Les enseignantes et leur rapport au handicap

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Analyse des résultats

Les enseignantes

Les enseignantes et leur rapport au handicap

Pour cette première partie, il est intéressant de s’intéresser à l’expérience des enseignantes avec le handicap et plus particulièrement la trisomie 21, ainsi que faire le lien entre cette expérience et leur point de vue sur l’élève. Nous savons notamment que les stéréotypes véhiculés envers les élèves peuvent influer sur les capacités réelles de l’élève, voire l’empêcher de progresser.
Les trois enseignantes de classe ordinaire n’ont bénéficié d’aucune formation sur le handicap. Elles ont donc accueilli leur première élève trisomique sans être formées et sans aucune expérience préalable avec la trisomie 21. En effet, avant les élèves concernés par cette recherche, les enseignantes ont eu des expériences avec des enfants présentant un handicap ou un trouble, mais pas avec des élèves trisomiques 21. Quant aux enseignantes spécialisées la plupart d’entre elles a suivi une formation axée sur l’école inclusive et les besoins éducatifs particuliers. Les connaissances théoriques sur les différents handicaps ne semblent pas être étudiées (« c’est pas du tout une sériation par type de handicap » Mme F. (R2). Il semble donc logique de comparer les enseignantes et leurs points de vue sur la trisomie, selon leur expérience auprès des élèves porteurs de ce handicap et non à partir de leur formation.
P-F. Groud et C.Martin-Krumm en 2012, affirmaient que la plupart des enseignants possédaient des connaissances objectives sur ce handicap, qu’ils généralisaient à tous les enfants trisomiques, en pensant qu’ils étaient tous semblables. De plus, près de la moitié des enseignants avaient des croyances stigmatisant la trisomie 21. En ce qui concerne les enseignantes ayant une seule ou aucune expérience avec les élèves porteurs de trisomie 21 (Mme B., Mme G., Mme D. et Mme Q.), il n’est pas possible à partir de ces entretiens de faire des inférences sur leurs éventuelles connaissances ou croyances. Je peux seulement faire l’hypothèse que Mme B. pense que les élèves porteurs de trisomie 21 ont pour la plupart un retard intellectuel supérieur à deux ans. Elle affirme en effet plusieurs fois que son élève « est vraiment très étonnante » et qu’elle n’est « pas sûre que tous les enfants porteurs de trisomie 21 puissent faire ce qu’elle fait » (R12). Ces affirmations peuvent être influencées par sa grande affinité pour cette élève « J’ai eu un coup de cœur pour Léa » (R4).
Pour les enseignantes ayant une expérience avec au moins deux élèves porteurs de trisomie 21 (Mme F., Mme P, Mme L. et Mme C.), l’existence de connaissances sur ce handicap est plus évidente. Il est assez difficile de constater si les différentes caractéristiques dont elles me font part relèvent de stéréotypes, car leurs affirmations se fondent sur les observations des élèves rencontrés, comme le précise Mme C. « je sais pas si c’est une généralité mais moi tous les enfants trisomiques que j’ai eus était très très têtus » (R6). Leurs propos sur les particularités et difficultés des élèves seront donc évoqués dans la deuxième partie.

