Les entrées de ville commerciales : la nécessité d’un renouvellement durable
Préambule
Les entrées de ville représentent géographiquement des espaces à l’interface de la ville et de la campagne, qui ont participé à l’urbanisation périurbaine le long des axes structurants de la ville. De manière sensible, il s’agit de la perception de l’usager, motorisé ou non, lorsqu’il quitte la campagne et arrive en ville, ou vice-versa. Ces espaces ont été, et sont encore, des lieux privilégiés pour l’implantation d’activités à dominante commerciale, à la recherche d’une visibilité, d’une accessibilité et d’opportunités foncières attractives. Ils sont le reflet de nos modes de vie, de consommation et d’urbanisation selon une logique à la fois extensive et quantitative, corrélé avec le développement des mobilités des personnes.
Leur rejet, qu’il soit politique ou urbanistique , c o n t r a s t e a v e c l e s opportunités sous-jacentes à ces espaces proches des villes et à leur articulation entre la ville et sa périphérie. Les questionnements e t ré fl e x i o n s s u r s o n d e v e n i r s o n t r e l a t i v e m e n t r é c e n t s . C e s z o n e s périphériques d’activités posent de nombreux problèmes par rapport à la qualité des traitements paysagers, architecturaux des espaces publics, façades des locaux, à la circulation ou à la concurrence à l’encontre des commerces de proximité du centre-ville. Derrière cette opposition soutenue par la vision commune de l’idéal de la ville t ra d it i o n n e l l e , l e s e n t ré e s d e v i l l e commerciales sont des lieux fréquentés par un grand nombre de consommateurs. Les p ra t i q u e s d ’a c h a t s o n t a u j o u rd ’ h u i essentiellement tournées vers ces zones périphériques aménagées et conçues dans l’optique des déplacements automobiles. Au delà des nombreux dysfonctionnements observés et les rejets de ce modèle, l’analyse urbaine doit être une opportunité pour identifier les potentiels de valorisation et de r e n o u v e l l e m e n t d e c e s e s p a c e s commerciaux, pour certains vieillissants et/ou monofonctionnels. Se pose alors la question de leur place et de leur fonction au sein d’une ville désormais multipolaire, en tant que vitrines des agglomérations et nouvelles centralités.
L’approche théorique de ce sujet s’accompagne d’une réflexion temporelle concernant le passé, le présent et le futur de ces espaces. Nous traiterons dans un premier temps la question des principes généraux et fondateurs de ce modèle urbain d’entrées de ville commerciales, résultant pour beaucoup d’une absence de modèle, de réflexion et d’un « laisser-faire » des politiques publiques. Une analyse urbaine de ces secteurs sera complétée par la mise en lumière d’enjeux concernant le renouveau de ces zones d’activités.
Dans un second temps nous nous intéresserons aux concepts de l’urbanisme moderne qui tendent à (ré)introduire un sentiment d’urbanité au sein de ces espaces selon une démarche durable. Nous identifierons également les jeux d’acteurs, l e u r p o u v o i r e t l e u r r ô l e d a n s l e renouvellement de ces espaces. Il s’agira ici de questionner et d’analyser de manière prospective ces zones et d’en esquisser un développement futur.
Les entrées de ville commerciales aux constats et enjeux spécifiques
On retrouve dans les entrées de ville commerciales de nombreux enjeux urbains relatifs à l’urbanisme extensif en périphérie des villes. Ces enjeux concernent la faible qualité architecturale des bâtiments, la faible qualité paysagère, le traitement minimaliste des espaces publics, le respect partiel des espaces environnementaux et la place des circulations douces au sein d’espaces construits autour de la voiture… Depuis les années 1990, politiques et urbanistes fustigent, au travers des rapports , colloques, articles et débats, cette « France […] devenue moche » (Urbanisme à la française – Comment la France est devenue moche, Télérama, août 2010) et l’intérêt accordé à ces espaces va en grandissant. Nous identifierons ainsi quelles sont les caractéristiques et spécificités des entrées de ville commerciales en France et quels enjeux en découlent, en t e r m e d e g e s t i o n f o n c i è r e , d e d é v e l o p p e m e n t é c o n o m i q u e , d e préservation environnementale, de mobilité mais également de « gouvernance » de ces espaces…
L’é t u d e d e l a m o b i l i t é e t d e l’accessibilité apparait comme le premier facteur motivant l’implantation des commerces dans ces espaces périphériques. La logique commerciale veut également que les enseignes recherchent un effet vitrine, donc une visibilité forte, induite par la présence d’axes structurants très fréquentés. Les entrées de ville commerciales sont des pôles commerciaux majeurs et il convient d’identifier le poids économique de ces secteurs en termes d’emplois et d’attractivité des chalands, ainsi que le rôle des différents acteurs économiques sur l’urbanisation et la gestion de ces espaces.
Un dernier enjeu concernant la morphologie urbaine de ces espaces sera m i s e n é v i d e n c e e t s o u l e v é . N o u s analyserons la qualité de l’intégration paysagère et environnementale au sein de ces zones imperméabilisées ainsi que la qualité des traitements architecturaux des locaux d’activités.
Le développement des zones commerciales périphériques : liens avec les pratiques de la mobilité d’une société motorisée
L e s z o n e s c o m m e r c i a l e s périphériques se sont développées par définition en marge de la ville le long de ses axes pénétrants et structurants. À la suite du développement de l’automobile, de l’étalement urbain et du développement commercial en périphérie, motivé par des l o g i q u e s c o m m e r c i a l e s ( a v a n t a g e s économiques et coût du foncier…), nous assistons depuis à la multiplication des pôles de centralité. Ces nouvelles centralités génèrent des flux pendulaires conséquents et, associés aux flux de transit importants induits par le maillage autoroutier et routier, entrainent en conséquence un phénomène de saturation de ces axes ainsi que des problèmes environnementaux conséquents.
