LES REPRÉSENTATIONS AUTOUR DE LA MALADIE CHRONIQUE
En fait, le fait de vivre au long cours avec une maladie chronique engendre pour les patients une série de conséquences à la fois psychologiques et cognitives. Ces conséquences entravent régulièrement l’adhésion du patient à son traitement et ont des répercussions sur l’efficacité thérapeutique. Il est donc devenu nécessaire, pour élaborer des actions d’éducation en santé, de comprendre les facteurs d’influence et de genèse des comportements de santé (attitudes des patients) et les processus d’apprentissage de la santé. Dès lors, selon Christine CEDRASHI, Valérie PIGUET et al.19, la rencontre entre patient et thérapeute dans la relation de soins met en présence non seulement deux individus, mais aussi deux systèmes de pensée. Elle suppose donc l’articulation de deux types de savoirs, profane d’une part et scientifique d’autre part. La clarification et la prise en compte des représentations du patient à propos de l’atteinte dont il souffre, constitue un enjeu important de la relation. Il en va de même des attentes du thérapeute par rapport à ce qu’il considère comme un comportement douloureux adéquat, par exemple. Faute de la prise en compte des modèles de référence explicites et implicites tant du patient que du thérapeute, la relation peut déboucher sur des malentendus, des réactions d’agressivité, d’anxiété, et conduire à une rupture de cette relation. C’est dans cette optique que Yannick Jaffré disait que : Dépeindre une maladie, la caractériser sous la forme d’une représentation, c’est toujours mettre en relation des localisations anatomiques avec des types de douleur, des traitements, des durées, etc. En fait, la représentation d’une maladie correspond toujours à des liens « unissant des formes pathologiques » précises et des contextes particuliers. Elle résulte d’un agencement spécifique. Jodelet, pour sa part, considère les représentations sociales comme « des formes de connaissances, des croyances, socialement élaborées et socialement partagées portant sur un, ou plusieurs, objet de la réalité sociale des individus et des groupes » . Donc, pour comprendre les causes de la non-observance thérapeutique des patients atteints de diabète, il faudrait d’abord comprendre les représentations que les diabétiques se font de leurs maladies et l’influence de ces représentations sur leurs choix de traitement. Ainsi, les représentations orientent les attitudes et les comportements des diabétiques. Dès lors, il est important de savoir ce que le patient pense du « changement » (la prise en charge, le traitement, les nouvelles conditions de vie), cela va permettre de savoir ce qu’il ressent. Á partir de son ressenti, le soignant pourra mettre en place un processus d’accompagnement pour améliorer son devenir et l’aider à comprendre la maladie. Cependant, toutes les représentations vont dépendre d’un processus qui va débuter dès l’annonce de la maladie. De même, il existe un écart entre le langage des médecins et la compréhension des patients. Voilà là l’intérêt de savoir comment les diabétiques se représentent-ils leur maladie ? Comment leurs représentations influent sur l’observance des recommandations données?
RELATION ENTRE OBSERVANCE ET INFORMATIONS
En fait, les médecins ont le devoir d’informer et de sensibiliser le patient après le diagnostic sur les causes et les conséquences du diabète afin de l’amener par la suite à acquérir un certain nombre de connaissances sur sa maladie pour ensuite l’accepter par la résilience. De la sorte, il faut que la relation soit basée sur l’ouverture et la confiance entre les deux parties (soignants et soignés). C’est dans cette perspective qu’AJ. SCHEEN et D. GIET considèrent que « Il convient donc de privilégier l’acte d’information et d’éducation où la communication médecin-malade joue un rôle essentiel» puisque très souvent les patients nouvellement diagnostiqués se font une représentation sociale du diabète qui les pousse à dénier leur maladie à travers l’idée qu’avec celle-ci toute leur vie sociale va s’écrouler. Selon Raymond Massé « les messages de prévention ne sont pas automatiquement acceptés comme des vérités absolues et sont souvent contestés. (…) La crise des systèmes de santé publique réside en partie dans cette résistance offerte par des populations saturées de messages moralisants, culpabilisateurs ». Cette résistance, parfois historiquement fondée et méritant d’être tenue en compte, devient beaucoup plus problématique si l’on sait que la vocation de la santé publique, par ses messages de prévention, consiste à vouloir modifier certaines habitudes de vie, des comportements sanitaires des individus liés à leurs croyances, leurs cultures. C’est