Le point de vue des enseignantes sur l’inclusion

Les données recueillies sur l’inclusion d’élèves porteurs de trisomie 21 viennent confirmer les études abordées dans mon apport théorique. En effet, toutes les enseignantes sont d’accord pour dire que l’inclusion est une « très bonne chose » (Mme P – R3). Les professeures des écoles en classe ordinaire semblent d’ailleurs satisfaites d’accueillir leur élève et considèrent cette situation comme enrichissante pour l’élève, les autres enfants de la classe ainsi que pour elles-mêmes. Ce sentiment que l’inclusion amène un bénéfice social est le même que pour la plupart des enseignants interrogés dans l’étude de P-F Groud et C. Martin-Krumm.
Cependant, la plupart d’entre elles évoquent des conditions pour que cette inclusion soit bénéfique pour tout le monde. Comme 22% des enseignants dans la recherche des auteurs cités précédemment, pour Mme C. la priorité est de former les professeurs des écoles au handicap dans leur formation initiale. Cela permettrait peut-être de rendre les enseignants plus enclins à accueillir des élèves porteurs de trisomie 21, ce qui est indispensable pour que l’inclusion fonctionne selon Mme P. qui affirme que « finalement on s’aperçoit que quand ça fonctionne c’est quand l’enseignant est […] prêt à accueillir. » (R3).
Ensuite, comme également 22% des enseignants de cette même, Mme B. pense qu’il faut leur donner « les moyens de bien le faire » (R5), c’est-à-dire une AVS, présente au moins à mi-temps dans la classe. De plus, il est possible d’interpréter son haussement de sourcil après avoir dit qu’elle avait commencé à accueillir cette élève sans AVS, comme le signe qu’elle redoutait cet accueil sans aide, ou que celui-ci a été compliqué. Mme G. semble partager son avis car elle précise que « le début n’a pas été simple parce que nous n’avions pas d’AVS » (R6) et que l’arrivée de cette aide a rendu les choses bien plus simples.
Trois des enseignantes spécialisées insistent sur l’importance de leur rôle, « il n’appartient qu’à moi en tant que prof spécialisée de faire en sorte que les élèves soient le plus inclus possible » (Mme F- R5). Mme P. et Mme Q. précisent que les professeurs ont besoin des aides extérieures comme les Sessad et Rased, et qu’ils doivent leur demander de l’aide pour que l’inclusion se passe au mieux.
Enfin, Mme C. ainsi que Mme Q. et Mme L. précisent que l’inclusion n’est pas bénéfique pour tous les élèves et que dans ce cas, elle ne doit pas devenir impérative. Il faudrait, selon elles « être capable de faire du cas par cas » (Mme C – R4). Mme B. ajoute que l’IMP sera un jour inévitable pour que son élève s’épanouisse totalement.

Les élèves

Les descriptions individuelles de chaque élève sont toutes très différentes les unes des autres, ce qui permet de confirmer et d’insister sur le fait que chaque enfant est différent, et que le fait d’avoir un handicap en commun ne permet pas de faire des généralités sur leurs besoins en termes d’apprentissage et d’adaptations. Mme P. le précise également « Il y a rien de généralisable avec les enfants, ils sont vraiment tous différents » (R12). Je vais donc mettre en relation les caractéristiques fréquemment présentes chez les élèves porteurs de trisomie 21 avec les particularités de chacun des élèves qui m’ont été décrits.

Capacités intellectuelles

Mme P., travaillant auprès d’élèves porteurs de trisomie 21 quotidiennement, m’a partagé tout au long de l’entretien, une description générale des difficultés fréquentes chez ces enfants. Elle décrit plusieurs symptômes connus, déjà évoqués dans la première partie de ce mémoire. D’abord, des difficultés au niveau du geste graphique, confirmées par Mme L. qui précise que « niveau motricité fine c’est très très compliqué. » (R’5), cela est en partie lié à leur faible tonus musculaire. Il est possible de faire l’hypothèse que les difficultés de Zia à écrire des phrases complètes par le fait que le geste graphique en lui-même demande beaucoup d’attention, ce qui peut créer une surcharge cognitive.
