Les facies épidémiologiques du paludisme au Burkina Faso
Dans ce pays, le paludisme est endémique et constitue un problème majeur de santé publique. La transmission est stable dans tout le pays, avec une recrudescence saisonnière durant la période de mai à octobre. La transmission de l’hématozoaire est assurée par les principaux vecteurs que sont: An. gambiae s.s, An. arabiensis [10] et An. funestus [11]; l’existence d’An. nili a aussi été rapportée [12]. Les faciès épidémiologiques se superposent aux zones climatiques. Il existe 3 faciès de transmission du paludisme : une transmission permanente dans les régions du Sud et du Sud-ouest qui dure toute l’année, une transmission saisonnière longue au centre d’une durée de 4-6mois et une transmission saisonnière courte au nord du pays d’une durée de 2 à 3 mois avec des risques potentiels d’épidémies de paludisme [13].
Les vecteurs de l’agent pathogène
Les vecteurs du plasmodium humain sont des arthropodes appartenant tous à la classe des insectes, à l’ordre des Diptères, à la famille des Culicidés [14]. Connue sous le nom courant de << moustiques >>, cette famille est divisée en 2 sous familles : les Culicinae et les Anophelinae. C’est dans cette dernière sous-famille que l’on rencontre le genre Anopheles regroupant les vecteurs de toutes les espèces de Plasmodium parasitant les sujets humains. Environ 41 espèces différentes d’anophèles jouent le rôle de vecteurs de paludisme humain [15]. En 2009, quatre principaux vecteurs de Plasmodium étaient présents dans le Sud-ouest du Burkina Faso notamment à Soumousso: An. coluzzii, An. gambiae, An. funestus et An. nili [16].
Mesure de la transmission
La capacité vectorielle
La capacité vectorielle est le nombre d’inoculations attendues, par jour à partir d’un cas humain infecté en contact avec une population anophélienne. Elle mesure ainsi le potentiel de transmission du parasite. La capacité vectorielle est corrélée par : le taux de reproduction des anophèles, le taux d’inoculation entomologique et la longévité des vecteurs.
La compétence vectorielle
La compétence vectorielle désigne l’aptitude intrinsèque du vecteur à s’infecter et à assurer le développement du Plasmodium et à le transmettre [17]. Un certain nombre de facteurs intrinsèques (génétiques, immunitaires…) régulent la susceptibilité du vecteur à l’infection, à la multiplication et à la transmission du parasite [18]. Cependant d’autres facteurs extrinsèques, non génétiques tels que la température ambiante, l’apport nutritif des larves et des adultes, la flore microbienne de l’estomac, ainsi que les traits d’histoire de vie des moustiques infectés affectent la capacité du vecteur à supporter la sporogonie du parasite et sa transmission à l’hôte vertébré lors d’une piqûre [19].
La compétence vectorielle peut se mesurer au laboratoire en utilisant la technique d’infections expérimentales : les moustiques peuvent être exposés à une dose donnée de gamétocytes tout au long de leur repas sanguin sur un animal vertébré, «Direct Feeding Assay » ou à travers une membrane contenant des parasites obtenus en culture, « Standard Membrane Feeding Assays » ou encore une membrane contenant du sang des porteurs naturels de gamétocytes, « Direct Membrane Feeding Assays ».Chacune de ces approches mesure les traits liés à l’infection qui caractérisent le succès ou l’échec de l’infection et ensuite de la compétence vectorielle. Ces traits sont:
-la prévalence parasitaire: c’est la proportion de moustiques exposés à l’infection contenant au moins un oocyste dans leur estomac (prévalence en oocystes) ou de sporozoïtes dans leurs glandes salivaires (prévalence en sporozoïtes). Une faible prévalence traduit un grand état réfractaire du moustique vis-à-vis du parasite quant à son établissement chez ce dernier et/ou une faible infectivité du parasite;
-l’intensité de l’infection: c’est le nombre d’oocystes présents dans l’estomac ou le nombre de sporozoïtes présents dans les glandes salivaires des moustiques infectés. Une faible intensité indique une forte résistance du moustique contre la prolifération du parasite en son sein et/ou une faible capacité de développement du parasite [19].
Bio-écologie d’Anopheles sp
Les anophèles, insectes holométaboles possèdent un cycle de développement passant par quatre stades: le stade zygotique, le stade larvaire, le stade nymphal et, enfin, le stade imago (adulte). Les trois premiers stades se déroulent en milieu aquatique et durent, en tout, entre 7 jours et 5 semaines selon l’espèce et, surtout, la température ambiante. Le stade adulte se déroule en milieu aérien et dure environ une semaine pour le mâle et jusqu’à deux mois pour la femelle.
