LES FACTEURS DE L’EROSION COTIERE
On parle d’érosion côtière lorsqu’il se produit sur le long terme (50 ans environ) une avancée de la mer sur le continent. Ceci se traduit par un recul de la ligne de rivage qui est principalement dû à des modifications qui affectent 3 composantes importantes du littoral qui contribuent au profil de plage. Il s’agit :
– des agents dynamiques, pourvoyeurs d’énergie (houles, courants ou marées) ;
– du niveau marin et de ses variations ;
– de la quantité de sédiments disponibles le long du littoral (stock sédimentaire) .
A chaque fois qu’il y a une modification de l’une de ces composantes, on peut avoir une modification du littoral, soit dans le sens de l’accumulation, soit vers l’érosion.
Les agents dynamiques
Les côtes sénégalaises, caractérisées par une faible amplitude de marée (côtes microtidales), subissent l’action prédominante de trois principaux agents dynamiques qui assurent la mobilité des sédiments littoraux. Il s’agit des vents, des houles et des courants de houles.
Les vents
Les variations saisonnières de la position et de l’importance des centres de pressions (anticyclones des Açores, de Sainte Hélène et de Lybie) et de la dépression saharienne conditionnent notamment l’occurrence et les caractéristiques aérologiques des saisons climatiques et des régimes pluviométriques en Afrique de l’Ouest. Au Sénégal, 3 flux d’air saisonnier se déplacent et alternent tout au long de l’année :
– L’alizé maritime est de secteur nord à nord-est et souffle avec des vitesses de 5 à 6 m.s-1 . Il se maintient toute l’année le long du littoral de Dakar à Saint-Louis et sur la Petite Côte ;
– L’harmattan est de secteur nord ouest et souffle à l’intérieur du pays de mars à mai avec des vitesses maximales en avril de 6,2 m.s-1 en moyenne ;
-La mousson vient du sud-ouest avec des vitesses moyennes inférieures à 4,5 m.s1 et installe la saison des pluies. Elle a une action prédominante le long du littoral sud d’avril à octobre.
Ces flux d’air interviennent dans la morphologie côtière car :
● Ils favorisent le transport de sable avec formation de dunes littorales s’il y a suffisamment de sables et des vents dominants dirigés vers le continent. Le long de la Grande Côte, les alizés maritimes sont en partie responsables de la formation des massifs dunaires littoraux (dunes blanches et jaunes);
● Ils sont à l’origine dans les hautes latitudes des houles lointaines (houles du NordOuest et du Sud-Ouest). Quand ils sont suffisamment forts, des houles locales peuvent être générées à proximité des rivages;
● Ils renforcent ou diminuent les houles d’origine lointaine selon qu’ils soufflent dans le même sens ou en sens opposé de ces houles.
Les houles
Les houles sont des phénomènes ondulatoires qui affectent la surface de l’eau et qui sont engendrés par les vents. Elles se caractérisent par leur longueur d’onde (L), leur hauteur (H), leur vitesse de propagation ou célérité (C), leur direction de propagation et leur cambrure (H/L). A partir du moment où la profondeur est égale à une demi longueur d’onde de houle, celles ci subissent des modifications de caractéristiques et éventuellement de leur direction. Au Sénégal, nous avons les houles d’origine lointaine et les vagues d’origine locale.
Les houles d’origine lointaine
Elles sont essentiellement de 2 types :
– Les houles du Nord-Ouest : issues de l’Atlantique nord et présentes toute l’année le long des côtes sénégalaises avec une direction variant entre N320° et 20°. Le long de la Grande Côte, elles génèrent un flux d’énergie important avec une puissance moyenne de 18 kW par mètre de crête de houle (Nardari, 1993) (figure 9). Ces houles présentent les caractéristiques suivantes en eau profonde :
– une hauteur moyenne (Hm) de 1,67 m ;
– une période moyenne (Tm) de 6,3 secondes ;
– une longueur d’onde moyenne (L) de 62 m ; ce qui donne une cambrure (H/L) de 0,027.
