Les fabrications simples:un signal d’appel pour le grand public

La Casemate : Centre de CST

Fondé en 1979 comme premier Centre de Culture Scientifique, Technique et Industrielle (CCSTI) en France, La Casemate a toute sa place dans cet écosystème où la recherche et l’industrie travaillent de pair. Sa mission consiste à diffuser et à promouvoir la culture scientifique auprès de tous les publics. Depuis sa création, un réseau d’une quarantaine de CCSTI s’est constituéen France. Chacun de ces centres de sciences continue, sur son territoire, à écrire l’histoire de la culture scientifique, technique et industrielle française.
Depuis sa création, l’association est hébergée dans un site protégé du patrimoine culturel local : Les Casemates. Ces anciennes fortifications de la ville de Grenoble séduisent de nombreuses entreprises pour y organiser des événements de tourisme d’affaire face à un panorama unique sur le massif alpin de la chaîne de Belledonne.
Composée d’une vingtaine de membres, issus des secteurs de la culture, des sciences, du journalisme, de la communication, l’équipe de La Casemate développe et produit tout au long de l’année des expositions interactives, des ateliers de découverte scientifique, des publications online, des rencontres comme les Hackathons et des événements comme La Fête de la science ou la Maker Faire.
Ces actions portent des regards transdisciplinaires et font toute leur place aux sciences humaines et sociales comme aux sciences dites « dures » ou encore aux nouvelles pratiques numériques. La Casemate privilégie l’interactivité avec le public, pour le rendre acteur de son expérience.
La Casemate accueille et produit des expositions à destination des publics non lecteurs, les enfants de 3 à 7 ans. Ces expositions ont pour but de sensibiliser les plus jeunes aux sciences en leur rendant accessibles des concepts parfois complexes. A titre d’exemple, le 6 juin 2017 va ouvrir “4 Saisons”, une exposition interactive mais sans écran sur le thème des saisons, des changements qu’elles impliquent et de leur impact sur la nature et les animaux.
En 2012, La Casemate a ouvert dans ses lieux un Fab Lab : un lieu de rassemblement et de partage autour de la fabrication. Il est complété depuis 2017 par un Bio Lab –lieu de partage et defabrication à partir du vivant- et par un Media Lab en construction pour documenter le travail du Fab Lab et du Bio Lab. Le Fab Lab a amené à La Casemate une nouvelle réflexion sur l’interaction avec le public. Ce nouveau fonctionnement qui sera au centre de l’étude de ce mémoire.
Ainsi, La Casemate a un rôle de diffusion et de promotion dans Grenoble-Alpes Métropole d’une culture scientifique et technique historiquement dynamique sur le territoire. Elle transmetau citoyen la richesse de ce terreau d’innovationpar des expositions, des évènements, et depuis 2012 par un outil de médiation original : le Fab Lab. Le chapitre suivant visera à définir un Fab Labet sa placedans un centre de médiation destiné au grand public.

LE MOUVEMENT DES FAB LABS POUR L’APPROPRIATION DE LA CST

L’HISTOIRE DES FAB LABS 

Le concept des Fab Labs a été pensé en 1990 par Neil Gershenfeld, professeur, physicien et informaticien au MIT. Il a vu le jour à partir d’un cours un peu particulier nommé : « How to make (Almost) anything » (« comment fabriquer (presque) tout ») (Gershenfeld, 2006) oùNeil Gershenfeld apprend à ses élèves les rudiments de l’électronique, de la conception sur ordinateur, et de l’utilisation de machines à commandes numériques. Ce cours a rencontré un succès inattendu : des personnes issues de tous les horizons dont beaucoup sans compétence technologique sont venus pour assister à cette initiation innovante. De cette initiative est né le premier Fab Lab et la charte du MIT qui donne la liste des outils pour créer un tel lieu. Aujourd’hui, on compte 594 Fab Lab à travers le monde dont plus de 70 en France.
Selon la charte du MIT, un Fab Lab compte parmi ses machines :
– l’imprimante 3D : elle ajoute couche par couche de la matière pour créer un objet en volume depuis un objet en 3D sur ordinateur,
– la découpeuse laser : avec un faisceau laser, elle découpe ou grave dans des plaques de faible épaisseur des formes dessinées en 2D sur ordinateur,
– la découpeuse vinyle : avec une lame coupante, elle découpe des formes 2D à partir d’un dessin 2D sur ordinateur pour réaliser des autocollants et des stickers à coller sur un teeshirt.
– et les ateliers en électronique : des kits comme ceux proposés par Arduino permettent de monter facilement des circuits électriques et de les programmer librement pour arriver à des dispositifs connectés.
Ces machines, associées à de la programmation et du bricolage à la main, permettent d’obtenir avec peu d’étapes une grande variété d’objets des plus simples aux plus complexes. Le Fab Lab est ainsi un bon moyen de permettre au citoyen de « fabriquer (presque) tout » à partir de peu de machines et d’outils.
Un Fab Lab a été installé à La Casemate grâce aux réflexions d’un programme nommé Inmédiats.

