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La coopération
A l’inverse de la pédagogie traditionnelle, la pédagogie Freinet repose majoritairement sur la coopération entre élèves pour construire et favoriser les apprentissages. La coopération, dans le rapport au savoir, se définit comme un ensemble d’élèves qui interagissent, échangent et participent chacun à la construction de leurs propres apprentissages. Ainsi, cette coopération se traduit par différentes organisations au sein de la classe : l’aide, l’entraide, le tutorat, le travail en groupe, la démarche de projets, les conseils et jeux coopératifs et les marchés de connaissances.
L’ensemble de ces dispositifs permet aux élèves de travailler avec leurs pairs afin qu’ils s’approprient tous le savoir, car, comme le dit François Le Ménahèze (cité par Connac, 2009, p. 53) : « c’est à plusieurs qu’on apprend tout seul ».
Nous aborderons ici trois dispositifs pour organiser la coopération : le travail en groupe, le tutorat et les brevets.
Le travail en groupe
Le travail en groupe est une démarche régulièrement sollicitée dans les classes de la pédagogie Freinet. En effet, l’un des principes majeurs de Célestin Freinet est que l’élève est membre d’une communauté. Ainsi, chacun apprend de soi, apprend des autres et c’est donc le groupe qui prime sur l’individu. C’est dans cette optique que le travail en groupe s’inscrit.
Selon Sylvain Connac (2009), lors d’un travail en groupe, les élèves sont face à une « situation-problème » scrupuleusement choisie par l’enseignant. L’objectif est que chaque élève, après avoir réfléchi seul dans un premier temps, confronte ses représentations avec les membres de leur groupe. Ainsi, toutes les représentations initiales qui émergent au sein du groupe vont créer un conflit socio-cognitif et c’est à partir de ce conflit que vont naître des questionnements pour lesquels les élèves auront besoin d’une réponse. C’est en créant ce conflit que l’élève va être disposé à entendre et s’approprier le savoir énoncé par l’enseignant afin d’ajuster ses connaissances ou d’en construire de nouvelles. C’est en cela que le travail en groupe prend tout son sens pour l’élève.
Comme illustré ci-dessus, le travail en groupe nécessite une organisation respectant une certaine chronologie des étapes. En effet, après avoir pris connaissance de la situation-problème (étape 1), l’enseignant veille à expliciter la consigne et s’assure de sa compréhension par tous (énoncé, durée, étapes, explicitation, questions, reformulation). C’est lors de l’étape 3 que les élèves vont réfléchir, dans un premier temps de façon individuelle, pour pouvoir ensuite échanger avec les membres de leur groupe. Il est primordial que l’élève cherche d’abord seul pour pouvoir apporter ensuite ses propres idées et représentations sans être influencé par celles des autres. Ensuite, une mise en commun est faite au cours de ce travail. Soit les échanges permettent une institutionnalisation des savoirs, soit l’enseignant considère que les élèves n’ont pas été dans la bonne direction et propose des outils, des aides ou une autre consigne pour continuer le travail de recherche en groupe afin que l’institutionnalisation des apprentissages arrive au moment où les élèves en ont besoin et non pas en plein milieu de leur recherche car cela risquerait d’être contre-productif en termes d’apprentissages.
Le tutorat
Selon Connac (2009), Le tutorat est l’une des composantes des relations coopératives dans une classe. En effet, il implique deux élèves : un tuteur et un tutoré. Le rôle du tuteur est d’apporter une aide à un élève qui en fait la demande. Pour que cette organisation fonctionne, il faut que les deux acteurs soient volontaires : le tuteur accepte d’aider le tutoré ; le tutoré demande à être aidé par le tuteur. Il est donc question ici d’une réciprocité entre tuteurs et tutorés. Mais comment cela s’organise concrètement en classe ?