Mme P. ajoute que les fonctions exécutives sont impactées, celles-ci permettent entre autres, la flexibilité cognitive et l’inhibition, qui avaient été décrites comme difficiles d’atteinte pour les élèves porteurs de trisomie 21, qui sont en difficultés face à la nouveauté. Par ailleurs, concernant l’apprentissage de la lecture, Mme P. vient appuyer la description de S. Cèbe et J-L. Paour (2012) en expliquant que le déchiffrage est compliqué mais accessible pour beaucoup d’entre eux, le plus difficile étant la compréhension de ces textes lus. C’est le cas de Zia, qui « lit très bien mais voilà elle a un niveau de compréhension de fin de CP quoi. » (Mme F – R9). Mme P. précise tout de même que l’un de ses élèves, au contraire, a de très bonnes capacités de compréhension mais reste bloqué dans le déchiffrage. Cette contradiction concorde avec les informations de Tous à l’école, les acquis concernant la lecture varient énormément, et si certains enfants décodent bien et comprennent difficilement, cela peut être l’inverse pour d’autres. De plus, Mme Q. confirme que certains enfants ne pourront jamais devenir lecteurs autonomes.
Concernant les trois grandes difficultés au niveau du langage oral, dont S.Cèbe et J.L. Paour parlaient, Mme P. évoque notamment l’impact au niveau de la conscience phonologique. Selon elle, « beaucoup ne passeront pas par la phonologie » (R8), car la mémorisation auditive est impactée. Je note en revanche que Léa « a une très bonne mémoire » (Mme B – R6) et que pour Damien « la phonologie se passait bien. » (Mme C – R6). Ensuite, au sujet de la production du langage, Mme P. mentionne l’impact des compétences au niveau du langage d’évocation. Mais certains des élèves décrits présentent aussi simplement des difficultés à s’exprimer à l’oral, comme Juliette qui s’exprime peu ou Zia qui ne réussit pas encore totalement à organiser ses phrases. Comme l’expliquaient M.Carlier et C.Ayoun, ce retard de langage peut être expliqué par le fait que leur développement intellectuel soit plus lent que celui de la population générale. Il existe aussi des difficultés de prononciation fréquentes selon Mme C., elle explique qu’elles sont liées à un aspect physique : leur langue qui est trop épaisse. C’est sans doute le cas pour Zia qui a des difficultés de diction et c’est peut-être pour cette raison que l’enseignante de Léa trouve qu’au niveau élocution, il est parfois difficile de la comprendre. Le fait de ne pas prononcer correctement peut avoir des conséquences sur l’apprentissage de la lecture. Enfin je n’ai aucun élément qui permet de confirmer que les élèves ont une mauvaise compréhension orale, j’ai au contraire des témoignages qui vont dans le sens d’une compréhension de bonne qualité. En effet, Léa « comprend les consignes, elle comprend ce qu’on lui dit » (Mme B – R7) et Juliette « comprend très très bien » (Mme D – R’20).
Enfin, concernant les difficultés d’attention, les résultats ne sont pas significatifs. Léa et Juliette savent être attentives pour écouter une histoire, contrairement à Noam pour qui cela est compliqué. Mme P. évoque un impact de de l’attention sélective, mais il n’est pas possible d’illustrer ses propos avec des exemples.
Aucun élément concernant les possibles problèmes de vue ou d’audition n’a été évoqué.
Ils peuvent cependant grandement altérer les différents apprentissages.

