 1990). Il joue un rôle majeur dans l’initiation du développement et l’identité de la fleur. A cet effet il a une fonction similaire à celle du gène CAULIFLOWER (CAL). Il inhibe l’expression du gène FRUITFULL (FUL) dans les méristèmes floraux émergeants, bloquant ainsi la formation de fleurs (Ferrándiz et al., 2000). Cependant, la régulation de la transcription du gène AP1 semble être très complexe car faisant intervenir plusieurs voies impliquées dans la floraison. L’expression de AP1 est initiée dans les primordia floraux grâce à 3 mécanismes. Le premier, fait intervenir LEAFY (LFY) qui est un régulateur de l’identité du méristème floral, se fixe sur les promoteurs des gènes AP1 et CAL pour activer leur expression (Wagner, et al., 1999). Le second mécanisme fait intervenir le complexe protéique FD qui se fixe sur AP1 et FT (Abe et al., 2005; Wigge et al.; 2005). Le troisième mécanisme fait intervenir les familles de type SPL (SQUAMOSA PROMOTER BINDING PROTEIN-LIKE) qui se fixe dans la région régulatrice de AP1. D’autres protéines sont également impliquées telles que SCHLAFMÜTZE (SMZ) qui inhibe l’expression de AP1, TERMINAL FLOWER 1 (TFL1) qui est similaire à FT et entre en compétition avec elle pour se fixer sur FD, AP2 similaire à SMZ, qui est un répresseur se fixe également sur la région régulatrice de AP1 (pour revue voir Wellmer and Riechmann, 2010). En dépit des progrès réalisés dans la caractérisation des différents mécanismes impliqués dans l’expression de AP1, sa fonction précise était méconnue du fait que les gènes cibles restent non identifiés. Les progrès réalisés dans le séquençage des génomes, le développement des puces à ADN et l’immunino-précipitation commencent à donner plus de précision sur le rôle joué par AP1 lors de l’initiation florale. Ainsi, il a été démontré que AP1 possède environ 2000 sites de fixation dans le génome d’A. thaliana mais une minorité (15%) a montré un changement significatif d’expression lorsque AP1 est activé à un stade avancé du développement floral pendant lequel d’autres cofacteurs sont présents. Cela suggère que de nombreux facteurs se fixant sur l’ADN n’induisent pas forcément un changement significatif dans l’expression des gènes. Par ailleurs, il a été montré que l’expression de la plus part des gènes cibles de AP1 est réprimée pendant l’initiation du développement floral ce qui corroborent les travaux de Schimid et al. (2003) et de Wellmer et al. (2006) qui ont observé une répression d’une batterie de gènes lors de l’induction florale en particulier ceux exprimés dans le méristème de l’inflorescence. Ainsi, AP1 inhibe l’expression des gènes répresseurs TFL1, TARGET OF EAT 1 (TOE1), TARGET OF EAT 3 (TOE3), SCHNARCHZAPFEN (SNZ), TEMPRANILLO1 (TEM1), TEM2, SHORT VEGETATIVE PHASE (SVP) mais aussi celle des gènes activateurs SUPPRESSOR OF OVEREXPRESSION OF CONSTANS 1 (SOC1), AGAMOUS-LIKE 24 (AGL24), SQUAMOSA PROMOTER BINDING FACTOR-LIKE 9 (SPL9), FLOWERING LOCUS D (FD) et FLOWERING LOCUS D PARALOG (FDP) impliqués dans la transition florale. (Fig.1). AP1 serait impliqué dans le contrôle de plusieurs processus cellulaires et de développement tels que la réponse hormonale et la structure du méristème. Ainsi, chez A. thaliana, deux rôles majeurs sont attribués à AP1. Le premier rôle est une action répressive pendant l’initiation du développement floral. A ce sujet, le mode d’action n’est pas complètement