L’analyse des données
Une analyse de contenu a été réalisée pour chacune des entrevues, en fonction des thèmes et des sous-thèmes du guide d’entrevue, des nouveaux thèmes émergeant du discours des répondantes et des objectifs de la présente étude. La méthode utilisée pour analyser les données a été celle proposée par Mayer et Deslauriers (2000), qui se divise en quatre étapes : la préparation du matériel, la préanalyse, le codage du matériel, ainsi que l’analyse et l’interprétation des résultats.
La préparation du matériel
Dans le cadre de la présente étude, les entrevues semi-dirigées réalisées ont été retranscrites sous forme de verbatim. L’accord préalable des participantes et de leurs parents fut obtenu afin d’enregistrer le contenu des entretiens sur un enregistreur numérique. Par la suite, ceux-ci furent retranscrits en intégralité par une professionnelle de recherche en respectant l’anonymat des participantes.
La préanalyse
Au cours de cette étape, un tableau d’analyse a été rédigé permettant de faire ressortir les principaux éléments de chaque entrevue et de synthétiser les informations essentielles en lien avec les objectifs de la présente étude. Cette étape a permis de transposer les propos recueillis en une première formulation significative.
Le codage du matériel
Par la suite, à l’aide du logiciel Word, un codage a été effectué en fonction des thèmes et des sous-thèmes du guide d’entrevue, mais également en fonction d’autres thèmes significatifs ressortant des entrevues. L’information regroupée en thèmes et en sous-thèmes a été analysée.
L’analyse et l’interprétation des résultats
Pour chacun des thèmes et des sous-thèmes, l’analyse qualitative a permis la suppression de l’information non pertinente et, ainsi, la sélection des éléments pertinents, la généralisation des propositions retenues et, enfin, l’intégration des propositions dans un tout structuré et cohérent (Louwerse et van Peer, 2002). En outre, la visée de l’analyse qualitative est de donner sens, de comprendre des phénomènes sociaux et humains complexes. Ainsi, pour chacun des thèmes et des sous-thèmes, l’analyse qualitative a permis de dégager les ressemblances entre les expériences des participantes, puis les différences et les particularités dans leur parcours scolaire. Une analyse de chacune des entrevues a été effectuée ainsi qu’une analyse de l’ensemble des entrevues. Certains extraits de compte rendu exhaustif ont été retranscrits au sein du mémoire, afin d’illustrer les points de vue les plus fréquemment émis par les participantes.
Les considérations éthiques
Plusieurs précautions ont été mises en place pour assurer la confidentialité des répondantes et répondre aux normes éthiques inhérentes à la recherche scientifique. Lors du recrutement, il a bien été spécifié aux jeunes filles qu’il était de leur libre consentement d’accepter, ou non, de participer à l’étude. D’ailleurs, elles ont aussi été informées que la recherche à laquelle elles participaient faisait l’objet de mémoires de maîtrise et que, par conséquent, le contenu des entrevues serait utilisé à des fins d’analyse, mais qu’aucun nom ne serait révélé. À la suite de la présentation de la recherche, les participantes ont reçu le Formulaire d’information et de consentement du participant à l’entrevue (Annexe III). Les participantes mineures ont reçu un second formulaire intitulé Formulaire d’information et de consentement parental (Annexe IV). Au début des entrevues, les objectifs et le déroulement de la recherche ont été présentés verbalement aux participantes et elles ont été informées de leur possibilité de mettre fin en tout temps à leur participation ainsi que des règles de confidentialité liées aux informations recueillies. Toutes les informations qui ont été recueillies, aussi bien sous forme orale qu’écrite, ont été et seront maintenues confidentielles.
Ainsi, aucun nom de participante ou aucune information nominative n’a été et ne sera dévoilé à quiconque, afin de respecter l’anonymat des répondantes. Afin d’assurer la confidentialité des répondantes, les enregistrements audio, les comptes rendus écrits ainsi que toutes les informations relatives à l’identification des participantes ont été gardés sous clé. De plus, aucun nom de participantes n’apparaît sur les documents de la recherche, ils ont été identifiés au moyen de codes, que seuls les chercheurs connaissaient. Spécifions également que cette étude a reçu l’approbation du comité d’éthique de la recherche de l’UQAC avant d’entamer toute démarche auprès des répondantes (n°602.21.09) (Annexe V).