D’abord, un élève tuteur a parcouru plusieurs étapes avant de le devenir. En effet, tous les élèves ne peuvent pas forcément l’être car certaines conditions sont requises telles qu’un test d’évaluation au tutorat (brevet de tuteur, annexe 1), la prise de connaissance des règles lorsqu’on est tuteur (exemple : d’abord terminer son travail, ne pas donner la réponse, ne pas se moquer…) et respecter le principe de parité car « un tuteur n’est pas un « chef » qui commande celui qui aide. Il est là pour l’accompagner et répondre à ses questions afin que ses journées à l’école se passent bien. »1
Connac (2009) souligne que la mise en place du tutorat dans une classe permet à l’enseignant de ne pas être la seule personne ressource pour apporter de l’aide et cela prouve aux élèves qu’ils sont, eux aussi, capables d’expliquer et d’aider leurs pairs. C’est un dispositif qui repose sur la confiance. Pour faciliter l’organisation du dispositif dans la classe, des outils peuvent être utilisés par les élèves comme le tétra’aide (annexe 2), qui permet à l’enseignant ou les tuteurs de visualiser les demandes urgentes et de savoir, d’un rapide coup d’œil, grâce aux couleurs, comment les élèves évoluent dans leur travail. De manière plus directe, le passeport (annexe 2) permet à chaque élève qui demande de l’aide de le déposer près d’une personne ressource pour qu’elle lui vienne en aide. Soit cette personne est disponible et vient en aide directement à l’élève, soit il viendra vers lui ultérieurement et dans ce cas, l’élève demandeur passe à un autre travail.
Contrairement à ce que nous pourrions penser, le tutoré n’est pas le seul à bénéficier des avantages de ce dispositif. En effet, le tuteur qui réussit à aider un élève à résoudre un problème est la preuve qu’il l’a lui même résolu. Il s’est également mis à la place du tutoré pour comprendre l’obstacle qu’il rencontrait et ainsi y répondre au mieux. Être tuteur c’est donc aussi avoir la capacité à s’adapter à la personne que l’on aide. Aussi, le fait d’expliquer à quelqu’un d’autre comment nous avons fait, demande une réflexion méta-cognitive sur sa propre démarche. Autrement dit, le tuteur doit se souvenir comment il est parvenu à la réponse et s’interroger sur le cheminement mental qu’il a emprunté pour résoudre le problème. Finalement, cette activité mentale oblige le tuteur à réactualiser ses connaissances, voire les renforcer et les modifier. Connac dira même que « celui qui enseigne apprend plus que celui qui reçoit » (2009, p.54).
Les brevets
Selon Freinet (1949), les brevets ont été mis en place pour mettre l’accent sur les réussites des élèves plutôt que sur leurs insuffisances ou leur échecs. Les brevets scolaires sont imités des brevets scouts pensés par Baden-Powel qui avait remarqué l’envie spontanée des enfants à se surpasser sans cesse. Ainsi, le choix des brevets proposés aux élèves prend en considération leurs besoins.
En fonction des préférences et des tendances des élèves, l’enseignant leur indique les épreuves de brevets correspondants. Ensuite, l’élève peut s’entraîner jusqu’à l’épreuve. Or, il ne suffit pas d’apprendre par cœur ou de « bachoter » pour réussir un brevet. En effet, l’épreuve consiste à un travail qui est régulier et méthodique et qui demande beaucoup d’entraînements en perspective d’une conquête définitive. Freinet (1949) prend l’exemple du brevet sportif où quelques entraînements avant le jour du brevet s’avéreraient inefficaces puisque « les muscles n’obéissent ni à la mémoire, ni à la mnémotechnie ». Il en est ainsi pour les brevets scolaires.
Ces brevets permettent désormais d’agir : ils ont pour but de sanctionner « une activité effective, une réalisation ou une conquête » (Freinet, 1949).
