Les espaces naturels et leur protection
Définitions préliminaires
Quand on parle de protection de la Nature ou de la biodiversité, le vocabulaire utilisé peut très vite varier d’une structure ou d’une situation à l’autre. Bien souvent, leur signification n’est pas clairement définie. Nous allons regrouper ici quelques uns des principaux termes, plus ou moins techniques, et leur attribuer une définition, la plus claire possible afin de fonder notre réflexion.
Tout d’abord, on entend souvent les termes « espace naturel », « site » ou « milieu naturel ». Nous allons attribuer à ces termes une définition globale : celle d’un « habitat naturel ». Par convention, dans la suite de ce rapport, le terme « habitat » fera toujours référence à un habitat naturel sauf indication contraire. Selon le Service du Patrimoine Naturel (SPN), qui est une des unités scientifiques du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN), « L’habitat naturel est un concept qui se définit par :
– un espace géographique.
– des facteurs environnementaux : climat, sol, faune, flore etc.
– une organisation dans l’espace et dans le temps. »
Nous pouvons compléter cette définition par la conception du réseau Natura 2000 qui explique qu’un habitat est un milieu défini par des facteurs biotiques et abiotiques (c’est-àdire relevant des interactions du vivant sur le vivant et de facteurs physico chimiques) spécifiques où vit une espèce considérée à l’un des stades de son cycle de développement.
La détermination des habitats naturels s’appuie essentiellement sur la végétation qui constitue le meilleur intégrateur des conditions écologiques d’un milieu. Aussi, à chaque fois que, dans un territoire donné, les mêmes conditions environnementales sont réunies, on retrouve sensiblement le même ensemble de plantes ou groupement végétal. Il existe à l’heure actuelle un certain nombre de typologies européennes d’habitats tel que la typologie CORINE Biotopes et le manuel EUR 15.
Selon ces typologies, un habitat dit « naturel » est un habitat où l’action de l’homme est censée être relativement faible contrairement aux milieux « semi-naturels » voire « artificiels » dont l’existence et la pérennité sont essentiellement dues à l’action des activités humaines (friches agricoles, pâturages extensifs, carrières etc.).
Cela rejoint le terme de patrimoine naturel, qui selon un ouvrage de l’Atelier Technique des Espaces Naturels (ATEN) constitue « l’ensemble des éléments naturels (objets géologiques, espèces, habitats) et humains qui a un sens particulier pour une communauté et qu’il est important de conserver pour les générations futures. ».
Enfin, les justifications d’acquisition de sites naturels ou de protection d’espèces font bien souvent référence aux notions de patrimonialité, d’aspect déterminant de ces éléments ou encore d’intérêt communautaire. Le terme patrimonialité, appliqué à une espèce, entend que cette dernière est protégée, localement rare, en limite d’aire de répartition dans la zone considérée ou est en régression (source : David GREYO, Conservatoire du Patrimoine Naturel de la Région Centre, CPNRC). Par milieu déterminant, on entend « un milieu (habitat naturel ou semi-naturel, voire exceptionnellement totalement artificiel -cave par exemple) qui motive directement l’intérêt de la zone soit pour sa valeur propre, soit pour sa capacité à héberger une ou plusieurs espèces déterminantes qui lui sont alors clairement inféodées. » (source : Direction Régionale de l’Environnement, DIREN).
Selon la directive « Habitat, Faune, Flore », les habitats reconnus d’intérêt communautaire « sont en danger de disparition dans leur aire de répartition naturelle, ont une aire de répartition naturelle réduite par suite de leur régression ou en raison de leur aire intrinsèquement restreinte, ou constituent des exemples remarquables de caractéristiques propres à l’une ou à plusieurs des sept régions biogéographiques suivantes: alpine, atlantique, boréale, continentale, macaronésienne, méditerranéenne et pannonique. ».
Cette directive désigne également, dans son annexe II, des habitats naturels dits «prioritaires », qui sont « en danger de disparition […] et pour la conservation desquels la Communauté porte une responsabilité particulière ». Pour finir, un milieu dit remarquable est un milieu à « considérer au plus haut degré dans une échelle de hiérarchisation », (source : site Internet du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire).
Ces quelques définitions ont permis d’apporter une base à la réflexion et d’appréhender une première difficulté puisque la plupart de ces termes sont communément utilisés et admis sans que leurs utilisateurs soient réellement en accord sur leur sens. Le sujet traitant des possibilités de prioriser les acquisitions et donc la protection des espaces naturels, nous allons tout d’abord nous intéresser plus précisément aux typologies d’ors et déjà existantes des milieux naturels ou habitats, puis nous ferons un rappel général sur les modalités et les acteurs de la protection de ces espaces.
Les habitats et leur classement
Il existe plusieurs référentiels qui ont été mis en place dans le but de classifier les espaces naturels. Sans effectuer de réelles hiérarchies, certains habitats ont été déclarés comme ayant plus « d’intérêt » que d’autres du fait de certains critères tels que les espèces qu’ils peuvent abriter, leur superficie ou encore les menaces qui pèsent sur eux.
