Autrefois, la question du logement pour les personnes âgées ne se posait pas vraiment. Les gens d’une même famille (parents, enfants, grands-parents…) partageaient le même gîte et les mêmes activités, famille et logement allant de pair. Aujourd’hui, différentes possibilités d’hébergement s’offrent aux personnes âgées. Certaines opteront pour le maintien à domicile, d’autres iront vers les ressources gouvernementales et quelques-unes pourront défrayer les coûts des résidences privées à but lucratif offertes aux aînés.
Les résidences privées pour aînés deviennent donc un choix possible. Les publicités montrent un milieu de vie stimulant pouvant attirer une clientèle ayant les moyens de se payer ce type de ressources. Ces résidences offrent des services pouvant répondre à plusieurs de leurs besoins, dont des activités récréatives. Les médias nous présentent des personnes âgées de plus en plus actives qui peuvent être intéressées par ces modes d’habitation. L’image médiatique peut être une incitation, mais on peut se demander ce qui attire des gens autonomes ou semi-autonomes vers ce type de résidence. On en voit apparaître dans tous les milieux. Qu’est-ce qui explique leur développement? Et quel en est l’impact? Plus particulièrement, cette recherche vise à mieux comprendre les choix et motivations des aînés des arrondissements de Jonquière et de Chicoutimi de la ville de Saguenay pour vivre en complexes résidentiels exclusivement destinés aux aînés.
Afin d’expliquer la décision qu’ont certaines personnes âgées d’aller vivre dans une résidence privée, il faut comprendre en quoi consiste cette ressource. Le premier chapitre porte sur les facteurs de développement des résidences privées pour aînés. Le portrait de la situation démographique de l’ensemble du Québec, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de la région métropolitaine de recensement (RMR) de Saguenay et des arrondissements de Chicoutimi et Jonquière, permettra de constater le vieillissement de la population et la féminisation de ce vieillissement et, ainsi, la présence d’une clientèle potentielle pour ce genre de ressources. Différents milieux de vie substituts sont offerts aux aînés. En effet, puisqu’ils ne forment pas un groupe homogène, des ressources variées sont nécessaires pour répondre à leurs besoins en matière de logement. C’est ce dont il sera question également. Le désengagement de l’État et l’hybridation des services publics et privés en matière de logement pour les aînés permettront de mieux voir le rôle des politiques publiques dans le développement de ces ressources. Les transformations familiales peuvent aussi expliquer la présence en plus grand nombre des résidences privées. Comme dernier facteur de développement, le manque d’accessibilité aux autres ressources d’hébergement permettra de mieux comprendre la relocalisation en résidences privées, et plus particulièrement en complexe résidentiel.
LES FACTEURS DE DÉVELOPPEMENT DES RÉSIDENCES PRIVÉES POUR AÎNÉS
Le portrait démographique comme facteur de développement des résidences privées pour aînés
Dans cette section, le portrait démographique des arrondissements de Chicoutimi et Jonquière sera analysé et comparé avec ceux de la RMR — Saguenay, de la région du Saguenay–Lac-SaintJean et du Québec. En lien avec le thème de cette recherche, le vieillissement de la population et le phénomène de la féminisation du vieillissement constitueront nos deux paramètres d’intérêt.
Portrait démographique et vieillissement de la population : ensemble du Québec, Saguenay–Lac-Saint-Jean, RMR-Saguenay et Chicoutimi-Jonquière ; On rapporte dans la littérature que le vieillissement de la population québécoise est inéluctable et se fait rapidement en raison de l’augmentation de l’espérance de vie et de la baisse de la fécondité (Association québécoise de défense des droits des personnes retraités et préretraités, 2007; Conseil des Aînés, 2007a, 2007 b; Institut de la statistique du Québec (ISQ), 2007; ministère de la Famille et des aînés, 2005 et 2008). De plus, comme le soulignent plusieurs auteurs, le groupe des baby-boomers domine la structure par âge, étant donné la taille plus restreinte des autres générations (ISQ, 2007 et 2009; Ministère des Affaires municipales, du Sport et des Loisirs, 2003; MFA, 2008).
Dans son document portant sur les perspectives démographiques du Québec et des régions, l’Institut de la statistique du Québec précise que : Le vieillissement de la structure par âge est déjà amorcé et il caractérisera encore davantage la société québécoise au cours des prochaines décennies. La transformation de la pyramide des âges illustre bien ce phénomène. En 2006, les générations du babyboom, nées entre 1946 et 1966, apparaissent au milieu de la pyramide. Elles correspondent au groupe d’âge 40-59 ans. Le sommet, des tranches d’âge 45-49 ans jusqu’à 100 ans et plus, conserve la forme d’une pyramide évasée alors que la base se rétrécit, particulièrement aux tranches 0-9 ans, conséquence de la faible fécondité observée de 1997 à 2005. En 2036, le passage des générations du baby-boom aux âges avancés et les gains d’espérance de vie viennent gonfler le sommet de la pyramide, lui donnant une forme plus arrondie, aspect qu’elle conservera jusqu’en 2056. (2009 : 35).
