Les facteurs de risques de la maladie d’Alzheimer

La Maladie d’Alzheimer 

Les nombreux succès du siècle dernier dans le traitement des principales maladies fatales du jeune âge ont entraîné un allongement de la durée de vie non négligeable. De nombreux individus vivent maintenant bien au delà des soixante ans, âge à partir duquel les maladies neurodégénératives, en particulier la maladie d’Alzheimer, deviennent très prévalentes. La maladie d’Alzheimer a été décrite pour la première fois en 1907 par Aloïs Alzheimer (Alzheimer, 1907 ; voir Alzheimer et al., 1995 pour la traduction anglaise). Les symptômes cliniques de cette maladie comprennent des pertes de mémoire, en particulier des évènements récents dans les phases précoces de la maladie, et des détériorations d’autres fonctions cognitives qui interfèrent avec l’humeur, le raisonnement, le jugement et le langage. Au stade final, les tâches les plus simples, comme le maintien d’une hygiène personnelle, ne sont plus possibles et le patient devient totalement dépendant. Le déroulement de la maladie est insidieux et les patients peuvent vivre jusqu’à 20 ans après le premier diagnostic bien que la moyenne de survie se situe entre 5 et 10 ans (Walsh et al., 1990). Cette pathologie est la maladie neurologique liée à l’âge la plus commune et représente la plus grande cause de démence dans la population âgée. Ainsi, aujourd’hui, de 15 à 20 millions de personnes souffrent de la maladie d’Alzheimer et en 2050 ce nombre devrait dépasser les 100 millions. Rien qu’aux Etats-Unis, les estimations prévoient plus de 13 millions de malades en 2050 au lieu des 4,5 millions actuels (Hebert et al., 2003). En France, l’étude PAQUID (Personnes Agées QUID) a pour objectif d’étudier le vieillissement cérébral après 65 ans, d’en distinguer les modalités normales et pathologiques, et d’identifier les sujets à hauts risques de détérioration physique ou intellectuelle chez lesquels une action préventive serait possible. Elle étudie une cohorte située en Gironde et en Dordogne depuis 1988. Les résultats montrent une prévalence de 17,8% de la démence chez les sujets âgés dont 80% de maladie d’Alzheimer (Ramaroson et al., 2003). La prévalence passe de 5% à 65 ans à plus de 20% après 85 ans (Anaes, 2001). L’incidence de la maladie est de l’ordre de 11,7 pour 1000 personnes/an chez les plus de 65 ans et augmente de façon exponentielle avec l’âge. Cependant, les retards diagnostiques des cas de démences et la difficulté de diagnostic différentiel pour la maladie d’Alzheimer rendent peu aisée l’obtention de données chiffrées précises pour cette pathologie (Boustani et al., 2003). A l’heure actuelle, son diagnostic repose uniquement sur l’observation de signes cliniques ; il n’existe pas de tests biochimiques ou biologiques de dépistage de la maladie (Delacourte et al., 1998 ; Blennow et Hampel, 2003). Les premiers signes cliniques sont souvent ignorés ce qui retarde le diagnostic. La phase symptomatique de la maladie est précédée d’une longue phase de latence intermédiaire appelée MCIa (pour amnesic Mild Cognitive Impairment), de progression lente et insidieuse. L’état de MCI est un état « pré-sénile » distinct de la maladie d’Alzheimer mais dont l’évolution est majoritairement la maladie d’Alzheimer quand le MCI est d’une forme amnésique (Riley et al., 2002). Pour établir le diagnostic, il existe des tests cognitifs de référence comme le MMSE (Mini Mental State Examination). Les critères de démences caractérisant la maladie d’Alzheimer utilisés comme outils diagnostiques en clinique sont les critères du Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders (DSM-IV ; American Psychiatric association, 1994) et les critères du National Institute of Neurological and Communicative Disorders and Strokes-Alzheimer’s Disease and Related Disorders Association (NINCDS-ADRDA) (Mckhann et al., 1984). La plupart des maladies d’Alzheimer sont sporadiques avec une déclaration des symptômes à partir de 65 ans. Néanmoins, une petite proportion de cas (1%) montre une héritabilité mendélienne et représente les formes familiales de la maladie d’Alzheimer (Dewachter et Van Leuven, 2002). Ces maladies sont dues à des mutations dans trois gènes : le précurseur des protéines amyloïdes (APP ou Amyloïd Precursor Protein), et les présénilines 1 et 2 (PS1 et PS2) (Chartier-Harlin et al., 1991 ; Goate et al., 1991 ; Sherrington et al., 1995), et sont caractérisées par un développement précoce des symptômes (avant 65 ans et voire vers 30-35 ans dans les cas les plus extrêmes).

