Les espèces inorganiques dans la biomasse
Les espèces inorganiques, fixées lors de l’absorption de nutriments ou simplement par des inclusions de matières extérieures dans la plante, se retrouvent dans les cendres et sont ainsi très variables suivant le type de biomasse étudié mais aussi le lieu et la période de collecte. A titre d’exemple, les données statistiques fournies par la base de données PHYLLIS construite par le centre de recherche ECN aux Pays-Bas (ECN (2010)).
La biomasse la moins riche en inorganiques est le bois brut, qui en contient peu, de l’ordre de 1%. La concentration en inorganiques varie suivant la partie de la plante. Les feuilles et les parties à croissance rapide contiennent souvent plus d’inorganiques. On peut noter ici que les concentrations d’inorganiques les plus élevées relevées sont issues de déchets de bois traités comportant de la peinture. Le bois préparé, sous forme de pellets par exemple, contient un peu plus d’inorganiques du fait des traitements subis. Les concentrations mesurées les plus élevées ont été obtenues sur des déchets de bois comportant du sable et donc riches en SiO2.
Les plantes et la paille contiennent généralement plus d’inorganiques que le bois, en particulier du chlore. On trouve ainsi une concentration en cendre de l’ordre de 6% à 7,5%. Les concentrations les plus élevées pour les plantes ont été mesurées en bord de mer et notamment sur du varech. Les déchets et les boues d’épuration sont très riches en inorganiques avec des variations suivant le type de déchets (industriels, ménagers, hospitaliers…). Les boues d’épuration sont les biomasses les plus riches en inorganiques avec plus de 35% d’inorganiques en moyenne.
On remarque que, pour l’ensemble des types de ressources étudiées, les écarts types des données sont importants (de 50% à 100% en valeurs relatives). Cette observation est liée à la variabilité des teneurs en cendres de la biomasse. Cependant, leur composition est aussi variable. Nous allons examiner sous quelles formes les principales espèces inorganiques (le soufre, le chlore, les alcalins, l’azote et les métaux lourds) sont présentes dans les différentes ressources étudiées.
Le chlore
Le chlore est présent dans la biomasse dans des concentrations massiques allant de 100 à 7000 ppm. Cette quantité dépend de nombreux paramètres comme la proximité de la mer, l’utilisation d’engrais et le lessivage des sols par la pluie d’après Bjorkman & Stromberg (1997). La concentration en chlore est notamment particulièrement élevée dans la biomasse dite annuelle (foins, paille, herbe…). La nature de la liaison entre le chlore et les molécules de biomasse est encore mal connue, mais on peut supposer le retrouver sous deux formes distinctes : sous forme de sels liés à des alcalins ou des métaux comme Ca, Na ou K ou alors sous forme de composés organo-chlorés issus d’engrais ou de pesticides car même si certains d’entre eux ont été interdits, ils sont encore présents dans les sols pour plusieurs années et vont donc pouvoir se retrouver dans la biomasse.
Les alcalins et alcalino-terreux
La forme chimique des métaux alcalins (première colonne de la classification périodique, ex. Na – K) ou des alcalino-terreux (seconde colonne, ex. Mg – Ca) dans la biomasse est encore mal connue d’après Jensen et al. (2000b) et Wornat et al. (1995). Ils pourraient se trouver sous forme de particules inorganiques discrètes ou liés à des molécules organiques. Ils seraient sûrement présents sous la forme d’ions liés à des groupements fonctionnels oxygénés dans la matrice organique.
La plupart des études concernent le potassium et le sodium. Le potassium est souvent retrouvé en grandes quantités dans les parties à croissance rapide des plantes, le sodium se retrouve souvent dans des inclusions sableuses ou sous forme de sel venant de l’eau de mer. En comparaison au charbon, plus longuement étudié, Zevenhoven & Kilpinen (2002) et Baxter et al. (1998) montrent que la concentration en potassium dans la biomasse est plus élevée, et celle en sodium est plus faible.
Les métaux lourds
Les métaux lourds (Fe, Pb, Cd…), autre catégorie d’inorganiques contenus dans les ressources, font l’objet de recherches importantes en particulier dans le cadre du traitement des déchets ménagers car ils présentent des risques de pollution très importants (voir Menard (2003)).