De plus, en ce qui concerne la répartition de la population totale, les données du Québec pour 2011 de Statistique Canada indiquent que 55 % des personnes âgées ont entre 65 et 74 ans et 12 % ont 85 ans et plus. Ces données correspondent à celles de l’ISQ, qui caractérise le vieillissement de la population par l’augmentation des gens très âgés c’est à-dire une augmentation de l’indice de séniorité. « Au Québec, en 2006, les jeunes aînés (65-74 ans) comptent pour plus de la moitié des personnes âgées (54 %), alors que les 85 ans et plus représentent un aîné sur neuf (11 %). » (2003 : 8) Ce dernier groupe passera à une personne sur quatre en 2051. (ISQ, 2007 : 77).
Portrait démographique et féminisation du vieillissement de la population : ensemble du Québec, Saguenay–Lac-Saint-Jean, RMR-Saguenay et Chicoutimi-Jonquière : Le phénomène de la féminisation du vieillissement de la population au Québec est mentionné dans la littérature. On y rapporte qu’en 2006, environ 45 % des ménages âgés de 65 ans et plus avaient une femme comme principal soutien. Également, dans les ménages chez les aînés, 45,9 % de personnes vivaient seules, surtout des femmes (ISQ, 2006). Cette situation est appelée à se poursuivre. Le vieillissement de la population québécoise est surtout le fait des femmes. C’est ainsi que, dans Le bilan démographique du Québec : évolution, mouvement et structure par âge de la population, l’Institut de la statistique du Québec mentionne : … 2009, on compte environ 1 500 centenaires au Québec dont presque 83 % sont des femmes […] La proportion de personnes âgées de 65 ans et plus est beaucoup plus forte chez les femmes, soit de 17,1 % en regard de 13,5 % chez les hommes […] Le nombre de femmes âgées dépasse de beaucoup le nombre d’hommes âgés. Les personnes de 75 ans et plus représentent 7,0 % de la population; plus de 60 % d’entre elles sont des femmes. (ISQ, 2009 : 23-24).
L’hétérogénéité des aîné
Le Conseil des Aînés (2007a, 2007c) et le MFA (2005 et 2008) démontrent bien la diversité des aînés et la difficulté à identifier ce qu’est une personne âgée. Selon eux, il faut maintenant différencier retraité et aîné. Il existe un écart de 35 ans entre les générations de personnes âgées. En effet, l’âge administratif de 65 ans ne reflète plus nécessairement la même réalité pour tous les aînés, car l’écart entre les générations de personnes âgées illustre une variété de situations. En fait, cette cohorte ne forme pas un groupe homogène. Les conditions de vie y diffèrent grandement. À cet égard, il devient difficile de déterminer quand une personne est âgée, et ce, plus particulièrement avec le vieillissement des baby-boomers. Il y a une amélioration des conditions de vie pour plusieurs de ces personnes : une meilleure espérance de vie, une meilleure santé, un meilleur revenu entre autres dû à une plus grande participation des femmes au marché du travail rémunéré et une diminution de l’âge de la retraite. Les aînés sont également plus actifs et plus scolarisés que leurs prédécesseurs.
À partir des données de recensement de 2006, Statistiques Canada a conclu que le groupe des 65 ans ou plus est de plus en plus diversifié : sources de revenus plus variées (davantage de revenus provenant de régimes privés), situations personnelles plus diverses (divorces, remariages, unions de fait, etc.), niveau d’éducation (plus d’universitaires que dans les générations précédentes), etc. : cette diversité va s’amplifier avec l’arrivée à la retraite de la génération des baby-boomers (MFA, 2008 : 29).
