Les facteurs clés du développement d’une coopérative d’épargne

La tontine mutuelle

                D’après Michel LELART, les pratiques des tontines existaient depuis longtemps partout dans les pays du Sud. En Asie, plus exactement en Chine, les tontines sont très anciennes. Des « sociétés pécuniaires » étaient une pratique courante au début du XIXème siècle dans tout l’empire chinois où tout le monde se réunissait par groupes et mettait ses ressources en commun. Ces associations souvent créées par un promoteur qui regroupe des personnes qui vont se prêter et s’emprunter mutuellement pendant un certain temps. En Afrique, un certain nombre de personnes se réunissent régulièrement et déposent chacune la même somme chaque fois. Sur cette pratique, tous les membres sont tour à tour déposants et emprunteurs. Ces « associations rotatives d’épargne et de crédit » se caractérisent principalement par l’importance des relations personnelles qui unissent les participants. Tous les membres du groupe se connaissent. Ils appartiennent au même milieu, au même clan, ils habitent le même quartier. Ils décident entre eux d’accepter de nouveaux membres. Ils se réunissent chez l’un ou l’autre à tour de rôle, car connaître le domicile de chacun renforce encore la cohésion du groupe. Les tontines sont la forme traditionnelle la plus efficace de l’épargne et du petit crédit. Elles répondent parfaitement aux besoins locaux et les remboursements sont excellents car tout le monde se connait et il n’existe que peu de risque, car elles sont d’une souplesse extrême, à cause de l’importance des relations entre les membres du groupe.

« Poverty lending approach »

                En se référant au Petit Larousse 2009, le microcrédit se définit comme un « prêt d’un faible montant, à taux d’intérêt bas, voir nul, consenti par certains organismes bancaires à des personnes considérées comme insolvables pour leur permettre de financer une activité génératrice de revenus (Petit Larousse, 2009, p.644) ». A la lecture de cette définition du microcrédit, il apparait clairement que le souci de venir en aide aux plus pauvres a présidé à la naissance du microcrédit. L’ambition affichée dès l’origine était de combattre la pauvreté, en fournissant des services financiers (généralement des petits prêts) aux pauvres pour améliorer significativement leurs conditions de vie. Ainsi, au cours des années 80, l’essor de la microfinance, plus précisément du microcrédit, a été débuté par des programmes de prêts subventionnés. Pour ceux qui plaident ce courant, ils considèrent que l’équilibre financier (qui implique de faire supporter tous les coûts à la clientèle des institutions de microfinance) a des répercussions négatives sur l’impact social de ces programmes. En effet, le programme d’offre de prêts aux pauvres a été considéré comme une activité charitable et non un secteur de la finance par le système bancaire. Pour la même raison, Robinson (2001) cité par Koffi Sodoki (2007) 8 a expliqué que lorsque le service financier offert par l’institution est destiné uniquement à l’octroi de crédits pour le développement de la micro-entreprise dans un objectif de lutte contre la pauvreté, on parle de la « Porvety lending approach ». L’objet de l’activité de crédit dans cette perspective est la création de revenus nouveaux et par conséquent fait partie des stratégies de lutte contre la pauvreté. La Poverty lending approach est argumentée ici parce que les agents ruraux ont des revenus bas, donc ils leurs sont impossible de pouvoir épargner suffisamment et de financer l’achat des intrants à leur activité de production. Par conséquent, même s’ils ont accès à un crédit, ils leurs sont impossible de payer les intérêts. En effet, il est une nécessité de mettre en place des programmes de crédits subventionnés.

Les IMF non mutualistes et les banques commerciales restent inaccessibles pour les agriculteurs

             Parallèlement, avec la libéralisation du secteur bancaire, le retrait de l’Etat n’a pas été compensé par un développement du secteur bancaire commercial en milieu rural et encore moins vers le financement des activités agricoles. Au contraire, d’un côté, de nombreuses banques ont même fermé leurs agences rurales (Zeller, 2003), et d’un autre côté, on constate que des IMF non mutualistes se sont uniquement concentrées dans les zones urbaines. Cette inaccessibilité pour le financement des petites activités agricoles s’est expliquée par plusieurs motifs. Tout d’abord, les investisseurs privés (actionnaires) ont été inspirés par un objectif classique de la maximisation de profit permettant de dégager des dividendes. Ensuite, le secteur agricole composé par des petits agriculteurs familiaux présente des risques bancaires élevés, du fait que ce secteur se singularise des autres secteurs économiques sur plusieurs aspects : la localisation des ces activités dans des zones enclavées caractérisées par une faible densité de population et la manque d’infrastructure, la dépendance du rendement des produits agricoles aux conditions climatiques et la temporalité de cycle de production, la saisonnalité et la faiblesse des revenus monétaires par famille, l’instabilité permanente des prix des produits, des garanties peu fiables tant sur le plan juridique qu’économique. Ces spécificités du secteur agricole conditionnent la méthodologie de financement adaptée aux activités agricoles, en tenant compte de la diversité des besoins en services financiers exprimés par des ménages agricoles ruraux (Wampfler et Lapenu, 2002) et aux profils de la population locale qui est à majorité analphabète. En effet, les établissements bancaires qui voudraient intervenir sur ce marché doivent avoir une politique des services financiers convenable aux besoins réels de ce secteur, implanter des guichets dans les différentes localités d’intervention. Ces différentes conditions pour entrer sur le marché de crédit aux petits opérateurs ruraux sont très couteuses pour les établissements qui cherchent plutôt le profit, que leurs actionnaires ou managers ne veulent pas du tout y participer. Ce qui explique la concentration des structures bancaires commerciales uniquement en capital, et le plus loin dans les villes régionales.