La partie suivante retrace l’histoire de ce Fab Lab

HISTOIRE DU FAB LAB DE LA CASEMATE:LE PROGRAMME INMEDIATS II

Le Programme Inmédiats (Innovation, Médiation, Territoires) est le programme lauréat du Programme d’Investissement d’Avenir dédié au développement de la culture scientifique et à l’égalité des chances. Il cherche à rendre la recherche et l’innovation accessibles au plus grand nombre grâce à des outils numériques.
Pendant la durée du programme de 2011 à 2015, il a été porté par six centres de sciences: Cap Sciences de Bordeaux, l’Espace des Sciencesde Rennes, La Casemate de Grenoble, Relais d’sciences de Caen, Science Animation de Toulouse et Universcience de Paris. Pour renforcer l’égalité des chances dans l’accès aux sciences et techniques, notamment pour les 15-25 ans, le programme Inmédiats propose de développer et d’expérimenter de nouveaux outils de médiation culturelle qui exploitent le potentiel des nouvelles technologies numériques. Trente millions d’euros ont été investis en cinq ans.
La Casemate s’est alors positionnée sur l’installation d’un Fab Lab dans ses locaux, sur le développement d’Echosciences, réseau social territorial dédié à la culture scientifique, ainsi que sur l’installation d’un Living Lab.

Le Fab Lab de La Casemate aujourd’hui

Après cinq années de fonctionnement, le Fab Lab a accueilli 7284 visites en 2016, documenté 59 projets et permis la création de près de mille comptes sur Fab Manager la plateforme de gestion des Fab Labs. Le Fab Lab propose aujourd’hui une large palette d’activités, on peut y compter :
– des formations aux machines et à la programmation.
– des ateliers de bricolage animés par des acteurs partenaires.
– et des ateliers de fabrication.
Ces derniers ateliers se rapprochent des activités de médiation classiques. Elles sont néanmoins trop consommatrices de temps et de ressources humaines pour permettre d’accueillir un très large public au même titre qu’une exposition: un à deux médiateurs accompagnent huit personnes pendant trois heures à deux jours.
En parallèle de ses activités de médiation, le Fab Lab joue le rôle de tiers lieu : c’est un espace ouvert à tous, neutre, qui n’est ni la maison, ni le travail. Sa fonction et les activités qu’il propose se créent en fonction des groupes qui s’y retrouvent. Un café peut, par exemple, devenir un tiers lieu pour des lecteurs qui en font leur point de ralliement pour partager leur passion. Le Fab Lab permet, lui, de se rassembler autour des activités de fabrication, de bricolage ou de bidouillage, augmentées par les machines à disposition. Les médiateurs de ce tiers lieu sont des fab facilitateurs, ils accompagnent ceux qui le souhaitent et se tiennent à leur disposition pour leur apporter de l’aide, des conseils ou des informations.