Histopathologie 

Au niveau macroscopique, à l’examen post-mortem, le cerveau des patients est atrophique et présente une hypertrophie ventriculaire. Un examen plus détaillé montre une dégénérescence généralisée des neurones du cortex cérébral et de l’hippocampe. Les neurones cholinergiques sont les neurones les plus vulnérables.  neurones sérotoninergiques et noradrénergiques afférents au cortex sont atteints de façon variable. Des altérations dans la transmission glutamatergique ont été également décrites (Cacabelos et al., 1999). La neuropathologie des différentes formes de maladie d’Alzheimer – sporadiques et familiales – est très semblable et ces maladies sont caractérisées par deux types d’agrégats protéiques: les plaques séniles et les dégénérescences neurofibrillaires. Il est néanmoins possible d’observer certaines différences dans le profil des atteintes cérébrales. Ainsi, dans les formes familiales de la maladie, il est observé des atteintes cérébelleuses importantes aboutissant à une ataxie (Lemere et al., 1996b ; Fukutani et al., 1997 ; Mann et al., 2001). Du point de vue histopathologique, la maladie d’Alzheimer est donc caractérisée par deux principaux marqueurs : les plaques séniles qui sont des agrégats extracellulaires toxiques de peptides amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires qui sont des agrégats intracellulaires formés de paires de filaments en hélice dus à des agrégations de protéine Tau anormalement hyperphosphorylée.

Les facteurs de risques de la maladie d’Alzheimer 

L’âge est le premier facteur de risque de la maladie d’Alzheimer sporadique mais il existe d’autres facteurs qui en augmentent les risques, les deux principaux étant les antécédents familiaux de maladie et la présence de l’allèle E4 du gène de l’apolipoprotéine E (Selkoe, 2003). En effet, en dehors des formes familiales qui résultent d’une transmission mendélienne de mutations bien particulières de gènes précis, les antécédents familiaux sont un des facteurs de risque : les risques de développer une maladie d’Alzheimer augmentent quand il y a des cas avérés de maladie dans la famille. L’apolipoprotéine E est une des protéines présentes sur les vésicules lipidiques du sang et est impliquée dans le métabolisme des lipides. Les apolipoprotéines permettent de faire le lien entre les vésicules lipidiques et les cellules. La composition en apolipoprotéines des vésicules lipidiques définit leur type et leurs fonctions. L’apoE est retrouvée dans différentes classes de lipoprotéines et en particulier sur les lipoprotéines de très faible densité, les VLDL, où l’Apo E a été décrite en premier (Shore et Shore, 1973). Dans la population générale, il existe 3 allèles différents de l’apoE : Ε2, E3 et E4. La répartition des allèles dans la population n’est pas homogène et la grande majorité est E3/E3. Des études ont montré que la présence de l’allèle E4 – même à l’état hétérozygote – augmente les risques de maladie d’Alzheimer alors que la présence de l’allèle E2 les réduit (Corder et al., 1993).

Les traitements 

Actuellement, il n’existe que peu de traitements de la maladie d’Alzheimer et tous n’ont que des effets limités. Cinq molécules principales sont utilisées : quatre sont des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase et la cinquième est un antagoniste des récepteurs NMDA.

