Les études sur l’attraction des travailleurs du savoir

DÉFINITIONS

  La capacité d’attraction et de rétention de la main-d ‘œuvre dans les organisations en région est une préoccupation majeure pour les dirigeants d ‘entreprise et les acteurs régionaux. Ces deux processus qui sont au cœur de la réussite des organisations sont certes reliés, mais différents. Le concept d ‘ attraction est généralement défini comme la capacité à accéder aux ressources humaines et à les sélectionner (Arthur, 200 1). L’attraction organisationnelle se traduit sous la forme d’une attitude positive d’ un chercheur d’ emploi à l’égard d’ une organisation en tant qu’employeur potentiel (Highhouse et al. , 2003). L’attraction repose donc sur la capacité à amener les candidats potentiels à reconnaitre l’organisation comme étant un milieu de travail agréable et à avoir la volonté de s’ engager et de s’ investir pour cette organisation (Rynes et Barber, 199 1; Holcombe et Ziegert, 2005). La mesure de l’attraction organisationnelle est généralement composée de trois dimensions : (1) l’ attraction générale, (2) l’ intention de soumettre sa candidature et (3) le prestige (Highhouse el al. , 2003). L’attraction générale d ‘ une organisation est caractérisée par l’attitude positive d ‘un individu à l’égard de celle-ci comme employeur potentiel. L’intention de soumettre sa candidature se définit comme la réflexion d ‘ un individu à intensifier sa démarche de recherche d’emploi pour enfin postuler auprès d ‘ une organisation en particulier. Le prestige, contrairement à l’ attraction générale et à l’ intention de postuler, repose sur des références sociales et sur l’ image corporative. Le prestige relève d’ un consensus social quant aux retombées positives des caractéristiques d’une organisation (Hi ghhouse el al., 2003). Les facteurs d ‘ attraction (qui seront présentés à la section 1. 5) sont souvent les mêmes que les fac teurs de rétention (Ito et Brotheridge 200 1;Mitchell et al. , 2001). Dans cet ordre d’ idées, les organisations ayant des difficultés d’attraction sont également celles ayant des difficultés de rétention des travailleurs. En fait, ces concepts d’attraction et de rétention sont fortement liés, mais demeurent distincts. Si l’attraction repose sur le recrutement et la sélection du personnel, la rétention fait plutôt référence à la capacité des organisations à conserver les employés leur permettant de remplir leurs objectifs opérationnels et stratégiques (Alihur, 2001). L’attraction et la rétention sont rendues possibles grâce à l’ utilisation d’ un ensemble d’activités, de pratiques et de politiques de la gestion des ressources humaines qui, une fois déployées conjointement,donnent envie aux candidats de travailler dans une organisation (attraction), puis d’y rester (rétention). Afin de mesurer la capacité de rétention d’une entreprise, les chercheurs utilisent généralement le concept de roulement, qui peut être défini comme le mouvement de personnel à travers les frontières d’ une organisation (Price, 2001). Ce roulement peutêtre volontaire ou involontaire (Price, 1977; Campion, 1991 ; Shaw et al., 1998; Iverson et Pullman, 2000). La plupart des études traitent du roulement volontaire, qui signifie que l’employé lui-même décide de quitter l’organisation, par opposition au roulement involontaire, qui est relié à la décision de l’employeur de mettre fin au lien d’emploi (Shaw et al., 1998). Le taux de roulement volontaire d’une organisation est donc un indicateur de sa capacité de rétention.