Une implantation motorisée déterminante pour l’implantation des commerces
Avec le développement du véhicule individuel dès les années 1950, ce sont à la fois le réseau routier et notre société qui basculent dans une ère motorisée qui verra nos mobilités quotidiennes s’accroitre et notre aire de vie s’étendre. Parallèlement à ce phénomène, l’émergence de la grande distribution dans les années 1960 lance le développement de zones commerciales en entrée de ville, autour d’un maillage routier performant qui facilite la desserte sur ces zones. L’espace « pratiqué » au quotidien se trouve encore élargi avec l’apparition de voies de contournement, de premières autoroutes et rocades entre 1960 et 1970 : l’accès aux espaces en périphérie des villes s’en trouve facilité.
La ville s’inscrit désormais dans un mouvement centrifuge. Les activités résidentielles et économiques s’installent en périphérie des villes sous l’effet de la croissance démographique, économique et des mobilités. La ville pédestre a ainsi cédé la place à la ville motorisée, la ville devient l’aire urbaine et les espaces périurbains constituent la ville multipolaire. Les centres des villes mal desservis par la voiture voient leurs enseignes déménager dans des nouvelles zones commerciales tandis que les zones pavillonnaires périphériques se multiplient et induisent des déplacements pendulaires journaliers vers le centre-ville. En parallèle les déplacements périphériepériphérie s’accroissent au fur et à mesure que les zones économiques aux marges de la ville se développent. L’automobile a ainsi permis d’accroitre les mobilités entre les nouveaux pôles d’activités en modifiant la perception des distances.
La naissance des polarités commerciales périphériques
Les nouvelles pratiques de déplacements, l’étalement et la dispersion des fonctions urbaines encouragent le développement périphérique du commerce. Les logiques économiques et commerciales reposent sur la proximité des flux et leur quantité, l’accessibilité, la visibilité, la coprésence et la capacité d’accueil (David Mangin, 2004). Les corridors commerciaux périphériques se forment par adjonctions d’opérations commerciales le long des grands axes pénétrants.
L’influence mutuelle entre les infrastructures routières, l’étalement urbain et l’implantation successive des enseignes est certaine, « les hypermarchés se sont localisés sur les communes périurbaines, au gré des opportunités foncières, de la localisation des pénétrantes et des tracés hypothétiques de la future rocade » (René Paul Desse, Presses universitaires de Rennes, 2001, p.86). De plus, les enseignes commerciales ont é g a l e m e n t i n t é g r é l e s n o u v e a u x phénomènes spatiaux de la ville, les nouveaux modes de vie et les nouvelles c e n t r a l i t é s d a n s l e u r s s t r a t é g i e s commerciales. En « répondant aux demandes décalées dans le temps, aux disponibilités associées aux pauses au cours de la journée de travail, aux opportunités susceptibles d’être saisies sur les parcours quotidiens, de nouvelles localisations ont attiré les commerçants ». (R-P Desse, A. Gasnier, op.cit., p.138).
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Table des matières
INTRODUCTION
A. Introduction et rappel de la commande initiale
B. Les entrées de ville commerciales : la nécessité d’un renouvellement durable
Préambule
I. Les entrées de ville commerciales aux constats et enjeux spécifiques
1. Le développement des zones commerciales périphériques : liens avec les
pratiques de la mobilité d’une société motorisée
a. Une implantation motorisée déterminante pour l’implantation des commerces
b. La naissance des polarités commerciales périphériques
c. Les effets de l’implantation en périphérie de l’activité commerciale
2. Les espaces commerciaux périphériques, des pôles économiques majeurs
a. Un pôle majeur d’emplois
b. L’influence des stratégies commerciales sur ces espaces périphériques
3. Une intégration paysagère et environnementale insuffisante
a. Une rupture franche avec l’environnement naturel et agricole
b. Des enjeux de traitements paysagers et architecturaux
4. Repenser ces espaces périphériques ?
II. L’avenir « durable » des entrées de ville commerciales : une nouvelle urbanité
1. Les concepts de la ville durable : vers des quartiers d’activités ?
a. L’émergence du développement durable dans l’urbanisme
b. L’intensification urbaine
2. Les espaces commerciaux : des potentiels pour le renouvellement urbain
a. Une « urbanité » à (re)trouver
b. Appuyer l’intérêt du renouvellement par le caractère périphérique stratégique
C. Méthodologie
I. Méthodologie de travail
II. Organisation temporelle
III.Paysage des acteurs
IV. Les acteurs rencontrés
1. D. FRELAT – Responsable service urbanisme – Le Mans Métropole
2. S. PERCHERON – Chargée de mission – Mairie – Le Mans
3. J.M MACOUIN – Délégué général – Le Mans Développement
4. E. NABAT – Service foncier – Le Mans Métropole
5. Réunion Le Mans Métropole – Analyse socio-économique
6. R. FICHEPAIN – Responsable d’agence – ART’IM – Le Mans
7. A. GASNIER – Enseignant chercheur – Université du Maine
8. J.F. BLOME – Service foncier – Le Mans Métropole
9. J.F. CHIRON – Président Le Mans Nord Entreprises
CONCLUSION
Bibliographie
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