Les évaluations économiques en population dans les prises en charge des cancers

Les méthodes d’évaluation économique

   Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), les EME mettent en regard les résultats attendus d’une intervention de santé avec les ressources consommées pour la produire (3). Leur objectif est de comparer les différentes options envisageables pour les décideurs selon leurs résultats et en fonction des ressources mobilisées, en vue d’une allocation optimale des ressources. Cet objectif équivaut à une recherche d’efficience. L’EME fait ainsi face à deux logiques décisionnelles. Au niveau de la population entière, l’éthique impose de mener une réflexion sur la répartition optimale et équitable des ressources disponibles. Elle concerne un choix collectif. Au niveau médical, la déontologie suppose de pouvoir prendre en considération et d’appliquer à l’individu l’ensemble des données de la science disponible. Elle relève d’un choix individuel. L’EME des programmes de santé peut être définie comme « l’analyse comparative d’options possibles, sur la base de leurs coûts comme de leurs conséquences » (15). Le premier travail associé à ces évaluations consiste donc à identifier, mesurer et comparer les coûts et les conséquences des options envisagées. Ce travail intégrant la définition préalable des options, caractérise toutes les EME menées dans le secteur de la santé. Les évaluations économiques en santé apportent également des informations sur les coûts d’une pathologie, et les conséquences sur le budget d’un financeur de l’introduction et la diffusion sur le marché d’un nouveau programme de santé. L’EME explore alors différentes facettes d’un tel programme. Selon Drummond, on peut les appréhender sous la forme d’input et d’output (15). Les inputs correspondent aux ressources consommées par le ou les programmes évalués. Les outputs représentent les conséquences du ou de ces programmes. Les conséquences peuvent être exprimées de différentes façons selon le type d’EME réalisée. Elles peuvent être représentées par des coûts évités ou supplémentaires, par une mesure de l’efficacité (morbidité, mortalité, survie), par une quantification de l’amélioration de l’état de santé (qualité de vie) ou par un bénéfice (prix de la vie humaine). Soient A et B deux programmes mis en comparaison. La nature précise des coûts et des conséquences à prendre en compte et leurs évaluations seront discutées dans les paragraphes suivants. Cependant dès lors qu’on évalue deux programmes A et B, on compare en règle générale la différence entre les coûts à la différence entre les conséquences, dans le cadre d’une analyse différentielle.

Analyse de minimisation des coûts

   L’Analyse de Minimisation des Coûts (AMC) se présente comme un cas particulier de l’analyse coûtefficacité. Elle s’applique lorsque les conséquences de deux interventions sont comparables ou très proches. Elle repose sur une hypothèse très forte d’égalité de l’efficacité et de la tolérance (i.e. innocuité) des stratégies comparées. Elle revient à comparer simplement les coûts des deux options étudiées. Ainsi, l’intervention la moins couteuse devrait être choisie. Dans ce cas, on peut évoquer la comparaison entre un médicament princeps et son générique par exemple. Néanmoins, l’hypothèse d’égalité de l’efficacité est rarement totalement satisfaite. L’AMC est utilisée lorsque les niveaux d’efficacité sont jugés sensiblement équivalents. Il faut alors être en capacité de démontrer l’équivalence d’efficacité entre les options comparées. L’AMC est le plus souvent utilisée en pharmaco-économie.