LA PARTICIPATION DE L’USAGER,UNE DEMARCHE DANS L’ERE DU TEMPS

LES MODES DE PARTICIPATION 

La notion de participation est très présente dans les nouveaux modèles d’organisation. On la retrouve dans les mécanismes de démocratie participative, d’économie participative, de management participatif et même de marketing participatif.
Dans chacun de ces cas, la participation consiste à impliquer le « public » dans un processus ou une décision. Il s’agit ducitoyen pour la démocratie participative, de l’ensemble des salariés pour du management participatif ou encore des clients pour le marketing participatif.
La démarche participative démultiplie les forces pour réaliser une action ou trouver une idée, mais surtout, elle redonne de la liberté et du pouvoir à un public parfois éloigné du processus décisionnel des organisations hyper-contraintes.
Il existe plusieurs niveaux de participation, dont les typologies sont recensées dans un rapport sur les actions humanitaires (Leguenic, 2001). L’inconvénient de cette méthode de diffusion est qu’il demande au public qui n’est pas familier avec cette culture de comprendre des mécanismes complexes sur lesquels s’appuient les entreprises et la recherche depuis des générations. Cette complexité de la compréhension a déjà été perçue en 1973 (Roqueplo, 1973).
Une autre forme de participation, plus souvent associée aux démarches participatives, est la consultation. Cette pratique vise souvent à rechercher l’aval des citoyens dans des projets qui leurssont destinés. La ville de Grenoble, notamment, organise des actions participatives qui invitent les citoyens à des réunions de travail sur des aménagements du territoire.
La Casemate essaie d’aller au-delà de l’intervention avale du citoyen. En effet, elle expérimente de nouveaux formats qui s’apparentent à de la participation fonctionnelle: lors des séances de créativité en amont de la conception d’un nouveau projet, elle invite les participants à formuler des propositions qui contribueront à la conception d’un projet Ainsi, La Casemate dispose d’un panel d’idées et de propositions concrètes qui lui permettront de créer un projet qui soit le plus en adéquation possible avec les envies des publics concernés. La participation active est le niveau le plus élevé de participation et elle est également la condition nécessaire à la venue des citoyens dans le Fab Lab. En effet, c’est le principe même du lieu: le citoyen vient avec un projet qui lui est propre et avance en autonomie pour le mener à bien. Il est bien sûr accompagné par les médiateurs, mais le projet et sa construction vient de l’individu. Guy Parmentier, chercheur en management de l’innovation, travaille sur l’innovation participative dans les grandes entreprises. Elles ouvrent une partie de leur dispositif pour permettre à un tout public d’innover. Pour Guy Parmentier, la force de l’innovation participative tient dans la capacité d’un groupe à faire émerger d’une synergie des idées et des propositions innovantes. On revient au fonctionnement de la communauté de village, qu’on a perdu avec l’agrandissement des villes. Il mentionne qu’on a retrouvé ce fonctionnement avec l’arrivée du numérique, par la création de liens personnels de proximité entre les personnes.

Participation fonctionnelle pour le Fab Lab de La Casemate

Les deux exemples précédents proposent au public une participation dans un cadre donné et indépendant à la stratégie globale de la structure. La participation fonctionnelle pourrait donc être un point de départ pertinent pour envisager une stratégie participative, elle permet de conserver une unité stratégique et de définir un cadre précis à la participation.
Ainsi, Grenoble-Alpes Métropole possède un lourd passé scientifique et technique lié d’abord à une activité industrielle à laquelle se sont greffés recherche et activité académique. La Casemate, le CCSTI de ce territoire, est alors chargé de diffuser et de promouvoir cette culture auprès des citoyens. A ces fins, elle a installé en 2012 un Fab Lab où l’on organise aujourd’huides ateliers de fabrication avec les machines à commandes numériques. Cependant, ces derniers sont longs et onéreux pour La Casemate. Pour parvenir à toucher un plus large public que les huit personnes par atelier, nous réfléchissons, dans ce mémoire, à un format moins technologique où le citoyen serait invité à participer à l’activité du Fab Lab, plutôt qu’à se contraindre à un atelier technologique.
Parmi les typologies de participation existantes, la participation fonctionnelle, en ce qu’elle définit un format d’action citoyenne cadrée, peut être envisagé pour le Fab Lab. Le format peut consister à la création de contenus pour enrichir le champ des connaissances comme dans le cas des archives de la Vendée ou à proposer une invention déjà éprouvée, comme dans le cas de la gendarmerie.
Les parties suivantes s’attacheront alors à étudier les possibilités d’une participation fonctionnelle dans le cadre d’une médiation de la CST dans le Fab Lab de La Casemate.
La semaine du 6 au 10 mars 2017 a consisté en une phase d’immersion au sein du Fab Lab. Ce temps a permis d’observer les interactions, les activités et les temporalités du lieu.