La pertinence de la présente étude
Le présent mémoire vise à documenter les différents facteurs personnels, scolaires, familiaux, sociaux et environnementaux qui ont favorisé la résilience scolaire de jeunes filles depuis qu’elles fréquentent un CEA, de même que leurs principales caractéristiques personnelles, scolaires et familiales. Compte tenu du peu d’informations disponibles sur ces jeunes raccrocheuses dans les études menées à ce jour, les résultats de la présente recherche contribueront à aider et à soutenir les divers acteurs gravitant dans la vie de ces jeunes filles, en leur permettant d’avoir une meilleure compréhension des événements et des difficultés vécus par celles-ci dans leur cheminement académique. Ainsi, la présente étude permettra de spécifier la décision d’un retour aux études chez ces jeunes raccrocheuses ainsi que leur évolution au sein d’un CEA.
Les caractéristiques sociodémographiques des participantes
Au moment de la collecte des données, les 11 participantes étaient âgées de 15 ans (n=1), 16 ans (n=6), 17 ans (n=3) ou 18 ans (n=1). Plus de la moitié des répondantes habitaient avec un seul de leurs parents (n=6). Deux d’entre elles résidaient uniquement avec leur mère, deux autres avec leur mère et le conjoint de celle-ci, l’une d’elles vivait en alternance avec sa mère et dans un centre d’accueil du Centre jeunesse, alors qu’une dernière avait demeuré quelque temps avec sa mère pour ensuite cohabiter avec son copain.
Les autres participantes logeaient avec leurs deux parents (n=4) ou en famille d’accueil (n=1). Pour les sept répondantes qui n’habitaient pas avec leur père, deux d’entre elles le rencontraient au moins une fois par semaine, deux autres au moins une fois par mois, tandis que trois jeunes filles le voyaient rarement (n=1) ou jamais (n=2)1. En ce qui a trait aux deux participantes qui n’habitaient plus avec leur mère, elles avaient des contacts au moins une fois par semaine avec cette dernière. Une seule participante n’entretenait plus aucune relation avec sa mère.
Lors de la collecte des données, les 11 participantes étaient membres d’une fratrie, ayant ainsi soit des frères (n=7), des soeurs (n=3), des demi-frères (n=5) ou des demi-soeurs (n=3). Les fratries des participantes étaient constituées d’au moins deux enfants (incluant la participante) et d’un maximum de cinq. La plupart des filles interrogées (n=10) ont déclaré qu’elles avaient de très bons amis ou des confidents sur lesquels elles pouvaient toujours compter en cas de besoin. Le nombre de confidents variait d’un à six, pour une moyenne de 2,8 confidents par répondante. Pour ce qui est de leur vie sociale, six répondantes affirmaient être « plutôt satisfaites » de leurs relations avec leurs pairs, alors que les cinq autres se déclaraient « très satisfaites ». Aucune répondante n’a affirmé être insatisfaite de sa vie sociale. Toutefois, plusieurs participantes (n=8) ont exprimé se sentir seules par moments, que ce soit souvent (n=2), parfois (n=3) ou rarement (n=3).
Les motivations des participantes à s’inscrire dans un CEA et les obstacles rencontrés
Les principaux motifs ayant poussé les répondantes à poursuivre leur cursus scolaire au sein d’un CEA étaient de terminer leur secondaire V afin d’obtenir leur DES (n=9), un DEP (n=2), un DEC (n=6) ou un diplôme d’études universitaires (n=3). Les neuf répondantes qui se sont inscrites dans un CEA afin d’obtenir leur DES (n=9) souhaitaient pouvoir accéder à diverses professions, telles que technicienne en soins animaliers, éducatrice spécialisée, policière, infirmière, vétérinaire, psychologue, criminologue et avocate. Ces répondantes (n=9) espèrent avoir un bon emploi ou une profession qui les passionne et souhaitent pouvoir faire des économies. Finalement, les informations recueillies auprès des participantes permettent de constater que deux d’entre elles envisageaient d’accéder à un DEP en coiffure et en restauration sans vouloir obtenir leur DES.
Bien là, je fais juste finir mon secondaire III ici, après ça je vais faire un DEP. (Répondante #1) de technique en assistant vétérinaire et après ça bien peut-être aller à l’université me perfectionner pour devenir vétérinaire. (Répondante #8) Oui et après je veux aller au CÉGEP. Bien je veux être encore éducatrice, ça m’intéresse, j’aimerais ça avant aller en arts au CÉGEP. (Répondante #9) .
Lors de leur arrivée au sein d’un CEA, certaines participantes (n=6) ont rencontré différents obstacles qui, pour la plupart, étaient associés à leur environnement scolaire. À ce sujet, la différence d’âge avec les élèves plus âgés, le fait d’être confrontées à plus d’un enseignant par matière, la nécessité d’obtenir la note de passage aux examens, le changement d’établissement scolaire, la conciliation travail et études, ainsi que le travail en solitaire ont représenté des éléments nuisibles au cheminement en CEA.
