LES ÉPIDÉMIES CYCLIQUES D’INSECTES

LES ÉPIDÉMIES CYCLIQUES D’INSECTES

DYNAMIQUE DES POPULATIONS D’INSECTES FORESTIERS RAVAGEURS AU COURS DE L’HOLOCÈNE

Afin de bien comprendre la dynamique récente des épidémies d’insectes forestiers ravageurs et d’obtenir le plus d’information possible sur leur fréquence, leur intensité et leur synchronisme, il est souhaitable de reconstituer leur histoire, et ce sur la période la plus longue possible et de la manière la plus complète qui soit. L’étude des épidémies d’insectes survenues au cours de l’Holocène peut être réalisée par l’étude des cernes de croissance d’arbres vivants (Biais, 1965, 1983; Morin et Laprise, 1990; Morin, 1998; Ryerson et al, 2003; Morin et al, 2007), de subfossiles (Simard, 2003) ou composant la charpente de vieux bâtiments (Krause, 1997; Boulanger et Arseneault, 2004). Il est également possible de les étudier par le biais des traces laissées par ces perturbations dans les archives naturelles que sont les humus épais, les dépôts tourbeux ou les sédiments lacustres (Simard et al, 2002, 2006).

RECONSTITUTIONS DENDROÉCOLOGIQUES

Plusieurs longues chronologies d’épidémies d’insectes ont pu être réalisées à partir de cernes d’arbres vivants ou subfossiles, notamment pour la tordeuse des bourgeons de l’épinette, la tordeuse occidentale de l’épinette (Choristoneura occidentalis), la tordeuse du mélèze (Zeiraphera diniana), la tenthrède du mélèze (Pristiphora erichsoniï) et le papillon de pandore {Coloradia pandora). La plupart de ces études permettent de remonter de 300 à 450 ans dans le passé (Swetnam et Lynch, 1989; Jardon et al, 1994;Weber et Schweingruber, 1995; Ryerson et al, 2003; Fraver et al, 2007; Bùntgen et al,2009). Certaines études ont toutefois pu retourner encore plus loin en arrière, soit plus de 600 ans dans le cas du papillon de pandore (Speer et al., 2001) et près de 1200 ans pour la tordeuse du mélèze (Esper et al., 2007).
Les études de Swetnam et Lynch (1989), de Ryerson et collaborateurs (2003), de même que de Weber et Schweingruber (1995) indiquent que les intervalles entre les épidémies de la tordeuse occidentale survenues dans le sud du Colorado et au Nouveau Mexique lors des 350 dernières années étaient très variables et qu’il n’y a pas eu de changement notable au niveau de la sévérité des épidémies de l’insecte. Swetnam et Lynch (1989) ont noté une augmentation du synchronisme des épidémies survenues dans la deuxième moitié du 20e siècle. Ils attribuent cette augmentation à des changements dans la structure d’âge et la composition forestière découlant de l’exploitation forestière et de la lutte contre les feux. Speer et collaborateurs (2001) attribuent également la diminution de l’activité du papillon de pandore dans l’ouest des États-Unis entre 1920 et 1980 à des interventions humaines en forêt. Ils ont également observé une grande variabilité dans les intervalles entre les épidémies de cet insecte, qui fluctuaient entre 9 et 156 ans. De plus, il n’y aurait pas eu de changement dans le synchronisme ou la sévérité des épidémies lors du 20e siècle.
Dans la plus longue reconstitution dendrochronologique d’épidémies d’insectes publiée à ce jour, Esper et collaborateurs (2007) ont observé que le cycle épidémique de la tordeuse du mélèze dans les Alpes européennes a été très régulier au cours des 1200 dernières années, soit tous les 9,3 ans, et ce jusqu’au début des années 1980. Un cycle similaire a également été observé par Bùntgen et al. (2009), soit d’une durée de 8 à 9 ans pour les 300 dernières années. Ces cycles seraient restés les mêmes en dépit du réchauffement des températures observés pendant le Moyen-Age de même que lors du refroidissement des températures observé lors du Petit Âge glaciaire, survenu entre 1550 et 1860. Toutefois, aucune épidémie de la tordeuse du mélèze ne seraient survenues dans les Alpes européennes depuis 1981. Esper et collaborateurs (2007) suggèrent que l’absence d’épidémie de cet insecte serait attribuable à une période de réchauffement climatique régional exceptionnel à l’échelle du dernier millénaire, indiquant la vulnérabilité de ce système écologique dans le contexte actuel de changements climatiques.