OBSERVATIONS

Atelier Vinyle avec l’Ecole de la deuxième Chance

Cet atelier a eu lieu le mardi 24 janvier de 11h à 12h et le jeudi 26 janvier 2017 de 9h à 12h. Deux accompagnateurs et huit étudiants sont venus participer à une activité de fabrication de stickers pour Tee-shirts.
L’atelier s’est déroulé en trois temps : la présentation du Fab Lab, la conception des dessins sur ordinateur puis la fabrication des Tee-shirts (découpe des motifs à la découpeuse vinyle et collage des stickers sur les Tee-shirts avec la thermo colleuse).
L’étape de conception a été la plus longue, elle a duré 2h pour une heure d’assemblage. Cependant, chaque élève est parvenu à réaliser son sticker personnalisé alors qu’il n’avait aucune compétence technique avant l’atelier. J’ai pu observer, de plus, une dynamique participative qui s’est mise en place pour tous les élèves au moment de la fabrication et de l’assemblage de l’objet.
Atelier Fab Labs Solidaires avec le Lycée d’Argouge Fab Labs Solidaires est un programme financé par la fondation Orange pour l’éducation numérique. Dédié à des jeunes de 12 à 25 ans en rupture avec les méthodes d’enseignement classique, il propose des ateliers de sensibilisation aux nouvelles pratiques numériques et des ateliers pratiques pour monter en compétence. La Casemate, association participante à Fab Labs Solidaires pour la troisième année consécutive, organise dans ce cadre des ateliers de fabrication au Fab Lab.
L’atelier observé pour ce mémoire s’est déroulé sur trois jours du 14 au 16 février 2017 avec une équipe de 9 lycéens encadrés par un enseignant. L’atelier aété réalisé pour le printemps du livre.
Pendant les cours, les élèves avaient reçu une auteure de pièces de théâtre et leur venue au Fab Lab a consisté à fabriquer un cadeau de remerciement pour sa participation. Une scène de la pièce a été fabriquée et assemblée à la découpeuse laser et une carte de remerciement a été réalisée sous forme de livre géant en cuir et en bois gravé. Ici aussi, la conception est l’étape qui a duré le plus longtemps. Les élèves sont parvenus à une fabrication collective satisfaisante pour l’ensemble du groupe, et une dynamique participative s’est mise en place à partir de l’assemblage.

L’Open Lab

L’Open Lab est un format proposé chaque semaine par le Fab Lab de La Casemate. Tous les mercredis de 18h à 21h, le Fab Lab est ouvert et les machines sont utilisables gratuitement. Chaque open lab est l’occasion de la présentation d’un projet de Maker.
L’Open Lab auquel j’ai assisté s’est déroulé le mercredi 1er février 2017. Il a porté sur la présentation de la Makerfight du Fab Lab Technistub de Mulhouse.
L’Open Lab a accueilli 9 personnes, aucun n’étaitnovice, il s’agissait essentiellement d’habitués du Fab Lab.

MISE EN SITUATION 

Les Réalisateurs du Lab

Cet atelier s’est déroulé les trois après-midis du 22 au 24 février 2017 avec huit enfants de 7 à 12 ans. Il s’agit du premier atelier des Réalisateurs du Lab de La Casemate, conçu par la médiatrice Pauline De Chalendar. J’ai assisté à la conception de l’atelier et aidé à la médiation pendant son déroulement.
Les enfants, en deux groupes de quatre, ont réalisé deux films en stop-motion : en prenant des photos à intervalles de temps réduits et réguliers se crée un mouvement des pièces déplacées. Chaque groupe a ainsi inventé le scénario, dessiné le storyboard, construit les décors et les personnages, tourné les scènes et enregistré la bande son.
Les films ont été réalisés dans les temps et les enfants étaient très satisfaits de leur création. Ils n’ont pas été freinés par la technologie comme les lycéens des ateliers précédents. La difficulté principale a consisté à les garder concentrés pendant des temps longs.
Les deux stop-motion sont accessibles sur la page YouTube de La Casemate sous le nom des Réalisateurs du Lab#1 ou sur le lien suivant pour la première vidéoet celui-ci pour la seconde vidéo.