D’après Zevenhoven & Kilpinen (2002), le bois brut contient peu de métaux lourds (de l’ordre de 1000 ppm massiques) mais le bois traité voit, lui, ses concentrations en métaux lourds (notamment en cuivre) grimper fortement (15 ppm massiques contre moins de 3 pour le bois brut). Par contre, les déchets sont particulièrement riches en métaux lourds que l’on trouve par exemple dans les pneus usés, les batteries, l’électronique… On trouve ainsi des concentrations massiques de l’ordre de quelques % pour les déchets.
Etat de l’art sur le comportement des inorganiques
Le comportement des inorganiques en gazéification a été peu étudié. Si l’étude expérimentale et thermodynamique de la volatilisation de ces espèces a parfois été faite (Turn et al. (1998); Olsson et al. (1998); Turn (2007); Dayton et al. (1995)), les conditions de gazéification sont très variables avec, par exemple, de la pyrolyse, de la combustion partielle ou de la vapogazéification à différentes valeurs du rapport réactif/biomasse. Cependant, si quelques études existent sur les particules recueillies dans un réacteur de gazéification (Gustafsson et al. (2007); Hindsgaul et al. (2000), il n’en existe pas concernant la modélisation du comportement des aérosols lors du refroidissement du gaz de synthèse.
Le comportement des inorganiques lors de la combustion a, par contre, bénéficié d’études plus nombreuses tant au niveau de la volatilisation (Nutalapati et al. (2007); Frandsen et al. (2007)), qu’au niveau de la condensation de ces inorganiques en particulier d’un point de vue théorique (Glarborg & Marshall (2005); Joller et al. (2007); Hindiyarti et al. (2008)).
Etudes expérimentales
Des études expérimentales sur le comportement des inorganiques ont été menées sur des installations expérimentales à plusieurs échelles. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux études concernant la volatilisation des inorganiques puis au comportement des particules solides dans les réacteurs.
La volatilisation d’inorganiques
Le chlore : Le chlore est une espèce très volatile qui facilite l’évaporation des métaux. Ainsi, Turn et al. (1998) montrent que la totalité du chlore a disparu du lit lors d’une gazéification en lit fluidisé à 1100◦C. Bjorkman & Stromberg (1997) ont réalisé une série d’expériences concernant la volatilisation du chlore en fonction de la température pour différentes biomasses sur des échantillons isolés. L’évaporation du chlore commence à relativement basse température et le taux de volatilisation est compris entre 20 et 50% à 400 ◦C. Cette volatilisation ne correspond pas aux sels qui se volatilisent à plus haute température. A 900◦C, 30 à 60% du chlore est encore dans la biomasse. Le changement de pression et l’atmosphère sous laquelle s’opère la gazéification ont peu d’influence sur la volatilisation. On peut ensuite observer un palier dans l’évaporation de chlore entre 400 et 700◦C avant une nouvelle phase d’émission. Celle-ci, au-delà de 700◦C est due à l’évaporation des sels tels que KCl ou NaCl. Enfin il a été remarqué qu’il y a peu de différences en proportion entre la volatilisation du chlore de la biomasse et celle d’un déchet synthétique comportant du chlore lié à des molécules organiques lors de la pyrolyse. La provenance du chlore (organique ou inorganique) n’a donc pas d’importance concernant la volatilisation.
Le soufre : Dans la même étude que précédemment, Turn et al. (1998) montrent que la totalité du soufre est entraînée hors du lit du gazéifieur sous forme gazeuse à 800◦C. Lors de l’étude plus précise des contaminants soufrés, Cui et al. (2010) mesurent les espèces formées lors de la gazéification. Il s’agit majoritairement de H2S (92 ppm massiques), d’un peu de COS (1,7 ppm massiques) et de thiophène, C4H4S (2,2 ppm massiques).