Traits de personnalité

Plusieurs enseignantes me font part de différents traits de personnalité qui sont, selon elles, fréquents chez les enfants porteurs de trisomie 21. Trois d’entre elles me disent que leurs élèves sont à la fois têtus et attachants, adjectifs qui étaient apparus comme étant des stéréotypes d’après l’étude de P-F. Groud et C. Martin-Krumm. Le retard concernant les comportements de socialisation relevé par M.Carlier et C.Ayoun en 2007 ne semblent pas avoir un impact très important sur les élèves étudiés. En effet, selon leurs enseignantes Juliette, Noam, Damien s’intégraient parfaitement bien dans leur classe de référence, c’est aussi le cas Léa qui apprend cependant à être plus « gentille ». Quant à Zia, elle s’entend bien avec les élèves de l’Ulis mais « il y a eu visiblement dans le passé de la violence » (Mme F – R7). Mathis également semble avoir eu des soucis d’intégration car il avait un comportement violent.
Le fait que certains d’entre eux soient têtus et attachants n’est pas pertinent pour cette recherche et permet seulement de connaître un peu mieux les élèves. Quant à leur comportement de socialisation et leur intégration dans la classe, cela peut me guider concernant l’efficacité du tutorat entre pairs.

Les méthodes des enseignantes et adaptations pédagogiques

Les différents entretiens ont tous un point en commun : aucune méthode utilisée n’est spécifique à l’élève porteur de trisomie 21. La plupart d’entre-elles s’adaptent à des enfants ayant les mêmes besoins, d’autres sont utilisées avec tous les élèves de la classe sans distinction, car elles sont elles-mêmes fondées sur la différenciation. Ce sont en général des méthodes qui fonctionnent pour tous, c’est donc pour cette raison que j’ai décidé d’analyser aussi les réponses de Mme Q., bien qu’elle n’ait aucune expérience auprès des élèves porteurs de trisomie 21.

