Les facteurs déterminants de la durabilité des exploitations agricoles

Les facteurs déterminants de la durabilité des exploitations agricoles

Le concept de « développement durable »

(sustainable development) a été mis en avant dans le rapport de la commission Brundtland (WCED, 1987), suite à une prise de conscience des décideurs mondiaux sur la dégradation et la raréfaction des ressources naturelles, et l’accroissement des inégalités sociales (Singh et al., 2009). Cette commission propose une définition faisant référence : « le développent durable doit satisfaire les besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. » (WCED, 1987). Cette définition standard a été différemment interprétée (Ness et al., 2007). Certains auteurs caractérisent le développement durable par ces dimensions économique, sociale et environnementale (Gómez-Limón et Sanchez-Fernandez, 2010).

La durabilité est assurée (i) par la protection et la gestion efficace des ressources naturelles pour la dimension environnementale, (ii) par une viabilité liée à un revenu stable et suffisant assurant le bien-être des populations pour la dimension économique et (iii) par la participation active de la communauté et une équité sociale pour la dimension sociale (Goodland, 1995). D’autres auteurs mettent l’accent sur les dynamiques sociales telle l’amélioration à long terme des conditions de vie des populations (Norton, 1992), ou le caractère intergénérationnel via la transmission d’un capital productif suffisant pour les générations futures (Pearce et Atkinson, 1993). Les caractéristiques interdisciplinaires de la durabilité ont également été soulignées (Kajikawa, 2008). Ces diverses interprétations du concept de développement durable se basent sur différentes valeurs, priorités et objectifs des sociétés impliquées ainsi que sur les choix et les orientations de leurs décideurs (Landais, 1998b). Dès lors qu’elle est soumise à des jugements de valeur (Bell et Morse, 2008), la durabilité apparaît comme un concept faisant débat, à la fois 14polysémique et complexe (Gafsi et al., 2006; de Olde et al., 2016a) au point d’être considérée comme le concept contemporain le plus flou et le plus contesté (Bosshard, 2000). Viser un développement durable suppose des transformations institutionnelles, mais aussi individuelles dans la compréhension des processus et l’évolution des pratiques (Gómez-Limón et Sanchez-Fernandez, 2010).

Paradigme de l’agriculture durable

L’application au secteur agricole du concept de développement durable ne génère pas plus de consensus, que ce soit sur la définition de la durabilité agricole ou de l’agriculture durable, ou sur son opérationnalisation (Zahm et al., 2015). La communauté scientifique a produit une multitude de définitions (Lyson, 2002), dont certaines relèvent de l’adaptation de la définition de la commission Brundtland. L’agriculture durable serait basée sur des processus de production économiquement viables, écologiquement acceptables et socialement équitables et inclusifs (Vilain, 2008 ; Hendrickson et al., 2008 ; Sajjad et al., 2014). Certaines définitions insistent sur la dimension environnementale à travers l’amélioration ou le maintien des niveaux de production en valorisant les ressources naturelles (Payraudeau et van der Werf, 2005; Subedi, 2006). D’autres mettent l’accent sur la dimension sociale avec l’utilisation équitable des ressources, le maintien de la stabilité des communautés rurales ou la garantie d’une bonne qualité de vie (Lincoln et Ardoin, 2016).

Si l’hétérogénéité des modèles agricoles ancrés dans des territoires avec leurs propres cultures et environnements socio-économiques rend difficile l’existence d’une définition unique applicable à grande échelle (Harwood, 1990), la plupart des définitions se retrouvent autour de la prise en compte des trois dimensions clés (environnementale, économique et sociale) (Lincoln et Ardoin, 2016). L’opérationnalisation de l’agriculture durable renvoie au choix d’un ensemble de pratiques et de technologies plus respectueuses de l’environnement tout en maintenant la viabilité économique des exploitations agricoles via une meilleure efficience de production (Flora, 1992 ; Hurni, 2000 ; Rasul et Thapa, 2004 ; van der Werf et Petit, 2002) : réduction de l’usage des intrants chimiques susceptibles de nuire à l’environnement ou à la santé des agriculteurs et des consommateurs (lutte phytosanitaire intégrée), intégration plus efficace des processus naturels dans la production (fixation de l’azote, gestion des auxiliaires), accroissement de la diversité des productions par l’intégration entre élevages et cultures, et conservation des sols et des eaux des agroécosystèmes. Toutefois, pour être adoptées, ces pratiques impliquent que l’agriculteur y trouve un intérêt économique à moyen et long terme et qu’elles soient acceptables socialement (Pugliese, 2001).