En arrivant à la côte, elles subissent des phénomènes de réfraction. De plus, elles effectuent une rotation autour de la presqu’île du Cap Vert, suite à des diffractions sur au moins trois pointes : la Pointe des Almadies, le Cap Manuel et la pointe de Bel Air (Riffault, 1980). Ceci induit une modification de leur direction qui devient Sud Ouest à Ouest mais surtout leur amortissement quand elles abordent la Petite Côte (Niang-Diop 1995). Elles arrivent à la Petite Côte avec une puissance légèrement supérieure ou même égale à 1 kW.m-1 de crête de houle (Nardari, 1993).
– Les houles du Sud-Ouest, issues de l’Atlantique sud, ont des effets surtout perceptibles pendant l’hivernage (entre juillet et octobre), principalement sur la Petite Côte. Les houles ont une direction comprise entre N180° et N230°. Elles sont caractérisées par :
– une hauteur moyenne de 1,49 m ;
– une période moyenne de 5,7 secondes ;
– une longueur d’onde moyenne de 51 m ; ce qui donne une cambrure de 0,029.
Selon Nardari (1993), la puissance moyenne de cette houle sur la Petite Côte serait d’environ 11 kW.m-1 de crête de houle. La presqu’île du Cap Vert reçoit moins d’énergie de la part de la houle du Sud-Ouest que de celle du Nord-Ouest.
En plus de ces deux catégories de houles, le littoral peut être atteint par des houles d’Ouest (N 260° à N 270°), issues des cyclones dans la mer des Caraïbes. Avec une période moyenne de 7,33 s, une hauteur moyenne de 1,78 m et une longueur d’onde moyenne de 73 m, la houle d’Ouest apparaît sur les côtes sénégalaises aux mois d’octobre à décembre. Très énergétique, elle peut atteindre des puissances de l’ordre de 34 kW par mètre de crête de houle dans la baie de Rufisque (Nardari, 1993) (figure 9).
Les vagues d’origine locale
Ce sont des vagues plus ou moins régulières qui sont engendrées par les vents locaux et se superposent aux houles d’origine lointaine. Leurs caractéristiques sont donc liées à celles des vents locaux. Les vagues sont en général plus hautes mais de période courte. Les maxima des hauteurs de vagues coïncident avec la saison des alizés de NE. Leur période varie entre 3 et 5 s et elle ne dépasse 4 s que lorsque les vitesses des vents deviennent supérieures à 6 m.s-1 (Nardari, 1993). Selon Masse (1968), dans la région comprise entre le Cap Rouge et Mbour, on observe des vagues qui abordent la côte avec un angle d’incidence toujours supérieur à celui la houle (conditions de saison sèche c’est-à-dire quand souffle l’alizé) il est légitime de penser que, dans ce cas, leur action peut s’ajouter à celle de la houle pour renforcer la dérive littorale.
Les courants de houle
Les courants de houle correspondent à des déplacements d’ensemble des molécules d’eau de mer engendrés par les houles. Ces courants liés aux caractéristiques des houles se différencient en trois types :
Les courants intrinsèques de houle
Ces courants de houle se font dans la direction de propagation de la houle et sont à l’origine des engraissements et démaigrissements de l’estran selon les périodes de l’année. Il y a engraissement en période de houle de beau temps, les sédiments étant entrainés du large vers la plage (cambrure faible des vagues). En période de houle de tempête, c’est l’inverse qui est observé.