Analyse coût bénéfice

   L’analyse coût-bénéfice est fondée sur l’estimation d’un bénéfice net, c’est à dire sur la différence entre les bénéfices et les coûts d’un programme. Elle compare les flux actualisés de bénéfices différentiels et de coûts différentiels du programme, la différence entre ces deux flux étant le bénéfice social net. Le but de ce type d’analyse est de savoir si les bénéfices du programme excèdent ses coûts, un bénéfice social net positif indiquant que le programme mérite d’être mis en œuvre (32). Elle ne s’applique pas seulement en économie de la santé, mais aussi à tous les secteurs de l’économie. L’ACB est la forme la plus aboutie d’EME, notamment en raison de la perspective la plus globale envisagée (33). Elle permet en effet d’évaluer différents choix stratégiques par rapport aux conséquences relatives à tous les acteurs affectés par ces décisions. C’est un outil analytique d’aide à la décision permettant d’allouer les ressources de manière socialement efficace (32). Cependant, la valorisation des résultats de santé en termes monétaires, constitue la principale difficulté de ce type d’analyse. Tenter d’attribuer de façon explicite des valeurs monétaires aux résultats de santé est controversé. Toutefois, pour évaluer des résultats de santé en termes monétaires, trois approches ont été développées : l’approche dite du capital humain, l’approche par les préférences révélées et l’approche par les préférences déclarées de la disposition-à-payer. L’approche du capital humain pondère le temps en bonne santé par des poids monétaires en utilisant les taux de rémunération du marché. La valeur du programme est mesurée par la valeur actualisée des revenus futurs. La méthode permet ainsi d’attribuer une valeur aux états de santé (34). L’approche des préférences révélées consiste à mesurer le bénéfice des individus en observant leur comportement et l’importance qu’ils accordent au bien obtenu ou enlevé. L’objectif peut être par exemple d’étudier la relation entre certains risques sur la santé, liés à un travail dangereux, et les niveaux de salaires que les individus exigent pour accepter ce travail. La troisième approche se fonde sur le concept de disposition à payer. Elle mobilise des méthodes d’enquête destinées à présenter aux personnes interrogées des scénarios hypothétiques concernant le programme à évaluer. On demande à ces personnes de réfléchir à l’existence d’un marché hypothétique, pour un programme ou un bénéfice de santé, et d’envisager combien elles seraient prêtes à payer au maximum pour ce programme ou ce bénéfice. Les consommateurs sont interrogés sur les biens qu’ils seraient prêts à sacrifier, pour obtenir les bénéfices du programme si ceux-ci étaient disponibles sur un marché. L’ACB est, au moins en théorie, la plus achevée des techniques d’évaluation économique car elle permet de répondre directement à des questions d’efficience allocative, contrairement aux autres techniques. Elle est pourtant difficile à mettre en œuvre et peu utilisée, en raison d’une part, des difficultés liées à l’évaluation monétaire des bénéfices d’un programme de santé, et d’autre part en raison de la quantité importante d’informations à recueillir. Bien que très utiles, les EME (ACE, ACU et ACB) ne permettent pas de prendre en compte l’impact financier sur les dépenses globales de santé pour les financeurs du déploiement d’un programme de santé. L’analyse d’impact budgétaire apporte ces informations utiles aux décideurs.

Valorisation des actes médicaux et paramédicaux

   En France, les actes médicaux sont valorisés à partir des tarifs de la Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) de l’AM. Les actes paramédicaux et certains actes médicaux sont valorisés à partir des tarifs de la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP) de l’AM. Ces classifications rassemblent les actes médicaux techniques communs aux secteurs privé et public. La NGAP a été mise en place en 1972 afin de décrire l’activité médicale. Elle a été complétée par la CCAM en 2005. La décision de l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM) au moment de la mise en œuvre de la CCAM a été de conserver la NGAP pour les actes cliniques médicaux, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux. La CCAM a parallèlement remplacé le Catalogue des Actes Médicaux (CdAM), qui était le versant hospitalier de la NGAP. L’objectif de la création de la CCAM était de permettre un rééquilibrage équitable des honoraires entre spécialités et d’améliorer la répartition des ressources allouées (57). Les consultations de médecins généralistes ou de spécialistes, les actes de biologies ainsi que les actes paramédicaux sont généralement valorisés au moyen des tarifs appliqués par l’AM. Ils sont disponibles et régulièrement mis à jours sur le site de l’AM (www.ameli.fr). Les actes de biologies sont de plus associés à un coefficient (i.e. « coefficient B ») issu de la Nomenclature des Actes de Biologie Médicale (NABM) qui permet de fixer le niveau de cotation.