L’APPORT DE LA PALÉOÉCOLOGIE DANS L’ÉTUDE DES ÉPIDÉMIES D’INSECTES

La paléoécologie, plus particulièrement l’analyse macro fossile, permet de retracer plusieurs centaines, voir plusieurs milliers d’années d’information sur les épidémies d’insectes (Davis et Hoskins, 1980; Fillion et Quinty, 1993; Bhiry et Filion, 1996; Simard et al, 2002, 2006; Jasinski et Payette; 2005; Filion et al, 2006; Lavoie et al, 2009). Les conditions d’accumulation des grains de pollen et des macrofossiles végétaux et animaux prévalant dans les tourbières ou les sédiments lacustres facilitent la conservation de ces indicateurs de perturbations. Il est ainsi possible de reconstituer la dynamique à court, moyen et long termes de ces milieux récepteurs ainsi que des peuplements forestiers environnants (Barber, 1993; Chambers et Charman, 2004; Anderson et al, 2010; Colpron-Tremblay et Lavoie, 2010).
Grâce aux méthodes paléoécologiques, on a pu associer le déclin de la pruche nord américaine (Tsuga canadensis), qui a débuté il y a 5400 ans, à des épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette et de l’arpenteuse de la pruche (Lambdina fiscellaria). Dans ce cas, ce sont des capsules, céphaliques de larves et des feuilles broutées trouvées dans des dépôts tourbeux des basses terres du Saint-Laurent, au Québec, qui ont fourni les indices en faveur de l’hypothèse d’un lien déclin – épidémies d’insectes (Bhiry et Filion, 1996). Plus récemment, l’apport de l’analyse pollinique pour détecter les épidémies du dendroctone de l’épinette (Dendroctonns rufipennis) a pu être validé par une étude à haute résolution d’une section de sédiments récoltée dans un petit étang des montagnes Rocheuses du Colorado (Anderson et al., 2010). Les chercheurs ont démontré que ce type d’analyse pourrait être appliqué sur une plus longue échelle temporelle’ et permettrait de reconstituer l’histoire des épidémies de ce coléoptère au cours de l’Holocène.
La paléoécologie a également un rôle clé à jouer dans l’étude des épidémies anciennes de la tordeuse des bourgeons de l’épinette, notamment pour confirmer ou réfuter l’hypothèse de Biais (1965) et de Baskerville (1975) à l’effet que la relation cyclique entre les épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette et la régénération des peuplements de sapin baumier à partir de leurs banques de semis serait relativement stable depuis plusieurs milliers d’années, soit depuis la fin de la dernière époque glaciaire. Les plus longues chronologies réalisées pour retracer les épidémies de la tordeuse témoignent de l’équilibre entre l’insecte et ses hôtes, notamment le sapin. Ces chronologies ont démontré que suite au passage d’une épidémie, les peuplements touchés se régénèrent pour former de nouveaux peuplements, qui seront à leur tour touchés par le passage de nouvelles épidémies (Jardon, 2001; Fraver et al, 2007; Morin et al, 2007).
Lavoie et Filion (2001) ont émis l’hypothèse que les chutes répétées de grains de pollen de sapin et d’épinette observées depuis plus de 4000 ans à l’île d’Anticosti seraient attribuables à des épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette ou de l’arpenteuse de la pruche. Lavoie et collaborateurs (2009) ont pu confirmer par la suite cette hypothèse en détectant des restes de ces deux insectes correspondant aux chutes de grains de pollen de sapin.
Ces études n’ont toutefois pas permis de caractériser la fréquence, l’intensité ou le synchronisme des épidémies de ces insectes comparativement aux reconstitutions dendrochronologiques. Par ailleurs, la faible résolution temporelle des analyses paléoécologiques permet difficilement de se prononcer sur les cycles épidémiques des insectes forestiers ravageurs (Lavoie et Filion, 2001; Simard et al., 2002).

