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LE BOIS ET LE PEUPLE ZAFIMANIRY
Tout un ensemble de techniques et de connaissances pratiques sur le bois ont été développé par les Zafimaniry, étant donné qu’ils sont forestiers, charpentiers, et artisans depuis très longtemps. Cette tradition artisanale est le témoin de l’importance de ce matériau dans tous les aspects de la vie et de la mort chez les Zafimaniry. La maîtrise de l’exploitation forestière et de la sculpture sur bois apparait dans les constructions et les objets quotidiens. Toutes les surfaces boisées (murs, fenêtres, poteaux, poutres, tabourets, coffres, outils, …) sont richement travaillées. Les maisons et les cercueils sont assemblés uniquement selon la technique traditionnelle de la mortaise et du tenon, en n’utilisant aucun clou, ni charnière, ou autres pièces métalliques, et avec des bois très spécifiques pour chaque pièce. Les motifs géométriques sculptés sur les objets en bois sont codifiés, les artisans sont très créatifs. La richesse symbolique de ces motifs exprime les croyances et les valeurs essentielles des Zafimaniry (Photo 1). Ainsi, le Tanamparoratra (ou toile d’araignée) symbolise les relations familiales, tandis que le Papintantely (rayon de la ruche) exprime la vie communautaire. Ces décorations, ainsi que d’autres expressions comme l’architecture des maisons indiquent le rôle ou la position sociale de l’individu au sein du groupe (UNESCO, 2008).
La maison Zafimaniry dépeint presque la totalité de leurs arts. Il faut être nombreux pour pouvoir la construire. Les motifs sculptés sur les murs, fenêtres et portes, symbolisent un système d’entraide (Photo1) ; un esprit communautaire propre aux Zafimaniry. La toiture faite en bambous révèle l’origine du peuple (Coulaud, 1973). Au centre de la maison se trouve un grand pilier qui soutient toute la construction. Ce pilier est typique des maisons dans les Hautes-Terres de Madagascar. L’ensemble révèle un mélange de cultures entre les ethnies Merina et Betsileo.
ENQUETES ETHNOBOTANIQUES
Les enquêtes ont été effectuées dans le village de Sakaivo, considéré comme la capitale des Zafimaniry. Elles se sont déroulées en premier lieu auprès des ménages (n = 20) sous forme d’entretien par le biais des produits dérivés ou « artefacts interview » au cours duquel les informants disent à partir de quelle espèce tel produit dérivé (par exemple tabouret) est fabriqué. Une fois la liste des plantes utiles établie, une seconde enquête a été effectuée avec un informant expert (n = 1) sous forme d’entretien le long d’un itinéraire tracé dans la forêt (ou « field interview ») au cours duquel les échantillons botaniques ont été collectés.
Les entretiens se sont déroulés dans les foyers des ménages le plus souvent en soirée car c’est le moment où les membres de la famille se retrouvent ensemble. Les entretiens ont été conduits de manière semi-structurée et concernent les espèces utilisées dans le travail du bois et les divers types d’utilisation. Le questionnaire utilisé est présenté en Annexe 6
Les informations attendues concernent les points suivants: Le nom de l’espèce, l’abondance et la localisation
Les types d’utilisation (outils, médicinale, construction,…).
La pratique de la collecte (quantité prélevée, saison, partie de la plante)
L’approche communautaire pour la conservation de la forêt. Existe-t-il des approches de conservation des ressources régies par des règles communautaires ou « Dina »
Les autres produits forestiers non ligneux (miel, plantes médicinales, produits de la chasse, ….) qui font partie des services fournis par la forêt.
CONSTITUTION D’UN HERBIER
Des échantillons d’herbier appartenant aux espèces forestières citées dans la liste établie lors de l’enquête auprès des ménages ont été collectés selon la méthode de Liesner (1992). Deux échantillons ont été récoltés pour chaque espèce. Certains échantillons ne sont pas complets car la récolte a eu lieu en dehors de la période de floraison ou de fructification. Les spécimens ont été photographiés. La détermination de l’espèce a été faite à Antananarivo dans les herbiers de Tsimbazaza (TAN) et d’Ambatobe (TEF).
