Les épidermolyses bulleuses
Parmi les maladies génétiques affectant la peau, on retrouve les épidermolyses bulleuses. Ces maladies sont caractérisées par la présence de cloques qui font en sorte que l’intégrité de la peau est compromise. Le terme épidermolyse bulleuse fait référence au détachement de l’épiderme du derme induit mécaniquement. Ces désordres ont également été observés chez plusieurs animaux, entre autres les chiens, les chevaux, les vaches et les moutons (Bruckner-Tuderman 1994). Les épidermolyses bulleuses sont classifiées en trois types selon l’endroit où se produit le clivage , l’épidermolyse bulleuse dystrophique (clivage au niveau intradermal), l’épidermolyse bulleuse jonctionnelle (clivage au niveau de la jonction dermo-épidermique, de la lamina lucida) et l’épidermolyse bulleuse simplex (clivage au niveau de l’épiderme, des kératinocytes basaux) (Mitsuhashi et Hashimoto 2003 ; Sawamura et al. 2010). Il existe également un quatrième type d’épidermolyse bulleuse, le syndrome de Kindler, pour lequel on retrouve des ampoules à plus d’un niveau (Intong et Murrell 2012). Les épidermolyses bulleuses sont classées selon l’endroit des lésions, le mode de transmission et les caractéristiques cliniques (Mitsuhashi et Hashimoto 2003). En 2003, plus de 1000 mutations situées sur au moins 14 gènes de structure avaient été recensées pour l’ensemble des types d’épidermolyse bulleuse (Intong et Murrell 2012).
L’épidermolyse bulleuse simplex
L’épidermolyse bulleuse simplex a une prévalence à travers le monde de 1 sur 50000 à 1 sur 30 000 (Tang et al. 2009). Elle est caractérisée par une perte de l’intégrité des tissus qui survient dans les kératinocytes de l’épiderme à la suite d’un stress mécanique léger (Coulombe et al. 2009). Vis-à-vis un stress physique, l’intégrité du tissu dépendra de deux éléments soit les complexes d’adhésion, qui relient les cellules entre elles et à la matrice extracellulaire, ainsi que les filaments intermédiaires situés au sein des cellules (Liovic et al. 2009). Plusieurs types de stress peuvent affaiblir les cellules des patients dont le stress osmotique (D’Alessandro et al. 2002). Au niveau morphologique, cela se traduit par la présence de bulles cutanées qui causent le décollement de l’épiderme chez les gens atteints (figure 4) (Chan et al. 1994). Le mode de transmission de l’EBS est majoritairement autosomique dominant (Gu et Coulombe 2007). L’EBS peut être sans gravité comme il peut être sévère (Rugg et al. 2007). Bien que les nouveaux-nés puissent souffrir d’infections de la peau récurrentes et de déficits nutritionnels causés par la présence de cloques généralisées, la situation s’améliore avec l’âge. Il n’y a pas de retard de croissance ou d’anémie chez les enfants plus âgés (Palier 2004). Les mutations présentes et leurs effets sur l’ARNm et les kératines déterminent le degré de fragilité de la peau (Tamai et al. 2009) .
L’épidermolyse bulleuse simplex localisée (OMIM 131 800)
L’épidermolyse bulleuse localisée a été découverte en 1926 par Weber puis confirmée en 1938 par Cockayne (Weber 1926 ; Cockayne 1938) et est caractérisée par des cloques limitées aux mains et aux pieds et parfois aux zones où les traumatismes sont répétés. Elle peut se développer durant la petite enfance ou à l’âge adulte. Les gens atteints souffrent davantage durant les mois plus chauds et ce type d’épidermolyse est fréquemment associé avec la kératodermie palmoplantaire (Coulombe et Lee 2012). Il s’agit du type le plus commun, qui affecte une personne sur 17 000 (Moss et al. 2009).