Les événements marquants dans le processus de résilience scolaire des étudiantes
Plus de la moitié des participantes (n=6) éprouvaient des difficultés relationnelles avec un ou des membres de leur famille au moment de l’entrevue. Pour une des répondantes, ces difficultés tendaient à se résorber ; quant aux autres (n=4), la dynamique relationnelle au sein de la famille demeurait satisfaisante. Toutefois, il importe de préciser que deux d’entre elles avaient été, dans le passé, victimes d’un abus sexuel intrafamilial commis par leur frère ou leur oncle, alors qu’une autre participante avait été exposée à de la violence physique et verbale de la part de membres de sa famille.
Oui, j’ai eu des attouchements sexuels envers eux autres et ma soeur qui est déficiente, elle s’est faite… elle a été abusée. (Répondante #2)
Le plus jeune de mes frères m’a agressée alors… mais je vous dirais que c’est à lui que je suis le plus attachée … même s’il m’a fait du mal, on dirait que je suis plus attachée. (Répondante #3)
Il y avait de la violence physique et verbale chez nous pas mal là. Il ne se passait pas une journée sans qu’il y aille de quoi, qu’on se chicane là. (Répondante #5)
Par ailleurs, le statut financier familial de quelques participantes (n=3) était précaire.
La direction de la protection de la jeunesse (DPJ) était impliquée dans l’environnement familial d’une répondante, celle-ci ayant d’ailleurs subi divers placements en famille d’accueil. Une autre participante avait, pour sa part, été adoptée au courant de sa sixième année du primaire par sa famille d’accueil. Finalement, une dernière répondante a souffert de l’absence de son père, puisque ce dernier a pris la décision de renier ses enfants. Je n’avais pas d’argent, je n’étais pas habillée comme les autres, je n’étais pas capable de payer mes livres scolaires, c’était l’école qui les payait. Et on se débrouillait avec ce qu’on avait. (Répondante #2)
On a eu de l’aide un peu de la DPJ. Mon père et mes deux frères se chicanaient beaucoup, souvent ils se battaient. Ils ont eu des rencontres souvent avec la DPJ, vu que mon frère a été dans une maison à La Baie pour les jeunes délinquants et mes parents ont été tous les deux à l’institut Saint-Georges. (Répondante #5).
Des difficultés liées au rendement scolaire ont perturbé le parcours scolaire de plusieurs participantes (n=7) à l’école primaire. Parmi ces participantes, trois ont subi un redoublement. Par ailleurs, quatre répondantes ont fait l’objet de moqueries et ont vécu de l’intimidation de la part des autres élèves, alors que d’autres (n=4) ont eu des problèmes à respecter les règles disciplinaires. Quelques-unes (n=4) ont également été confrontées à plusieurs déménagements et, par conséquent, à plusieurs changements d’école. Deux répondantes ont reçu des diagnostics, tels que la dyslexie et le TDAH, alors que trois autres ont éprouvé des problèmes de santé physique ou psychologique. Finalement, seulement trois participantes ont mentionné avoir été munies d’un bon réseau social pendant leur cheminement à l’école primaire.
C’était moi le souffre-douleur. (Répondante #1) J’ai tellement déménagé, j’ai commencé à déménager j’avais dix, onze ans. […] C’est déstabilisant et tu sais en plus je n’avais pas d’amis, fait que tu sais j’arrive à une autre place, je suis nouvelle, je n’avais pas plus d’amis et j’étais beaucoup plus gênée. (Répondante #9)
Bien c’est plus quand on a découvert ma dyslexie, oui… mais ça… c’est sûr que je ne savais pas trop c’était quoi là. (Répondante #11)
Pendant leur parcours scolaire au secondaire, la majorité des répondantes (n=10) ont eu des problèmes reliés à la discipline et quatre autres ont été victimes d’intimidation ou de discrimination de la part des autres élèves ou d’enseignants. De plus, l’une d’entre elles souligne avoir vécu un manque de soutien de la part du personnel scolaire lors de situations difficiles vécues à l’école. Les absences répétées, le renvoi de l’école, l’intimidation envers des élèves, la violence physique ainsi que les mauvaises relations avec les enseignants sont des exemples d’actes d’indiscipline des répondantes. La plupart des participantes (n=10) ont également éprouvé des difficultés quant à leur rendement scolaire. Par ailleurs, cinq ont vécu un ou des redoublements et plus de la moitié (n=6) ont changé d’école en cours de route. Parmi celles qui ont changé d’établissement scolaire, deux ont quitté l’école secondaire pour aussitôt intégrer une école qui oeuvre dans la réhabilitation des jeunes en situation de décrochage scolaire.
