CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE : FORMES DE LA CROISSANCE URBAINE ET MOBILITE DURABLE
La lecture des différents schémas directeurs, depuis le plan initial du développement et de l’aménagement de la région parisienne de 1965, laisse apparaître une continuité dans la volonté d’aménagement polycentrique. Elle s’inscrit dans la recherche d’un modèle spatial, renvoyant aux principes et théories de base de l’économie géographique, avec les effets positifs attendus de « l’agglomération », liés le plus souvent aux économies d’urbanisation, aux économies d’échelles et d’informations, à la proximité des bassins de main‐d’œuvre et d’emplois, à la réduction des coûts de transport et des nuisances. Aux effets positifs attendus de l’agglomération des activités humaines, justifiant une politique multipolaire, s’opposent ceux liés à une forte concentration autour d’un noyau unique, leur dispersion par rapport à ce centre étant alors supposée engendrer la congestion des réseaux de transport, l’évolution à la hausse des prix immobiliers et de la pollution, les risques de dispersion anarchique à la périphérie… Le premier schéma directeur faisait état de cette opposition, en référence à la création de « centres urbains nouveaux », qui seront rebaptisés « villes nouvelles », afin de limiter les externalités négatives liées au « monocentrisme des fonctions urbaines ».
Les formes que prennent nos villes découlent de ces arbitrages collectifs et individuels, entre la définition des politiques de planification et de gestion territoriales et les choix de localisation des ménages et des entreprises, entre la dotation des territoires en infrastructures et les besoins en biens publics des agents économiques.
Il importe de constituer une analyse sur la formulation des orientations politiques pour la planification des transports et de l’occupation des sols et leur traduction factuelle sur les territoires. De ce point de vue, notre travail s’intéresse particulièrement à l’évolution de la trame urbaine francilienne vers une structure polycentrique, avec le discours renouvelé sur le développement durable et la contestation récurrente du modèle monocentrique, dans un contexte d’étalement métropolitain facilité par le développement des réseaux de transport. Les nouvelles centralités issues de ce modèle spatial reposent sur le processus cumulatif de déconcentration de la population et des emplois, et sont révélatrices de la volonté politique d’organisation de la structure urbaine afin d’en éviter un étalement, à travers de grandes opérations d’urbanisme. La multipolarisation issue de cette organisation spatiale émergente est génératrice d’une recomposition des schémas de mobilité, illustrée dans le cas francilien par la réduction de la dépendance au centre, consécutivement au renforcement de la capacité de polarisation des villes nouvelles, qui jouissent actuellement d’une relative autonomie par rapport à l’agglomération mère.
Le projet du nouveau schéma directeur de la région francilienne, arrêté en février 2008, qui constitue le cadre général d’aménagement et d’urbanisme à l’horizon 2030, maintient Dans un contexte d’organisation durable de la mobilité et à travers l’évolution de la structure spatiale vers une forme polycentrique, nous nous proposons dans le cadre de notre recherche de repérer qualitativement et de simuler quantitativement les effets conjoints à moyen‐long terme des formes de la croissance urbaine et des options de développement des réseaux de transport, avec un intérêt particulier pour les déplacements et leur répartition modale ainsi que les choix de localisation des activités. Nos travaux s’inscrivent dans la problématique de recherche de solutions pour une meilleure gestion des flux à l’échelle d’une région métropolitaine, par une approche intégrée de modélisation de l’occupation des sols, des déplacements, et du marché des transports. A travers la considération de différents scénarios démographiques et de localisation des activités, ayant comme trait commun le schéma spatial polycentrique, avec la distinction de différents niveaux de densité des pôles d’aménagement, nous investiguons les potentialités d’amélioration du fonctionnement métropolitain. Dans cette optique, notre approche sera nécessairement multi échelles pour mieux caractériser les conséquences des schémas d’aménagement sur la structure des déplacements et la qualité de services des réseaux de transport. Les effets attendus de l’organisation multipolaire, notamment dans sa capacité à promouvoir une mobilité durable (réduction des distances parcourues, amélioration de la part modale des transports collectifs et des modes doux, performance des réseaux…) seront mesurés à l’échelle régionale, au niveau du découpage morphologique départemental, à l’échelle des zone de polarisation, avant d’analyser in fine les conséquences locales au niveau du découpage élémentaire. L’analyse de la structure géographique des flux issue de la simulation d’un renforcement de la structure polycentrique sera analysée à deux niveaux. Dans une première analyse, nous examinerons l’intensité des flux dans le périmètre interne aux pôles secondaires d’aménagement. En seconde analyse, nous évaluons le niveau d’interactions spatiales à travers la hiérarchie fonctionnelle que dessinent les flux d’échanges entre ces pôles .