La base de données CORINE Biotope est une de ces typologies, effectuée sur le territoire européen et publiée pour la première fois en 1991. L’objectif de cette classification était d’obtenir un catalogue le plus complet possible des habitats naturels et semi-naturels pour permettre d’avoir une meilleure connaissance en vue de la protection et de la conservation de ces habitats. Le premier niveau de cette typologie regroupe les grands paysages naturels présents sur le territoire européen :
« 1. Habitats littoraux et halophile
2. Milieux aquatiques non marins
3. Landes, fruticées et prairies
4. Forêts
5. Tourbières et marais
6. Rochers continentaux, éboulis et sables
7. Terres agricoles et paysages artificiels. »
Organisée selon un système hiérarchique à six niveaux maximum, on progresse dans la typologie en partant du niveau le plus élevé, qui représente les grands paysages naturels listés ci-dessus, auxquels sont attribués un code à un chiffre. En progressant vers des types d’habitats de plus en plus précis, un nouveau chiffre est rajouté au code, jusqu’à aboutir à la combinaison finale désignant l’habitat que l’on observe. Chaque habitat est décrit, plus ou moins finement selon les données disponibles. Dans la définition des sites faisant partie du réseau Natura 2000 (réseau de sites naturels ou semi-naturels européens, protégés et gérés durablement), il est utilisé une autre typologie, recensant les « habitats d’intérêt communautaire » et appelée le code Natura 2000. Afin de permettre le passage d’une typologie à l’autre, une correspondance est faite entre ces deux référentiels, pour les habitats se trouvant à la fois dans Natura 2000 et dans CORINE Biotope. Cette correspondance est connue sous le nom de EUR15 et est, en fait, un manuel d’interprétation des habitats de l’Union Européenne, fondé sur l’Annexe I de la directive « Habitats, Faune, Flore ».
La version EUR15 actualise les définitions d’habitats grâce aux d’informations contenues dans une base de données élaborée en soutien de ce travail (PHYSIS). Cette typologie se fonde sur les régions biogéographiques qui ont été citées dans la partie I, selon l’annexe I de la directive. La classification repose sur la description de la végétation, en s’appuyant notamment sur les résultats des études phytosociologiques. La phytosociologie est une « discipline de la botanique ayant pour objet l’étude synthétique des communautés de végétaux spontanés afin de les définir et de les classer selon des critères floristiques et statistiques, de caractériser leur structure et leur organisation, leur origine, leur genèse et leur évolution, ainsi que leurs habitats. » (R. Delpech, 1996). Les typologies présentées précédemment se fondent sur la méthode sigmatiste de la phytosociologie. C’est la méthode la plus largement répandue en France. Elle a pour objet l’étude descriptive et causale des associations végétales. C’est cette approche qui est également utilisée dans le Prodrome des végétations de France, qui est un ouvrage servant de référentiel pour les classifications de la flore. Les typologies présentées ici ne sont pas exhaustives. On peut noter qu’une nouvelle nomenclature est appelée à remplacer la typologie CORINE. Il s’agit du référentiel EUNIS (European Nature Information System). Il existe également des typologies se fondant sur une région particulière. On peut citer, par exemple, l’existence de la typologie SIEL (Système d’Information et d’Evolution du Lit de la Loire), appliquée notamment par la DIREN Centre et issue d’une thèse sur les communautés végétales du lit endigué de la Loire (Cornier, 1998).
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Table des matières
Introduction
1ère Partie : Les espaces naturels et leur protection
I. Définitions préliminaires
II. Les habitats et leur classement
III. La protection des espaces naturels
3.1 Les principales références européennes et internationales
Les conventions internationales
L’instauration de réserves
Un réseau européen
3.2 Les mesures de protection réglementaire des espaces naturels
3.2.1 Les zonages
Les Parcs Nationaux
Les réserves
Les Arrêtés Préfectoraux de Protection de Biotope
Les dispositions prises par le Code de l’urbanisme
3.2.2 Les listes
3.2.3 Les lois relatives à des habitats particuliers
La loi sur l’eau
La loi littoral
La loi montagne
3.3 Les protections contractuelles
Les Parcs Naturels Régionaux
Les divers contrats
3.4 Les porter à connaissance
Les Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique
Les listes rouges
3.5 La protection par la maîtrise foncière
Les conservatoires
Les Espaces Naturels Sensibles
3.6 Autres organismes
IV. Délimitation du sujet de la recherche
2ème Partie : Elaboration d’une grille de critères
I. Méthodologie
II. Synthèse des éléments recueillis grâce à la méthodologie
2.1 Ouvrages de référence
2.2 Synthèse des informations
Les éléments servant de base au choix d’un site naturel
Les précisions ajoutées par les entretiens
La stratégie d’acquisition du CPNRC
III. Elaboration de l’outil de hiérarchisation des milieux naturels
3.1 Eléments préalables
3.2 Classement selon la richesse biologique
Critères d’évaluation des habitats
Critères d’évaluation des espèces
Détermination de la richesse biologique
3.3 Classement selon l’atteinte du milieu
3.4 Classement selon la stratégie adoptée par le CPNRC
3.5. Détermination de l’urgence d’intervention et hiérarchisation
3ème Partie : Etude de cas du Val de Montlouis et du Val de Langeais
I. Des sites aux nombreux points communs
1.1 Description générale et localisation
Le Val de Montlouis-sur-Loire
Le Val de Langeais
1.2 Un contexte similaire
Le climat
Hydrographie, hydrologie et qualité des eaux
Géologie
Contexte de la protection
1.3 Quelques différences à souligner
II. Hiérarchisation des sites
2.1 Classement selon la richesse biologique
Evaluation des habitats
Evaluation des espèces
Détermination de la richesse biologique
2.2 Classement selon l’atteinte des milieux
2.3 Classement selon la stratégie du CPNRC
2.4 Hiérarchisation finale
III. Limites de la recherche
3.1 Réponse à la problématique
3.2 Une méthode pouvant être améliorée
3.3 Limites de l’étude de cas
Conclusion
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