Le secteur agricole malagasy

                  Le secteur agricole représente les activités principales de la majorité de la population active dans les pays africains et malagasy. D’après la statistique, on estime qu’environ 70 à 80% de population malagasy sont des agriculteurs, dont la culture de subsistance constitue encore la base essentielle de leur existence. Le secteur est dominé par le riz et les autres productions vivrières (maïs, manioc, arachide, …), qui occupent l’essentiel des surfaces. Les cultures industrielles ou d’exportation tiennent une place économique significative mais concernent moins de 20%26 des familles agricoles (café, vanille, poivre, girofle et letchis). En général, les activités agricoles ne sont qu’une simple mode de vie, et cela en raison des plusieurs facteurs : la mentalité traditionnelle de l’agriculteur qui n’utilise que de technique de production traditionnelle, l’insuffisance ou l’absence des moyens de production, l’accroissement rapide des enfants de chaque famille rurale (une croissance démographique de +27%, PNUD 2001-2015), les coutumes traditionnelles qui entraînent souvent des lourdes dépenses. Outre les problèmes ci – haut, l’un des problèmes et les plus difficiles auxquels les agriculteurs s’affrontent est le manque des fonds pour le développement de leur agriculture. En 201027, à cause des effets de la crise politique de 2009, l’économie malagasy n’a cessé de se dégrader, avec un PIB/habitants de 444,6 dollars. La croissance de l’économie n’a affiché que taux légèrement positif de 0,6%, dont le secteur primaire en particulier le secteur agricole a donné le maximum de contribution à la croissance du PIB avec 0, 4 points de pourcentage. Mais, on constate que l’agriculture n’a cru que de 0,7% après la forte progression de 10,7% en 2009. Selon le rapport, ce ralentissement provient de l’arrêt des appuis financiers et la suspension des projets de réhabilitation des grands périmètres hydro-agricoles.

Le recours à l’endettement cyclique auprès des prêteurs privés ruine le développement de l’économie du ménage rural

              Outre, l’écoulement de leurs produits de récolte parce que la majorité des paysans n’ont pas d’autres alternatifs. Ils sont aussi obligés de passer un contrat de prêt par les conditions qui lui sont imposées par celui qui détient les moyens. En extrapolant le rapport de CABALZAR Gion Pieder sur « l’endettement chronique des paysans et son impact sur la pauvreté rurale à Madagascar63 », l’endettement chronique provoqué par l’usure est un facteur déterminant la pauvreté. Il signifie des manques à gagner et des pertes sèches menant dans un cercle vicieux et empêchant tout espoir de développement. Il touche les paysans, les ouvriers, les fonctionnaires, les petits métiers à Madagascar. Par contre, les usuriers sont composés par des épiciers, des collecteurs et des commerçants, mais aussi des paysans plus aisés que les autres, ou n’importe quels voisins. Qui a de l’argent ou du riz (paddy ou blanc) en surplus, peut être tenté d’entrer dans les circuits juteux de l’usure, que ce soit pro-activement (en cherchant des clients) ou en répondant à des demandes. L’endettement, en milieu rural, se manifeste surtout en périodes des disettes pendant lesquelles les stocks des paysans sont presque totalement épuisés. Alors ces paysans concernés sont obligés de contracter des dettes en riz et/ou en argent chez le « Panarivo ». Les emprunts auprès de ces usuriers coûteront cher, comme ils seront à rembourser moyennant des taux d’intérêt très élevés: 200% à 300 % (Zeller, 1991)64 pour un crédit informel (en argent ou en riz) allant de quelques semaines à quelques mois en milieu rural. Ces emprunts se manifestent sous différentes formes d’endettements. Premièrement, un emprunt de « riz contre riz » au taux de 100 à 200%. Deuxièmement, un emprunt de « argent contre riz » au taux de 20 à 300%. Troisièmement, un emprunt de « argent contre argent » au taux de 50 à 100% pour un mois65. Les deux premières formes d’emprunts sont très connu le plus souvent, en milieu rural par le terme « vary maintso », dont la valeur du montant à rembourser ou les quantités de kg à rembourser est/sont évalué(es) à la double de la valeur initiale, appelé par le terme « avo sasaka ».