Les niveaux d’organisation à considérer dans une approche d’agriculture durable font débat et leur diversité présente une limite de plus à son opérationnalisation (Gafsi et al., 2006). Deux courants de pensée émergent : un premier sous-entend que l’agriculture durable est basée sur un développement autocentrée sur l’exploitation agricole, sans tenir compte de l’environnement naturel, économique et social proche ou lointain (objectif d’autonomisation) ; Le second la présente comme une agriculture contributrice à la durabilité des systèmes plus englobant (système agraire, territoire, région) et prenant en compte les intérêts des autres parties prenantes (Gafsi et al., 2006 ; Terrier et al. 2013 ; Zahm et al., 2015). Ce distinguo amène à considérer deux formes de durabilité de l’agriculture : la durabilité interne qui dépend des choix des agriculteurs, et la durabilité externe qui correspond au développement durable des territoires ruraux où l’agriculture joue un rôle central (Godard et Hubert, 2002). L’objectif de durabilité des systèmes agricoles amène à considérer les processus biophysiques dans leur contexte socio-économique et de prendre en compte l’ensemble des échelles (Blackstock et al., 2007). Le tout dans une perspective dynamique où compte la capacité des exploitations à se maintenir dans le temps et à s’adapter face au stress ou aux chocs liés aux contextes écologique, social, économique et politique (Hendrickson et al., 2008). L’agriculture durable présente donc une résilience élevée par sa capacité à s’adapter et à se transformer face aux perturbations rencontrées (Berkes et al. 2003 ; Walker et al., 2004 ; Darnhofer, 2014).

Enjeux de l’agriculture par rapport à l’objectif de développement durable Jusque dans les années 1970, l’accent était mis sur l’intensification des systèmes de production et l’augmentation de la productivité agricole afin d’accroître la sécurité alimentaire (Brady, 1990; Kirchmann et Thorvaldsson, 2000). Les politiques interventionnistes ont poussé à l’introduction à grande échelle des engrais minéraux, des pesticides, de la mécanisation, de l’irrigation et d’autres technologies composant les bases de la « révolution verte » (Tilman et al., 2002). A titre d’exemple, l’utilisation mondiale d’engrais azotés a été multipliée par sept entre 1960 et 1995 (ibid.). L’irrigation a conduit à l’intensification des systèmes de culture et à l’augmentation des rendements, contribuant à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration de la situation sociale des agriculteurs, en particulier en Asie du Sud (Shah, 2009). Dans les années 90, 40% de la production alimentaire mondiale provenait des 16% des terres agricoles irriguées (Gleick, 1993).