Méthodes et adaptations liées à la lecture

Les apprentissages liés à la lecture sont nombreux, la production du langage oral et les activités de prélecture précèdent généralement l’apprentissage du décodage, de l’encodage et de la compréhension orale et écrite. Les enseignantes m’ont apporté des informations concernant toutes ces composantes.
Concernant le langage oral, Mme P. et Mme C. s’accordent à dire que le langage
Makaton est un outil très intéressant, c’est une méthode de communication qui utilise les gestes. Mme P. la décrit comme un « langage des signes simplifiés » (R8) qui accompagne la parole.
Ce support se rapproche très fortement du Français signé, évoqué dans la partie théorique car conseillé par l’association Tous à l’école. Mme C. explique qu’elle l’utilise pour communiquer avec Noam notamment, porteur de trisomie 21 qui a beaucoup de difficultés à parler. Quant à Mme P, elle pense qu’utiliser cet outil évite de perdre l’élève avec trop d’étayage verbal et le prépare à la méthode gestuelle de Borel-Maisonny, que j’évoquerai dans la prochaine partie. Afin de travailler l’expression orale et la formation de phrases, l’utilisation de pictogrammes et images a été conseillée par une orthophoniste à Mme G. et Mme D, afin de travailler la formation de phrases. Ce conseil est lui aussi en adéquation avec les propositions d’utiliser des indices visuels de l’association Tous à l’école. Quant à Mme C. elle utilise un matériel avec des décors et des personnages comme support au langage, pour que les élèves s’entrainent à raconter des histoires. C’est donc une méthode appropriée qui s’accorde avec l’apport théorique, car c’est une activité ludique basée sur le sens qui permet de motiver l’élève.
Pour les activités de prélecture, les enseignantes évoquent particulièrement la manipulation, une approche à laquelle je n’avais pas pensée pour l’apprentissage de la lecture. Mme P. explique notamment que pour la phonologie, il est pratiquement indispensable de modéliser les syllabes ou les sons des mots, par des jetons par exemple, afin que l’élève repère sa place dans le mot plus facilement.
Pour apprendre à décoder, la méthode gestuelle de Borel-Maisonny semble quasiment incontournable, puisque toutes les enseignantes, sauf Mme C., y font référence. Cette méthode est un système de codage, chaque phonème correspond à un geste et est accompagné par celui-ci. Voici quelques exemples :
Utilisée par les orthophonistes, elle peut être un préalable à la lecture ou accompagner son apprentissage. Mme P. précise en effet que cette méthode permet aux élèves de garder le geste en mémoire, quand se souvenir du son lié à la lettre peut être plus compliqué. Ce dispositif est en lien avec le Makaton et le français signé, qui sont plus souvent utilisés pour le langage oral que Borel-Maisonny. Mme Q. couple cette méthode à l’imprégnation syllabique que Mme L. et Mme P. utilisent aussi. L’imprégnation syllabique consiste à mémoriser les syllabes« visuellement, auditivement et oralement » (Mme Q. R6). Cela permet ensuite à l’élève, lors du décodage d’associer les syllabes entre elles sans décomposer les phonèmes. Ces deux dernières méthodes semblent pertinentes au regard des apports de S. Cèbe et J.L Paour (2012) qui affirmaient que les enfants déficients intellectuels avaient des difficultés au niveau de la conscience phonologique. L’utilisation des Alphas est aussi évoquée, surtout par Mme C. C’est une approche syllabique qui transforme chaque lettre de l’alphabet en un personnage, dont le nom est le son que cette lettre produit. Ces personnages ont une histoire, qui semblerait permettre aux enfants de mieux retenir les sons et donc par la suite, de mieux les associer lors de la lecture. C’est une méthode qui semble être très utilisée par les enseignantes spécialisées selon Mme Q. Cependant cette enseignante ainsi que sa collègue, Mme L. n’utilisent pas cette méthode et ne l’apprécient pas. Selon elles, les enfants restent bloqués dans un codage écrit, qui est différent de nos lettres : nous ne lisons pas avec des personnages. Leur avis n’est pas généralisable car Mme C. par exemple, se détache très vite de cette méthode lorsque les élèves ont compris le fonctionnement du décodage. De plus, elle m’a donné l’exemple d’un élève porteur de trisomie 21, Damien qui a progressé en lecture grâce à cette méthode.
Certaines enseignantes différencient le matériel. En effet, l’utilisation d’un ordinateur est possible, soit pour adapter les situations d’apprentissage pour un élève non-lecteur au cycle 3, soit pour mettre en place différents outils. Par exemple, Mme F. utilise Lalilo pour aider son élève à l’apprentissage de la lecture, « c’est un système de jeu interactif en fonction du niveau de l’enfant. » (R18). Il permet donc de différencier très facilement. On parle ici de différenciation technologique grâce à l’utilisation d’applications et jeux éducatifs adaptés aux besoins de l’élève, comme définie dans le cadre théorique. Cependant, comme pour toute autre outil, l’utilisation de l’ordinateur n’est pas toujours efficace, Mme C. par exemple, n’a « jamais réussi […] à le faire travailler avec l’ordinateur. » (R6). J’ai recueilli une deuxième façon de d’adapter le matériel, c’est la mise en page des textes à lire, initialement prévue pour des élèves dyslexiques mais qui est utilisable avec tous les enfants. Mme Q. et Mme L. m’ont apporté beaucoup d’informations à ce sujet. D’abord la lecture en couleurs, une première méthode consiste à écrire certains phonèmes dans une couleur