Toutefois, Freinet (1949) ajoute que la mise en place de brevets nécessite des outils. Par exemple, nous ne pourrons pas proposer un « brevet d’imprimeur » s’il n’y a pas d’imprimerie dans l’école. Une liste de brevets a donc été établie en corrélation avec le plan de travail de l’ICEM2. Cette liste comprend :
– des brevets obligatoires qui concernent les thèmes majeurs de l’École (Lecture, sciences, histoire-géographie…) ;
– des brevets accessoires (fruitier, grimpeur, chasseur, explorateur…).
Il revient ensuite à l’enfant de choisir parmi la liste des brevets proposés en fonction de ses propres intérêts. Cependant, Freinet (1949) ayant remarqué que les enfants étaient attirés par les brevets qui demandent le moins d’efforts intellectuels et qui présentent rapidement un résultat visible aux yeux de tous (dessinateur, graveur, cuisinier…), l’élève doit tenter au moins trois brevets obligatoires.
Freinet (1949) explique qu’un travail régulier tout au long de l’année assure le certificat technique à tous les élèves. Grâce aux brevets, il n’y a plus d’échec. Le brevet est le symbole d’une compétence atteinte. En outre, Freinet avertit les éducateurs qu’ils ne doivent pas décerner des brevets à des élèves qui ne le méritent que partiellement. Sa valeur en serait atteinte.
Il existe plusieurs avantages à mettre en place des brevets. D’abord, selon Freinet (1949), le brevet permet de valoriser chaque élève et l’invite à aller le plus loin possible dans ses apprentissages. L’évaluation devient ainsi naturelle et la détermination des objectifs émane de l’élève lui-même. Ensuite, toujours selon Freinet (1949), le brevet est le témoin des compétences de l’élève. Il peut donc être source d’indications pour une future orientation de l’enfant. Le brevet peut également être valorisé en dehors de la sphère scolaire. Enfin, Connac (2009) explique que le brevet est attribué à un élève qui connaît ou sait faire quelque chose qu’il est capable d’expliquer à d’autres. Ainsi, un élève qui détient un brevet sur une compétence ou une connaissance peut venir en aide à ceux qui en ont besoin. Cela rejoint l’esprit de coopération que nous évoquions ci-dessus. Dans Le Nouvel Educateur, l’ICEM (2008) précise que l’élève peut inscrire son nom dans un tableau en face du brevet acquis pour signifier aux autres qu’il peut être une personne ressource dans le domaine en question. Les brevets ont donc du sens car ils s’inscrivent dans un travail coopératif. Ils profitent à l’apprenant qui en apprécie l’excellence.
Comme le soulignent Robbes et Héveline (2000), les techniques Freinet engagent l’élève dans un travail qui articule aussi bien ses désirs que ses apprentissages. De plus, ces techniques imposent une certaine coopération pour qu’aboutissent des projets par exemple. Toutefois, les activités collectives n’empêchent pas la mise en place de travail individualisé dans la classe, respectant les rythmes d’apprentissage de chacun. L’élève trouve donc sa place au sein du groupe et au sein de la classe. Ces techniques Freinet, dotées d’une forte cohérence interne (Robbes, B. Héveline, E. 2000), ne seraient-elles pas source de motivation pour l’élève ?
La motivation
Définition
Dans La motivation en contexte scolaire (1994), Rolland Viau constate que la plupart des enseignants définissent la motivation en fonction de ce qu’ils ont observé dans leur classe. Ainsi, ils tirent des explications de leurs observations pour conclure qu’un élève est motivé s’il écoute attentivement en classe et qu’il travaille avec persévérance. Or, une telle définition de la motivation semble trop vague pour pouvoir agir sur celle-ci.
Viau (1994) propose alors une définition plus scientifique de la motivation s’inspirant des travaux de chercheurs (Schunk, Zimmerman, Pintrich, Schrauben p.7):
La motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but.