Usages des bases de données du SNDS

   Un des objectifs de la création du SNDS était d’ouvrir les données de consommation de soins aux différents acteurs de la santé afin d’en favoriser un usage pluridisciplinaire (108). En épidémiologie, de par la grande proportion de la population française incluse et son caractère prospectif, le SNDS peut permettre d’évaluer des incidences et des prévalences sur tout le territoire et selon différentes entités géographiques (11). Il est possible de travailler sur la mortalité de façon précise avec le récent ajout des causes médicales de décès. Néanmoins, il est trop tôt pour appréhender correctement cette possibilité. Les données du SNDS sont des données d’observations, fondées sur des pratiques réelles qui permettent la mise en œuvre de recherches pharmacologiques. Ces données permettent d’évaluer l’utilisation, l’efficacité et la sécurité des médicaments ainsi que de comparer les pratiques aux référentiels de traitement. L’efficacité des médicaments peut être étudiée par le biais d’évènements graves et de la mortalité (i.e. codes de diagnostics hospitaliers, procédures médicales particulières ou exposition médicamenteuse). Elles permettent l’évaluation de l’innocuité des médicaments après commercialisation, en se focalisant sur l’occurrence des événements indésirables (139). En économie de la santé, les bases de données du SNDS sont un atout majeur pour la réalisation d’études économiques (11) (137) (156). Ces bases permettent l’accès aux données de remboursements extrêmement détaillées d’une large part de la population française. On y retrouve des informations sur les remboursements relatifs aux coûts directs médicaux (actes médicaux, actes paramédicaux, équipements médicaux, séjours hospitaliers, médicaments), aux coûts directs non médicaux (transports) et aux coûts en lien avec la perte de productivité (IJ, pensions). Le SNDS permet un suivi des dépenses remboursées par l’AM de façon longitudinale et récente. Il apporte une connaissance précise des ressources effectivement mobilisées et remboursées dans la prise en charge d’une pathologie. Il peut être également possible d’évaluer le coût net des pathologies étudiées en constituant des cohortes de patients témoins à partir de l’EGB. Le SNDS est de fait particulièrement adapté à l’évaluation du fardeau économique des pathologies, dès lors qu’elles sont identifiables dans les bases (119). Le personnel de la CNAMTS a par exemple utilisé les algorithmes d’identification cités dans la section précédente afin d’évaluer les poids économiques relatifs aux cancers en France à partir du SNDS (156). Couvrant actuellement plus de 98% de la population française, le SNDS permet d’obtenir des résultats dotés d’une très bonne validité externe. Le SNDS permet ainsi de guider les décideurs dans leur choix (137). Les résultats obtenus pourront de plus être très utiles pour alimenter des modèles statistiques. Les multiples champs d’application du SNDS en font un outil d’une importance majeure dans l’exploitation et l’analyse des données en santé publique. Il s’inscrit parfaitement dans la réflexion actuelle développée dans le cadre du « Big Data » fondée sur un chaînage de diverses bases de données de tailles importantes qui apporte des résultats complémentaires à ceux des données issues des études décrites dans la section IV.1. avec des niveaux de preuves élevés (7).