Je suis allée voir la direction cette fois-là et ils ont rien fait. J’ai dû appeler les polices pour avoir la paix des caves dans le bus. (Répondante #1)
De changer d’école, partir d’une école qui a 300 personnes à s’en aller dans une école qui en a 5 ou 6000, c’est ça le plus dur. En plein milieu d’une année en plus. (Répondante #4)
J’ai rentré un gars dans une case et j’ai été violente un peu, je l’ai pogné par le cou, je l’ai levé sur une case. Il a fallu que j’utilise la force pour que ça l’arrête. Moi j’aime mieux parler que de frapper ou d’utiliser la violence. (Répondante #11)
Aussi, deux répondantes ont eu à conjuguer avec des problèmes de santé, tels que la dépression et l’automutilation. Par ailleurs, une participante, qui avait reçu un diagnostic de dyslexie pendant son parcours à l’école primaire a également reçu un diagnostic de dysphasie au secondaire. Les trois participantes aux prises avec une dépendance aux drogues et à l’alcool ont eu à séjourner dans différents centres (centre de désintoxication, centre d’hébergement, famille d’accueil, hôpital). Dans le même sens, pour pallier leurs difficultés, cinq participantes ont eu recours aux services des intervenants scolaires, qu’il s’agisse d’un travailleur social, d’un psychologue ou d’une éducatrice spécialisée. À la suite de difficultés familiales et de problèmes de comportements, une participante a été placée en famille d’accueil et une autre a dû séjourner dans une maison d’hébergement pour les jeunes filles présentant des problèmes de comportements. Enfin, deux répondantes ont été confrontées à un décès d’un membre de leur famille proche.
En secondaire III, j’étais en famille d’accueil. Je suis allée un mois, après ça il y a eu des conditions… si je revenais chez nous il fallait des conditions, comme que mes parents aillent rencontrer des psychologues et qu’ils se fassent soigner. (Répondante #5)
Au secondaire je suis allée dans un centre… SOS Jeunesse là, c’est pour les filles et tout ça. […] Et là il a fallu que… bien je rencontrais un intervenant en toxicomanie là et une travailleuse sociale. (Répondante #7)
Bien je te dirais que… en secondaire III j’ai comme eu peut-être un petit revirement, que j’avais plus consommé ou des choses de même, justement parce que ça n’allait pas bien, parce qu’en mathématiques tout allait mal. (Répondante #10)
Il est possible de remarquer, à travers le discours des répondantes, que depuis leur entrée au CEA, les événements marquants mentionnés par celles-ci sont davantage positifs que négatifs. En effet, seulement trois répondantes ont évoqué un événement vécu au CEA qui leur est apparu comme étant négatif. Pour deux d’entre elles, une rupture amoureuse est venue teinter négativement leur parcours scolaire au CEA, tandis qu’une autre mentionne avoir certains problèmes de santé qui lui occasionnent du stress. La rupture avec mon ex, ça l’a fait changer pas mal de choses dernièrement. (Répondante #5) Bien j’espère… parce que là… bien j’ai des problèmes de santé en ce moment. Et j’espère bien qu’ils trouvent qu’est-ce que j’ai là. (Répondante #7)
Pour ce qui est des événements positifs, trois répondantes mentionnent avoir fait des rencontres positives depuis leur admission au sein d’un CEA. De plus, elles ont aussi remarqué une amélioration dans leurs relations avec un ou des membres de leur famille. D’ailleurs, l’une de ces trois répondantes nomme l’affirmation de son homosexualité comme étant un événement marquant et une autre souligne l’arrêt de sa consommation de drogue comme un changement positif depuis son inscription au CEA.
L’image de soi en tant qu’élève au CEA
L’analyse du discours des participantes a permis d’observer l’émergence de trois types de profil en ce qui concerne l’image de soi en tant qu’élève fréquentant un CEA : (a) celles qui avaient une image positive d’elles-mêmes (n=6), (b) celles qui avaient une image plus mitigée (n=4) et, enfin, (c) celle qui avait une image négative (n=1). De plus, il est possible de classifier les qualités ainsi que les défauts que s’attribuaient les participantes en deux catégories, selon qu’ils réfèrent à la sphère scolaire ou personnelle. En effet, pour certaines d’entre elles, cette image positive d’elles mêmes est attribuable à des qualités personnelles, telles que la capacité s’affirmer (n=3), la gentillesse (n=1), la sociabilité (n=1), un sentiment de compétence personnelle (n=1) l’authenticité (n=1), ainsi que la créativité (n=1). Au plan scolaire, l’image positive des jeunes filles interrogées s’exprime par des qualités comme le fait d’être travaillantes (n=5), motivées (n=3), assidues et disciplinées dans les travaux scolaires à compléter et leurs comportements (n=3), compétentes à l’école (n=2), méticuleuses (n=2), tranquilles (n=1), ainsi que concentrées (n=1). Le tableau 2 présente des extraits de verbatim concernant les qualités que se sont attribuées les répondantes dans le cadre de leur fréquentation d’un CEA.