Autrement dit, Viau explique que la motivation n’est pas un phénomène statique et donc qui est sujet au changement. Les perceptions que l’élève a de l’activité jouent un rôle prépondérant sur sa motivation ainsi que les conditions au sein desquelles se déroule l’apprentissage. Cette définition permet aux enseignants de comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’aimer une discipline pour être motivé : il faut également que les conditions d’apprentissage soient pensées afin d’influencer la motivation des élèves.
Selon Viau (1994), les caractéristiques individuelles de chaque élève doivent être prises en compte pour concevoir des activités pédagogiques. Les caractéristiques individuelles en contexte scolaire sont :
1. L’intelligence : les tests d’intelligence permettent d’identifier les difficultés d’apprentissage afin d’aider l’élève à exploiter au maximum son potentiel intellectuel.
2. Les connaissances antérieures qui établissent le lien entre ce que l’élève sait et ce qu’on lui enseigne pour lui donner du sens.
3. Les styles cognitifs et les styles d’apprentissage représentent les préférences de chacun dans la façon d’apprendre, penser, comprendre…
4. Les émotions qui correspondent à la manière dont une personne perçoit ce qui lui arrive. En contexte scolaire, l’émotion peut apparaître lors de la réception d’une note par exemple.
5. L’anxiété, qui procure du stress et des réactions physiologiques (transpiration, maux de tête), a un effet négatif sur l’apprentissage car l’élève appréhende les conséquences d’un échec éventuel et perd ses moyens. Le temps d’évaluation développe davantage l’anxiété.
6. Enfin, la motivation est l’élément essentiel à prendre en considération pour expliquer le comportement des élèves face aux apprentissages. De plus, certaines caractéristiques individuelles influencent la motivation des élèves. Par exemple, si les connaissances antérieures de l’élève ne sont pas prises en compte par l’enseignant, cela peut créer des problèmes de motivation chez les élèves qui ne perçoivent pas de lien entre ce qu’ils savent et ce qu’on leur enseigne et tendent donc à se décourager. Quant aux émotions, elles sont, pour certains chercheurs, source de motivation…
Viau (1994) souligne que ces caractéristiques individuelles, étant difficilement observables, sont mesurées par l’intermédiaire de comportements qu’elles engendrent. Par exemple, pour tenter de mesurer la motivation, l’enseignant va focaliser son attention sur la persévérance de l’élève dans l’accomplissement d’une tâche.
La motivation apparaît donc comme un processus complexe, nourrit de diverses sources et en lien avec le milieu, les besoins, les réussites, les moyens, le sens et le but de l’élève. Ainsi, comme le souligne Viau (1994), « la motivation joue un rôle de premier plan dans l’apprentissage » (p. 1).
Les différents types de motivation
Selon une étude de l’INPES3 (août 2006) sur La santé des élèves de 11 à 15 ans en France, un déficit en matière de motivation scolaire est notable chez les élèves français. Connac (2009) souligne donc que la question de la motivation en contexte scolaire est au cœur des problématiques éducatives. En s’appuyant sur les théories humanistes de la motivation, il distingue trois types de motivation.
D’abord, la motivation extrinsèque qui est régie par les renforcements : l’activité est pratiquée à des fins précises (exemple : obtenir une bonne note, éviter une sanction). Ainsi, cette motivation est provoquée par des pressions et stimulations extérieures à l’élève.
En revanche, la motivation intrinsèque est l’attrait de l’activité pour elle-même. En effet, l’élève va s’engager dans une activité parce qu’il trouve de la satisfaction à agir en fonction de ses propres attentes et des objectifs qu’il s’est fixé. La curiosité, l’appartenance sociale, l’autodétermination et le sentiment de compétence contribuent activement au développement de la motivation intrinsèque. Au contraire, les récompenses ou tout autre renforcement contribueraient à diminuer cette motivation (l’intérêt est diminué par la contrainte). Lieury et Fenouillet (1996) iront jusqu’à dire que « le renforcement tue la motivation intrinsèque » (p.29).