CONCLUSION
Un des défis dont le Québec doit faire face est le vieillissement de sa population. Plusieurs aînés ont vu des améliorations dans leurs conditions de vie, en particulier concernant l’espérance de vie en bonne santé et la situation financière. En fait, comme il a été mentionné dans cette recherche, les personnes âgées ne forment pas un groupe homogène. Il existe une diversité de réalités et ainsi, une diversité de besoins. La perte de fonctionnalité et les changements dans les conditions de vie demandent des ressources variées. Les complexes résidentiels s’inscrivent dans cette panoplie de ressources d’hébergement offertes aux aînés.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1: LES FACTEURS DE DEVELOPPEMENT DES RESIDENCES PRIVEES POUR AINÉS
1.1 Le portrait démographique comme facteur de développement des résidences privées pour aînés
1.1.1 Portrait démographique et vieillissement de la population : ensemble du Québec, Saguenay–Lac-Saint-Jean, RMR-Saguenay et Chicoutimi-Jonquière
1.1.2 Portrait démographique et féminisation du vieillissement de la population : ensemble du Québec, Saguenay–Lac-Saint-Jean, RMR-Saguenay et Chicoutimi-Jonquière
1.1.3 Récapitulation des portraits démographiques des populations de Chicoutimi Jonquière, RMR-Saguenay, Saguenay–Lac-Saint-Jean et l’ensemble du Québec
1.2 L’hétérogénéité des aînés
1.3 Le désengagement de l’État et l’hybridation des services publics et privés en matière de logement pour les aînés
1.4 Les transformations du réseau familial
1.5 Les différents milieux de vie substituts et la question de l’accessibilité
1.5.1 Le réseau public de l’hébergement des personnes âgées
1.5.2 Le secteur privé de l’hébergement pour personnes âgées
CHAPITRE 2 : L’APPROCHE SOCIOLOGIQUE ET LES FACTEURS MOTIVANT LA DECISION D’UNE RELOCALISATION EN MILIEU DE VIE SUBSTITUT ET PLUS PARTICULIEREMENT, DANS LES RESIDENCES PRIVEES POUR PERSONNES AGEES
2.1 Les facteurs de motivation face à une relocalisation en milieu de vie substitut dont les complexes résidentiels
2.1.1 L‘approche sociologique
2.1.2 Les facteurs microsociologiques et mésosociologiques motivant la décision d’une relocalisation en milieu de vie substitut dont les résidences privées pour personnes âgées
2.1.3 Les facteurs macrosociologiques motivant la décision d’une relocalisation en milieu de vie substitut dont les résidences privées pour personnes âgées
2.2 Les questions, les objectifs et l’hypothèse de recherche
2.2.1 Les questions de recherche
2.2.2 Les objectifs de recherche
2.2.3 L’hypothèse de recherche.
2.2.4 Les résultats attendus
2.2.5 La pertinence sociale
CHAPITRE 3: LA METHODOLOGIE DE RECHERCHE
3.1 L’approche hypothético-déductive
3.2 La technique et l’outil de collecte de données
3.3 Le cadre théorico conceptuel
3.4 La population à l’étude, la procédure d’échantillonnage et la représentativité de l’échantillon.
3.5 La collecte des données
3.6 Le traitement et l’analyse des données
3.7 Les considérations éthiques
3.8 Les limites de l’étude
CHAPITRE 4 : DESCRIPTION ET ANALYSE DES DONNEES
4.1 Le portrait des personnes interrogées
4.1.1 Les caractéristiques socioéconomiques de l’ensemble des répondants
4.1.2 Les caractéristiques socioéconomiques des répondants selon le genre
4.2 Les facteurs de motivation à venir vivre en complexe résidentiel pour personnes âgées
4.2.1 L’ensemble des facteurs de motivation
4.2.2 Le sentiment de sécurité et l’état de santé comme facteurs de motivation à entrer en résidence selon certaines caractéristiques socioéconomiques
4.2.3 La perception de l’état de santé et le besoin d’aide pour les tâches quotidiennes
4.3 Le niveau d’influence de l’entourage
4.3.1 La proximité de la famille
4.3.2 L’intérêt de venir vivre en résidence
4.3.2.1 La perception des résidences
4.3.2.2 L’attitude des répondants face à la décision de l’hébergement en complexe résidentiel
4.3.3 Le processus de relocalisation
4.3.3.1 Les critères de sélection d’une résidence
4.3.3.2 Portrait de la démarche de relocalisation
4.3.3.3 Le rôle des enfants dans la démarche de relocalisation
4.4 Les représentations sociales du vieillir
4.4.1 L’image des aînés dans la société
4.4.2 Les critères associés au bien-vieillir
CHAPITRE 5 : DISCUSSION DES RESULTATS EN LIEN AVEC LES OBJECTIFS, L’HYPOTHESE DE RECHERCHE ET LES ECRITS SCIENTIFIQUES
5.1 Description du portrait des répondants des complexes résidentiels sélectionnés
5.2 Les facteurs de motivation à venir vivre en complexe résidentiel
5.2.1 Les modifications dans les conditions personnelles
5.2.2 La question du soutien et de la pression de l’entourage
5.2.3 Les représentations sociales
5.3 Lien avec l’hypothèse de recherche
5.4 Un autre facteur de motivation pour expliquer une relocalisation en complexe résidentiel : le manque de choix
CONCLUSION
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