L’évolution de l’image de soi dans le discours des répondantes
À travers les propos des participantes, il est possible de remarquer une évolution positive en ce qui a trait à leur image de soi depuis leur entrée dans un CEA. En effet, au plan personnel, quatre de ces jeunes filles ont mentionné être davantage extraverties et plus en mesure de s’affirmer tout en étant fières de ce qu’elles sont devenues. Aussi, l’une d’entre elles a souligné qu’elle se sent beaucoup plus épanouie depuis sa fréquentation du CEA.
Je trouve vraiment que j’ai évolué, je suis moins gênée, je dis plus ce que je pense encore que je le faisais avant. […] Je m’épanouie pas mal plus. (Répondante #1)
Je suis rendue une bonne personne. (Répondante #4)
Également, trois des participantes présentent une plus grande confiance en elles et accordent moins d’importance à l’opinion d’autrui, ce qui fait en sorte qu’elles sont davantage authentiques et ont développé un meilleur sentiment de compétence personnelle.
Aussi, quelques répondantes (n=4) ont mentionné avoir acquis de la maturité depuis leur fréquentation d’un CEA Plus ça va, plus ma confiance augmente. L’école, le travail, ça m’encourage, ça me met des vertus et… oui. J’essaie de trouver ma confiance et mes qualités sur d’autres choses. (Répondante #2)
Bien, depuis que je suis rendue ici à Laure-Conan, tout le monde dit… tu as bien vieillie depuis que je te connais! Tu as changé et tu as vieillie! (Répondante #3)
Par ailleurs, en ce qui concerne la sphère scolaire, trois participantes considéraient qu’elles étaient de meilleures élèves en CEA, comparativement à ce qu’elles étaient au secondaire ainsi qu’au primaire. L’une d’entre elles était d’avis qu’elle est devenue plus responsable, et ce, en considérant l’école comme étant sa priorité plutôt que de donner une place centrale à sa vie sociale. De son côté, une autre participante a mentionné que le fait de ne plus consommer de la drogue lui a permis d’être plus assidue à l’école et, ainsi, d’obtenir de meilleurs résultats scolaire. Pour sa part, la dernière répondante a affirmé qu’elle adopte un meilleur comportement et une plus grande motivation en ce qui a trait à ses études, ce qui fait en sorte qu’elle est plus positive et qu’elle souhaite se dépasser davantage en se fixant des buts et des objectifs personnels.
Je suis devenue deux fois plus responsable de mes choses, plus propre dans mes études, plus responsable, plus attentionnée envers mes études et non mes amis. (Répondante #3)
Oui. Bien depuis… justement depuis que j’ai arrêté la drogue et tout ça, ça m’aide beaucoup là, mes notes elles ont remonté. (Répondante #7)
Je travaille, je n’ai jamais travaillé de même de ma vie. […] Fait qu’en tant qu’élève je trouve que maintenant je suis rendue une meilleure élève qu’au secondaire. (Répondante #1) Un peu plus de la moitié des répondantes (n=7) ont pris conscience de l’importance de fournir les efforts nécessaires afin de réussir leur scolarité, et ce, dans le but d’augmenter leurs possibilités d’accéder à un avenir meilleur. Elles ont témoigné à l’effet qu’elles s’investissent davantage dans leurs études, tout en faisant preuve d’un plus haut degré de volonté et de motivation. Elles ont également insisté sur le fait qu’elles ne veulent pas rester au CEA encore plusieurs années, ce qui les amène à prioriser davantage leurs études afin d’avancer plus rapidement.
En comparant les données du Tableau 3, il est possible de remarquer que les répondantes entretiennent une image plus positive d’elles-mêmes au CEA que lorsqu’elles étaient à l’école primaire ainsi qu’à l’école secondaire. Lors de leur passage au CEA cellesci utilisent davantage de qualificatifs positifs lorsqu’elles se décrivent et ce, tant au niveau personnel que scolaire, que lors de leur fréquentation dans une école primaire et secondaire puisqu’elles nommaient plus de défauts que de qualités. Ces résultats démontrent que depuis leur passage au CEA, ces répondantes ont une meilleure estime et une meilleure connaissance d’elles-mêmes et de leurs capacités. D’ailleurs, l’une d’elles évoque le fait qu’elle a appris à se connaître à travers son parcours scolaire et qu’elle se connaît davantage depuis qu’elle est au CEA.