Enfin, l’amotivation correspond quant à elle à l’absence de toute motivation. Parfois nommée « résignation apprise », elle apparaît lorsque l’élève ne perçoit plus l’utilité de son action. Selon Lieury et Fenouillet (1996), les élèves démunis de motivation attribuent leurs échecs à des causes internes où ils n’exercent pas de contrôle sur celles-ci. C’est le cas par exemple d’une déficience de l’intelligence. En revanche, l’élève peut influer sur d’autres causes internes, comme le manque de sérieux, et se mettre à travailler.
L’ensemble des travaux de chercheurs montre que c’est la motivation intrinsèque qui est valorisée à l’école car elle invite l’élève à persévérer hors de la pression sociale (ibid. p.131). Pourtant, comme le soulignent Lieury et Fenouillet (ibid.), tout concourt à réduire la motivation intrinsèque à l’école car elle est obligatoire et la compétition sociale ajoutée à la hiérarchie des disciplines sont perçues comme des contraintes qui engendrent la baisse de l’intérêt et de la curiosité…
les facteurs de motivation: modèle de Viau (1994)
Rappelons-le, Viau définit la motivation en contexte scolaire comme « un état dynamique » émanant des perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité et à y persévérer pour atteindre un but.
Il modélise cette définition de la motivation en contexte scolaire par un schéma (annexe 3) qui met en lumière les déterminants et les indicateurs de la motivation. Les indicateurs permettent de mesurer le degré de la motivation d’un élève alors que les déterminants correspondent à la manière dont l’élève perçoit les activités d’enseignement et d’apprentissage qu’il doit accomplir. D’après les recherches sociocognitives en pédagogie, la motivation en contexte scolaire serait principalement influencée par trois types de perception :
– la perception de la valeur d’une l’activité ;
– la perception de sa compétence à l’accomplir ;
– la perception de la contrôlabilité de son déroulement et de ses conséquences.
la perception de la valeur d’une activité
Selon Viau, « la perception de la valeur d’une activité est un jugement qu’un élève porte sur l’utilité de celle-ci en vue d’atteindre les buts qu’il poursuit » (p.44, 1994). Autrement dit, l’élève se demande pourquoi il ferait cette activité, ce qu’elle va lui apporter et si celle-ci lui permet d’atteindre ses buts avant même de s’engager dans la tâche. Les réponses à ces questions influenceront sa motivation, son engagement et sa persévérance dans l’activité.
Si nous reprenons le concept de « perspective future » de Viau, un élève dont les aspirations sont claires et dont les buts pour les réaliser sont bien étalés dans le temps sera plus en mesure de percevoir la valeur d’une activité bien que celle-ci ne lui offre pas de récompenses immédiates. En revanche, un élève dont les buts sont confus ou peu structurés n’a pas de point de référence pour juger de la valeur d’une activité, surtout si celle-ci ne lui apporte pas de satisfactions immédiates. Les activités scolaires, qui demandent du travail, de la persévérance et un engagement cognitif, n’attirent pas ou peu les élèves dépourvus de but car ils n’en perçoivent pas l’utilité.
Pour qu’un élève s’engage dans une activité, il est primordial qu’il sache pourquoi il le fait et ce que cela va lui apporter. L’enseignant a un rôle clé dans la perception que les élèves ont de l’activité car il doit les aider à percevoir la valeur de la matière proposée et établir des liens entre l’activité proposée et les différents domaines qui intéressent les élèves. Ainsi, l’entrée dans l’activité sera différente car l’élève s’y engagera non pas pour répondre à la demande du professeur mais parce qu’il y trouvera du sens et en tirera un plaisir personnel.
Un élève qui ne comprend pas la tâche qu’il doit effectuer, qui ne trouve pas de sens dans celle-ci ne pourra être motivé pour la faire. Pour être motivé, il faut connaître le sens et la valeur de la tâche.