L’épidermolyse huileuse simplex généralisée (OMIM 131 900)
L’épidermolyse bulleuse généralisée a été découverte en 1886 par Koebner (Koebner 1886) et est caractérisée par des cloques qui se situent surtout au niveau des mains et des pieds, mais qui se retrouvent également sur le reste du corps. Une analyse par microscopie électronique des kératinocytes provenant de personnes atteintes de la maladie démontre l’absence de larges tonofilaments, soit des filaments intermédiaires de kératine. Cette pathologie se développe dès la naissance ou durant l’enfance et, comme l’épidermolyse localisée, les personnes atteintes souffrent plus durant les mois plus chauds (Coulombe et Lee 2012). La prévalence de ce sous-type est estimée à 1/35 000 (Orphanet2013).
L’épidermolyse bulleuse simplex Dowling-Meara (OMIM 131 760)
L’épidermolyse bulleuse Dowling-Meara (herpétiforme) a été découverte en 1954 (Dowling et Meara 1954) et est caractérisée par des cloques sévères et étendues sur tout le corps. Ce sous-type est le plus sévère et peut entraîner la mort dans certains cas (Fine et al. 1991). Les cloques sont herpétiformes et hémorragiques et sont observées dès la naissance. Il est également possible d’observer une implication des muqueuses, des ongles dystrophies, une kératodermie palmoplantaire progressive et parfois une hypo- ou une hyperpigmentation. Contrairement aux deux types d’épidermolyses huileuses simplex précédemment mentionnés, il est possible que l’état des patients s’améliore avec la fièvre ou la chaleur (Coulombe et Lee 2012). Une des caractéristiques cellulaires de ce type permettant de le distinguer est l’agrégation des tonofilaments au sein des kératinocytes (Bergman 1999). La prévalence mondiale de ce sous-type n’est pas connue, mais elle est estimée à 1 personne sur 1 700 000 en Ecosse (Orphanet 2013).
L’épidermolyse bulleuse simplex à pigmentation mouchetée (OMIM 131960)
L’épidermolyse bulleuse à pigmentation mouchetée a été découverte en 1979 (Fischer et Gedde-Dahl 1979) et est caractérisée par des cloques accompagnées d’une pigmentation mouchetée du tronc et des membres. Les ampoules apparaissent d’abord à la naissance ou au cours de l’enfance. Une diminution est observée avec l’âge et elles sont peu présentes chez les adultes. Les lésions hyperpigmentées, l’autre caractéristique majeure, font leur apparition plus tard et diminuent également sans disparaître complètement (Echeverria-Garcia et al. 2012). Ce type d’épidermolyse bulleuse simplex implique également une kératodermie palmoplantaire ponctuée et une dystrophie des ongles. Il se développe dès la naissance ou au cours de l’enfance (Coulombe et Lee 2012). Il s’agit d’un sous-type peu commun d’épidermolyse bulleuse simplex dont les caractéristiques dépendent de l’âge lors du diagnostic (Echeverria-Garcia et al. 2012). La prévalence à travers le monde de ce sous-type est indéterminée. Cependant, environ 30 familles ont été rapportées jusqu’à présent (Orphanet 2013).
Les kératines
Chez l’homme, on recense 54 gènes fonctionnels de kératine ainsi que des centaines de pseudogènes (McLean et Moore 2011). On retrouve deux familles de kératines, celles de type I et celles de type II. Elles sont constituées de plusieurs domaines, soit la tête, le domaine central composé de 4 sous domaines (1A, 1B, 2A, 2B), la queue et de plusieurs linkers, soit L1 (entre 1A et 1B), L12 (entre 1B et 2A) et L2 (entre 2A et 2B) (figure 5) (Yasukawa et al. 2006 ; Alberts et al. 2010 ; Chamcheu et al. 2011b). D’un côté, les kératines appartenant à la famille de type I sont codées par des gènes du chromosome 17, ont un point isoélectrique acide et sont plus petites. D’un autre côté, les kératines appartenant à la famille de type II sont codées par des gènes du chromosome 12, ont un point isoélectrique basique et sont plus grosses (Cao et al. 2001). La famille I regroupe 28 gènes de kératine (K9-K20) tandis que la famille II regroupe 26 gènes de kératine (K1-K8) (Moll et al. 2008). K5 et K14 sont principalement exprimées dans les kératinocytes basaux indifférenciés de l’épiderme tandis que les kératines de différenciation K1 et K10 sont exprimées dans les couches supérieures (Uitto et Richard 2005). Les kératines ont plusieurs rôles dans la cellule: support structural, cytoarchitecture, implication dans la réponse au stress, régulation des voies de signalisation vers l’apoptose, synthèse des protéines et distribution des organites et des vésicules (Arin 2009).