Je commence plus à me connaître, c’est bizarre à dire parce que je pensais me connaître, mais je me suis ouvert les yeux et non. (Répondante #1)
L’évolution personnelle des répondantes, du primaire au CEA
À travers le parcours scolaire des répondantes, celles-ci ont nommé certains aspects personnels ayant évolué de façon positive depuis leur cheminement à l’école primaire. En effet, quatre de ces jeunes filles ont dit être devenues plus extraverties et s’affirmer davantage depuis leur entrée au CEA. Une répondante se décrit aussi comme étant plus positive et fière de ce qu’elle est devenue, et ce, malgré les embûches rencontrées lors de son parcours scolaire. Finalement, deux répondantes ont mentionné être plus épanouies depuis leur entrée au CEA, ces dernières étant plus motivées à devenir indépendantes et plus conscientes de leurs compétences.
Je trouve vraiment que j’ai évolué, je suis moins gênée, je dis plus ce que je pense encore que je le faisais avant. (Répondante #1)
Tout mon passé m’a rendue où je suis aujourd’hui, ça c’est sûr, tout mon passé et tout ce que j’ai vécu, je ne veux pas le faire vivre aux autres et tout ce que j’ai vécu m’a fait réfléchir sur certains points. (Répondante #2)
À travers le parcours scolaire des répondantes, quatre d’entre elles ont dit avoir acquis de la maturité et trois de ces jeunes filles ont développé une meilleure confiance en elles-mêmes, et ce, en accordant moins d’importance à l’opinion des autres, de façon à être davantage authentiques. En possédant une plus grande maturité ainsi qu’une meilleure confiance en elles, ces participantes ont développé un sentiment de compétence personnelle et sociale plus fort et plus solide. Ce sentiment de compétence à affronter une situation avec succès joue un rôle fondamental dans les réactions affectives, la motivation, l’engagement et la persévérance scolaire face aux difficultés que peuvent rencontrer ces jeunes raccrocheuses. En effet, il influence les buts qu’elles se fixent, la valeur qu’elles accordent à l’atteinte de ces buts, ainsi que leurs attentes de réussite. C’est pourquoi elles sont davantage motivées à déployer les efforts nécessaires pour atteindre les résultats souhaités et à persévérer face aux difficultés.
Oui, oui, je veux me dépasser, je veux faire des… parce que moi pour me motiver ça me prend des défis, ça me prend des défis ou bien une méchante bonne motivation. (Répondante #1)
Plus ça va, plus ma confiance augmente. […] L’école, le travail, ça m’encourage, ça me met des vertus et… oui. J’essaie de trouver ma confiance et mes qualités sur d’autres choses. (Répondante #2)
De plus, dans le discours des répondantes, il a été possible de constater un changement dans leur façon de considérer leur avenir ainsi que dans l’importance qu’elles accordent désormais à l’école. Effectivement, deux des répondantes démontrent un désir de dépassement plus grand que lorsqu’elles fréquentaient l’école secondaire. Elles se fixent davantage de buts et de défis puisqu’elles sont conscientes qu’elles peuvent les atteindre et être en mesure de s’épanouir à travers leurs réalisations. D’ailleurs, plus de la moitié des répondantes (n=7) réalisent davantage l’importance d’obtenir un diplôme qualifiant et elles ont effectué une certaine prise de conscience par rapport à leur avenir ainsi que l’importance des efforts à accomplir pour assurer leur réussite.
Bien de travailler fort, c’est simplement ça qui fait que tu peux te rendre loin, surtout aujourd’hui comparé à avant, tu as pas le choix de travailler ou d’étudier parce que sinon tu fais rien dans la vie.. (Répondante #10)
De réussir mon DES première des choses et de m’investir dans mes cours et comme il faut. (Répondante #11)
Les facteurs de résilience scolaire
La présente section se consacre à la situation des répondantes au sein d’un CEA, en traitant divers aspects associés à leur vécu scolaire, ainsi qu’à la résilience scolaire de celles-ci. Tout d’abord, des informations sont apportées sur les facteurs scolaires ayant contribué à la résilience et à la motivation de ces participantes. Subséquemment, les facteurs individuels, familiaux et sociaux ayant également contribué à la résilience scolaire, ainsi qu’à l’attitude positive des répondantes vis-à-vis leur cheminement scolaire sont décrits. Par la suite, des informations sont apportées sur les motivations et les aspirations des répondantes, sur le rôle des personnes significatives rencontrées, sur les événements marquants et sur l’évolution personnelle des répondantes au moment de leur fréquentation d’un CEA.