La phase pré-imaginale ou la phase aquatique
Les femelles adultes pondent 50 à 200 œufs à la surface de l’eau mesurant 0.5 x 0.2 mm. Ces œufs peu résistants à la sécheresse, possèdent des flotteurs latéraux ; ils éclosent en 2 à 3 jours en climat tropical. Les larves passent la majeure partie de leur temps à s’alimenter d’algues, de bactéries, et d’autres micro-organismes juste sous la surface de l’eau. En effet la larve d’anophèle passe par 3 mues la menant d’une longueur de 1mm au stade 1 à 5–8mm au stade quatre. A la nymphose, la pupe ressemble à une virgule et la pupaison se réalise à l’intérieur de la cuticule. La pupe cesse de se nourrir et est obligée de venir fréquemment à la surface de l’eau pour respirer. Après 1 à 2 jours, la surface dorsale du puparium (capsule durcie qui enveloppe la pupe) se fend longitudinalement et l’imago émerge.
La phase imaginale ou la phase aérienne
L’adulte qui vient d’émerger reste immobile pendant 24h, le temps que sa cuticule sèche, que ses ailes se déploient et que son appareil reproducteur soit fonctionnel. Les adultes mâles qui émergent en premier ont une durée de vie plus courte tandis que les femelles peuvent vivre jusqu’à 4 semaines. Mâles et femelles se nourrissent de nectar et de jus de plante car ils ont besoin de sucres comme source d’énergie. Seules les femelles sont hématophages et doivent prendre un repas sanguin, voire 2 ou 3 s’il s’agit de femelles nullipares, afin de permettre aux œufs de se développer dans les ovaires. La copulation a lieu dans les 48 h suivant l’émergence de l’adulte. La femelle n’est fécondée qu’une seule fois dans sa vie et les mâles peuvent féconder plusieurs femelles. C’est au cours de la phase aérienne, le plus souvent dans un essaim de mâles réunis au crépuscule, que s’effectue l’insémination de la femelle néonate. Les spermatozoïdes sont stockés dans une spermathèque, dont ils sont extraits progressivement pour féconder la totalité des œufs qu’elles produisent pendant le reste de leur vie. L’’activité de reproduction (repas sanguin, maturation des œufs et ponte) est répétée plusieurs fois au cours de la vie du moustique et s’appelle le cycle gonotrophique. Chez An. gambiae, le cycle prend 48 heures lorsque la moyenne de température jour/nuit est de 23°C.
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Table des matières
I. INTRODUCTION GENERALE
I.1. Les facies épidémiologiques du paludisme au Burkina Faso
I.2. Les vecteurs de l’agent pathogène
I.3. Mesure de la transmission
I.3.1. La capacité vectorielle
I.3.2. La compétence vectorielle
I.4. Bio-écologie d’Anopheles sp
I.4.1. La phase pré-imaginale ou la phase aquatique
I.4.2. La phase imaginale ou la phase aérienne
I.5. La résistance aux insecticides
I.5.1. Les insecticides utilisés en santé publique
I.5.2. Les mécanismes de résistances aux insecticides.
I.6. Le complexe An. gambiae s.l
I.7. Le groupe An. funestus
I.8. Anopheles rufipes s.l
II. OBJECTIFS
II.1. Objectif général
II.2. Objectifs spécifiques
III. MATERIEL ET METHODES
III.1. Suivi de la densité d’Anopheles rufipes et d’Anopheles gambiae s.l. au cours du temps et présence de Plasmodium falciparum
III.1.2 Echantillonnage
III.1.3. Identification des moustiques
III.1.4. Extraction de l’ADN génomique
III.1.5. PCR-ITS-2rDNA pour l’identification des espèces au sein du genre d’Anopheles
III.1.6. PCR d’identification des espèces au sein du complexe An. gambiae s.l
III.1.7. PCR diagnostique de l’infection du moustique par Plasmodium falciparum
III.1.8. Tests ELISA pour l’identification de l’origine du repas sanguin des moustiques gorgés
III.2. Etudes en laboratoire: longévité et infections expérimentales.
III.2.1. Elevage des moustiques
III.2.2.Longévité
III.2.3. Infections expérimentales
III.3. Les analyses statistiques et le traitement des données
IV. RESULTATS
IV.1. Collecte d’anophèles à Soumousso
IV.1.1. Effet de la période d’échantillonnage, du type de maison et du quartier sur le nombre de moustiques collectés
IV.1.2. Effet de l’espèce, de la période de collecte, du type de maison et du quartier sur le taux de gorgement
IV.2. Infection par Plasmodium falciparum des anophèles collectés
IV.3. Tests ELISA pour l’origine du repas de sang des moustiques gorgés
IV.5. Longévité
IV.6. Infections expérimentales
IV.6.1. Taux de gorgement lors des expériences
IV.6.2. Taux d’infection en sporozoïtes des femelles An. rufipes et d’An. coluzzii
V. DISCUSSION
V.1. Bio-écologie comparative d’An rufipes et An. gambiae s.l.
VI. CONCLUSION
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