pour cette raison que dans la relation patient-thérapeute, les professionnels de la santé doivent transmettre leurs concepts scientifiques et leurs modèles sous une forme simplifiée, de manière à permettre aux patients de transformer les nouvelles informations pour les intégrer dans leurs représentations de la santé et de la maladie. De la sorte, « L’évaluation de l’efficacité d’une campagne éducative consistera à comparer les « connaissances, attitudes et pratiques » (enquêtes « CAP ») des populations avant et après la diffusion du message, et afin d’accroître l’efficacité des diverses campagnes entreprises, il sera demandé aux diverses études de préciser qui sont les émetteurs et les récepteurs afin de définir la pertinence des messages et médias à utiliser ». Jaffré nous fait comprendre pour sa part que, la garantie des dires de l’émetteur dépendra de son statut social, sa réputation ou ses actes. Pour le message, l’auteur nous montre qu’un bon message se définit sur deux points : son adéquation au public visé et sa pertinence quant aux objectifs définis. Pour le récepteur, l’auteur montre que c’est « la cible visée par le message », c’est-à-dire celui dont le message vise à modifier les comportements et attitudes pour prévenir la santé. La population n’étant pas homogène, l’auteur classifie les différentes cibles qui peuvent être visées : hommes / femmes ; population urbaine / rurale ; analphabètes / scolarisés ; etc. C’est dans cette même logique que s’inscrit Chantal CRENN et al., dans leur étude sur l’impact des discours nutritionnels sur les comportements alimentaires. Dans cette étude, Ils démontrent que : « Faire savoir suppose aussi que tout le monde comprenne le message, l’entende » et qu’aussi « Pour que les personnes s’approprient les informations, il est nécessaire qu’elles se sentent investie du rôle de rediffuseur vis à vis de proches, amis, famille, collègues. » C’est dans ce même sillage, celui de véhiculer des messages de préventions, que chaque année, le 14 novembre est consacré dans le monde entier à la sensibilisation contre le diabète. Lors de cette journée, l’Association Sénégalaise de Soutien aux Diabétique (ASSAD) organise des caravanes de sensibilisation et des séances de dépistage pour favoriser la prise de conscience de l’importance du dépistage, afin de permettre la détection très tôt du diabète pour ainsi le gérer au mieux. Á Tivaouane aussi le 14 novembre constitue une occasion pour sensibiliser la population sur le diabète et ses complications. Cependant, on remarque que malgré les connaissances qui sont transmises aux diabétiques dans les séances d’éducation thérapeutique, au niveau des radios et campagne de sensibilisation, certains ne comprennent toujours pas leur maladie, ne respectent pas les suivis médicaux, ne pratiquent pas d’activités physique mais aussi mangent ce qu’ils veulent sans tenir compte du régime suggéré par le médecin. Autrement dit, l’observance thérapeutique fait défaut chez les diabétiques. Ce qui suggère un problème d’incompréhension des messages de préventions. Dans ce cas, comment les messages de préventions sont-ils définis et véhiculés par les membres de l’ADT ? Sont-ils accessibles aux populations ?
Définition des concepts
Non-observance thérapeutique : On appelle non-observance thérapeutique l’absence de concordance entre les comportements des patients et les recommandations médicales. Elle concerne tous les gestes du traitement : se livrer à un dépistage, venir aux consultations, prendre les traitements tels qu’ils sont prescrits, surveiller leur efficacité, accepter des modifications du style de vie, renoncer à des comportements à risque comme par exemple le tabagisme. Elle intéresse toutes les pathologies mais surtout les pathologies chroniques, asymptomatiques, dont le traitement est contraignant et complexe et a un but plus préventif que curatif. Dans le cas de notre étude, la non-observance thérapeutique du patient diabétique se mesure en termes de non-respect du régime alimentaire conseillé, de la non-pratique d’activité physique et le non-respect du suivi médical.
Comportement à risque : Les facteurs de risque sont généralement classés en deux catégories : les facteurs non modifiables et les facteurs modifiables. La première considère les facteurs impossibles à changer, mais qui demeurent d’excellents marqueurs de risque pour la santé comme le bagage héréditaire, l’origine ethnique, le sexe et l’âge. Dans le cadre de notre étude, nous allons nous intéresser seulement aux facteurs modifiables à savoir les habitudes alimentation inadéquats, la pratique insuffisante d’activité physique et le non-respect de la prise de médicament et le non suivi des examens préconisés.