Les facteurs scolaires contribuant à la résilience des étudiantes
Plusieurs aspects positifs et appréciés des CEA ont été soulevés dans le discours des jeunes filles. En effet, ces dernières ont identifié quatre principaux aspects qui semblent favoriser leur résilience scolaire : (a) le fonctionnement du centre, (b) la compétence des enseignants et du personnel, (c) l’autonomie et le rythme d’apprentissage individualisé, ainsi que (d) l’ambiance générale et les relations avec les pairs.
Les facteurs individuels contribuant à la résilience des étudiantes
L’analyse du discours des répondantes révèle certains facteurs individuels qui semblent contribuer à leur résilience. Ces facteurs concernent, d’une part, la volonté et les efforts déployés par ces jeunes filles afin d’atteindre leurs objectifs de vie ou de concrétiser des projets qui ont de l’importance à leurs yeux. D’autre part, plusieurs répondantes ont eu à surmonter des événements difficiles dans le passé, qui les ont amenées à développer de nombreuses qualités et compétences intrinsèquement liées à leur résilience. Tout d’abord, les répondantes ont majoritairement affirmé (n=7) être prêtes à déployer les efforts nécessaires afin d’être en mesure d’atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés pour leur avenir. Le désir de s’en sortir par leurs propres moyens et le fait de mériter ce qu’elles obtiennent par les efforts qu’elles déploient sont des aspects qui ont été évoqués à maintes reprises dans le discours de ces jeunes filles. Elles ont évolué au cours des dernières années et elles ont l’ambition d’avancer et de travailler assidûment pour leur réussite.
D’ailleurs, trois répondantes ont souligné qu’elles sont davantage conscientes de leurs aspirations futures depuis qu’elles fréquentent le CEA. Elles conçoivent désormais l’importance d’établir leurs priorités sur le plan scolaire, dans le but d’avoir un emploi qu’elles vont aimer et qui va leur permettre d’être autonomes financièrement. À cet égard, la plupart d’entre elles (n=9) sont impatientes d’obtenir leur diplôme d’études secondaires le plus rapidement possible, afin d’être en mesure de poursuivre leur cheminement scolaire dans un domaine qu’elles apprécient. Bref, les projets personnels et professionnels des répondantes exercent une influence positive sur leur motivation et leur persévérance scolaires.
Les facteurs familiaux contribuant à la résilience des étudiantes
Les répondantes ont vécu certains traumatismes et événements qui se sont avérés difficiles lors leur parcours au primaire et au secondaire. Dans plusieurs situations (n=5), ces événements sont liés à leur famille d’origine. Dans le processus de résilience, la famille n’est pas seulement un facteur ou un ensemble de facteurs de risque et de protection, mais également une entité avec ses caractéristiques particulières, qui s’engage ou non dans un processus de résilience lorsqu’elle est confrontée à une épreuve déstabilisante. Depuis la fréquentation du CEA, deux répondantes soulignent une amélioration de leurs relations familiales. En effet, pour ces jeunes filles, la relation avec leur mère s’est consolidée et est devenue meilleure à la suite des épreuves qu’elles ont dû traverser ensemble. L’une d’elles a rencontré certains problèmes de comportement lors de son passage au secondaire et c’est pour cette raison qu’elle entretenait une relation dysfonctionnelle avec sa mère.
La seconde jeune fille a, quant à elle, éprouvé des problèmes de santé physique et psychologique (dépression, anxiété) ce qui a entraîné des conflits avec sa mère. Elle a commencé à s’automutiler dès l’âge de dix ans en raison d’une faible estime personnelle. Sa mère alors mal à l’aise avec ce comportement n’a pas su comment réagir face à ce problème. Cette situation a alors occasionné des problèmes de communication au sein de la famille. Par la suite, cette répondante a également eu des problèmes de consommation de drogues ce qui a envenimé la relation qu’elle entretenait avec sa mère.
Les facteurs sociaux contribuant à la résilience des étudiantes
L’analyse du discours des répondantes révèle qu’elles ont accordé beaucoup d’importance à leur réseau social tout au long leur parcours scolaire. D’ailleurs, au secondaire, quelques participantes (n=3) accordaient tant d’importance à l’acceptation par les pairs qu’elles en sont venues à adopter des comportements contraires à leurs valeurs pour se faire accepter, altérant ainsi leur cursus scolaire.