Concours I Make 4 my city

Le concours I Make 4 My City est organisé par la fondation Orange pour la seconde année consécutive. Adressé aux jeunes de Fab Labs Solidaires, il vise à montrer les capacités des jeunes après une formation Fab Labs Solidaire en fabrication numérique. Le thème de cette année 2017 est « le Sport pour tous ».
L’atelier pour répondre au concours à La Casemate s’est tenu sur deux jours et demi avec huit jeunes de l’Ecole de la deuxième chance (E2C) dans un contexte un peu spécifique.
En effet, à la place de l’atelier de fabrication autour d’une machine habituellement programmé avec l’E2C, la responsable de médiation, Catherine Demarcq, a proposé d’inscrire l’équipe au concours I Maker 4 My City.
L’atelier s’est déroulé en trois temps, la journée du mardi 18 avril, l’après-midi du vendredi 5 mars, et la journée du mardi 9 mai 2017. L’équipe de huit jeunes de Grenoble et de Voiron a conçu des jeux, fabriqué les maquettes et les a présentés par vidéo.
Il s’agit du premier atelier dans lequel nous avons intégré une session de créativité avant la fabrication. Les élèves ont été intéressés par la démarche créative, ils sont parvenus à proposer des idées, à se mettre d’accord sur des idées communes, à dessiner les maquettes et à se répartir les rôles pour la phase d’assemblage. La phase de conception s’est faite collectivement à partir de matériel usuel (papier, crayon, feutres, gommettes …), elle a duré deux fois plus longtemps que la phase de fabrication. Dans cet atelier, les élèves ont montré une dynamique de participation collective dès le travail de créativité.
La vidéo du projet est disponible sur la page YouTube de La Casemate. La présentation issue de la première séance de créativité est aussi disponible en annexe de ce mémoire.

SEANCES DE CREATIVITE

Séance : quel Fab Lab Mobile pour la Métropole ?

Cette séance s’est déroulée la matinée du 17 février 2017 à La Casemate. Elle a réuni 12 acteurs de la Métropole intéressés par le projet du Fab Lab Mobile ainsi que des acteurs des organisations associatives, des structures institutionnelles et des entreprises.
Pendant trois heures les participants, organisés en 3 groupes, ont proposé sous forme d’un Vision Boardune vision du futur Fab Lab Mobile et de son fonctionnement dans la Métropole.
Cet atelier a rencontré un franc succès auprès des participants et a permis de faire émerger les besoins et les envies qu’ils projetaient sur un dispositif tel que le Fab Lab Mobile.
Le compte rendu de cette séance est présenté en annexe.

LE PUBLIC DU FAB LAB DE LA CASEMATE

Dans ce premier chapitre, nous étudierons le public de La Casemate, son rôle et les freins à dépasser pour permettre une diffusion à plus large échelle de la CST avec le Fab Lab.
Pour les deux parties suivantes de ce chapitre, l’analyse sera basée sur la comparaison entre les termes relevés dans les articles étudiés ou lors des interviews réalisées. Les termes en couleur sont ceux qui font partie de cette analyse, les termes grisés sont ceux qui ne sont pas mis en avant dans cette analyse.

VERS UN « TOUT PUBLIC»ACTIF

La CST suit la stratégie nationale établie par le ministère de l’EducationNationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ainsi que le ministère de la Culture et de la Communication (Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et Ministère de la Culture et de la Communication, 2016) :
Cette stratégie indique une nouvelle direction vis-à-vis de la médiation scientifique classique : le « partage » plutôt que la transmission. Il s’agit de passer d’un public vu comme une masse à éduquer à une « inclusion » des citoyens dans cette culture. Les citoyens pourront ainsi « exercer leur citoyenneté » et prendre part dans « le débat public et les choix politiques ». La stratégie nationale cherche ainsi à rendre le citoyen acteur, pour lui faire comprendre le monde d’aujourd’hui et participer au monde de demain. Le positionnement de La Casemate vis-à-vis de cette stratégie se retrouve dans l’article de son rapport d’activité 2012 où elle annonce les nouvelles recherches de modes de médiation et dans la convention qui la lie aujourd’hui àGrenoble-Alpes Métropole (Tableau 4).