DYNAMIQUES SPATIALES, SCHEMAS DE MOBILITE, ET QUALITE DE SERVICE DES RESEAUX DE TRANSPORT
La politique des villes nouvelles en Ile‐de‐France est consubstantielle au parti d’aménagement polycentrique, dont les grandes lignes ont été définies dans le premier schéma directeur, qui formule explicitement la nécessité d’une démarche intégrée de planification des transports et de l’occupation du sol. Il prescrit la constitution de centres urbains secondaires localisés autour d’axes structurants de transport, afin d’optimiser la structure spatiale régionale. Cette question vive reste toujours d’actualité, et se traduit principalement par la volonté politique de correction des déséquilibres entre le centre et la périphérie, entre l’est et l’ouest de l’agglomération, et la recherche d’une meilleure répartition des fonctions urbaines liées à l’emploi et à l’habitat. Ces éléments mentionnés participent d’une même logique, celle de la réduction de la congestion des réseaux de transport par un réajustement de la structure spatiale des flux. Si l’analyse du fonctionnement métropolitain du point de vue des déplacements montre bien l’émergence d’une structure multipolaire, il reste que le poids parisien reste dominant. Les traits majeurs liés au fonctionnement d’une organisation spatiale monocentrique persistent. La dynamique polycentrique francilienne est relativisée par le fait que les villes nouvelles n’ont pas atteint le niveau de masse et de centralité initialement prévu et que leurs habitants se déplacent majoritairement en voiture, malgré un aménagement autour d’axes structurants de transport.
Cette recherche se propose d’évaluer dans quelles mesures l’hypothèse d’achèvement de la structure polycentrique francilienne favorise une mobilité durable. Elle s’attache à construire une connaissance qualitative et quantitative de la structure des déplacements qu’engendrerait une densification volontaire des pôles stratégiques d’aménagement à long terme en Ile‐de‐France. Pour être rigoureuse, la construction des scénarios exploratoires sur l’évolution de la population et des emplois, ainsi que leur localisation procède d’une modélisation et intègre les orientations fondamentales des documents de planification.
Analyse rétrospective du territoire francilien et de la politique de polycentralité
L’analyse se focalise en particulier sur le territoire de Marne‐la‐Vallée. Notre ambition est d’évaluer les conséquences des évolutions démographiques, en liaison avec les orientations d’aménagement, sur les schémas de mobilité des franciliens. Par ailleurs, nous cherchons à évaluer le niveau de densité et d’autonomie des pôles stratégiques d’aménagement pour constituer un premier examen des effets des politiques de planification. Il s’agira aussi de construire les bases d’une comparaison avec des agglomérations en dehors de la politique de planification des villes nouvelles à même distance du centre, et d’examiner le fonctionnement des zones intermédiaires, entre le noyau central et les pôles d’aménagement. L’examen du décalage marqué entre le discours politique de la planification des villes nouvelles et ses déclinaisons concrètes constitue le dernier élément d’analyse. Il nous permettra de constituer une confrontation critique entre la volonté politique et le fonctionnement du système à posteriori. Celle‐ci mettra en évidence les carences sur le suivi collectif insuffisamment instrumenté, révélateur d’un manque de liaison entre les études géographiques et la simulation des transports.
Scénarisation des évolutions démographiques et de la localisation des activités
Une prospective de la demande de déplacement à long terme dans le territoire francilien et à Marne‐la‐Vallée en particulier nécessite de prendre en considération différentes hypothèses d’évolution démographiques, inscrites dans le champ des possibles. La motivation de procéder par scénarios exploratoires découle de l’exigence d’éviter une approche planificatrice limitée à l’application de facteurs de croissance et l’intérêt d’évaluer des variantes dans la configuration de l’occupation des sols, afin d’en tirer des conséquences sur l’intensité et la structure des flux à différentes échelles de territoire. Ainsi, nous considérons une évolution démographique de référence, basse, et haute, pour les horizons temporels 2015 2020‐2030. La connaissance quantitative sur l’évolution à long terme de la population et de l’emploi est analysée en considérant plusieurs échelles de territoire. L’utilisation d’un modèle démographique rend objective cette prospective. Par sa structure hiérarchique de spatialisation des hypothèses, il nous permet de prendre en compte le parti d’aménagement polycentrique et d’éliminer l’hypothèse d’un étalement urbain non maîtrisé, peu crédible dans le cas francilien.