CHOIX DES ESPECES CIBLES
Les espèces qui feront l’objet de l’étude écologique ont été choisies selon plusieurs critères :
Une estimation de la quantité de bois utilisée par les ménages qui est donnée sous forme de nombre de pieds abattus par mois. Le pourcentage de besoin en bois
d’une espèce est donné par la formule D%= (Desp /Dtot) X 100 où Desp représente la demande estimée en bois pour une espèce donnée et Dtot la demande totale en bois pour les ménages.
La liste des espèces prioritaires selon un ordre de préférence établi par les informateurs eux-mêmes. Dans ce cas, des points variant de 1 à 10 ont été attribués aux espèces selon que la qualité du bois soit mauvaise ou excellente.
La faible disponibilité d’une espèce classée parmi les plus utiles selon les informateurs. Un système de notation sur 100 points a été établi selon que l’espèce soit très rare (50 points), rare (37,5 points), abondant (25 points) et très abondant (12,5 points);
. Ainsi, pour les études écologiques les espèces dont le degré d’utilisation est supérieur à 200% ont été considérées.
ETUDES ECOLOGIQUES
L’étude écologique est centrée sur l’observation des caractères biotiques et physiques de l’endroit où vit l’espèce cible. Les caractéristiques de l’habitat telles que le sol et la végétation font alors objet de cette étude.
Sol
Sur les deux sites d’études Fanandrana et Sakaivo Atsimo, où l’étude des espèces cibles a été effectuée, des fosses pédologiques de 1 m de profondeur ont été réalisées. Chaque fosse présente un profil pédologique, constitué par une succession de couches ou horizons. Pour chaque horizon, la couleur, l’épaisseur, l’activité biologique, la structure et l’humidité ont été notés.
La texture de chaque horizon a été déterminée en utilisant la méthode manuelle des rouleaux et des anneaux (Annexe 5).
Structure de la végétation
La structure de la végétation est la répartition spatiale des individus végétaux de la station (Godron, 1968). C’est l’expression des interactions entre les individus constituant la communauté (Farinas, 1982). Elle peut être étudiée sur les plans vertical et horizontal.
Structure verticale
La structure verticale est l’agencement des végétaux suivant le plan vertical (Gounot, 1969). La méthode utilisée pour cette étude est celle de Gautier et al. (1994), présentée sur la figure 4. Elle permet de caractériser l’état de la formation végétale car fait ressortir les différentes strates, le profil structural et le taux de recouvrement. La formation est dite dégradée quand la voûte forestière est discontinue et basse.
Le principe de la méthode consiste à tendre horizontalement une chevillière le long d’une distance de 50m. À chaque distance de 2 mètre, un échenilloir gradué est dressé verticalement, et la hauteur de contact entre le piquet et la partie vivante des végétaux est notée de manière précise jusqu’à 7 m. Au-delà de cette valeur, les hauteurs de contact ont été estimées. Cette échenilloir est déplacé tous les mètres le long de la chevillière (Figure 3). Un seul transect le long de 50m a été effectué pour chaque formation.
Les données sont ensuite traitées avec le logiciel Excel® pour obtenir le profil structural de la végétation en projetant en ordonnée la hauteur des arbres, et en abscisse les 25 points équidistants de deux mètres. Le profil structural donne les renseignements sur la continuité ou la discontinuité de la voûte forestière.
La stratification, ainsi que le pourcentage de recouvrement de la formation végétale, peuvent être visualisés sous forme de diagramme à partir du nombre de contacts relevés dans un intervalle de 2 m de hauteur. Pour établir l’histogramme, les classes de fréquences des hauteurs sont portées en abscisse, le pourcentage de recouvrement en ordonnée.
Structure horizontale
La structure horizontale est la répartition des individus suivant le plan horizontal. Elle se traduit par la fréquence relative et l’abondance relative des espèces.
Fréquence relative
La fréquence relative (Fr) est le pourcentage des placettes élémentaires contenant une espèce donnée par rapport au nombre total des placettes élémentaires étudiées. La fréquence (Fr) est calculée par la formule : % = ∗100
ni= nombre des unités élémentaires où l’espèce i est présente N = nombre total des unités élémentaires étudiées
Abondance relative
C’est le nombre relatif des individus de chaque espèce par rapport à l’ensemble des individus recensés. L’abondance relative (Ab) est calculée par la formule :
% = ×100
ni = nombre d’individus d’une espèce
Nt = nombre total des individus
Pour la structure horizontale, la valeur des biovolumes indique la potentialité en bois de la formation (Godron, 1968). Si le biovolume est supérieur à 250 m3/Ha, la formation présente une forte potentialité en bois. Une forêt à biovolume entre 50 et 250 m3/Ha présente un potentiel en bois moyen. Si le biovolume est inférieur à 50 m3/Ha, la formation a une potentialité en bois faible.