Représentation : Une représentation est « une idée que l’on se fait de quelque chose, d’une maladie, d’un traitement. Elle correspond à un état de connaissance antérieure à un apprentissage systématique. Elle comporte une dimension de jugement, elle est une forme de connaissance pratique ».26. La représentation émerge d’une idée que le patient peut avoir sur sa maladie par rapport à ses connaissances et a son propre ressenti. Le patient se réfère à ces idées, mêmes erronées. Le concept de représentation est issu de la psychologie du développement et de la psychologie sociale. Pour, Durkheim, le concept de représentation «désigne une interprétation collective d’un phénomène, d’un univers socialement partagé». Le travail de Dominique Aimon quant à lui nous permet de passer en revue les définitions des auteurs du concept de la représentation. Moscovici considère les représentations comme un produit. Pour lui, « par les représentations, la personne se donne des modèles d’explications, des codes qui autorisent chacun à trouver un sens ou à donner une signification au monde qui l’entoure ». Alors que pour Jean Clenet, les représentations sont un processus : « processus par lesquels l’esprit humain appréhende son environnement, en construit des représentations et utilise celles-ci afin de régler sa conduite ». Dans l’approche constructiviste, « la représentation constitue la fonction médiatrice entre le percept (produit de nos organes de sens) et le concept (idée générale). Dans notre étude, les représentations individuelles et collectives sont les deux dimensions de la représentation qui sont retenues.
– Représentation individuelle : Pour Jean Clenet, « ces représentations individuelles sont fondées sur des expériences singulières et sont construites de manière tout autant singulière dans un environnement qui devient alors singulier ». Dans le cadre de notre étude, nous avons retenu les indicateurs de la représentation individuelle : la traduction subjective des messages de prévention, les expériences, les conceptions de chaque malade vis-à-vis du diabète et de son diagnostic.
– Représentation collective : Jean CLENET considère que « les représentations se construisent par l’interaction avec les autres, par le contact avec la réalité dans l’action ». De même pour Denis « ces représentations comportent une spécificité individuelle mais également un noyau commun partagé par la plupart des esprits humains participant de la même culture »
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Table des matières
INTRODUCTION
1 CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE
1.1.1 LES MODALITE DE DÉROULEMENT DE L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE
1.1.2 LES REPRÉSENTATIONS AUTOUR DE LA MALADIE CHRONIQUE
1.1.3 RELATION ENTRE OBSERVANCE ET INFORMATIONS
1.2 Hypothèses de recherche
1.2.1 Hypothèse principale
1.2.2 Hypothèses secondaires
1.3 Objectifs de recherche
1.3.1 Objectif principal
1.3.2 Objectifs secondaires
1.4 Opérationnalisation des concepts et définition des concepts
1.4.1 Définition des concepts
1.4.2 Opérationnalisation des concepts
1.5 CADRE THÉORIQUE
1.6 MODÈLE D’ANALYSE
2 DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
2.1 La pré-enquête
2.2 Cadre de l’étude
2.2.1 Délimitation du champ de l’étude
2.3 La population cible
2.4 Technique d’échantillonnage
2.5 Technique d’échantillon
2.6 Documentation
2.7 Difficultés rencontrées
2.8 La méthode qualitative
2.9 Les outils de collecte
2.9.1 Entretien semi directif
2.9.2 L’observation directe
3 TABLEAU 1 : PRÉSENTATION DES CIBLES TOUCHÉES
• Chapitre I : perception sur le contenu et le contexte de déroulement des séances d’éducation thérapeutique
• Chapitre II : les perceptions sur les risques liés au diabète
• Chapitre IV : appréciation de la relation soignant-soigné
4 CONNAISSANCE SUR LES SÉANCES D’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE
4.1 Perception sur les recommandations données
4.1.1 Les pratiques alimentaires des diabétiques
4.1.2 Pratique de l’activité physique
4.1.3 Le respect du traitement médicamenteux
4.2 Perception sur la légitimité des inducteurs à l’action, les éducateurs
4.3 LES RISQUES PERÇUS PAR LES PATIENTS
4.3.1 Représentation sur les causes
4.3.2 Représentation sur la gravité
4.4 L’ANNONCE DE LA MALADIE
4.5 LE CARACTÈRE CHRONIQUE DU DIABÉTE
4.6 PERCEPTION SUR LA RELATION SOIGNANT-SOIGNÉ
4.6.1 Perception sur la qualité de l’information
4.6.2 Perception sur la relation soignant-soigné
CONCLUSION GENERALE
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE
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