Les courants de dérive littorale
Ils sont parallèles à la côte et naissent de l’obliquité des houles par rapport au rivage. Ils sont à l’origine de la formation des flèches littorales dont la direction de propagation indique le sens du courant. Les flèches littorales sont des plages à extrémité libre qui protègent soit un fleuve, soit une lagune. La présence de ces courants le long des côtes sénégalaises, dirigés globalement du nord vers le sud, est attestée par les différentes flèches littorales orientées vers le sud qui jalonnent le littoral sénégalais avec du Nord au Sud (la Langue de Barbarie, les flèches de Mbodiène, Joal, Sangomar, la Presqu’île aux Oiseaux). Ces courants jouent un rôle important dans l’alimentation des plages en sables lorsque leur charge sédimentaire est importante. Lorsque la quantité de sédiments dont ils disposent est inférieure à leur capacité de transport, ils exercent une action érosive sur les côtes sableuses.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DU LITTORAL SENEGALAIS
I. La géologie de la zone côtière
I.1. Le plateau continental
1.1.1. Les caractéristiques morphologiques
I.1.2. La couverture sédimentaire
I.2. Le domaine continental
I.2.1. La Grande Côte
I.2.1. La côte rocheuse de Dakar
I.2.1. La Petite Côte
II. Les différentes formes de côtes
II.1. Les côtes sableuses
II.2. Les côtes rocheuses
II.3. Les estuaires à mangrove
DEUXIEME PARTIE : LES FACTEURS DE L’EROSION COTIERE
I. Les agents dynamiques
I.1. Les vents
I.2. Les houles
I.2.1 .Les houles d’origine lointaine
Elles sont essentiellement de 2 types
I.2.2. Les vagues d’origine locale
I.3. Les courants de houle
I.3.1. Les courants intrinsèques de houle
I.3.2. Les courants de dérive littorale
I.3.3. Les courants d’arrachement
II. Les variations du niveau marin
II.1. Les variations locales
II.2. Les variations saisonnières du niveau de la mer
II.3. Les variations séculaires du niveau de la mer et les tendances futures
III. Les sources de sédiments et la notion de budget sédimentaire
III.1. Les apports terrigènes
III.1.1. Les apports fluviatiles
III.1.2. Les apports éoliens
III.2. Les apports marins
III.3. Les sédiments d’origine littorale
IV. Les facteurs anthropiques
IV.1. Activités diminuant l’apport de sédiments
IV.2. Activités modifiant les transports sédimentaires
IV.3. Activités empêchant la fixation des sédiments des plages
TROISIEME PARTIE : L’EROSION COTIERE AU SENEGAL : LES TAUX D’EVOLUTION
I. Taux d’évolution du littoral le long de la Grande Côte
I.1. La ville de Saint Louis
1.2. Taux d’érosion du secteur de Cambérène-Yoff
II. Taux d’évolution du littoral long de la côte rocheuse de Dakar
II.1. La plage Pasteur
II.2. La plage de Rebeusse
III. Taux d’évolution du littoral le long de la Petite Côte
III.1. Les secteurs de Mbao et Rufisque
III.2. La zone de Ngaparou-Saly-Mbour
III.3. Le secteur de Mbodiène
III.4. Le secteur de Joal
III.5 La zone de Palmarin-Djiffère
QUATRIEME PARTIE : LES OUVRAGES DE PROTECTION COTIERE
I. Les différentes mesures de protection côtière
I.1.Les méthodes non structurales
I.2. Les méthodes structurales
II. Etude des ouvrages de protection réalisés au Sénégal
II.1. Les murs de protection de Saint Louis
II.1.1. Mode de conception
II.1.2. Etat de fonctionnement
II.2. La bande de filaos de la Grande Côte
II.2.1. Mode de conception
II.2.2. Etat de fonctionnement
II.3. Le revêtement de la porte du millénaire de Dakar
II.3.1. Mode de conception
II.3.2. Etat de fonctionnement
II.4. Le mur en béton de Mbao
II.4.1. Mode de conception
II.4.2. Etat de fonctionnement
II.5. Les ouvrages de protection de Rufisque
II.5.1. Le champ d’épis de Diokoul
II.5.1.1 Mode de conception
II.5.1.2. Etat de fonctionnement
II.5.2. La digue en enrochements
II.5.2.1. Le mode de conception
II.5.2.2. Etat de fonctionnement
II.5.3. L’ouvrage mixte en gabions de roches surmontés d’un mur en béton
II.5.3.1. Le mode de conception
II.5.3.2. Etat de fonctionnement
II.5.4. Le nouveau mur en béton de Diokoul
II.5.4.1. Le mode de conception
II.5.4.2. Etat de fonctionnement
II.6. Les épis de Saly
II.6.1. Mode de conception
II.6.2. Etat de fonctionnement
II.7. Le mur en gabions de Joal
III. Les perspectives quant à la protection contre l’érosion côtière
III.1. La côte nord du Sénégal
III.2. La côte rocheuse de Dakar
III.3. La Petite Côte
CONCLUSION GENERALE