IMPACTS DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES SUR LA DYNAMIQUE DES POPULATIONS D’INSECTES RAVAGEURS

Les prévisions actuelles à l’égard des changements climatiques indiquent que l’augmentation de la température se poursuivra au cours des prochaines années (IPCC, 2007), se traduisant entre autres en Amérique du Nord par des hivers et des printemps plus chauds. Ces changements pourront avoir des impacts significatifs sur la dynamique des insectes forestiers ravageurs, notamment si le développement, la survie, la reproduction et le mouvement des populations d’insectes sont favorisés (Williams et Liebhold, 1995; Volney et Fleming, 2000).
Plusieurs chercheurs prévoient que les changements climatiques modifieront significativement tous les aspects du comportement épidémique des insectes forestiers ravageurs, dont leur distribution (Williams et Liebhold, 1995; Ungerer et al., 1999) et qu’il y aura une augmentation de l’intensité et de la fréquence des épidémies (Bylund, 1999; Logan et al, 2003). Les changements climatiques pourraient également contribuer à synchroniser les épidémies de différents insectes (Myers, 1998). À l’opposé, une rupture attribuable aux changements climatiques semble être survenue dans le cycle épidémique de la tordeuse du mélèze dans les Alpes européennes au début des années 1980 (Esper et al, 2007; Biintgen et al, 2009).
Au Québec, la modification du régime des précipitations se traduisant par une réduction des précipitations pourra avoir un impact sur les épidémies de la tordeuse si les périodes de sécheresse, favorisant le développement et la survie des larves, sont plus importantes et que l’intervalle entre les feux en forêt boréale augmente (Bergeron et Leduc, 1998). Les régions où les changements climatiques entraîneront un cycle de feux plus long pourront subir plus de mortalité due aux épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette comparativement aux régions où le cycle des feux sera plus court (Bergeron et Leduc, 1998). Des périodes de sécheresse plus importantes entraînerait une augmentation du stress hydrique chez les arbres hôtes de la tordeuse ce qui pourrait favoriser la survie et la reproduction de la tordeuse et qui pourrait atteindre des niveaux de population plus importants.
Puisque les épidémies d’insectes forestiers ravageurs peuvent causer une mortalité importante des arbres sur de vastes superficies, une modification de la dynamique des épidémies pourraient avoir des répercussions importantes sur la gestion des ressources forestières, notamment sur les programmes de contrôle des populations d’insectes et sur les modèles prédictifs pour évaluer les prélèvements. Ces changements pourraient également affecter la resilience des écosystèmes, le cycle des nutriments, de même que les activités récréatives (Fleming et Volney, 1995; Anderson et al., 2010).