La perception de sa compétence
Toujours selon Viau, la perception de sa compétence consiste pour l’élève à évaluer ses capacités à accomplir une activité. Bandura (1986, cité par Viau , 1994, p.57) indique qu’il existe quatre sources de la perception de sa compétence :
1. Les performances antérieures : l’élève, face à une activité comportant un degré élevé d’incertitude quant à sa réussite, prend comme points de références ses réussites et ses échecs antérieurs.
2. L’observation de l’exécution d’une activité par d’autres : en observant une démonstration faite par l’enseignant ou par un pair, l’élève apprend comment faire la tâche tout en évaluant ses compétences à l’accomplir. Selon certains chercheurs, quand l’élève observe un pair, sa perception de sa compétence est davantage influencée car l’élève s’identifie plus facilement à un pair qu’à l’enseignant qu’il considère comme un spécialiste. Si l’élève observe un pair ayant les mêmes caractéristiques que lui et qui réussit la tâche, alors il s’en sentira lui aussi capable (1991, Schunk, cité par Viau, 1994, p.57)
3. La persuasion permet à l’élève de se sentir capable de réaliser une tâche et de prendre conscience de ses capacités grâce à l’intervention de l’enseignant ou d’autres intervenants en milieu scolaire qui le convainquent et l’encouragent avant et pendant l’exécution.
4. Les réactions physiologiques et émotives peuvent également influencer la perception de sa compétence d’un élève car des signes d’angoisse ou de suées lors d’un examen peuvent être interprétés par l’élève comme étant des signes d’échec quant à la tâche demandée.
Ces quatre sources de la perception de sa compétence sont principalement axées du point de vue de l’élève. Notons que d’autres sources qui proviennent de l’enseignement influencent également le jugement que l’élève porte sur sa compétence à accomplir une activité. Par exemple, la perception de l’enseignant sur le travail de l’élève, ses modes d’évaluations ou ses commentaires influencent l’opinion de l’élève qu’il a de sa compétence à faire l’activité.
Pour illustrer notre propos, considérons deux enseignants : enseignant A et enseignant B. Lors de la correction d’une dictée de dix mots en classe de CE1, l’enseignant A relève trois erreurs sur une copie. Sur cette même copie, l’enseignant B relève sept mots correctement orthographiés. A priori, il n’y a pas de différence entre les deux corrections. Or, l’un comptabilise les erreurs (voire les « fautes », selon le point de vue) alors que l’autre souligne les réussites. Si l’on comptabilise les mots correctement orthographiés plutôt que les incorrectes, l’enseignant pratique l’évaluation positive et l’élève ne sera pas découragé ou démotivé par ce feedback car « la satisfaction provoquée par la réussite pousse à d’autres réussites » (Theytaz, P. 2007, p.72).
Viau ajoute (1994, p.60) que les recherches de Schunk en 1982 montrent que les feedbacks peuvent influencer l’opinion que les élèves ont de leur compétence. Un élève qui reçoit un feedback positif sur l’effort qu’il a fourni ou sur son aptitude dans une discipline améliore l’opinion qu’il a de sa perception de sa compétence à accomplir une tâche. Au contraire, un feedback négatif du type « tu n’es pas un matheux » renforce et entretien l’opinion négative de l’élève sur ses compétences dans cette discipline.
Nous constatons qu’il est difficile pour l’élève d’avoir une perception réaliste de sa compétence à accomplir des activités. Les feedbacks s’avèrent subjectifs selon l’enseignant et parfois l’élève se juge trop ou pas assez compétent. Pour remédier à cette difficulté de perception, Viau (1994) propose de fournir aux élèves des outils pour s’autoévaluer le plus justement possible. En effet, au lieu d’essayer de persuader l’élève sur ses compétences, il semblerait plus judicieux de lui apprendre à devenir plus compétent, notamment en lui laissant une large part de responsabilités en matière d’évaluation, grâce à des outils mis à sa disposition.