La migration régionale

  La problématique d’exode de la population vers les grands centres est un phénomène qui préoccupe les régions éloignées du Québec, du Canada et d’ ailleurs dans le monde depuis longtemps. Ces mouvements de population sur le territoire sont liés au concept de migration régionale. A priori, la migration se définit comme « un déplacement significatif d’une ou de plusieurs personnes dans l’espace géographique pour une période d’ une almée, selon les conventions » (Simard, 2006 : 435). Ces migrations sont la cause d’ une grande diversité de situations à l’échelle géographique à travers le monde (S imard,2006). La migration interrégionale, pour sa part, correspond à la migration entre les différentes régions administratives du Québec (Leblanc et al. , 2003). Selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) (20lla), ce sont les jeunes adultes qui sont les plus nombreux à réaliser une migration interrégionale. En 2009-20 1 0, ils sont 30000 âgés de 20 à 24 ans et 31 700 âgés de 25 à 29 ans à migrer, soit respectivement 6,5 % et 6,3 % de la population total e de ces deux groupes d’ âge et 30 % des migrations interrégionales sont attribuables aux déplacements de personnes dans la vingtaine. Leur mobilité est généralement associée à la poursuite d’ études postsecondaires, à l’entrée dans le marché du travail et à la formation d ‘ une famille (ISQ, 2011 a). Plus spécifiquement, au Québec, les régions périphériques sont généralement perdantes lors de ces mouvements migratoires au profit des régions urbaines comme Montréal, Québec et Gatineau. La migration des jeunes Québécois est décrite, depuis une vingtaine d’ années, par l’expression « exode des régions ». On entend par là « la mobilité géographique des jeunes non pas hors des frontières de la province, mais des régions périphériques vers les grands centres urbains » (Gauthier et al. , 2003 : 114). Pour ces régions éloignées du Québec, le solde migratoire demeure négatif, mais la situation évolue positivement. Par exemple, le solde migratoire interrégional de la Gaspésie- Îles-de-la-Madeleine (0,15 %) est passé du côté positif en 2009-2010. Quoiqu’encore négatifs, les taux nets de migration interrégionale de la Côte-Nord (- 0,33 %), du Saguenay- Lac-Saint-Jean (- 0,15 %) et du Nord-du-Québec (- 0,43 %) sont les moins négatifs depuis 10 ans. Celui du Bas-Saint-Laurent est le meilleur enregistré depuis six ans, passant de -0,26 % en 2005-2006 à -0,08 % en 2009-2010. Le taux net de migration interrégionale de l’Abitibi-Témiscamingue (- 0,28 %) s’est maintenu au même niveau lors des trois dernières années (ISQ, 2011a). Cette tendance reflète l’étude de Côté et Potvin (1998), dont les résultats indiquent que plusieurs jeunes migrants interrégionaux québécois reviennent ou songent à revenir dans leur milieu d’origine. En effet, une étude de 1999 du Groupe de recherche sur la migration des jeunes (GRMJ) montre que si 47 % des jeunes Québécois quittent à un moment ou à un autre leur région d’origine pour une période de plus six mois, près de 50 % de ceux-ci y reviennent (Gauthier et al., 2001). Ils valorisent notamment la qualité de vie au sein des régions périphériques (Leblanc et al., 2003). Cette attraction pour la qualité de vie prend de la valeur avec l’âge, la mise en ménage et l’arrivée des enfants (Simard, 2004)