significative, par exemple le « on » en marron, le « ou » en rouge. La deuxième méthode consiste à couper les mots en syllabes colorées et mettre les lettres muettes en gris, par exemple : « Il était une fois ». Ici, ce sont les syllabes orales qui sont décomposées et non les syllabes écrites, pour faciliter le décodage. Il y a ensuite la police qui peut être adaptée, elle doit être suffisamment grande (taille 12 ou 14 minimum) et doit être lisible. Mme L. utilise la police « open-dyslexic » (exemple : « ») mais d’autres polices peuvent convenir, il faut en tester plusieurs pour voir laquelle est la mieux adaptée aux besoins de l’élève. Enfin, selon elles il ne faut pas justifier les textes, cela crée en effet des espaces différents entre les mots qui peuvent perturber les élèves lors du décodage. Ces deux enseignantes tiennent à préciser que ces adaptations de mises en texte ne doivent pas être mises en place seulement pour l’élève en inclusion ou en difficultés mais pour toute la classe. D’une part, car ces aménagements peuvent être bénéfiques à la lecture pour tous les élèves, et d’autre part car cela stigmatise l’enfant. Mme Q. ajoute même que « c’est ça l’inclusion, la réelle inclusion » (R6). Cet avis est totalement en accord avec la définition de l’inclusion citée p.7 : « L’inclusion permet aux enfants handicapés d’apprendre avec et comme les autres ».
Enfin, pour certaines d’entre elles, il est aussi possible de simplement utiliser des méthodes classiques, sans adaptation spécifique et qui sont généralement utilisées avec toute la classe. C’est le cas de Mme F, qui n’a « pas de méthode de lecture à proprement parlé ». (R12). Mme B. quant à elle, utilise une méthode de lecture qui, selon elle est « bien faite et qui peut aider les enfants en difficultés » (R8). Il m’a semblé nécessaire de la recontacter afin qu’elle me donne des précisions sur cette méthode. Elle s’appuie donc sur le manuel d’élève « Je lis et j’écris avec Salto ». Ce manuel mobilise les capacités auditives, visuelles et kinesthésiques (avec Borel-Maisonny) afin que chaque élève puisse progresser selon ses caractéristiques et capacités d’apprentissage. Cela est pertinent car l’approche visuelle de la lecture est bénéfique pour les enfants trisomiques qui comprennent mieux ce type d’informations. Ce manuel enseigne à la fois le décodage et la compréhension, cette dernière étant facilitée par le suivi d’une même histoire tout au long de l’année, qui permet de créer un environnement structurant pour les élèves porteurs de trisomie 21 qui, comme précisé dans la partie théorique, sont en difficultés lorsqu’ils sont face à la nouveauté. Cette méthode semble fonctionner pour Léa qui est « capable maintenant d’associer des syllabes pour lire des petits mots. » (R8).
Ces adaptations permettent un meilleur décodage, qui, comme précisé en partie théorique de ce mémoire améliore la fluence qui agit à son tour sur la compréhension des textes.
En ce qui concerne la compréhension globale, Mme P. conseille de travailler autour d’albums sans textes et de dessins à interpréter.
Pour la compréhension de textes spécifiquement, trois enseignantes partent de lectures d’albums associées à la méthode Narramus. C’est une méthode développée par R. Goigoux et S.Cèbe, des auteurs incontournables en ce qui concerne l’apprentissage de la lecture. Cette méthode consiste à développer les compétences narratives en travaillant le lexique et l’intention des personnages. En plus de Narramus, Mme C. travaille aussi avec Auditor Auditrix, qui est sensiblement « la même chose que Narramus » (R9), mais à un niveau de difficulté un peu plus élevé. Nous savons également que le vocabulaire est un élément indispensable pour comprendre les textes, Mme P. utilise alors des textes avec un vocabulaire plutôt abordable, pour faciliter la compréhension, « il faut remoduler un peu en FALC » (R9). « FALC » signifie « Facile A Lire et à Comprendre » et signifie donc que le texte est adapté pour pouvoir être compris facilement. Enfin, deux enseignantes précisent que les consignes doivent être courtes et ne demander qu’une seule chose à la fois. C’est ce qui était aussi préconisé par l’association Tous à l’école car les enfants trisomiques ont souvent des difficultés à assimiler plusieurs informations.
Pour terminer cette partie sur la lecture, il convient de parler de l’encodage, indissociable du décodage. La motricité fine des enfants porteurs de trisomie 21 étant impactée, certaines enseignantes ont mis des choses en place pour la travailler. En activité de pré-écriture, Mme G. et Mme D. font manipuler des lettres à leur élève, et lui permettent notamment de s’entrainer à tracer des lettres dans le sable, avec son doigt. Mme C. fait des dictées muettes, d’inspiration Montessori. Ces dictées consistent à faire des pochettes correspondant à différents sons, dans chaque pochette de son se trouve donc une image du mot à représenter « par exemple si vous prenez la pochette de la dictée muette sur le son [u], vous avez l’image de la poule » (R9). L’élève doit alors réécrire le mot, le nombre de lettres nécessaires pouvant être précisé.
Pour aider un élève en difficulté pour le geste graphique, des différenciations technologiques (mentionnées en p.11) sont ici encore, intéressantes. Mme P. conseille l’utilisation de la tablette pour permettre à l’enfant de progresser dans les différents apprentissages sans focaliser toute son attention sur la formation des lettres. Dans la même démarche, Mme F. laisse son élève faire ses dictées sur un ordinateur.