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Table des matières

Introduction générale
PARTIE I : EMERGENCE ET EVOLUTION DU FINANCEMENT AGRICOLE PAR L’INTERMEDIAIRE DU MOUVEMENT MUTUALISTE
Chapitre 1 : Evolution du financement agricole dans un contexte historique
Section 1 : Les formes traditionnelles de la finance rurale
1.1. L’usure
1.2. La tontine mutuelle
1.3. Les limites de la finance privée ou informelle
Section 2 : Les banques de développement et le financement des pauvres par l’approche dit « poverty lending approach »
2.1. Poverty lending approach
2.2. Le financement agricole par les banques de développement
2.3. Les limites de la « poverty lending approach » et l’effondrement du système bancaire en microfinance
2.3.1. Les limites de la « poverty lending approach »
2.3.2. L’effondrement des banques de développement en microfinance rurale
Section 3 : L’émergence des différentes typologies d’organisations actives en microfinance et leurs institutionnalisations
3.1. Le modèle non mutualiste
3.2. Les IMF non mutualistes et les banques commerciales restent inaccessibles pour les agriculteurs
3.3. Le modèle mutualiste ou coopératif
Chapitre 2 : Les institutions de microfinance mutualistes (IMF mutualistes) 
Section 1 : La coopérative d’épargne et de crédit (COOPEC) : acteur majeur dans le secteur de la microfinance rurale
1.1. Définitions
1.2. Les fondements d’une coopérative d’épargne et de crédit
1.3. Croissance et structure d’organisation d’une COOPEC
Section 2 : La microfinance et les systèmes financiers décentralisés à Madagascar
2.1. Le secteur agricole malagasy
2.2. Le secteur bancaire malagasy
2.3. L’émergence et la croissance du secteur de la microfinance malagasy
2.3.1. Contexte historique
2.3.2. Situation actuelle
Section 3 : L’expérience du Réseau CECAM en milieu rural
3.1. Histoire et croissance institutionnelle du Réseau
3.2. Des produits financiers traditionnellement orientés vers le financement du monde rural
3.3. Une institution mutualiste fondée non pas sur l’épargne mais sur le capital et la caution
PARTIE II: LES FACTEURS CLES DE REUSSITE D’UNE COOPERATIVE D’EPARGNE ET DE CREDIT 
Chapitre 1 : Analyse des facteurs clés de réussite 
Section 1 : Le financement d’une coopérative d’épargne et de crédit
1.1. Les sources de financement interne
1.1.1. La coopérative et la formation du capital social
1.1.1.1 Une conception mutualiste fondée sur l’épargne
1.1.1.2 Une conception mutualiste fondée non pas sur l’épargne mais sur le capital et la caution
1.1.1.3 Impact de la diversification des produits financiers sur la formation du capital social d’une COOPEC
1.1.1.4 L’utilisation des fonds propres
1.1.2. La coopérative et le financement par autofinancement
1.1.2.1 Les charges engagées
1.1.2.2 Le principe d’affectation du résultat chez une entreprise coopérative
1.1.2.3 Le taux d’intérêt dans le marché du crédit rural
1.1.3. La mobilisation d’épargne rurale au cœur du développement d’une coopérative d’épargne et de crédit
1.1.3.1 Les différentes sortes d’épargne traditionnelle dans le monde rurale
1.1.3.2 Quelles actions pour favoriser la mobilisation d’épargne rurale chez une coopérative d’épargne et de crédit
1.2. Les sources de financement externes
1.2.1. Le refinancement auprès des banques commerciales
1.2.2. Les subventions
Section 2 : Le crédit
2.1. Quelques facteurs empêchant le développement agricole
2.2. Le recours à l’endettement cyclique auprès des prêteurs privés ruine le développement de l’économie du ménage rural
2.3. Le crédit institutionnel adapté au besoin réel des membres constitue un facteur clef du développement des ménages ruraux et de la COOPEC
2.3.1. Les services de la microfinance doivent permettre d’éviter l’endettement chronique des paysans auprès des prêteurs usuriers : les raisons de crédit à la consommation
2.3.2. Les services de la microfinance doivent permettre aux membres de générer des revenus suffisants pour améliorer leurs conditions de vie à long terme
2.3.3. Le problème d’offre des garanties matérielles et la faiblesse de la faculté de remboursement
2.3.3.1 La garantie matérielle (évaluée de 50 à 150% du montant de prêt)
2.3.3.2 la capacité de remboursement
Section 3 : Politique de crédit et gouvernance coopérative
3.1. Gouvernance et vision stratégique
3.2. Gouvernance et décisions d’octroi de crédit
Chapitre 2 : Recommandations
Section 1 : Au niveau de l’institution
1.1. Adapter la durée du crédit au besoin spécifique des membres
1.2. Développer la pratique de prêt au groupe pour la tranche de la population pauvre
1.3. Rééchelonner certains crédits de manière à minimiser le taux d’impayé, mais pas le généraliser
1.4. Renforcer les performances des ressources humaines pour pouvoir encaisser plus de productivité et d’efficacité
Section 2 : Au niveau de l’Etat et des bailleurs de fonds
2.1. Au niveau de l’Etat
2.1.1. Faciliter l’accès au droit de propriété
2.1.2. Promouvoir l’éducation des paysans
2.2. Orienter la subvention vers le renforcement de la structure
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes

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