Madagascar est reconnu comme étant une des zones prioritaires en matière de conservation de la diversité biologique (Primack et Ratsirarson, 2005). Cependant, les activités humaines ont provoqué la transformation et la dégradation de cette communauté biologique. Les feux de brousse et la déforestation ont même entraîné la diminution de la diversité génétique au sein de certaines espèces comme Lemur catta, une des espèces endémique de Madagascar (Primack et Ratsirarson, 2005). Appartenant à la Famille des Lemuridae, propre à Madagascar (Petter, 1963), elle est l’une des espèces les plus familières et les plus étudiées. Elle est aussi parmi les espèces vulnérables par IUCN à l’échelle mondiale (Primack et Ratsirarson, 2005) car leur effectif ne cesse de diminuer chaque année. Sussman et al. a récemment découvert, par estimation à l’aide de l’utilisation d’un satellite, que la population de Lemur catta à Madagascar est de 930000 individus en 1985 contre 750000 individus en 2000 et qui sont réparties dans différentes régions de l’île (Sussman et al., 2006).
Lemur catta vit dans la plupart des régions sud et sud-ouest de l’île où il y a une forte endémicité de la faune et de la flore. Ces régions sont aussi très réputées comme étant l’habitat le plus en danger à l’échelle mondial à cause de la déforestation intensive (Sussman et al., 2006). Cette espèce de lémurien n’est pas victime d’une surexploitation, mais de la pression humaine et de la dégradation de leur environnement. Ces derniers ont entraîné la diminution de la population de Lemur catta du fait que leur densité soit en fonction de la qualité de leur habitat (Jolly et al., 2002 ; Gould et al., 2003). La recherche des moyens efficaces pour empêcher cette diminution de la population est ainsi devenue le problème prioritaire de la conservation de cette espèce. Jusqu’à maintenant, conserver et protéger ces animaux dans des réserves et des parcs sont les moyens les plus sûrs. En effet, Lemur catta possède une grande capacité d’adaptation aux différentes variations saisonnières et environnementales (Pride, 2003). Grâce à cette capacité, elle est surtout appréciée – dans le cadre de la conservation ex-situ- dans différents parcs et zoos nationaux et internationaux à savoir celle du Parc Zoologique et Botanique de Tsimbazaza de Madagascar, de Saint Louis Zoo en Californie, du Zoo de Mulhouse et de Thoiry en France. L’élevage en captivité est beaucoup plus fréquent à l’étranger et il est voué aux différentes expériences utiles pour assurer leur pérennisation (Jolly et al., 2006). Quand à la conservation in situ, elle vise à assurer la protection de Lemur catta dans leur habitat naturel à savoir celle du Parc National d’Andohahela, de la réserve de Nahampoana et du massif de l’Andringitra, de la réserve spéciale de Beza-mahafaly et de la réserve privée de Berenty. De nombreux chercheurs préfèrent étudier les animaux dans leurs habitats naturels plutôt que de réaliser des études en captivité car la connaissance du mode de vie d’une espèce dans leur habitat naturel est très importante pour la réalisation d’une meilleur stratégie de conservation afin d’assurer leur pérennisation (Primack et Ratsirarson, 2005).
ETAT DES CONNAISSANCES
RESERVE DE BERENTY
En 1936, la Famille de Heaulme a décidé de contribuer à la préservation de la biodiversité de la partie sud de Madagascar en créant une réserve avec les plantations et l’usine pour les traitements des sisales. Cette réserve a été créée après avoir consulté l’avis de la population locale, les Tandroy (Jolly et al., 2006). Depuis, elle appartient à cette famille et ils ont assuré sa conservation et son aménagement jusqu’à maintenant (Mertl-Millhollen, 1999 ; Jolly et al., 2002).