Les alcalins et alcalino-terreux : Contrairement au chlore et au soufre, les alcalins et les alcalino-terreux ne sont pas totalement volatilisés lors de la gazéification même pour les très hautes températures. Ainsi sur la figure tirée de l’étude de Turn et al. (1998) on peut voir que la majorité des éléments sont en phase condensée. Ces tests correspondent à une gazéification à l’oxygène à 800◦C en réacteur à lit fluidisé. On retrouve ce résultat dans l’étude de Jensen et al. (2000a) sur la pyrolyse de la biomasse avec du chlore totalement vaporisé à 900◦C et du potassium vaporisé à 25% à 1100◦C. Dans l’étude de Keown et al. (2005), des essais ont été réalisés sur la pyrolyse de la bagasse et des résidus de canne à sucre pour des températures allant de 500 à 900◦C. Pour une vitesse de chauffage rapide, les espèces Na, K, Mg et Ca commencent à se volatiliser à partir de 600◦C pour la bagasse pour atteindre une volatilisation de 70% pour Na et K et 90% pour Mg et Ca à 900◦C. Par contre pour les résidus de sucre de canne, la volatilisation débute à 500◦C pour Na et K, à 900◦C, 70% de ces espèces sont volatilisées ; Mg et Ca restent dans les particules piégées dans le lit ou sous forme de particules volantes et ne se retrouvent pas en phase gazeuse.
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Table des matières
Introduction générale
1 Les inorganiques
1.1 Les espèces inorganiques dans la biomasse
1.1.1 Le chlore
1.1.2 Les alcalins et alcalino-terreux
1.1.3 Le soufre
1.1.4 Les métaux lourds
1.2 Etat de l’art sur le comportement des inorganiques
1.2.1 Etudes expérimentales
1.2.2 Modélisation de la formation des aérosols lors de la combustion de la biomasse
2 Etude thermodynamique du comportement des espèces inorganiques
2.1 Introduction
2.1.1 Composition de la biomasse témoin
2.1.2 Le logiciel de calculs Factsage
2.2 Un outil de comparaison des résultats : la pression partielle d’oxygène
2.2.1 Définition
2.2.2 Evolution de la pression partielle d’oxygène à l’équilibre
2.3 Comparaison entre la gazéification à l’oxygène et la vapo-gazéification
2.3.1 Les espèces majoritaires
2.3.2 Les espèces inorganiques
2.4 Etude des formes chimiques des inorganiques pour l’inventaire de la biomasse S12
2.4.1 K et Na
2.4.2 Le soufre
2.4.3 Le chlore
2.4.4 Les alcalino-terreux
2.4.5 Comparaison avec les résultats de la littérature
2.5 Condensation des espèces volatilisées
2.5.1 Condensation des alcalins
2.5.2 Condensation du chlore
2.5.3 Condensation du soufre
2.5.4 Les alcalino-terreux et métaux lourds
3 Etude phénoménologique de la condensation des aérosols
3.1 Introduction
3.1.1 Les aérosols
3.1.2 La sursaturation, le moteur de la condensation des aérosols
3.2 Nucléation des particules
3.2.1 Rayon critique
3.2.2 Vitesse de nucléation
3.2.3 Evolution de la vitesse de nucléation et de la taille des noyaux en fonction de la sursaturation
3.3 Croissance des particules
3.3.1 Vitesse de croissance
3.3.2 Exemple d’application
3.4 Agglomération des particules
3.4.1 L’agglomération diffusive
3.4.2 L’agglomération cinématique
3.4.3 Comparaison des différents types d’agglomération
3.5 Dépôts aux parois
3.5.1 Dépôt des espèces gazeuses
3.5.2 Dépôts des particules
3.6 Approche simplifiée de la modélisation de la condensation
3.6.1 Description du modèle global
3.6.2 Vitesse de croissance
3.6.3 Modélisation de la nucléation
3.6.4 Modélisation simplifiée de l’agglomération
3.6.5 Modélisation des dépôts
3.6.6 Résolution numérique
3.6.7 Cas tests
4 Dispositif expérimental ANACONDA
4.1 Fonctionnalités générales du dispositif expérimental ANACONDA
4.1.1 Description générale du fonctionnement d’ANACONDA
4.1.2 Objectifs du dispositif
4.2 Conception
4.2.1 Préparation de l’écoulement
4.2.2 Zone chaude
4.2.3 Dilution et prélèvement des particules
4.2.4 Incertitudes des mesures
4.3 Qualification
4.3.1 Générateurs
4.3.2 Zone chaude
4.3.3 Sonde à dilution
Conclusion générale