L’attraction régionale

  L’attraction régionale est définie comme la capacité d’une région à attirer et à retenir des travailleurs (Weng et McElroy, 2010). Le développement économique et social d’ une région passe notamment par sa capacité à attirer et à retenir des travailleurs hautement qualifiés. Plus précisément, la clé de la croissance régionale réside dans la concentration d ‘ un noyau critique de travailleurs hautement qualifiés et productifs: les travailleurs du savoir (Yigitcanlar et al. , 2007). Les travailleurs du savoir sont très mobiles, c’est-à-dire qu ‘ ils sont prêts à changer d’emploi assez fréquemment (Miles el al., 2006; Yigitcanlar et al., 2007). Afin d’attirer et de retenir ces travailleurs hautement qualifiés, une région doit donc offrir des opportunités de carrières intéressantes chez différents employeurs. Le lien entre le développement économique d’ une région et son capital humain a été démontré à maintes reprises (Glaeser, 1998; Lucas, 1998; Black et Henderson, 1999). L’ importance des facteurs économiques comme le salaire, le marché du travail et les opportunités de carrières ne sont pas à négliger dans le processus d’attraction régionale (Becker, 1975). La décision de migrer vers une région en particulier dépend des possibilités d’emploi et des salaires associés à cette région. Économiquement, il s’agit pour un candidat de maximiser son revenu en comparaison au coût associé à sa migration en région (Becker, 1975). À ces facteurs économiques s’ ajo utent les facte urs environnementaux, qui ont aussi une influence sur l’attraction régionale, comme les politiques de gesti on régionales, la quali té de vie et l’environnement culturel (Weng et McElroy, 20 10). Attirer et retenir les candidats économiques), mais aussi d’accessibilité à une qualité de vie qui favorise le sentiment d’appartenance à une région (Weng et McElroy, 20 10). Ces fac teurs environnementaux pourraient ainsi palier à des facteurs économiques désavantageux pour un candidat et favoriser sa migration en région (Becker, 1960). Une étude conduite sur la nature, la gravité et l’ampleur du problème des migrations régionales vers les grands centres urbains des professionnels en Australie dresse un portrait des causes de la pénurie de main-d ‘œuvre dans les régions éloignées (Miles et al. , 2006). Quelques constats intéressants y sont révélés :
• Les organisations en régions éloignées ont effectivement des difficultés à attirer et à retenir des professionnels en science et technologies, en enseignement, en gestion, en droit et dans les services sociaux;
• Ces organisations en régions éloignées sont capables d’attirer des finissants, mais ont de la difficulté à attirer des professionnels d’expérience. Une fois l’ expérience acquise, les professionnels quittent leur emploi pour les grands centres;
• Les questions d’ordre familial sont prioritaires pour la plupart des professionnels.Le soutien à l’ établissement des jeunes familles, les possibilités d’emploi pour le conjoint, les écoles pour les enfants et la situation immobilière sont des facteurs importants dans l’ acceptation d’une offre d’emploi en région;
• La main-d’ œuvre se fait vieillissante et laisse présager des départs à la retraite et les régions n’ont pas le bassin de main-d ‘œuvre qualifiée pour la remplacer;
• Les possibilités restreintes de carrières et d’ avancement professionnel sont un obstacle majeur à l’établissement de la main-d ‘œuvre hautement qualifiée en région.Ce portrait australien peut être comparable à celui de plusieurs régions au Québec, notamment au Bas-Saint-Laurent. La région bas-Iaurentienne répond cependant à la pénurie actuelle et anticipée avec quelques mesures afin de faciliter l’attraction de jeunes professionnels dans les organisations de son territoire.

Les stratégies régionales au Bas-Saint-Laurent pour l’attraction de la maind’œuvre

  Les acteurs régionaux et les organisations du Bas-Saint-Laurent sont appelés à mettre en œuvre des stratégies et des pratiques pour relever le défi de l’attraction régionale. Les acteurs régionaux réfèrent principalement aux organisations qui ont entre autres pour mission de soutenir le développement régional au plan socioéconomique. Pour la région administrative du Bas-Saint-Laurent, il s’ agit notamment des centres locaux d’emploi (eLE), des carrefours jeunesse-emploi (CIE), des centres locaux de développement (CLD), des villes et des municipalités, de la conférence régionale des élus (cRÉ), des sociétés d’ aide au développement des collectivités (SADC) et de l’Agence de la santé et des services sociaux du Bas-Saint-Laurent.Plusieurs stratégies sont mises en place afin d’attirer une main-d’œuvre qualifiée au Bas-Saint-Laurent. Notamment, la « Stratégie d’ établissement des jeunes au Bas-SaintLaurent 2006-20 Il », chapeautée par la Commission jeunesse du Bas-Saint-Laurent, est l’ un des moyens ciblés. Cette stratégie en quatre temps vise à promouvoir la vie au BasSaint-Laurent, à supporter l’ offre et J’ accès à un premier emploi sur le territoire du Bas Saint-Laurent, à susciter des engagements politiques en faveur des jeunes au Bas-SaintLaurent, à promouvoir les possibilités d’entrepreneuriat au Bas-Saint-Laurent, à développer des approches qui favoriseront l’ intégration des nouveaux arrivants et à assurer une agent de liaison permanente est à Québec afin de faire du démarchage dans les établissements scolaires et de favoriser l’établissement des jeunes diplômés en région. Notamment, l’ agent de liaison organise des activités de promotion de la région, réfère les candidats intéressés aux agents de migration sur le terrain dans les Municipalités régionales de compté (MRC) , fait connaître les employeurs potentiels et les entreprises qui embauchent et fait de la représentation dans les salons de l’ emploi et de l’éducati on.