L’ouverture des marchés et la mondialisation des échanges ont conduit à plus de concurrence entre agriculteurs les amenant à accroître encore leur productivité (Tilman et al., 2002). Ainsi, le modèle de développement agricole issu de la révolution verte privilégiant croissance des rendements et performances techniques, qualifié de « productiviste », a conduit à une forte spécialisation et un accroissement de la taille des structures de production agricoles (Zahm et al., 2015). La monoculture du soja ou du maïs et l’élevage industriel sont les exemples les plus extrêmes du modèle de l’agriculture productiviste (Rundgren, 2016). Ce modèle « productiviste » a montré d’importants impacts négatifs sur l’environnement, les ressources naturelles, la santé humaine et l’équité sociale (Hendrickson et al., 2008; Sumberg et al., 2013 ; Rossi et Garner, 2014; Duru et Therond, 2015) : perte de biodiversité avec le déclin de la faune et la flore sauvage (Van Dyck et al., 2009; Filippi-Codaccioni et al., 2010 ; Storkey et al., 2012), pollution des nappes et dégradation des sols suite à l’utilisation excessive d’engrais et surexploitation des nappes avec le développement de l’irrigation dans certaines régions du monde (Hoogesteger et Wester, 2015). Les impacts sociaux de ce modèle sont également importants, avec la réduction du nombre d’agriculteurs et d’emplois salariés suite à l’équipement de plus en plus poussé et à l’agrandissement continue des exploitations agricoles les mieux dotées en capital. En Europe, le nombre d’exploitations a diminué de 70 % entre 1960 et 2008 (Bos et al., 2013).

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Table des matières

Chapitre I : Introduction générale
Durabilité et enjeux des exploitations agricoles
Emergence et définitions du concept de durabilité
Paradigme de l’agriculture durable
Enjeux de l’agriculture par rapport à l’objectif de développement durable
Implications méthodologiques pour les recherches sur la contribution de l’agriculture au développement durable
Evaluer la durabilité agricole
Analyser les processus en lien avec la durabilité agricole
Le contexte de l’étude
De l’Indépendance du Maroc à 1980 : Interventions de l’Etat et expériences coopératives
1980-1990 : Sécheresse, accès à l’eau souterraine et diversification des cultures
1990-2014 : Dynamiques d’intensification agricole
Problématique
Chapitre II. Environnement partagé et trajectoires diversifiées: les dynamiques des exploitations agricoles familiales de la plaine du Saïs (Maroc)
Introduction
Material and methods
General context
Farm sampling
Data collection
Data analysis
Results
An evolving context during the past 45 years
A combination of factors resulting in three main farm types
Diverse farm change dynamics
Discussion
Access to markets and services
Access to production factors
Farm typology: a tool to support adapted public policies?
Conclusion
Chapitre III. Les facteurs déterminants de la durabilité des exploitations agricoles dans un contexte d’intensification agricole croissante
Introduction
Material and methods
The Saïs plain context
Farm sampling
The assessment methodology
Data analysis
Results
Agroecological sustainability is determined by the degree of farm autonomy and diversification
Economic sustainability is partially determined by production choices
Socio-territorial sustainability is determined by the farm’s openness to the socio-economic environment
The different forms of sustainability according to the production systems present on the Saïs Plain
Discussion
Effects of the sustainability assessment procedure on the nature of the results
The determinants of the farms’ sustainability
Consideration of sustainability in agricultural policies
Conclusions
Chapitre IV. Perceptions de la durabilité de l’agriculture par les producteurs familiaux en situation de raréfaction des ressources : le cas de la plaine du Saïs (Maroc)
Introduction
Matériels et méthodes
Cadre conceptuel
Contexte de l’étude
Echantillonnage et collecte de données
Analyse de données
Résultats
Perceptions du concept de durabilité par les agriculteurs
Trois types de stratégies de gestion
Influence des perceptions de la durabilité sur les stratégies de gestion des agriculteurs
Discussion
Focus sur la durabilité économique et absence de gestion collective des ressources communes
Durabilité environnementale et changement de pratiques
Conclusion
Chapitre V. Discussion générale
La durabilité vue par les agriculteurs et les chercheurs
Appropriation et mise en oeuvre du concept de durabilité
Les déterminants de la durabilité
Vers une convergence des points de vue sur la durabilité
Retours sur les méthodes et limites de l’étude
Une méthodologie basée sur des études de cas
Evaluer la durabilité
Quels futurs pour les exploitations du Saïs?
Quelles stratégies futures des agriculteurs ?
L’accompagnement des agriculteurs vers une perception étendue de la durabilité
Des mesures institutionnelles pour une meilleure durabilité des exploitations agricoles
Conclusion générale
Références
Annexes

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