Situation géographique et statut de la réserve
La réserve de Berenty est une réserve privée qui se situe le long du fleuve Mandrare dans la partie Sud de Madagascar (25°05’ latitude Sud, 46°18,5’ longitude Est) (Pride, 2003), environ à 95 km à l’ouest de Fort-Dauphin et à 11 km au nord d’Amboasary Sud (Garbutt, 2001 ; Rasamimanana, 2004). La réserve se divise en trois zones à savoir la forêt épineuse appelée Rapily, les deux grandes forêts galléries dominées par les tamariniers qui sont Bealoka (100 ha) et la principale Réserve de Berenty (200 ha). « La forêt galerie est une forêt qui pousse sur les rives d’une rivière et qui est entourée par une végétation différente, (dans le sud malgache la forêt épineuse) » (Tarnaud et al., unpub.). Ces deux forêts galléries sont encore des forêts naturelles avec une richesse en biodiversité élevée et elles sont parmi les rares forêts galléries existantes du bord du fleuve Mandrare (Jolly et al., 2006) . De plus, les forêts galléries du Sud appartiennent aux types de forêts les plus en danger à Madagascar (Sussman et al., 2006). Ainsi, la conservation de la biodiversité de ces zones sont nécessaires et sont vraiment très utiles pour la pérennisation des espèces endémiques et caractéristiques de cette région.
Végétations
La principale Réserve de Berenty se divise en cinq (05) zones bien distinctes : la forêt galerie et la forêt de transition qui sont représentées comme étant la forêt de Malaza, la forêt d’Ankoba, la forêt épineuse et la zone aménagée ou touristique. Et selon ces différentes zones, il existe aussi cinq types de végétation bien distincte (Pride, 2003).
La forêt galerie, à canopée fermée, a une végétation stratifiée : la strate supérieure formée par des arbres supérieur à 12m de haut et composée essentiellement de Tamarindus indica, Celtis phillipensis, Celtis bifida, Acacia rovumae, Quisivianthe papinae; la strate intermédiaire dont l’hauteur des arbres est de 5m à 12m, et formée par Rinorea greveana, Enterospermum sp., Crataeva excelsa ; la strate inférieure avec des arbres de 1m à 5m de haut, et constituée par des lianes comme Secamone discolor, Bythneria sp., Azima tetracantha, Capparis sepiaria, Cordia caffra ; la strate intermédiaire dont l’hauteur des arbres est entre 5m et 12m, et formée par Rinorea greveana, Enterospermum sp., Crataeva excelsa ; la strate inférieure avec des arbres de 1 à 5m de haut, et constituée par des lianes comme Secamone discolor, Bythneria sp., Azima tetracantha, Capparis sepiaria, Cordia caffra ; le sous bois avec des plantes à hauteur inférieure à 1m, formée par Croton sp. et la plupart des plantes du sous bois appartiennent aux familles Acanthaceae, Comelinaceae (Felantsoa, 2002).
La forêt de transition a aussi une végétation stratifiée et a les mêmes compositions floristiques que celles de la forêt galerie, mais la canopée est plus ouverte. Elle est également envahissée par une liane dont l’espèce est Cissus quadrangularis. La forêt épineuse est dominée par la famille des Didieraceae et Euphorbiaceae ainsi quedes espèces de plantes xérophytiques (Pride, 2003). La zone aménagée a une végétation formée essentiellement par des plantes ornementales comme Azadirachta indica, Eucalyptus sp., Cassia sp., Bougainvillea spectabilis, Cordia sinensis…, et par des espèces indigènes comme Didiera trollii, Euphorbia sp.…. La plupart des plantes dans cette zone sont des espèces introduites (Pride, 2003). La forêt d’Ankoba est une forêt secondaire de 40 ha avec des arbres de 10m à 15m hauteur et dominée surtout par des plantes introduites telles que Pithecellobium dulce, Leucaena leucocephala, quelques Tamarindus indica et Acacia sp. qui peuvent atteindre une hauteur supérieure à 20 m.