MEDIATION PAR PROJET:MOINS DE TECHNIQUE,PLUS DE BRICOLAGE

Quelques ateliers ont été créés au Fab Lab sous un nouveau format plus complet que l’atelier de fabrication classique. Nous travaillerons sur deux exemples d’atelier. Le premier est l’atelier « Les Réalisateurs du Lab » conçu par la médiatrice Pauline De Chalendar : il propose à une équipe de 8 jeunes de 7 à 12 ans d’inventer une histoire à partir de pièces trouvées dans le Fab Lab et de la réaliser sous la forme d’un stop-motion de quelques minutes.
Le second atelier au format complet s’est déroulé avec l’école de la deuxième chance pour répondre au concours I Make 4 My City, organisé par la Fondation Orange, dans le cadre de Fab Labs Solidaires. Cet atelier a compris l’invention de deux jeux sur le thème du «sport pour tous », la réalisation de leurs maquettes et la présentation dans une vidéo de trois minutes.
Ces deux ateliers se dissocient des ateliers classiques de deux manières. D’une part ils incluent entre la présentation du Lab et la conception technique du projet, une phase d’idéation collective et, d’autre part, ils présentent la particularité de ne proposer que des actions que les participants savent réaliser (découpage, dessin, écriture, assemblage), sans comprendre la partie de conception sur ordinateur.

Le cas des Réalisateurs du Lab

Dans l’atelier « Les Réalisateurs du Lab », après une explication rapide du fonctionnement des stop-motion et du principe du story-board, les enfants, en deux groupes de quatre personnes, inventent un scénario qu’ils retranscrivent sous forme d’un story-board (Figure 18).
Lorsqu’une industrie fabrique un nouveau produit, une étudemarketing définit la spécificité du futur produit (ses clients, son prix, ses atouts par rapport aux concurrents …). La démarche marketing se conclut par un cahier des charges qui définit les besoins (couleur, poids, coût de fabrication pour arriver au prix idéal, fonctions particulières…).
De ces besoins émerge un cahier des charges fonctionnel qui répertorie l’ensemble des fonctions du produit (pour un fer à repasser : il vaporisera de l’eau, il pourra être posé verticalement quand il
est chaud, une partie pourra être prise dans la main sans se bruler, etc …). Chaque fonction est reliée à une partie du produit (pour la partie à prendre en main, ce sera la poignée). Ce cahier des charges permet d’aboutir à une conception préliminaire: un objet cohérent qui répond à l’ensemble des fonctions. La conception se prolonge avec une conception plus détailléede chaque pièce prenant en compte leur fabrication (où la fabriquer ? avec quel matériau ?) ainsi que l’assemblage de l’ensemble.
Ce n’est qu’après une conception très détaillée à partir des hypothèses du marketing qu’arrive la fabrication et une batterie de tests pour vérifier la pertinence de chaque étape.
La conception et la réalisation représentent souvent un budget extrêmement lourd. Et ce n’est qu’à la dernière étape que l’on peut vérifier que le produit plaira au client.
Cette méthode alourdit les processus de décision. Chaque étape dépendant de la précédente et influant sur la suivant, il est très difficile d’effectuerdes modifications à une échelle intermédiaire du produit. Ce fonctionnement est aujourd’hui remis en question pour le bien-être des employés lorsqu’ils n’ont pas de marge d’action ni de capacité de proposition, mais aussi pour la capacité qu’a l’entreprise à innover.
L’apparition des métiers du web a révolutionné le processus de fabrication. Pour un produit web , un site internet par exemple, la modification du produit est extrêmement rapide on peut modifier différentes parties sans avoir à refaire tout l’ensemble à chaque changement.
Ce fonctionnement va plus loin qu’un simple processus, il s’agit d’une démarche très en vogue dans l’écosystème de l’innovation: pour commencer un projet, on commence petit, on prouve que ça fonctionne puis on le fait grossir petit à petit. Le MVP (MinimumViable Product) existe dans cet objectif-là. En effet, pour lancer son entreprise avec un nouveau produit, on commence par réaliser une version simple qu’on met entre les mains des clients. Il peut s’agir seulement de la boite du produit que l’on présente ou d’un site internet qui présente le produit qui n’existe pas encore…
L’idée est de faire réagir le client et de construire le produit à mesure qu’on comprend ce qui marche et ce qui ne marche pas. Ce fonctionnement est intrinsèquement lié à la démarche du Fab Lab et la culture du Faire qu’elle véhicule: la culture Maker (« ceux qui font »). Il s’agit, lorsqu’on a une idée, de faire très rapidement une première version que l’on va améliorer par des successions d’essai erreur et des allers-retours entre la conception et la fabrication.
Cette méthode a été utilisée pour mettre en place Echosciences. En effet, Marion Sabourdy en témoigne : « on commence par quelque chose de simple, on prouve que c’est faisable eton grossit petit à petit ». Grâce à cette démarche, Echosciences a été expérimenté de 2012 à 2015 à GrenobleAlpes Métropole, puis Marion Sabourdy et Pascal Moutet ont organisé une refonte du site pour l’ajuster en fonction des besoins qu’ils avaient identifié: « nous avons supprimé des fonctionnalités qu’on avait imaginé être des besoins et qui ne sont finalement pas des besoins réels, et nous avons ajouté des choses pour des besoins qui sont apparus ». Ainsi, en en gérant une première version, on ajuste la définition des besoins des utilisateurs et donc les fonctionnalités du site.
Dans ce sens, les nouveaux processus de fabrication ont une application qui dépasse aujourd’hui le monde de l’entreprise grâce au web et aux Fab Lab. Il s’agit d’un véritable enseignement pour les citoyens qui pourront l’expérimenter. La partie de la CST que l’on transmet avec le Fab Lab à travers ce processus correspond donc plutôt à la culture d’entreprise et de l’industrie qu’au contenu d’un savoir scientifique.
Il s’agit maintenant de savoir si l’écosystème des entreprises et des industries fait partie de la CST que La Casemate peut transmettre et diffuser au « grand public ».