élucidé mais on pense qu’il nécessite un complexe corépresseur transcriptionnel qui impliquerait les protéines SEUSS (SEU) et LEUNIG (LEU) qui interagissent avec le complexe formé par AP1 et un domaine MADS des protéines AGL24, SVP et SEPALLATA3 (SEP3) (Gregis et al., 2006). Le complexe corépresseur SEU/LEU recruterait des histones déacétylases sur les gènes cibles modifiant ainsi la structure de la chromatine et l’accessibilité de la région promotrice (Gregis et al., 2006; Sridhar et al., 2006). Quant à AGL24 et SVP, elles interagissent avec des protéines qui affectent l’acétylation et la méthylation respectivement des histones ce qui constitue une voie supplémentaire par laquelle AP1 réprime les gènes cibles (Liu et al., 2009). Enfin AP1 possède au niveau de son extrémité C-terminal un domaine qui fonctionne comme un ERF (ethylene-responsive element binding factors) associé à la répression amphiphile qui peut se fixer aux protéines de la famille des TOPLESS une autre classe de corépresseur transcriptionnel (Szemenyei et al., 2008). Le deuxième rôle de AP1 est une fonction activatrice pendant la formation des organes floraux. En effet, AP1 inhibe l’expression de AGL24 et de SVP qui répriment la spécification des organes floraux. En outre, l’expression de SEP3 est activée pendant la formation des bourgeons floraux, s’y ajoute l’action de LFY pour la mise en place des organes floraux (Gregis et al., 2006).
Chez A. thaliana, le groupe AP1/FUL comprend AP1, CAL, FUL-AP1 et FUL qui proviennent d’une duplication ancestrale du gène AP1/FUL chez les premiers Eudicots puis une duplication supplémentaire a eu lieu chez A. thaliana donnant naissance à AP1 et CAL qui sont spécifiques au Brassicaceae. Par contre chez les Monocotylédones, une duplication totale du génome a conduit à l’apparition de deux paralogues de AP1/FUL (FUL1 et FUL2). En revanche, chez les angiospermes, il y a eu un processus complexe de duplication des gènes au cours de l’évolution ce qui rend difficile l’identification de façon claires des orthologues de AP1/FUL dans d’autres familles (Litt and Irish, 2003; Preston and Kellogg, 2007).
CONSTANS (CO)
Chez Arabidopsis, des expériences de mutagénèses affectant de nombreux gènes ont abouti à une perte de la floraison en réponse à la photopériode mais une d’entre elle appelée constans s’est révélée particulièrement intéressante. Ce mutant présentait un retard de floraison en période de jours longs mais n’était pas affecté en jours courts, ce qui présage qu’il avait perdu la capacité à discerner la photophase d’où le nom de «constans» pour la floraison d’une manière «constant» différent de la photopériode (Rédi, 1962). Le gène CONSTANS (CO) code pour un facteur de transcription atypique présent uniquement chez les plantes. Il possède 3 domaines caractéristiques:
– deux domaines en doigts de zinc au niveau de la partie N-terminale appelés boîte B (B1 et B2) jouant un rôle dans l’interaction protéine-protéine et ayant des résidus de cystéine et d’histidine fortement conservés dont la mutation conduit à un retard de la floraison;
– un domaine médian dont la mutation affecte la floraison;
– un domaine C-terminal de 70 à 80 acides aminés parmi lesquels 40 sont fortement conservés. Il possède un signal d’import nucléaire et interagit avec une ubiquitin ligase COP1. Ce domaine C-terminal est celui de la fixation à l’ADN (pour revue voir Valverde, 2011).