L’application du modèle de localisation des activités nous permet de caractériser l’intensité d’occupation des sols au niveau du découpage élémentaire pour des populations résidentes et des emplois offerts localement. Préalablement, sont caractérisées les variantes de densification homogène et de densification ciblée qui s’appliquent à chacun des scénarios d’évolution démographique. Le modèle de localisation des activités tient compte de l’imbrication des échelles territoriales et des contraintes d’occupation des sols. L’organisation polycentrique demeure le socle commun des scénarios d’occupation des sols. Les formes de la croissance urbaine sont ensuite discutées en mobilisant principalement trois indicateurs : une mesure de la localisation des activités par unité de distance radiale, de sa distribution à partir des courbes de Lorenz, in fine de sa concentration à partir de l’indice de Gini.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
A. CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE : FORMES DE LA CROISSANCE URBAINE ET MOBILITE DURABLE
B. OBJECTIFS : DYNAMIQUES SPATIALES, SCHEMAS DE MOBILITE, ET QUALITE DE SERVICE DES RESEAUX DE TRANSPORT
C. METHODES : INTEGRATION D’APPROCHES GEOGRAPHIQUES ET DE MODELES DE SIMULATION
D. STRUCTURE : TROIS PARTIES ET DIX CHAPITRES
[PARTIE I] THEORIES ET MODELES POUR LA PLANIFICATION DE L’OCCUPATION DES SOLS ET DES TRANSPORTS
[CHAPITRE I] THEORIES DES RELATIONS ENTRE TRANSPORTS ET OCCUPATION DES SOLS
INTRODUCTION DU CHAPITRE I
1.1. LES ENSEIGNEMENTS EPISTEMOLOGIQUES SUR LES THEORIES ET MODELES POUR LA COMPREHENSION DU FAIT URBAIN
1.2. LA GEOGRAPHIE ECONOMIQUE DU FAIT URBAIN
CONCLUSION DU CHAPITRE I
[CHAPITRE II] LES APPORTS DES THEORIES DE L’URBANISME ET DE L’AMENAGEMENT
INTRODUCTION DU CHAPITRE II
2.1. L’ANALYSE D’UN SYSTEME URBAIN
2.2. RETOUR SUR LES CONCEPTS CLES DE DENSITE, DE MIXITE ET DE POLYCENTRISME
CONCLUSION DU CHAPITRE II
[CHAPITRE III] LA PLANIFICATION DES TRANSPORTS ET DE L’OCCUPATION DES SOLS : METHODES ET ENJEUX
INTRODUCTION DU CHAPITRE III
3.1. INTEGRER LA PROSPECTIVE DANS LA PLANIFICATION TERRITORIALE
3.2. L’OBSERVATION DU SYSTEME URBAIN ET L’AIDE A LA DECISION EN PLANIFICATION
CONCLUSION DU CHAPITRE III
[CHAPITRE IV] QUELLES MODELISATION DES INTERACTIONS ENTRE LES TRANSPORTS ET L’OCCUPATION DES SOLS ?