La perception de contrôlabilité de la tâche
La perception de contrôlabilité est définie par Viau (1994) comme « la perception qu’un élève a du degré de contrôle qu’il possède sur le déroulement et les conséquences d’une activité qu’on lui propose de faire » (p.64). Un élève a une perception élevée de la contrôlabilité s’il choisit de plein gré une stratégie qui lui permettra de résoudre le problème auquel il est confronté. Au contraire, un élève qui suit une démarche imposée sans réellement percevoir si celle-ci lui permettra de réussir la tâche, a, quant à lui, une faible perception de contrôlabilité. De ce fait, nous constatons que l’enseignant occupe un rôle clé dans cette perception car il doit léguer une part de contrôlabilité à l’élève.
Toutefois, la part de contrôle accordée aux élèves n’est pas bénéfique pour tous car certains ont besoin d’être guidés, contrôlés et se trouvent désavantagés s’ils en sont désormais responsables. Deux facteurs influencent la perception de la contrôlabilité de l’élève selon Tardif, McCombs et Candy :
1. la perception de sa compétence (développée ci-dessus) ;
2. les perceptions attributionnelles : l’élève attribue ses réussites et ses échecs à des causes différentes.
Les causes invoquées par les élèves ont été classées par Weiner selon trois dimensions :
– le lieu de la cause : soit la cause est interne à l’élève (talent, persévérance, fatigue, etc.) soit la cause est externe (chance, qualité de l’enseignement, etc.) ;
– la stabilité de la cause : la cause peut être stable si elle a un caractère permanent aux yeux de l’élève (c’est le cas de l’intelligence). En revanche, une cause qui fluctue régulièrement est dite modifiable ;
– le contrôle de la cause : certaines causes ne sont pas contrôlables par l’élève car il n’a aucun pouvoir sur celles-ci (exemple: la chance). D’autres causes sont dites « contrôlables » si l’élève a l’opportunité de les éviter.
Ces trois dimensions mettent en lumière la relation étroite entre les perceptions attributionnelles d’un élève et sa perception de la contrôlabilité d’une activité. En effet, si l’élève attribue son échec à une cause interne, modifiable et contrôlable, il pourra, lorsqu’il devra accomplir à nouveau cette activité, éviter les facteurs qui ont précédemment causé l’échec afin, cette fois-ci, de réussir la tâche. En revanche, un élève qui attribue son échec à une cause externe, stable et incontrôlable n’aura pas une perception élevée de la contrôlabilité de son déroulement car, selon lui, il ne pourra pas agir sur ces causes. Si les échecs perdurent malgré une succession d’efforts, l’élève peut sombrer dans une impression de n’avoir aucun contrôle sur ce qui lui arrive. Seligman nomme cette réaction d’abandon « l’impuissance apprise » (cité par Viau, 1994, p.68) qui est la forme la plus négative de la perception de contrôlabilité.
Selon une recherche de Findley et Cooper (1983), il existerait une relation positive entre la perception de sa contrôlabilité et la performance de l’élève. Autrement dit, plus un élève sent qu’il contrôle son apprentissage, plus il est performant car il est conscient des causes qui le mènent à la réussite.
Cependant, il ne suffit pas de savoir ce qu’il faut faire pour être motivé, il faut aussi savoir quand le faire. C’est pourquoi l’organisation et la gestion du temps semblent essentiels pour créer de bonnes conditions pour apprendre (exemple : plan horaire quotidien). En effet, comme le souligne Philippe Theytaz dans Motiver pour apprendre : « la régularité du rythme des activités donne un cadre clair et sécurisant qui permet […] d’évaluer ce qui a été fait et ce qui reste à faire » (p.27).