Un moment donné je m’étais fait des amies de filles et j’étais rendue que je me foutais des professeurs tu sais là, je faisais ma petite tough là. […] Fait qu’au fond je ne voulais pas le faire parce que je n’aimais pas ça, je me sentais mal. Je les imitais, mais dans le fond ça me faisait mal. Je n’aimais pas ça, je ne voulais pas me sentir comme ça parce que je savais que je n’étais pas comme ça, mais pour me faire accepter il fallait que je sois comme ça. (Répondante #2)
Je me suis fait des nouvelles amies et j’ai commencé à faire de la merde un peu et tout ça là. C’était pas mal une mauvaise influence. (Répondante #7)
Toutefois, depuis le début de leur scolarité au CEA, le réseau social des jeunes filles interrogées semble jouer un rôle différent et plus positif dans leur vie. En effet, elles ont tendance à miser davantage sur un entourage stable, qui leur apporte du soutien et un bon sentiment d’appartenance. Elles veulent établir des liens honnêtes avec les autres et développer un réseau social significatif et positif. Ainsi, leur réseau social actuel leur permet de partager des émotions et des attitudes positives avec leurs pairs, ce qui facilite leur adaptation, tout en leur permettant d’apprendre à réguler leurs états émotionnels négatifs. Donc, le fait d’être bien entourées leur permet de se sentir en confiance dans leur cheminement scolaire, car lors de situations de crises, elles ont des pairs sur qui s’appuyer et avec qui communiquer, leur permettant ainsi de partager leurs angoisses afin de faire face à l’adversité. Certaines d’entre elles ont vécu plusieurs difficultés familiales alors, souvent, leur réseau social leur apporte le soutien affectif dont elles ont besoin.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE
1.1. L’éducation des adultes : quelques éléments historiques
1.2. Du décrochage au raccrochage scolaire : quelques définitions et statistiques
1.3. L’ampleur du raccrochage scolaire en CEA
1.4. La spécificité du décrochage et du raccrochage scolaires chez les jeunes filles
1.5. La pertinence du mémoire
CHAPITRE 2 : RECENSION DES ÉCRITS
2.1. Les caractéristiques des élèves en CEA
2.1.1. Les caractéristiques personnelles
2.1.2. Les caractéristiques scolaires
2.1.3. Les caractéristiques familiales
2.1.4. Les caractéristiques sociales
2.2. Les motivations à l’origine d’un retour aux études au sein d’un CEA
2.3. Le point de vue des jeunes raccrocheurs sur leur expérience scolaire au sein d’un CEA
2.4. La résilience scolaire chez les jeunes des CEA
2.4.1. Le concept de résilience scolaire
2.4.2. Les facteurs favorisant la résilience scolaire des jeunes raccrocheurs inscrits au sein d’un CEA
2.6. Les forces et limites des recherches existantes CHAPITRE 3 : CADRE DE RÉFÉRENCE
3.1. Les principaux fondements de l’approche systémique
3.2. Les principaux concepts de l’approche systémique et leur application au phénomène de la résilience scolaire au sein des CEA
CHAPITRE 4 : MÉTHODOLOGIE
4.1. Le type de recherche
4.2. Les objectifs de recherche
4.3. La population et l’échantillon à l’étude
4.4. La méthode et les outils de collecte des données
4.5. L’analyse des données
4.6. Les considérations éthiques
4.7. La pertinence de la présente étude
CHAPITRE 5 : RÉSULTATS
5.1. Les caractéristiques sociodémographiques des participantes
5.2. Les motivations des participantes à s’inscrire dans un CEA et les obstacles rencontrés
5.3. Les événements marquants dans le processus de résilience scolaire des étudiantes
5.4. L’image de soi en tant qu’élève au CEA
5.5. L’évolution de l’image de soi dans le discours des répondantes
5.6. L’évolution personnelle des répondantes, du primaire au CEA
5.7. Les facteurs de résilience scolaire
5.7.1. Les facteurs scolaires contribuant à la résilience des étudiantes
5.7.2. Les facteurs individuels contribuant à la résilience des étudiantes
5.7.3. Les facteurs familiaux contribuant à la résilience des étudiantes
5.7.4. Les facteurs sociaux contribuant à la résilience des étudiantes
5.8. Le rôle des tuteurs de résilience
CHAPITRE 6 : DISCUSSION
6.1. Les facteurs ayant influencé le parcours scolaire des raccrocheuses en CEA
6.1.1. Les facteurs personnels, scolaires, familiaux et sociaux liés au décrochage des répondantes
6.1.2. Les facteurs de protection et les apports personnels en lien avec le CEA
6.1.3. Les facteurs de résilience cités par les répondantes
6.2. L’analyse des différents profils des raccrocheuses
6.3. La contribution de la recherche
6.4. Les limites et les forces de la recherche
6.5. Les avenues et les perspectives de recherche
CONCLUSION
RÉFÉRENCES