INTRODUCTION DU CHAPITRE IV
4.1. UNE PRESENTATION DES FONCTIONS DE BASE DES MODELES CLASSIQUES
4.2. DE LA REMISE EN CAUSE AU REGAIN D’INTERET POUR LES MODELES TRANSPORTS AVEC LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PLANIFICATION URBAINE
4.3. VERS UNE PLANIFICATION INTEGREE DES TRANSPORTS ET DE L’OCCUPATION DES SOLS193
CONCLUSION DU CHAPITRE IV
[PARTIE II] LA POLITIQUE D’AMENAGEMENT DES VILLES NOUVELLES : AMBITIONS, ACTIONS, ET EFFETS
[CHAPITRE V] LA VILLE NOUVELLE DE MARNE‐LA‐VALLEE, UN CAS TYPIQUE DE TENTATIVE D’ARTICULATION ENTRE LES TRANSPORTS ET L’OCCUPATION DES SOLS
INTRODUCTION DU CHAPITRE V
5.1. MARNE‐LA‐VALLEE : UN OUTIL D’AMENAGEMENT DE L’EST FRANCILIEN 238
5.2. MARNE‐LA‐VALLEE, 40 ANS APRES SA CREATION : ANALYSE DE LA DYNAMIQUE SOCIO‐ ECONOMIQUE
CONCLUSION DU CHAPITRE V
[CHAPITRE VI] UNE ANALYSE DES EFFETS MESURABLES DES POLITIQUES DE TRANSPORTS ET D’AMENAGEMENT A MARNE‐LA‐VALLEE
INTRODUCTION DU CHAPITRE VI
6.1. LES DEPLACEMENTS AU QUOTIDIEN DES MARNOVALLIENS
6.2. LA REMISE EN CAUSE DU PROJET INITIAL DE CREATION DE LA VILLE NOUVELLE : EFFETS MAL ANTICIPES DANS L’AMENAGEMENT DU SITE
CONCLUSION DU CHAPITRE VI
UNE MODELISATION DES EFFETS CONJOINTS DES HYPOTHESES D’EVOLUTION DEMOGRAPHIQUE ET DE LOCALISATION DES ACTIVITES SUR L’ORGANISATION SPATIALE DES DEPLACEMENTS ET LES RESEAUX DE TRANSPORTS
Thèse de Doctorat de Thierno AW
[CHAPITRE VII] CONSTRUCTION DE SCENARIOS D’EVOLUTION DEMOGRAPHIQUE ET DE LOCALISATION DES ACTIVITES
INTRODUCTION DU CHAPITRE VII
7.1. ARGUMENTATION SUR LES ORIENTATIONS RETENUES POUR LA CONSTRUCTION DES SCENARIOS DE LOCALISATION DES ACTIVITES
7.2. ELEMENTS CLEFS RETENUS POUR L’ETABLISSEMENT DES SCENARIOS D’AMENAGEMENT353
7.3. PROPOSITION DE SCENARIOS D’EVOLUTION POUR LA LOCALISATION A LONG TERME DES ACTIVITES ET INDICATEURS D’EVALUATION DES FORMES DE LA CROISSANCE URBAINE
CONCLUSION DU CHAPITRE VII
[CHAPITRE VIII] EVALUATION DES CONSEQUENCES SPATIALES DES HYPOTHESES D’EVOLUTION DEMOGRAPHIQUE ET DE LOCALISATION DES ACTIVITES PAR UNE MESURE DES FORMES DE LA CROISSANCE URBAINE
INTRODUCTION DU CHAPITRE VIII
8.1. STRUCTURE GENERALE DU MODELE DE LOCALISATION DES ACTIVITES
8.2. CONSTRUCTION DE SCENARIOS CONTRASTES DE LOCALISATION DES ACTIVITES
8.3. SCENARISATION DE LA LOCALISATION DES ACTIVITES AU NIVEAU DES ZONES DE POLARISATION ET EVALUATION DES CONSEQUENCES LOCALES AU NIVEAU DU ZONAGE ELEMENTAIRE
CONCLUSION DU CHAPITRE VIII
[CHAPITRE IX] MODELES COMPOSANTS POUR UNE PROSPECTIVE DE LA DEMANDE DE DEPLACEMENTS DANS UNE SITUATION DE CONCURRENCE MODALE
INTRODUCTION DU CHAPITRE IX
9.1. PRECISIONS METHODOLOGIQUES SUR LA MODELISATION DES DEPLACEMENTS, EN LIEN AVEC LA PROSPECTIVE DEMOGRAPHIQUE ET L’OCCUPATION DES SOLS
9.2. MODELISATION DE LA DEMANDE DE DEPLACEMENT ACTUELLE ET ANALYSE EN EVOLUTION POUR LE SCENARIO DE REFERENCE
CONCLUSION DU CHAPITRE IX
[CHAPITRE X] EVALUATION DES EFFETS D’UN RENFORCEMENT DU POLYCENTRISME FRANCILIEN PAR UNE ANALYSE DE LA DEMANDE DE DEPLACEMENTS ET DES SERVICES RENDUS PAR LES TRANSPORTS
INTRODUCTION DU CHAPITRE X
10.1.INDICATEURS DE PREMIER RANG POUR L’EVALUATION DES SCENARIOS DE TRANSPORT ET D’OCCUPATION DES SOLS
10.2. APPLICATION DE MODELES D’IMPACTS ET CONSTITUTION D’INDICATEURS DE SECOND RANG POUR L’EVALUATION DU SCENARIO DE REFERENCE
CONCLUSION DU CHAPITRE X
CONCLUSION GENERALE