LES FACTEURS DE L’ATTRACTION ORGANISATIONNELLE

  Compte tenu de la pénurie de main-d’œuvre anticipée dans de nombreux secteurs d’ activités, l’identification des dimensions et des déterminants de l’attraction organisationnelle constitue une étape préalable à la mise en œuvre de diverses stratégies d’attraction et de rétention du personnel ou à la révision des pratiques de recrutement du personnel (Morin et al., 20 Il). Chapman et al. (2005) ont réalisé une méta-analyse à partir de 71 études pour évaluer les fac teurs de l’attraction organisationnelle. Parmi ceux identifiés dans les recherches, six facteurs sont fréquemment étudiés : (1 ) l’emploi et les caractéristiques organisationnelles, (2) les caractéristiques du recruteur, (3) les perceptions relatives au processus de recrutement, (4) la compatibilité perçue par le candidat à l’ égard de l’ organisation, (5) la proportion d ‘ occasions d ‘ emploi du candidat et (6) la confiance du candidat d ‘ obtenir un emploi dans l’ entreprise. Cette méta-analyse a permis de conclure que la compatibilité perçue par le candidat à l’ endroit de l’organisation est un des éléments les plus susceptibles de favoriser l’ attraction organisationnelle. Les caractéristiques organisationnelles (climat de travail, réputation organisationnelle, localisation, taille de l’ entreprise, familiarité et flexibilité dans les heures de travail) sont le deuxième prédicateur en importance de l’attraction organisationnelle (Chapman et al., 2005). Morin et al. (20 Il) suggèrent aussi un modèle de l’attraction organisationnelle qui permet d’ apprécier la complexité des variables susceptibles d’influencer l’attraction organisationnelle

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 RECENSION DES ÉCRITS
1.1 MISE EN CONTEXTE DE L’OBJET D’ÉTUDE
1.2 DÉFINITIONS
1.3 LA PROBLÉMATIQUE RÉGIONALE
1.3.1 LA MIGRATION RÉGIONALE
1.3.2 L’ATTRACTION RÉGIONALE
1.3.3 LES STRATÉGIES RÉGIONALES AU BAS-SAINT-LAURENT POUR L’ATTRACTION DE LA MAIN-D’ŒUVRE
1.4 LES PRA TIQUES ORGANISA TlONNELLES
1.4.1 L’EMPLOYEUR DE CHOIX
1.4.2 LE PROCESSUS DE DOTATION
1.5 LES FACTEURS DE L’ATTRACTION ORGANISATIONNELLE
1.5.1 LES FACTEURS ORGANISATIONNELS
1.5.2 LES FACTEURS INDIVIDUELS
1.6 LES ÉTUDES SUR L’ATTRACTION DES TRAVAILLEURS DU SAVOIR 
CHAPITRE 2 L A MÉTHODOLOGIE
2.1 OBJET DE RECIIERCHE
2.1.1 QUESTION DE RECHERCHE
2.1.2 OBJECTIFS DE RECHERCHE
2.1.3 HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
2.2 CADRE D’ANALySE
2.2.1 VARIABLES À L’ ÉTUDE
2.3 P ERTINENCE SCIENTIFIQU E ET SOCIALE DE L’ÉTUDE
2.4 MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
2.4.1 CHOIX DE L’APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
2.4.2 LA MISE EN APPLICATION DE LA MÉTHODE SÉLECTIONNÉE
CHAPITRE 3 LES RÉSULTATS
3.1 PORTRAIT DE L’ÉCHANTILLON
3.1.1 VARIABLES SOCIODÉMOGRAPHIQUES
3.1.2 MESURES DE TE DANCE CENTRALE
3.2 L ES FACTEURS INFLUANÇANT L’INTENTlON D’ALLER TRAVAILLER DANS UNE ORGANISATION EN RÉGION
3.2.1 L ES FACTEURS D’ ATTRACTION ORGANISATIONNELLE
3.2.2 LES FACTEURS RÉGIONAUX
3.2.3 LES FACTEURS SOCIODÉMOGRAPHIQUES
CHAPITRE 4 DISCUSSION
4.1 LES FACTEURS ORGANISATIONELS
4.1.1 LES ATTRIBUTS ORGANISATIONNELS ET DE L’ EMPLOI
4.1.2 LA RÉPUTATION ORGANISATIONNELLE
4.2 LES FACTEURS RÉGIONAUX
4.3 L ES FACTEURS RELEVANT DE L’INDIVIDU
4.4 L ES ACTIONS ENTREPRISES PAR LES ACTEURS RÉGIONAUX 
4.5 RETOUR SUR LE CADRE D’ ANALYSE
CONCLUSION GÉNÉRALE
ANNEXES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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