Finalement, pour qu’un élève s’engage dans une tâche et soit motivé pour la réaliser, il semble important de lui communiquer les exigences qu’elle comporte, les différentes étapes qu’elle nécessite pour qu’il soit en mesure de savoir quand le but est atteint, car, comme le souligne Viau (1994), la motivation naît en partie lorsque l’élève se sent capable de maîtriser la tâche à accomplir. De ce fait, nous pouvons nous demander si l’autonomie accordée à l’élève lui permet de développer et de renforcer sa perception de contrôlabilité…
L’autonomie
Définition
Selon Domenico Masciotra et Fidèle Medzo (2009), rendre l’élève autonome est l’une des finalités de l’éducation et de l’école. En effet, l’autonomie est un concept qui englobe toutes les dimensions du développement d’une personne telles que l’esprit critique, l’esprit d’équipe, l’esprit démocratique (p.30). Bien qu’un curriculum scolaire ne puisse, à lui seul, prendre la responsabilité du développement de l’autonomie, il peut y contribuer en grande partie afin d’aider l’élève à prendre des initiatives, se prendre en charge, être responsable, compétent, indépendant…
Masciotra et Medzo précisent qu’une personne autonome ne fait pas qu’assumer différents rôles mais « doit disposer de moyens pour élaborer et réaliser des projets personnels, améliorer ses conditions de vie et prendre en charge son développement personnel, voire la réalisation de soi ». (p.31). Ainsi, ces auteurs estiment qu’un curriculum scolaire doit veiller à ce que :
– l’élève dispose des ressources suffisantes et nécessaires pour remplir de façon autonome ses rôles sociaux et ainsi prendre en charge son développement personnel ;
– l’élève puisse mettre en action ces ressources avec compétence ;
– l’élève ait intériorisé les valeurs et les règles sociales qui sont rattachées aux rôles sociaux ;
– l’élève puisse agir par lui-même ;
– l’élève ait développé des dispositions et des attitudes appropriées en assurant une maîtrise de soi (autonomie affective).
En complément du premier point, Jonnaert, dans Compétence et socioconstructivisme (cité par Masciotra et Medzo, 2009, p.33) souligne que pour être autonome, une personne doit disposer de ressources internes :
– des ressources cognitives (des connaissances diverses),
– des ressources conatives (attitude, savoir-être, traits de personnalités, etc.),
– des ressources corporelles (force physique, dextérité, etc.).
Ainsi, Masciotra et Medzo (2009) décèlent une limite à l’autonomie car l’individu n’est autonome que dans les situations ou domaines où il dispose de ressources suffisantes. Ces auteurs considèrent qu’ « être autonome, c’est réfléchir, penser, décider, faire des projets ou agir de soi-même ». (p.36). Cette proposition de définition soulève un point important : ce qui caractérise l’autonomie est le fait qu’elle permette de prendre des initiatives et donc ne se réduit pas seulement à l’exécution des tâches…
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Table des matières
matières
1 Quelques techniques Freinet
1.1 La coopération
1.1.1 Le travail en groupe
1.1.2 Le tutorat
1.2 Les brevets
2 La motivation
2.1 Définition
2.2 Les différents types de motivation
2.3 les facteurs de motivation: modèle de Viau (1994)
2.3.1 la perception de la valeur d’une activité
2.3.2 La perception de sa compétence
2.3.3 La perception de contrôlabilité de la tâche
3 L’autonomie
3.1 Définition
3.2 Les différentes formes d’autonomie
3.3 Les stratégies d’autorégulation
3.4 Un outil pour développer l’autonomie : le plan de travail
3.4.1 Principe de fonctionnement
3.4.2 L’élaboration du plan de travail
3.4.3 L’importance du choix
3.4.4 Rôle de l’enseignant
3.4.5 L’auto-évaluation
3.4.6 Conclusion
4. Problématique et hypothèses
5. Méthodologie de recherche
5.1 Justification du choix méthodologie
5.2 Les modalités du recueil de données
5.3 Mise en place concrète
6. Résultats et analyse
6.1 Résultats bruts
6.1.1 Retranscription d’entretiens
6.1.2 Thématiques
6.2 Analyse et croisement des données
6.2.1 Analyse longitudinale
6.2.2 Analyse transversale
6.3 Discussion
7. Conclusion
Bibliographie
Sitographie
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