Le degré d’ouverture ainsi que les autres caractéristiques de la formation (régularité et complexité), indiquent aussi l’état de la station.
Flores associées
La méthode de QCP (Quadrat Centré en un Point, là où le centre du quadra est l’espèce cible) permet de connaître les espèces ayant une affinité avec les espèces cibles et la sociabilité des espèces. Les espèces végétales associées à l’espèce étudiée sont de bons indicateurs de l’habitat de l’espèce. Pour connaître ces espèces, la méthode de QCP selon Brower et Von Ende (1990) a été utilisée.
Les quadrats ont pour centre un pied adulte de l’espèce cible à DHP supérieur ou égal à 10 cm. Deux lignes perpendiculaires passant par l’espèce cible divisent la zone d’étude en quatre quadrats. Les lignes sont tracées à l’aide d’une boussole de direction NNE et SSW. Les troncs d’arbre associés à l’espèce cible ayant un DHP supérieur ou égal à 10 cm dans chaque quadrat ont été mesurés, et les distances ont été notées (figure 4).
Lors de cette étude, les arbres associés à l’espèce cible sont identifiés. Ils sont classés par famille, et par espèces selon leurs fréquences. La fréquence F(%) d’une espèce associée a été calculée à partir de la formule suivante (Greig-Smith, 1964) : % = ×100 Qt
Qi : nombre d’individus d’une espèce
Qt : nombre total d’individus recensés dans le quadrat.
Pour les espèces, une fréquence supérieure à 5% indique une relation étroite avec l’espèce cible ; et pour les familles, elle est supérieure à 10%.
Régénération naturelle spécifique
La régénération naturelle est le mécanisme de reproduction des espèces jusqu’à l’apparition de nouvelles générations sans intervention sylvicole. Elle comprend l’étude de la phénologie, et la biologie de reproduction (le mode de pollinisation, la dispersion des fruits et la régénération proprement dite). La biologie de la reproduction ne sera pas développée dans ce mémoire. Cependant, le résultat des phénomènes passant dans la biologie de reproduction peuvent être discerné par le taux de régénération. Ainsi, la phénologie et le taux de régénération sont des bons indicateurs de la survie ou de l’épuisement de l’espèce et permet d’envisager le système de conservation adéquate si nécessaire.
Phénologie
La phénologie est le cycle de développement d’une plante allant de l’état végétatif à la fructification. Elle permet de concevoir un calendrier phénologique, contenant des informations sur les périodes de collecte des graines utiles à la germination.
Taux de régénération
La régénération naturelle proprement dite est la reproduction naturelle des espèces végétales sans qu’il y ait intervention de l’homme.
Elle consiste à compter et à mesurer la hauteur et le diamètre de tous les individus de chaque espèce. Ensuite les individus vont être groupés dans deux grands groupes :
– les semenciers caractérisés par des individus adultes/matures qui ont un DHP > 10 cm
– Les régénérés, représentés par les jeunes individus qui ont un DHP < 10 cm Le relevé a été effectué dans une parcelle de 0,1 Ha
Le taux de régénération (TR) est donné par la formule :
Nombre des régénérés
TR = Nombre des semenciers × 100
Si :
0 < TR < 100 = mauvaise régénération
100 < TR < 300 = moyenne régénération
300 < TR < 900 = bonne régénération
900<TR= très bonne régénération
II-4-5 Evaluation du stock de bois
Pour l’évaluation du stock de bois, la méthode d’inventaire forestier a été adoptée. Cette méthode consiste à faire un inventaire des individus qui ont une DBH ≥10 cm dans une parcelle de 1ha.