Pédagogie de l’enseignant et partenaires éducatifs

Afin de favoriser l’apprentissage de la lecture pour les élèves notamment porteurs de trisomie 21, les adaptations spécifiques à ce domaine ne sont incompatibles avec un fonctionnement plus global, bien au contraire. Ces méthodes que je vais présenter rappellent d’ailleurs les adaptations générales dont parlaient J.Myre-Bisaillon et A.Giguère en 2006.
En premier lieu, l’organisation de la classe peut jouer un rôle sur les progrès de l’élève. Mme B. essaie au maximum de mettre en place une situation d’inclusion plutôt qu’une situation d’intégration. Elle utilise en effet des méthodes d’apprentissage qui permettent à elles seules la différenciation, elle m’a donné comme exemple les Octofun, une méthode qui prend en compte les différentes mémoires et intelligences de chacun et qui les mobilise toutes, ce qui permet à tous les élèves de progresser selon leurs besoins et capacités d’apprentissage. Son élève peut donc suivre certains enseignements avec le reste de la classe grâce à cette façon de fonctionner. Dans une même démarche pédagogique, Mme C. m’a parlé de ses collègues de classe ordinaire qui avaient mis en place un fonctionnement de classe flexible, qui selon elle permet une meilleure inclusion parce qu’ils « travaillent beaucoup en ateliers. Donc les enfants font pas la même chose au même moment. » (R5). La pédagogie d’inspiration Montessori de Mme G. et Mme D. est un exemple de classe flexible. Ensuite, les classes à plusieurs niveaux comme celle de Mme G. permettent facilement d’adapter les tâches pour l’élève, en lui permettant de faire des activités conçues pour un niveau inférieur. La simplification des activités étant, de plus, souvent mentionnée par les enseignantes. L’élève de Mme B. par exemple fait la plupart du temps des activités préparées pour un niveau CP, bien qu’elle ait été maintenue en classe de CE1. Ce fonctionnement permet de réduire les exigences de l’environnement et donc de réduire la situation de handicap comme elle était définie par C. Hamonet en 2010.
Ces fonctionnements de classe semblent permettre la mise en place du tutorat entre pairs de façon quasiment systématique, selon Mme B. « ça se fait instinctivement avec la classe[qu’elle a] cette année. » (R17) et Mme G. « des grands peuvent aider des enfants qui ont besoin. » (R21). Les deux enseignantes spécialisées du Rased utilisent également le tutorat lorsqu’elles prennent des petits groupes, selon Mme L. « c’est indispensable » (R’9). Mme C. dans son dispositif Ulis, l’utilise aussi, notamment avec Noam, porteur de trisomie 21. Avec cet élève le tutorat fonctionne très bien, si celui-ci ne dure pas trop longtemps. Cette méthode de tutorat vient s’accorder avec les conseils de l’association Tous à l’école, qui précisait que les enfants porteurs de trisomie 21 fonctionnaient beaucoup par imitation. Mme F. quant à elle n’utilise pas le tutorat avec Zia, qui travaille de préférence en relation duelle avec son AESH.
Cette association précédemment citée explique que les AESH ou AVS ont effectivement un rôle important auprès des élèves trisomiques afin d’apporter un étayage supplémentaire. Cette aide était notamment évoquée concernant les difficultés de motricité fine de l’élève, ainsi que pour aider à la compréhension des consignes. Ces deux éléments sont également apparus lors des entretiens. Mme F. explique en effet que son AESH « soulage le geste d’écriture » (R16) en écrivant à la place de l’élève si besoin. Mme C. de son côté déclare que l’AESH est là pour reformuler les consignes ou les redessiner si besoin, dans le but d’une meilleure compréhension de la part de l’élève. Les entretiens ont permis de faire ressortir des éléments supplémentaires à ce qui avait déjà été exposé dans la partie théorique. Les enseignantes parlent notamment de relation duelle et donc d’un temps consacré à l’élève de façon individuel, qui est très bénéfique et permet un meilleur étayage. Elles parlent aussi de simplification, segmentation et rappel de la tâche ainsi que d’une stimulation car l’élève se déconcentre facilement, si personne n’est à ses côtés. Pour conclure sur le rôle de ces accompagnants, je cite Mme C. qui précise que la position de l’AESH « c’est d’être capable d’accompagner l’enfant dans son travail sans faire à sa place. » (R13).
Pour finir, tous les partenaires de la communauté éducative peuvent apporter une aide non négligeable pour la mise en place d’outils d’adaptation pour faciliter l’apprentissage de la lecture. Les enseignants spécialisés et les orthophonistes notamment ont un rôle important, qui n’est pas développé dans la partie théorique. Les enseignants spécialisés d’abord dont une partie de leur mission revient à conseiller les professeurs de classe ordinaire. Mme L. par exemple rédige des projets d’aide spécialisée constitués de pistes d’adaptation pour chaque élève qu’elle rencontre. Mme P. aussi identifie les besoins éducatifs particuliers afin de fixer des objectifs avec les enseignants. Les orthophonistes quant à eux peuvent donner des conseils pour le développement du langage oral.