Faunes
La réserve de Berenty abrite une grande variété d’espèces animales. On y rencontre plusieurs Invertébrés, Arthropodes et Mollusques mais aussi des Vertébrés qui sont représentés par trois classes : celles des Mammifères, des Oiseaux et des Reptiles (Rasamimanana, 2004). La classe des Mammifères renferme les ordres des Insectivores, de Rongeurs, des Chiroptères, des Carnivores et des Primates. Parmi les Primates, les plus célèbres sont les lémuriens représentés par six espèces. Trois (03) de ces espèces sont diurnes à savoir Lemur catta, Propithecus verreauxi verreauxi et Eulemur fulvus sp. qui est une espèce introduite et hybride issue du croisement de Eulemur fulvus et Eulemur collaris, et trois (03) sont nocturnes qui sont Microcebus murinus, Microcebus griseorufus et Lepilemur leucopus. La classe des Oiseaux contient quinze (15) ordres et quatre vingt dix neuf (99) espèces dont 41% sont endémiques de la région à savoir Polyboroides madagascariensis, Mulvus migrans, Colvus albus, Coua gigas, Coua cristata, Bubulcus ibis…. La classe des Reptiles renferme les Serpents à savoir Acranthopis madagascariensis, Colibrina madagascariensis, Buteo madagascariensis, Pseudoxyrhopus kely qui est endémique de Berenty et de Mandena ; les Lézards comme Xenosorus madagascariensis, Chalaradon madagascariensis ; les Tortues comme Geochelone radiata, Pyxis arachnoides et les Caméléons comme Furcifer lateralis, Furcifer verrucausis (Rasamimanana, 2004 ; Jolly et al., 2006) .
LEMUR CATTA
Lemur catta est une espèce endémique du Sud de Madagascar. Il peut s’adapter aux différentes variations saisonnières et de l’environnementales (Pride, 2003).
Taxonomie
Les noms vernaculaires de Lemur catta sont Maky et Hira. Les Français les appellent Maki, Maki macaco ou Maque. Pour les Anglo-saxons : les Ring-tailed lemur, et pour les Allemands : Katta (Garbutt et al., 2001 ; Mittermeier et al., 1994).
D’après Napier J.R. et Napier R.H., 1985, Lemur catta appartient :
– Règne ANIMAL
– Embranchement des VERTEBRES
– Classe des MAMMIFERES
– Ordre des PRIMATES
– Sous-ordre des PROSIMIENS
– Infra-ordre des LEMURIFORMES
– Superfamille des LEMUROIDES
– Famille des LEMURIDEES
– Sous-famille des LEMURINEES
– Genre et espèce Lemur catta (Linnaeus, 1758) .
Description morphologique
Lemur catta est le plus connu des Lémuriens malagasy, et il est facilement identifiable par sa queue qui est constituée par une succession de 14 anneaux noirs et blancs (Garbutt et al., 2001). Il est parfois difficile de bien distinguer les mâles et les femelles car le dimorphisme sexuel est peu marqué chez cette espèce. Les individus ont tous un pelage brungris dorsalement et un pelage blanc ventralement avec un visage noir et blanc. Le front, les joues, les oreilles et la gorge sont blancs. Chaque œil est entouré d’un anneau noir, et leur museau est noir (Mittermeier et al., 2006). Cependant, les mâles ont des glandes spéciales sous les aisselles et des glandes brachiales (à l’intérieur des deux avant bras) (Tarnaud et al., unpub.). Ces dernières, très utiles pour les marquages de leur territoire, sont en forme de dent de couleur noire et sans poils.
Leur poids est très variable, mais en général le poids moyen d’un Maki adulte est de 2,3 kg (Tarnaud et al., unpub.) . La taille moyenne sans prendre en compte la queue est entre 39cm à 46 cm et la longueur de leur queue est entre 56 cm à 63 cm : en total la taille d’un Lemur catta adulte est entre 95 cm à 110 cm (Mittermeier et al., 2006). Leur espérance de vie est aux environs de 20 ans (Sauther, 1992).
Organisation sociale
Comme tous les autres Primates, Lemur catta est social et vit en groupe de 5 à 25 individus sans compter les petits nés dans l’année (Pride, 2003). En moyenne, un groupe a 18 individus (Garbutt et al., 2001) et le groupe se fissure si le nombre d’individus est supérieur à 25 ou si le nombre d’adulte femelle est supérieur à 6 (Pride, 2003).