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Table des matières

RESUME
REMERCIEMENTS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ANNEXES
CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1. LES ÉPIDÉMIES
1.2. LES ÉPIDÉMIES D’INSECTES
1.2.1. LES ÉPIDÉMIES CYCLIQUES D’INSECTES
1.2.2. LE SYNCHRONISME SPATIAL DES ÉPIDÉMIES D’INSECTES
1.2.2.1. LA STOCHASTICITÉ RÉGIONALE OU EFFET MORAN
1.2.2.2. LA MIGRATION
1.3. LES ÉPIDÉMIES DE LA TORDEUSE DES BOURGEONS DE L’ÉPINETTE
1.4. DYNAMIQUE DES POPULATIONS D’INSECTES FORESTIERS RAVAGEURS AU COURS DE L’HOLOCÈNE
1.4.1. RECONSTITUTIONS DENDROÉCOLOGIQUES
1.4.2. L’APPORT DE LA PALÉOÉCOLOGIE DANS L’ÉTUDE DES ÉPIDÉMIES D’INSECTES
1.5. . IMPACTS DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES SUR LA DYNAMIQUE DES
POPULATIONS D’INSECTES RAVAGEURS
1.6. OBJECTIFS.
1.7. HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
CHAPITRE 2. VALIDATION OF SPRUCE BUDWORM FECES AS A PROXY TO RECONSTRUCT RECENT INSECT OUTBREAKS
2.1. ABSTRACT
2.2. INTRODUCTION
2.3. STUDY AREA
2.4. METHODS
2.5. RESULTS
2.5.1. RADIOMETRIC ACTIVITY
2.5.2. SPRUCE BUDWORM FECES ABUNDANCE
2.5.3. TREE-RING CHRONOLOGY
2.6. DISCUSSION
2.7. CONCLUSION
2.8. AKNOWLEDGEMENTS
CHAPITRE 3. A MILLENIAL-SCALE RECONSTRUCTION OF SPRUCE BUDWORM ABUNDANCE IN SAGUENAY, QUEBEC, CANADA
3.1. ABSTRACT
3.2. INTRODUCTION
3.3. STUDY AREA
3.4. METHODS
3.5. RESULTS
3.5.1. PEAT ACCUMULATION RATE AND STRATIGRAPHY
3.5.2. VEGETATION RECONSTRUCTION
3.5.3. SPRUCE BUDWORM MACROFOSSIL ABUNDANCE
3.6. DISCUSSION
3.6.1. DEVELOPMENT OF THE LAC DES ÎLETS PEATLAND AND VEGETATION HISTORY
3.6.2. SPRUCE BUDWORM ABUNDANCE
3.7. CONCLUSION
3.8. AKNOWLEDGEMENTS
CHAPITRE 4. HOLOCENE DYNAMICS OF SPRUCE BUDWORM POPULATION ABUNDANCE IN THE BOREAL ZONE OF EASTERN CANADA 58
4.1. ABSTRACT
4.2. INTRODUCTION
4.3. STUDY AREA
4.4. METHODS
4.5. RESULTS
4.5.1. PEAT STRATIGRAPHY
4.5.2. SITE DEVELOPMENT AND VEGETATION HISTORY
4.5.3. SPRUCE BUDWORM MACROFOSSIL AND HEAD CAPSULES ABUNDANCE
4.5.4. ZONAL, DISKS OF LOP’HODERhllUMPICEAE
4.5.5. CHARCOAL
4.6. DISCUSSION
4.6.1. RECONSTRUCTION OF PERIODS OF HIGH SPRUCE BUDWORM ACTIVITY
4.6.2. IMPACT OF SPRUCE BUDWORM AND FIRE ON VEGETATION
4.6.3. HAS SPRUCE BUDWORM ACTIVITY CHANGED DURING THE HOLOCENE?
4.7. AKNOWLEDGEMENTS
CHAPITRE 5. CONCLUSION GÉNÉRALE
5.1. LES PRINCIPAUX RÉSULTATS DE LA RECHERCHE
5.2. LIMITES À LA RECONSTITUTION DES ÉPIDÉMIES DE LA TORDEUSE DES BOUREGONS DE L’ÉPINETTE PAR LA PALÉOÉCOLOGIE
5.3. RELATIONS ENTRE LES ÉPIDÉMIES, LES FEUX ET LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
5.4. IMPLICATIONS POUR LA GESTION DES FORÊTS
5.5. PERSPECTIVES DE RECHERCHE
LISTE DES RÉFÉRENCES
ANNEXES

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