Conclusion

Ces entretiens ont permis de révéler le manque de formation des enseignants de classe ordinaire et de l’aide que peuvent apporter les enseignants spécialisés. En effet, les professeures des écoles interrogées, incluant un élève porteur de trisomie 21 dans leur classe ordinaire semblent essayer de faire de leur mieux pour adapter les apprentissages. Cependant il existe une différence avec les enseignants spécialisés, qui possèdent des connaissances supplémentaires et de nombreux outils qui permettent d’améliorer encore un peu ces inclusions en milieu ordinaire.
Cette recherche a également permis de rendre compte des difficultés persistantes chez les élèves porteurs de trisomie 21. En effet, lors de l’inclusion d’un élève avec ce handicap, il est nécessaire de se rendre compte que la plupart des compétences nécessaires pour l’apprentissage sont faibles. Il convient donc de chercher des solutions d’adaptation pour un élève ayant très probablement des difficultés au niveau de la production du langage oral, de la phonologie, de la motricité fine, de la compréhension écrite et souvent au niveau du décodage.
Concernant les adaptations pédagogiques pouvant être mises en place, la première hypothèse concernant l’utilisation d’un matériel adapté aux besoins et difficultés de l’élève en lecture peut être validée. En effet, les enseignantes utilisent des supports pour faciliter l’apprentissage de la lecture, comme les outils numériques et du matériel à manipuler. Elles modifient aussi les supports écrits pour permettre un meilleur décodage et/ou une meilleure compréhension.
La seconde hypothèse peut également être validée. L’utilisation de méthodes d’enseignement permettant de faciliter les apprentissages liés à la lecture est effectivement l’adaptation pédagogique la plus utilisée. La méthode la plus fréquente est celle Borel-Maisonny pour le décodage, mais d’autres sont utilisées en complément ou en substitution : l’imprégnation syllabique et les Alphas pour le décodage également, le langage Makaton pour le langage oral.
Pour la troisième et dernière hypothèse, je supposais que les enseignants mettaient en place du tutorat entre l’élève porteur de trisomie 21 et ses camarades lors de situations en lien avec la lecture. Au regard des différents entretiens, cette dernière ne peut pas être validée. Les enseignants utilisent effectivement le tutorat pour certaines situations, mais je ne peux pas confirmer que celles-ci sont liées à la lecture, certains témoignages vont même dans le sens contraire.
Cette recherche permet donc de répondre à la problématique posée au départ : « Quelles sont les adaptations pédagogiques pouvant être mises en place par l’enseignant afin de favoriser l’apprentissage de la lecture d’un élève porteur de trisomie 21 inclus en classe ordinaire ? ».
La validation des deux premières hypothèses permet de répondre qu’un enseignant accueillant un élève porteur de trisomie 21 dans sa classe peut mettre en place des adaptations matérielles et utiliser différentes méthodes adaptées spécifiquement pour faciliter ces apprentissages. Ces premiers éléments donnent donc une réponse partielle à la problématique. Les entretiens ont permis de compléter les pistes d’adaptation. Il est en effet très important de préciser que les partenaires éducatifs sont indispensables à une bonne inclusion de l’élève. D’abord, l’étayage des AVS et AESH est indispensable pour permettre à l’élève de progresser dans l’apprentissage de la lecture. Et enfin, les enseignants spécialisés et autres professionnels membres de la communauté éducative, par leurs connaissances et l’observation des élèves, peuvent proposer des outils adaptés, tout en prenant en compte l’enfant dans sa singularité.
Cette recherche a permis de recueillir de nombreuses informations concernant les élèves porteurs de trisomie 21, leur inclusion ainsi que les différentes manières de les inclure le mieux possible. Les entretiens ont apporté de nouvelles démarches et adaptations, absentes de la littérature que j’avais recueillie. Ils ont donc complété l’apport théorique avec des adaptations concrètes. Les entretiens ont pour la plupart été menés avec des enseignantes pleines de propositions et de pistes d’adaptation, généralement mises en place dans des milieux spécialisés mais qui peuvent être reprises dans des classes ordinaires. Ces entretiens apportent aussi des informations générales sur l’inclusion et son fonctionnement.
Les limites de cette recherche est notamment méthodologique. Trop peu d’enfants trisomiques en apprentissage de la lecture sont inclus en milieu ordinaire, certains entretiens donc ne sont pas totalement en lien avec mon sujet de recherche. Je peux ajouter le fait que mes relances lors des entretiens n’étaient que trop rares, et que certaines informations intéressantes n’ont pas été développées de ce fait. Enfin, je n’ai effectué qu’une seule observation, qui m’a certes permis de voir évoluer un enfant porteur de trisomie 21 dans une classe ordinaire, mais inutile dans le cadre de cette recherche. Je n’ai donc pas eu la possibilité de mettre en regard les méthodes conseillées par les enseignantes avec leur mise en place auprès d’un élève trisomique.
Pour améliorer cette recherche, certains éléments des entretiens nécessiteraient d’être de nouveau abordés avec les enseignantes concernées, afin de développer davantage et de proposer un nombre d’adaptations pédagogiques conséquent permettant des aménagements qui conviendraient à tous. Enfin, venir observer les élèves de cette recherche que ce soit dans leur classe ordinaire, dans l’Ulis ou lors de l’utilisation des différentes méthodes évoquées permettrait de voir concrètement comment et à quelle fréquence l’inclusion et les adaptations se mettent en place.

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Table des matières

Introduction
I. Cadre théorique
1. La trisomie 21
A. Un peu d’histoire
B. Description de la trisomie 21
C. Croyances des enseignants sur la trisomie 21
2. L’inclusion scolaire
A. Histoire & cadre institutionnel
B. Points de vue des enseignants sur l’inclusion
3. Apprentissage de la lecture
A. Les différentes méthodes d’apprentissage de la lecture
B. Apprentissage de la lecture et déficience intellectuelle
4. Adaptations pédagogiques
A. Différents types d’adaptations pédagogiques
B. Pour les élèves porteurs de trisomie 21
II. Problématique et hypothèses
III. Méthodologie
1. Guide d’entretien
2. Grille d’observation
IV. Résultats
1. Recueil de données
2. Analyse des résultats
A. Les enseignantes
B. Les élèves
C. Les méthodes des enseignantes et adaptations pédagogiques
V. Conclusion

Bibliographie

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