L’organisation social de cette espèce est de type multimâles multifemelles et la hiérarchie des individus est bien définie au sein d’une groupe : il existe, d’une part une dominance des femelles sur les mâles et d’autres part un système hiérarchique entres les femelles et entre les mâles (Tarnaud et al., unpub.). Le sex-ratio est en faveur des femelles en générale (Tarnaud et al., unpub.) et une femelle peut avoir un bébé vers l’âge de 3 ans (Mittermeier et al.,1994). Les adultes mâles immigrent ou émigrent de ses groupes à partir de 2 à 5 ans tandis que les femelles et leurs progénitures restent dans leur groupe natal (Mittermeier et al., 2006). Ces femelles s’investissent plus sur la défense de leur territoire car cette espèce est considérée comme territoriale surtout à Berenty selon Jolly et al. (2006) alors qu’à Beza-Mahafaly, de grandes parties des domaines vitaux se chevauchent, avec, dans certains cas, le partage par différents groupes d’une même source d’aliment, d’un même «dortoir » et d’un même lieu de repos (Rasamimanana, 2004).
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Table des matières
INTRODUCTION
I. PROBLEMATIQUE
II. HYPOTHESES
III. INDICATEURS DE VERIFICATION
PREMIERE PARTIE :ETATS DE CONNAISSANCES ET DISCUSSIONS METHODOLOGIQUES
CHAPITRE I : ETAT DES CONNAISSANCES
I.1. Réserve de Berenty
I.1.1. Situation géographique et statut de la réserve
I.1.2. Végétations
I.1.3. Faunes
I.2. Lemur catta
I.2.1. Taxonomie
I.2.2. Description morphologique
I.2.3. Organisation sociale
I.2.4. Aires de répartition et écologie
I.2.5. Alimentation
I.3. Leucaena leucocephala
I.3.1. Taxonomie
I.3.2. Caractéristiques et écologie
I.3.3. Utilisations
CHAPITRE II : DISCUSSIONS METHODOLOGIQUES
II.1. Méthode de classification de l’état du pelage
II.2. Méthodes d’observation des comportements alimentaires et sociaux de Lemur catta
II.2.1. Option d’observation
II.2.2. Choix des méthodes d’enregistrement des données
II.3. La Phénologie végétale
II.4. Méthodes d’estimation de la quantité de nourriture ingérée
DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIES
CHAPITRE I : ZONE D’ETUDE
CHAPITRE II : COLLECTES DES DONNEES
II.1. Choix et identification des groupes à étudier
II.2. Méthodes d’observation des comportements alimentaires et sociaux de Lemur catta
II.3. Méthode de classification de l’état du pelage
II.4. Phénologie végétale
II.5. Méthodes d’estimation de la consommation alimentaire de chaque individu
II.6. Méthodes d’analyse des données
TROISIEME PARTIE : RESULTATS ET INTERPRETATIONS – DISCUSSIONS
I. COMPOSITION DES GROUPES ETUDIES
II. NOMBRE D’ECHANTILLONNAGE OBTENU
III. ETAT DU PELAGE DES INDIVIDUS ETUDIES
IV. EFFET DE LA CONSOMMATION DE Leucaena leucocephala SUR LA CONDITION PHYSIQUE DES FEMMELLES OBSERVEES
V. EFFET DE LA DIVERSITE DES ESPECES VEGETALES SUR L’ETAT DU PELAGE DES FEMELLES CONSOMMANT DE Leucaena
VI. DISPONIBILITE DES RESSOURCES ALIMENTAIRES (PLANTES)
VII. QUANTITE DE CHAQUE PARTIE CONSOMMEE PAR CHAQUE INDIVIDU ET L’ETAT DE LEUR PELAGE
VIII. COMPARAISON DES REGIMES ALIMENTAIRES DE CHAQUE INDIVIDU
IX. EFFET DES AGRESSIONS RECUES PAR CHAQUE INDIVIDU SUR L’ETAT DE LEUR PELAGE
X. DISCUSSIONS
X.1. Discussions des résultats obtenus
X.2. Limites des méthodes utilisées
XI. INTERETS DE CE TRAVAIL POUR LA GESTION DE LA RESERVE DE BERENTY ET POUR LA CONSERVATION DE Lemur catta
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE