Les examens radiologiques avec injection de PCI
INTRODUCTION
Les produits de contraste (PC) sont des substances largement utilisรฉes en radiologie pour augmenter artificiellement le contraste au sein dโun viscรจre, permettant de faire une รฉtude structurale et anatomique, de visualiser sa vascularisation, ou rรฉvรฉler une situation pathologique (prise de contraste par une tumeur ou rehaussement pรฉriphรฉrique lors des lรฉsions kystiques).Leur large utilisation peut cependant sโaccompagner de plusieurs effets secondaires : allergiques, digestifs ou rรฉnaux dont la NIPC, qui est lโillustration la plus redoutรฉe aprรจs rรฉalisation dโexplorations radiologiques avec injection de PC.La NIPC est une insuffisance rรฉnale aiguรซ par nรฉcrose tubulaire aiguรซ liรฉe ร des modifications hรฉmodynamiques intra-rรฉnales et ร une toxicitรฉ tubulaire directe de l’iode sur le rein.Ainsi, l’augmentation du nombre de procรฉdure radiologique (diagnostiques et thรฉrapeutiques) avec utilisation de PC a entraรฎnรฉ une augmentation de l’incidence de cette nรฉphropathie qui est actuellement la troisiรจme cause d’insuffisance rรฉnale aiguรซ en intrahospitalier (11%) aprรจs les causes hรฉmodynamiques et mรฉdicamenteuses [1].La physiopathologie de la toxicitรฉ rรฉnale des PCI est complexe et fait intervenir des altรฉrations de la micro-circulation rรฉnale, la gรฉnรฉration de radicaux libres oxygรฉnรฉs et de substances vasoconstrictrices ร lโorigine dโune hypoxie mรฉdullaire rรฉnale. Sโajoute ร cela une toxicitรฉ plus directe (essentiellement liรฉe ร lโosmolalitรฉ du PCI par altรฉration de la chaรฎne oxydative mitochondriale), ainsi quโune possible augmentation de la consommation en oxygรจne de la mรฉdullaire rรฉnale [2].En milieu de rรฉanimation, la NIPC aggravรฉe par les comorbiditรฉs des patients, est responsable dโune prolongation du sรฉjour, dโune majoration de la mortalitรฉ, et dโun surcout pouvant รชtre important avec parfois mรชme le recours ร lโรฉpuration extra-rรฉnale [3].Les facteurs de risque de la NIPC รฉtant maintenant mieux connus, permettant ainsi de proposer des mesures prรฉventives afin de limiter le risque de dรฉvelopper cette pathologie.Lโobjectif principal de notre รฉtude est dโรฉvaluer lโefficacitรฉ dโun protocole de prรฉvention de la NIPC, basรฉ sur lโalcalinisation des urines, et dโรฉtudier le profil รฉpidรฉmiologique et les facteurs de risque chez les patients de rรฉanimation.
Les PCI :
ย Les PCI sont des petites molรฉcules de faible poids molรฉculaire caractรฉrisรฉs par leurs concentrations, osmolalitรฉs et viscositรฉs :
๏ La concentration en iode dโun PCI fait rรฉfรฉrence ร sa teneur en milligramme (mg) dโiode par millilitre (ml) de solution. Les prรฉsentations dรฉclinent souvent diffรฉrentes concentrations de chacun des PCI, adaptรฉes ร diffรฉrentes utilisations.
๏ Lโosmolalitรฉ exprime le nombre de particules osmotiquement actives, autrement dit celles qui exercent une force sur les parois semi-permรฉables qui lโentourent, par kilogramme (kg) de solvant (ici lโeau). Le nombre de ces particules diffรจre du nombre des molรฉcules en solution du fait de leurs agrรฉgations sous la dรฉpendance des liaisons hydrophobes. Lโosmolalitรฉ mesurรฉe dโun PC donnรฉ est donc infรฉrieure ร son osmolalitรฉ thรฉorique. Lโunitรฉ de lโosmolalitรฉ est la milli-osmole par kilo dโeau : mOsm/kg H2O. Cette expression ne doit pas รชtre confondue avec lโosmolalitรฉ qui sโexprime en milli-osmole par litre de solution. La comparaison entre l’osmolalitรฉ intrinsรจque de deux produits ne peut se faire qu’ร teneur identique en iode : ainsi un produit hyperosmolaire (PHO) peut, aprรจs dilution, รชtre ramenรฉ ร l’osmolalitรฉ d’un produit de basse osmolalitรฉ (PBO), mais au prix d’une teneur trop faible en iode pour offrir une efficacitรฉ diagnostique lors dโune utilisation intravasculaire.
๏ La viscositรฉ dโune solution est la rรฉsistance quโelle oppose ร un รฉcoulement uniforme. Lโunitรฉ de viscositรฉ est exprimรฉe en centpoises (cp) ou en milli Pascals seconde (mPa.s). Les diffรฉrents PCI ont une viscositรฉ de l’ordre de 4 ร 12 cp : plus รฉlevรฉe que celle du plasma (1.2 cp). La viscositรฉ a un rรดle, au temps artรฉriel, sur la compacitรฉ du bolus et son adhรฉsion aux parois. Les produits fluides adhรฉrent peuaux parois, alors que les produits de viscositรฉ plus รฉlevรฉe les dessinent mieux, mais au prix dโune certaine agressivitรฉ vis ร vis de lโendothรฉlium. Les produits particuliรจrement visqueux limitent la rapiditรฉ de lโinjection, notamment avec de petits cathรฉters (4-5F). Dรจs le temps artรฉriel, la viscositรฉ du produit, du fait de sa dilution, approche la viscositรฉ du plasma. Diffรฉrents paramรจtres ont un rรดle sur la viscositรฉ : la tempรฉrature, la concentration, et la nature chimique. Les produits les plus visqueux sont les plus froids, les plus concentrรฉs, les dimรจres (grosses molรฉcules), et enfin, pour les produits ioniques, les sels de mรฉglumine (dont lโencombrement molรฉculaire est plus important que celui des sels de sodium).
Physiopathologie de la NIPC :
ย La physiopathologie et les facteurs de risque de cette maladie iatrogรจne sont maintenant mieux connus. Il sโagit dโun phรฉnomรจne multifactoriel, qui comporte des mรฉcanismes hรฉmorhรฉologiques, une perturbation de l’hรฉmodynamique intra-rรฉnale, une hypoxรฉmie locorรฉgionale et une toxicitรฉ cellulaire directe. La nรฉphrotoxicitรฉ des PCI fait intervenir lโosmolalitรฉ du produit essentiellement, mais aussi la molรฉcule ร proprement parler. Le mรฉcanisme essentiel est vasculaire, par modification de lโhรฉmodynamique intra-rรฉnale. Lโosmolalitรฉ du PCI a pour particularitรฉ de provoquer, sur lโartรจre rรฉnale, aprรจs une brรจve vasodilatation, une vasoconstriction[22][23]. Celle-ci nโa de retentissement quโen cas de dรฉshydratation ou dโischรฉmie prรฉexistante. Elle est alors responsable, sur la mรฉdullaire externe, particuliรจrement sensible ร lโischรฉmie, dโune baisse du dรฉbit sanguin local et dโune diminution de la PaO2 tissulaire, ร lโorigine dโune nรฉcrose tubulaire[24]. Il sโajoute ร ce mรฉcanisme vasculaire, une toxicitรฉ sur les cellules tubulaires par effet direct de la molรฉcule, dont tรฉmoigne d’ailleurs une enzymurie anormale. Ceci sans oublier le rรดle dรฉlรฉtรจre des radicaux libres oxygรฉnรฉs dans la physiopathologie de la nรฉphropathie aux PCI dรฉmontrรฉ par plusieurs รฉtudes comme celle rรฉalisรฉ en 2006 par P.B.Persson et M.Tepel.[25]. En rรฉsumรฉ, la NIPC est une nรฉcrose tubulaire aiguรซ liรฉe ร 5 principaux facteurs :
๏ Toxicitรฉ directe sur les cellules รฉpithรฉliales tubulaires, avec augmentation de lโosmolalitรฉ tubulaire[24]. (dรฉmontrรฉe en 2001 par โโK. Hardiekโโ dans une รฉtude prospective publiรฉe dans : American Journal of Physiologie).
๏ Hyperviscositรฉ sanguine et altรฉrations micro-vasculaires.
๏ Stress oxydatif avec production dโun excรจs de radicaux libres et vasoconstriction rรฉnale. (observรฉe in vitro par โโRauchโโ et al en 1997 lors de lโexposition aux produits de contraste iodรฉs de segments artรฉriels des cobayes)[26][27].
๏ Prรฉcipitation des protรฉines.
๏ Rรฉponse inflammatoire et vasoconstriction rรฉnale
Le diabรจte :
ย Les nรฉphropathies diabรฉtiques ont fait lโobjectif de plusieurs รฉtudes. Il sโagit dโun problรจme majeur de santรฉ publique associรฉ ร une morbiditรฉ et mortalitรฉ bien plus supรฉrieures que celles des autres nรฉphropathies. Elle concerne ร la fois le diabรจte de type 1 et de type 2, mais l’รฉvolution de la maladie est sensiblement diffรฉrente dans ces deux cas : le diabรจte de type 1 fait redouter l’insuffisance rรฉnale en premier lieu, alors que la nรฉphropathie diabรฉtique du type 2 a surtout un mauvais pronostic cardio-vasculaire.Dans ces conditions, lโincidence de la NIPC chez les diabรฉtiques est comprise entre 5.7 ร 29.4 % selon les sรฉries[30]. Il est intรฉressant de noter que parmi eux, les patients qui ont une fonction rรฉnale prรฉservรฉe et qui ne prรฉsentent pas dโautres facteurs de risque ont une exposition comparable ร la population gรฉnรฉrale comme le dรฉmontre lโรฉtude รฉpidรฉmiologique rรฉalisรฉe en 2006 par โโ R. Mehranโโ et โโE. Nikolskyโโ[31] .Nos rรฉsultats rejoignent les donnรฉes de la littรฉrature puisque sur les 11 patients diabรฉtiques, 3 ont dรฉveloppรฉ une NIPC : soit une incidence de NIPC de 27,2% chez les patients diabรฉtiques. Cependant, lโanalyse statistique des facteurs de risque a objectivรฉ que lโinfluence du diabรจte dans la survenue dโune NIPC nโest pas statistiquement significative (p= 0,964).Toutefois, la diffรฉrence dโincidence que nous avons enregistrรฉ entre les deux groupes (40% dans le groupe P2 VS 16,66% dans le groupe P1) chez le patient diabรฉtique, mรชme si elle nโest pas statistiquement significative pourrait รชtre expliquรฉe par lโeffet bรฉnรฉfique du protocole de lโalcalinisation des urines par du bicarbonate.
Nรฉphropathie:
ย ย La nรฉphropathie est un terme gรฉnรฉrique qui englobe tous les dommages que les reins peuvent subir. Il existe donc plusieurs types de nรฉphropathie classรฉe en fonction du mode รฉvolutif (aigu, subaigu, ou chronique), de la rรฉgion des reins qui est touchรฉe (la nรฉphropathie glomรฉrulaire, tubulaire, interstitielle ou vasculaire) ou par lโรฉtiologie prรฉsumรฉe (infectieuse, toxique, immuno-allergique, ou mรฉtabolique dont la nรฉphropathie diabรฉtique). Plus largement, la progression des nรฉphropathies est trรจs variable dโun patient ร lโautre et dรฉpend de nombreux paramรจtres, mais se fait le plus souvent vers la dรฉgradation de la fonction rรฉnale aboutissant ร lโinsuffisance rรฉnale chronique terminale.Les donnรฉes de la littรฉrature concluent que le plus important facteur de risque de la NIPC est la fonction rรฉnale de base, รฉvaluรฉe par le DFG : plus la fonction rรฉnale est altรฉrรฉe plus lerisque de dรฉvelopper une NIPC augmente [32][33][34][36][37]. Ainsi comme exemple on retrouve lโรฉtude rรฉalisรฉe par Sadeghi et Al qui a objectivรฉ un OR pour la survenue dโune NIPC ร 5.77 (CI 95% [2.1;15.9]) chez les patients ayant une clairance de la crรฉatinine infรฉrieure ร 60mL/min/1.73m2[35]. Dans dโautres mรฉta-analyses, lโincidence de la NIPC รฉtait de 5,3 % chez 3232 patients ayant une fonction rรฉnale normale contre 15,7 % chez 959 patients ayant une fonction rรฉnale altรฉrรฉe[31]. De mรชme, dans la cohorte du ยซ Minnesota Registry of Interventional Cardiac Procedures ยป, lโincidence de cette maladie atteint 22 % chez les patients ayant une crรฉatininรฉmie de base comprise entre 176 et 255 ยตmol/l et 30 % chez ceux ayant une crรฉatininรฉmie supรฉrieure ร 256 ยตmol/l[38].Dans notre รฉtude, et de faรงon consensuelle, une valeur du (DFG) infรฉrieure ร 60 (ml/mn/1.73mยฒ) a รฉtรฉ retenue comme un critรจre dโexclusion afin de ne pas influencer les rรฉsultats de notre รฉtude. Toutefois, lโanalyse statistique de notre รฉtude a conclue que lโinfluence de la nรฉphropathie dans la survenue de NIPC nโest pas statistiquement significative (p=0 ,874).Nรฉanmoins, la diffรฉrence objectivรฉe entre les patients atteints de nรฉphropathie du groupe P1 -qui nโont pas dรฉveloppรฉ de NIPC- et le groupe P2 โun seul patient a dรฉveloppรฉ une NIPC- ne peut รชtre expliquer que par le rรดle protecteur du protocole de rรฉhydratation alcaline chez le groupe bicarbonates.
Mรฉdicaments toxiques :
ย Les atteintes rรฉnales secondaires ร un traitement mรฉdicamenteux sont frรฉquentes et reprรฉsentent plus de 20 % des insuffisances rรฉnales aiguรซs[39]. Parmi les mรฉdicaments nรฉphrotoxiques, les AINS, les antibiotiques et les PCI occupent les trois premiรจres positions en termes de prรฉvalence des insuffisances rรฉnales aiguรซs iatrogรจnes[40].Pour รฉviter que la toxicitรฉ de ces mรฉdicaments nโamplifie celle des PCI, lโAmerican College of Radiology et lโEuropean Society of Urogenital Radiology, recommandent lโarrรชt des mรฉdicaments nรฉphrotoxiques avant de procรฉder ร la rรฉalisation de tout examen radiologique avec injection de PCI[41]. Les patients chez qui lโutilisation des mรฉdicaments nรฉphrotoxiques est incontournable, comme cโest le cas en rรฉanimation, sont รฉtudiรฉs au cas par cas.Dans notre รฉtude, une proportion importante de la population รฉtudiรฉe (31,81% des cas) utilisaient des mรฉdicaments nรฉphrotoxiques. Ce rรฉsultat est en รฉcart avec les donnรฉes de la littรฉrature, comme lโรฉtude de Lakhal.K et Ehrmann.S qui rapporte seulement 9,4% de patients sous mรฉdications nรฉphrotoxiques[14]. Parmi ces 21 patients sous mรฉdicaments nรฉphrotoxiques,7 ont dรฉveloppรฉ une NIPC, soit une incidence globale de NIPC chez les patients sous mรฉdicaments nรฉphrotoxiques de 33,33%. Nรฉanmoins, lโinfluence des mรฉdicamentsnรฉphrotoxiques dans le dรฉveloppement de la NIPC dans notre population nโest pas statistiquement significative (p=0,564).
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Table des matiรจres
INTRODUCTIONย
MATรRIEL ET MรTHODE
I. Type dโรฉtudeย
II. Objectifs de lโรฉtudeย
III. Critรจres dโinclusionย
IV. Critรจres dโexclusionย
V. Recueil des donnรฉesย
VI. Analyse statistiqueย
RรSULTATSย
I. Incidenceย
II. Donnรฉes dรฉmographiquesย
1. Age
2. Sexe
III. Donnรฉes cliniquesย
1. Antรฉcรฉdents
2. Lโexamen clinique
IV. Donnรฉes radiologiquesย
1. Les diffรฉrents examens radiologiques
2. Le type de PCI
3. Le volume et nombre dโinjection de PCI
4. La voie d’administration du PCI
V. Donnรฉes biologiquesย
1. La fonction rรฉnale
2. Autres รฉlรฉments du bilan biologique
VI. Analyse des rรฉsultatsย
1. Comparaison des caractรฉristiques des deux groupes
2. Nombre de patients ayant dรฉveloppรฉ une NIPC
3. Caractรฉristiques des patients ayant dรฉveloppรฉs une NIPC et influence des facteurs de risque
DISCUSSIONย
I. Dรฉfinition de la NIPCย
II. Epidรฉmiologieย
III. Ethiopathogรฉnieย
1. Les PCI
2. Physiopathologie de la NIPC
IV. Profil รฉpidรฉmiologiqueย
1. Age
2. Sexe
V. Donnรฉes cliniquesย
1. Le diabรจte
2. Nรฉphropathieย
3. Mรฉdicaments toxiques
4. Dรฉshydratation et รฉtat de choc
VI. Donnรฉes biologiquesย
1. La fonction rรฉnale
VII. Donnรฉes radiologiques
1. Les examens radiologiques avec injection de PCI
2. Type de PCI
3. Volume et nombre dโinjection de PCI
4. La voie dโadministration du PCI
VIII. Mesures prรฉventivesย
1. Lโhydratation au NaCl
2. Lโalcalinisation
3. La N-acรฉtylcystรฉine
CONCLUSIONย
ANNEXESย
RรSUMรSย
BIBLIOGRAPHIES
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