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Table des matières
AUTORISATION DE DIFFUSION 
REMERCIEMENTS 
INTRODUCTION 
PARTIE 1 : – CONTEXTE 
CHAPITRE 1 – LA MISSION DE DIFFUSION DE LA CST 
Définir la culture scientifique et technique (CST)
La CST à Grenoble : un passé dynamique mais militarisé
CHAPITRE 2 – LE MOUVEMENT DES FAB LABS POUR L’APPROPRIATION DE LA CST 
L’histoire des Fab Labs
Histoire du Fab Lab de La Casemate : le Programme Inmédiats
CHAPITRE 3 – LA PARTICIPATION DE L’USAGER,UNE DEMARCHE DANS L’ERE DU TEMPS
Les modes de participation
Des succèss stories de l’action participative
PARTIE 2 : – EXPERIENCES ET MATERIAU RECUEILLI 
CHAPITRE 1 – ETUDE DE TERRAIN
Immersion au Fab Lab
Observations
Mise en situation
Séances de Créativité
Entretiens semi-directifs
Documents de référence
PARTIE 3 : – ANALYSE
CHAPITRE 1 – LE PUBLIC DU FAB LAB DE LA CASEMATE
Vers un « tout public » actif
La sous-représentation du « tout public » au Fab Lab aujourd’hui
Les freins à la venue du grand public
CHAPITRE 2 – LES FABRICATIONS SIMPLES:UN SIGNAL D’APPEL POUR LE GRAND PUBLIC
Séances de créativité : une demande grandissante à La Casemate
Médiation par projet : moins de technique, plus de bricolage
CHAPITRE 3 – DES ATELIERS SANS FORMATION TECHNIQUE:QUELLE PLACE DANS UN CCSTI ? 
L’apprentissage d’une démarche industrielle
Appartenance de l’Industrie à la CSTI
La CST focalisée sur les sciences et les techniques
CONCLUSION

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