Les inhibiteurs de l’AChE

Au cours du développement de la démence, le dysfonctionnement synaptique est un élément clé (Dekosky et Scheff, 1990 ; Terry et al., 1991) et des études ont montré que le système cholinergique est particulièrement atteint dans la maladie d’Alzheimer (Coyle et al., 1983). Le nombre de neurones cholinergiques est corrélé aux performances mnésiques chez les patients (Baskin et al., 1999). Les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase bloquent l’enzyme responsable de la dégradation de l’acétylcholine en choline et acétate. Ces inhibiteurs entraînent une dégradation plus lente de l’acétylcholine dans la fente synaptique et donc une action prolongée du neurotransmetteur sur l’élément post-synaptique. Cela a pour rôle de pallier la baisse de l’apport synaptique d’acétylcholine dû à une défaillance modérée du neurone présynaptique. Ces traitements ne peuvent être efficaces que s’il y a encore synthèse et libération d’acétylcholine et finissent donc par se révéler inefficaces lorsque la dégénérescence parvient à un stade avancé (Ellis, 2005). Il existe quatre AChEI utilisés en thérapeutique : la tacrine, un inhibiteur réversible non compétitif des cholinestérases ; le donézépil, un inhibiteur réversible non compétitif spécifique de l’AChE à longue demie-vie ; la rivastigmine qui permet la dégradation de l’AChE et la galantamine qui en plus de son activité d’inhibition de l’AChE a des propriétés agonistes des récepteurs nicotiniques.

Un antagoniste des récepteurs NMDA 

Parallèlement aux AChEI, un autre type de molécule est utilisé dans le traitement de la maladie d’Alzheimer pour ses propriétés d’antagoniste des récepteurs NMDA : la mémantine. Cet antagoniste non compétitif des récepteurs NMDA va pouvoir bloquer ces récepteurs lors de libérations faibles mais continues de glutamate comme il en existe lors de la mort chronique de neurones. Le fonctionnement synaptique déclenchant l’activation des récepteurs n’est pas altéré car le glutamate à forte dose est capable de déplacer la mémantine. Ce médicament est le seul traitement pour les phases avancées et sévères de la maladie. L’impossibilité de diagnostic précoce et l’absence de traitement véritablement efficace de la maladie renforcent la nécessité de l’étude des événements précoces de la maladie et des bases moléculaires de ces altérations.

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Table des matières

Introduction
Chapitre I : La maladie d’Alzheimer
I La maladie d’Alzheimer
1) Généralités
2) Histopathologie
a) Les plaques séniles
b) Les dégénérescences neurofibrillaires
3) Les facteurs de risques de la maladie d’Alzheimer
4) les traitements
a) Les inhibiteurs de l’AChE
b) Un antagoniste des récepteurs NMDA
II Les acteurs moléculaires
1) L’APP
a) Structure de l’APP
b) Maturation de l’APP
2) Les sécrétases
a) L’α-sécrétase
b) La β-sécrétase
c) La γ-sécrétase
III La cascade amyloïde
Chapitre II : Les peptides amyloïdes
I L’hétérogénéité des peptides amyloïdes
1) Les différents peptides amyloïdes
2) Les états d’agrégation des peptides amyloïdes
a) L’Aβ soluble
b) Les ADDL
c) Protofibrilles et fibrilles
II Les récepteurs à l’Aβ
III L’Aβ et les canaux ioniques
1) Les canaux calciques
2) Les canaux cationiques non sélectifs
3) Les canaux potassiques
IV L’Aβ et la physiologie synaptique
1) Aβ et transmission synaptique
2) Aβ et plasticité synaptique
a) LTP et LTD
b) Aβ et LTP
c) Mécanismes d’action de l’Aβ
d) Aβ et LTD
e) Effets sur l’apprentissage et la mémoire
Chapitre III L’Aβ et l’apoptose
I L’apoptose neuronale
1) Définition
2) Décours temporel de modifications
II L’apoptose dans la maladie d’Alzheimer
III L’Aβ, un inducteur d’apoptose
Chapitre IV : Inflammation dans la maladie d’Alzheimer
I Les acteurs moléculaires de l’inflammation
1) le complément
2) Les cytokines et les chémokines
a) L’IL1
b) L’IL6
c) Le TNFα
d) Le TGFβ
e) Les chémokines
3) les cycloxygénases
4) Les radicaux libres
II Les acteurs cellulaires de l’inflammation
1) La microglie
2) Les astrocytes
3) Les neurones
Chapitre V Le cytosquelette de tubuline
I La tubuline
1) L’hétérogénéité de la tubuline
a) L’hétérogénéité génétique
b) L’hétérogénéité post-traductionnelle
2) Structure de la tubuline
3) Dimérisation
II Le microtubule
1) Organisation structurale des microtubules
2) La dynamique des microtubules
a) La nucléation
b) Les modèles de dynamique in vitro
c) L’énergie de la dynamique
3) Les protéines associées aux microtubules
a) Les MAP structurales
b) Tau
c) Les MAP motrices
4) Le contrôle pharmacologique des microtubules
Conclusion

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