Ensuite, faire une analyse dendrométrique en calculant, en premier lieu, la surface terrière Ggi = π4di2 pour chaque individu avec :
gi : surface terrière en cm2/ha de l’individu
di : DBH de l’individu en cm
Le biovolume potentiel est donné par la formule vi= 0,53 X gi hi avec :
vi= biovolume,
0,53 : coefficient de forme
Hi : hauteur du fût de l’individu
Calcul de V ou biovolume total ou stock de bois disponible en cm3/Ha
Suivi de l’évolution de l’espace forestier entre deux périodes
Les enquêtes sur le terrain, ainsi que l’utilisation des outils géomatiques (télédétection et SIG), sont envisageables pour la construction des indicateurs pour le suivi et l’analyse des répercussions territoriales et environnementales de la réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts dans les pays en développement (Moise, 2014). La diminution de l’espace forestier est un indicateur fiable pour confirmer les menaces pesant sur la formation. Pour notre étude, deux sources de données sur la couverture végétale ont été traitées et analysées :
– La première est une base de données de la végétation établie par Royal Botanical
Garden Kew en 2007. Elle est utilisée pour l’obtention d’une carte d’occupation du sol en cette période. Cependant, il était indispensable de délimiter l’ensemble de la région Zafimaniry en traçant les frontières des deux communes Antoetra et Ambohimitombo. Pour cela, un fond de carte de végétation 1/250 000 de la FTM a été utilisé en y intégrant les limites naturel et administratif des communes. La nouvelle carte a été élaborée avec le logiciel Arcgis®.
– La deuxième base de données a été établie à la suite d’un traitement numérique d’une image de télédétection de la végétation en 2014. Cette image a été obtenue à partir du satellite Landsat 7. Elle a été analysée à l’aide des logiciels de traitement d’images comme Multispec Windows application® pour l’identification de chaque zone d’entrainement, c’est-à-dire la création d’une classe d’occupation du sol selon la valeur spectrale (Forêt humide, forêt humide dégradée, zone de culture, savane arborée, savane herbeuse). Ensuite le logiciel Arcgis® a été utilisé pour le traitement des donnés géographiques, c’est-à-dire la transformation de l’image « raster » en base de données géographiques. Ici, chaque entité de zone d’occupation du sol a été groupée sous forme de polygone avec des surfaces calculables.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I: MILIEU D’ETUDE
I-1 LOCALISATION DU MILIEU D’ETUDE
I-2 MILIEU PHYSIQUE
I-2-1 Topographie
I-2-2 Hydrographie
I-2-3 Géologie
I-2-4 Sol
I-2-5 Climat
I-3 MILIEU BIOTIQUE
I-3-1 Flore et végétation
I-4 MILIEU SOCIAL
I-4-1 Démographie
I-4-2 Activités de la population
I-5 LE BOIS ET LE PEUPLE ZAFIMANIRY
PARTIE II MATERIEL ET METHODES
II-1 ENQUETES ETHNOBOTANIQUES
II-2 CONSTITUTION D’UN HERBIER
II-3 CHOIX DES ESPECES CIBLES
II-4 ETUDES ECOLOGIQUES
II-4-1 Sol
II-4-2 Structure de la végétation
II-4-3 Flores associées
II-4-4 Régénération naturelle spécifique
II-4-5 Evaluation du stock de bois
II-4-6 Suivi de l’évolution de l’espace forestier entre deux périodes
II-5 MULTIPLICATION VEGETATIVE DES ESPECES CIBLES
II-5-1 Essai de bouturage
II-5-2 Transplantation des sauvageons
PARTIE III: RESULTATS ET INTERPRETATIONS
III-1 LES ESPECES UTILISEES PAR LES ZAFIMANIRY
III-2 AUTOCOLOGIE DES ESPECES LES PLUS UTILISEES
III-2-1 Description botanique
III-2-2 Phénologie
III-3 AUTOECOLOGIE DES ESPECES CIBLES
III-3-1 Sols
III-3-2 Structure de la végétation
III-3-3 Flores associées et régénération naturelle des espèces cibles
III-4 ESTIMATION DE LA VITESSE DE DEGRADATION DE LA FORET
III-5 REGENERATION ARTIFICIELLE.
III-5-1 Bouturage
III-5-2 Transplantation des sauvageons
PARTIE IV DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
IV-1 DISCUSSION
IV-1-1 Enquête ethnobotanique
IV-1-2 Régénération naturelle des espèces :
IV-1-3 Dynamique de la couverture végétale dans la région Zafimaniry
IV-1-4 Bouturage
IV-1-5 Transplantation des sauvageons
IV-2 RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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