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Table des matières

LES EVALUATIONS ECONOMIQUES EN POPULATION DANS LES PRISES EN CHARGE DES CANCERS : EVALUATION DES COUTS DES LYMPHOMES ET DE LA LEUCEMIE MYELOÏDE CHRONIQUE
PARTIE 1. INTRODUCTION, OBJECTIFS ET STRUCTURE DE LA THESE 
I. INTRODUCTION
II. OBJECTIFS ET STRUCTURE DE LA THESE
II.1. OBJECTIFS DE LA THESE
II.2. STRUCTURE DE LA THESE
PARTIE 2. ETAT DE L’ART
III. EVALUATIONS ECONOMIQUES DANS LE DOMAINE DE LA SANTE
III.1. LES METHODES D’EVALUATION ECONOMIQUE
III.1.1. Analyse de coût ou « Cost of Illness »
III.1.2. Analyse de minimisation des coûts
III.1.3. Analyse coût efficacité
III.1.4. Analyse coût utilité
III.1.5. Analyse coût bénéfice
III.1.6. Analyse d’impact budgétaire
III.2. COUTS EN ECONOMIE DE LA SANTE
III.2.1. Coût d’opportunité
III.2.2. Typologie des coûts
III.2.3. Valorisation des coûts
III.2.4. Point de vue
III.2.5. Actualisation des coûts
III.3. ANALYSES DE SENSIBILITE
III.3.1. Analyses de sensibilité déterministes
III.3.2. Analyses de sensibilité probabilistes
III.3.3. Courbe d’acceptabilité
IV. SOURCES DE DONNEES ECONOMIQUES
IV.1. LES ETUDES EPIDEMIOLOGIQUES ET CLINIQUES
IV.1.1. Les différents types d’étude
IV.1.2. Le recueil des données dans le cadre des études épidémiologiques et cliniques
IV.2. LES REGISTRES
IV.3. LES BASES DE DONNEES MEDICO-ADMINISTRATIVES DU SYSTEME NATIONAL DES DONNEES DE SANTE (SNDS)
IV.3.1. Finalités du SNDS
IV.3.2. Structure du SNDS
IV.3.3. Accès au SNDS
IV.3.4. Intérêts, limites et usages des données du SNDS
IV.4. REGLEMENTATION ASSOCIEE A L’UTILISATION DES DONNEES DE SANTE
V. MODELISATION DES COUTS
V.1. OBJECTIFS ET HYPOTHESES GENERALES DES MODELES PREDICTIFS
V.1.1. Objectifs
V.1.2. Modèle linéaire simple et hypothèses fondamentales
V.2. PRISE EN COMPTE DE LA DISTRIBUTION DES COUTS
V.2.1. Coûts strictement positifs
V.2.2. Coûts positifs
V.3. PRISE EN COMPTE DES DONNEES CORRELEES
V.3.1. Modèles de population générale
V.3.2. Modèles mixtes
V.3.3. Comparaison entre les deux approches
V.4. SELECTION DES VARIABLES ET ADEQUATION DU MODELE
V.4.1. Sélection des variables
V.4.2. Vérification de l’adéquation du modèle
VI. HEMOPATHIES MALIGNES
VI.1. LYMPHOMES
VI.1.1. Carcinogénèse
VI.1.2. Anatomopathologie et symptomatologie
VI.1.3. Lymphomes non Hodgkiniens
VI.1.4. Lymphomes Hodgkiniens
VI.1.5. Coût des lymphomes en France
VI.2. LEUCEMIE MYELOÏDE CHRONIQUE
VI.2.1. Carcinogénèse
VI.2.2. Anatomopathologie et symptomatologie
VI.2.3. Epidémiologie et facteurs de risque
VI.2.4. Classification clinique
VI.2.5. Diagnostic
VI.2.6. Prises en charge thérapeutiques
VI.2.7. Coût de la Leucémie Myéloïde Chronique en France
PARTIE 3. RESULTATS : EVALUATION DES COÛTS DES LYMPHOMES ET DE LA LEUCEMIE MYELOÏDE CHRONIQUE
VII. EVALUATION DES COUTS DES LYMPHOMES
VII.1. RESUME DE L’ARTICLE “COSTS OF HODGKIN AND NON HODGKIN LYMPHOMAS IN FRANCE: RESULTS BASED ON THE FRENCH NATIONAL HEALTH INSURANCE DATABASE”
VII.2. REAL WORLD COSTS OF HODGKIN AND THE MAIN B-CELL NON-HODGKIN LYMPHOMAS IN FRANCE … 163
2. METHOD
2.1. Study design, setting and population
2.2. Identification of the study population
2.3. Costs estimates
2.4. Others data
2.5. Statistical analysis
3. RESULTS
3.1. Patient characteristics
3.2. Cost analysis
4. DISCUSSION
VIII. EVALUATION DU COUT DE LA LEUCEMIE MYELOÏDE CHRONIQUE
IX. DISCUSSION GENERALE ET PERSPECTIVES
IX.1. UN CONTEXTE EN PLEINE MUTATION
IX.1.1. Evolutions des prises en charge en cancérologie
IX.1.2. Place de l’évaluation économique dans le système de santé français
IX.1.3. Evolution des modes de financement : le financement au parcours de soins
IX.2. EVALUATION DES COUTS DES STRATEGIES DE PRISE EN CHARGE
IX.2.1. Fardeau économique des hémopathies malignes
IX.2.2. Estimation des coûts de prise en charge en population générale : un enjeu majeur pour le système de santé
IX.2.3. Modélisation des coûts et prise en compte de l’incertitude
X. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEX

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