Généralement, un membre de la famille des kératines de type I forme une association avec un membre de la famille des kératines de type II (Hatzfeld et Franke 1985). Ainsi, K5 et K14 sont des partenaires et s’assemblent pour former des hétérodimères. C’est par le biais du domaine central que se produisent la dimérisation et la polymérisation d’ordre plus élevé (Irvine et Mclean 1999). Pour une reconnaissance efficace qui mènera à l’assemblage in vivo, au moins les deux tiers soit de l’hélice 1B soit de l’hélice 2B de K5 doivent être présents pour K14. Par la suite, 10 000-20 000 hétérodimères de kératine s’assemblent dans une hiérarchie d’associations latérales et bout-à-bout pour former un filament simple de 10 nm, que l’on nomme filament intermédiaire (Chan et al. 1994).
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Table des matières
CHAPITRE 1
PEAU ET ÉPIDERMOLYSES
1.1 La peau
1.2 Les épidermolyses bulleuses
1.3 L’épidermolyse bulleuse simplex
1.3.1 L’épidermolyse bulleuse simplex localisée (OMIM 131 800)
13.2 L’épidermolyse bulleuse simplex généralisée (OMIM 131 900)
1.3.3 L’épidermolyse bulleuse simplex Dowling-Meara (OMIM 131 760)…
13.4 L’épidermolyse bulleuse simplex à pigmentation mouchetée (OMIM
131 960)
1.4 Les kératines
1.5 Mutations répertoriées dans les gènes de la kératine 5 et de la kératine 14
1.6 Traitements pour l’épidermolyse bulleuse simplex
1.6.1. Thérapie génique et autres approches moléculaires
1.6.2 Utilisation de greffons
1.6.3 Agents pharmaceutiques
1.6.4 Criblage à haut débit
CHAPITRE 2
CHAPERONNES
2.1 Chaperonnes moléculaires
2.2 Chaperonnes chimiques
2.2.1 Triméthylamine N-Oxyde (TMAO)
2.2.2 Sodium 4-phénylbutyrate (4-PBA)
2.3 Hypothèses et objectifs
Chapitre 3
Evaluation of the impact of two chaperones (TMAO and 4-PBA) on keratin
aggregates in keratinocytes isolated from KRT14 Epidermolysis Bullosa
Simplex individuals
Résumé
Evaluation of the impact of two chaperones (TMAO and 4-PBA) on keratin
aggregates in keratinocytes isolated from KRT14 Epidermolysis Bullosa
Simplex individuals
Abstract
Introduction
Materials and methods
Immortalized keratinocytes establishment
Keratinocyte lines heat-shock and pre-treatment with different compounds
Immunofluorescence
Evaluation of the cytotoxicity
qRT-PCR
Preparation of cell lysates for Western Blot
Western blot
Results
Chemical molecules reduced heat-induced keratin aggregates (Fig 15 and
Fig 16)
KRT16 and KRT17 expression after pre-treatment
Hsc70 production after pre-treatment
Discussion
Acknowledgements
References
Chapitre 4
Discussion
4.1 Immunofluorescence
4.2 Nécrose
4.3 Évaluation de la kératine 16 et de la kératine 17 ;
4.4 Évaluation de la protéine de choc thermique Hsc70
4.5 Perspectives
Conclusion
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