Les données génomiques actuelles révèlent la présence de protéines fortement similaires à la protéine CO qu’on appelle Constans-like qui sont présentes dans divers phyla du monde végétal et possèdent les mêmes domaines que ceux précédemment décrits. Chez Arabidopsis les gènes de la famille des CO-like comprennent 3 groupes. Le groupe I ayant 2 boîtes de doigts de zinc, le groupe II avec une boîte B et le groupe III avec une boîte B et un doigt de zinc divergent. Le nombre de CO-like identifié chez Arabidopsis varie entre 17 et 51 gènes ce qui est dû à un manque de consentement sur une définition précise de CO-like (voir RARTF). Récemment, Timko et al., (2008) ont identifié par séquençage partiel du génome du Niébé 23 gènes Co-like répartis en 4 groupes. Deux de ces gènes seraient des homologues de CO d’Arabidopsis tandis 5 sont des homologues de CO de Medicago truncatula ce qui suggère qu’ils sont spécifiques aux légumineuses. Par ailleurs, deux gènes CO-like ont été décrits dans chacun des génomes du riz et de l’orge. En dehors de leur implication dans la floraison et la réponse à l’horloge circadienne, les CO-like interviennent dans divers processus biologiques tels que la tubérisation chez la pomme de terre, la croissance chez Arabidopsis, la dormance chez les arbres et dans le processus endosymbiotique (pour revue voir Valverde, 2011).
Le gène CO joue un rôle central dans la coordination de la perception de la lumière (photopériodisme) et de l’horloge circadienne au niveau des feuilles pour déclencher l’expression du gène FT dont la protéine et probablement l’ARNm migre du phloéme vers le méristème apical (Corbesier et al., 2007) (Fig. 2).. Le couple CO-FT est conservé chez de nombreuses plantes mais les résultats finaux du signal sont divergents. Chez A. thaliana, une plante de jour long facultative, CO favorise l’expression de FT en jours longs, chez la plante de jours courts qu’est le riz, il se comporte comme un répresseur (Suárez-López et al., 2001; Hayama et al., 2003). Cependant la régulation de l’expression CO fait intervenir l’horloge circadienne et la lumière sous le contrôle de GIGANTEA (GI). L’ARNm de CO s’accumule dans les feuilles tard dans la journée plus précisément elle commence au crépuscule. En l’absence de lumière la protéine CO est rapidement dégradée par contre en période de jours longs, l’ARNm de CO s’accumule et la protéine CO est stabilisée par la lumière. Ainsi il y a une coïncidence entre expression de CO et stabilisation de la protéine CO ce qui conduit à une induction de la floraison. La protéine FT interagit avec un facteur de transcription bZIP appelé FD. Le complexe FT/FD favorise l’expression de SOC1, FRUITFUL (FUL), et enfin de compte les gènes de l’identité du méristème floral AP1 et LFY. LFY et AP1 renforce mutuellement leur expression ce qui conduit au développement floral (pour revue voir McGarry and Ayre, 2012).
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Table des matières
INTRODUCTION
ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Les facteurs génétiques impliqués dans la floraison
1-1. APETALA 1 (AP1)
1-2. CONSTANS (CO)
1-3. TERMINAL FLOWER 1 (TFL1)
1-4. TERMINAL FLOWER 2 (TFL2)
1-5. ZEITLUPE (ZTL)
1-6. Les microRNAs
2. Vigna unguiculata
2-1. Position taxonomique
2-2. Importance de la culture du Niébé
MATERIELS ET METHODES
1. Matériel Végétal
2. Extraction de l’ADN
3. Quantification de l’ADN
4. Amplification de l’ADN
5. Electrophorèse et visualisation des bandes
6. Purification enzymatique des amplifiats
7. La réaction de séquençage
8. Précipitation des produits de séquençages, électrophorèse et lecture des séquences
9. Analyse bioinformatique
10. Alignement et analyses phyllogénétiques
RESULTATS
1. Amplification du fragment du gène CONSTANS
2. Amplification du fragment du gène TERMINAL FLOWER 1-1
3. Amplification du fragment du gène ZEITLUPE
4. Analyse bioinformatique
5. Analyse des arbres phylogénétiques
5-1. Arbre phylogénétique de CONSTANS
5-2. Analyse du dendrogramme de TFL1
5-3. Analyse phylogénétique de ZEITLUPE
DISCUSSION
1. Recherche des gènes orthologues chez Vigna unguiculata
2. Relations phylogénétiques entre les gènes des différentes espèces
3. Approche bioinformatique
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE