Le fonctionnement du système électrique repose sur la nécessité d’assurer l’équilibre entre production et consommation à chaque instant et au moindre coût, pour une grande variété de situations (fluctuations de la demande et de la production renouvelable, pannes et maintenance des groupes de production et des infrastructures de réseau). Or, les préoccupations environnementales, notamment le réchauffement climatique, mais également des préoccupations d’ordre géopolitique concernant le prix et la disponibilité des combustibles conduisent, d’une part, à accroître la part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie et, d’autre part, à faire évoluer le mix électrique vers des moyens moins polluants, moins carbonés et/ou reposant sur des ressources plus faciles d’accès. Il faut alors s’assurer que ces évolutions ne viennent pas compromettre le fonctionnement du système électrique. Dans ce travail, nous souhaitons aborder cette problématique sous l’angle de la prospective, discipline dont la vocation est de construire le futur.
Caractéristiques du système électrique
Description du système électrique
L’utilisation de l’électricité s’est rapidement étendue aux applications de la vie courante, industrielles et résidentielles, suite à la découverte du transport du courant à la fin du XIXème siècle. Dès le début du XXème siècle des sociétés de transport d’énergie sont créées pour construire des réseaux électriques destinés à acheminer l’électricité produite par les centrales hydrauliques jusqu’aux villes (Meslier et Persoz 1989, part. 2.1). Depuis, sa part dans la consommation globale d’énergie n’a cessé de croître (Aguet et Morf 1993, part. 1.2.1) et le taux d’accès à l’électricité est devenu un indicateur de développement des pays . Le système électrique, c’est-à-dire l’ensemble des centrales produisant l’électricité, les infrastructures de réseau servant à la transmettre, et les dispositifs la consommant, a en fait relativement peu évolué au cours du XXème siècle. Certes de nouvelles technologies de production et de nouveaux modes de consommation ont vu le jour, le rendement des équipements s’est amélioré, les dispositifs de surveillance et de contrôle se sont développés, ainsi que le réseau électrique, plus étendu et mieux maillé, mais l’architecture globale du système est restée la même : l’électricité est essentiellement produite et transportée en haute tension, puis distribuée et consommée en basse tension. Aujourd’hui encore, excepté dans certaines régions peu électrifiées, le système électrique repose sur une telle architecture centralisée.
Structure du système électrique
Le système électrique représente l’ensemble des machines et dispositifs qui permettent de produire, transporter, répartir, distribuer et consommer de l’électricité dans un périmètre géographique donné. Ce périmètre peut être un pays, un groupe de pays, ou un ensemble interconnecté et fonctionnant à la même fréquence. On parle ainsi de système électrique européen ou encore de système électrique français. Il est classiquement scindé en quatre grands domaines d’activité : production, transport, distribution, et fourniture. Depuis la directive européenne du 26 juin 2003 concernant les « règles communes pour le marché intérieur de l’électricité», ces activités doivent être juridiquement séparées dans les différents Etats membres. La production et la fourniture doivent être ouvertes à la concurrence, contrairement aux activités liées à la gestion des réseaux électriques qui sont des monopoles naturels (Parlement Européen et Conseil 2003a). En France, le transport est réalisé par RTE (Réseau de Transport d’Electricité) et la distribution, en grande majorité par Enedis ainsi que par des entreprises locales de distribution (ELD) .
Dans sa grande majorité, l’électricité est produite en courant alternatif à des tensions allant de 10 kV à quelques dizaines de kilovolts. Elle est ensuite injectée sur le réseau de transport, après avoir été « rehaussée » à un niveau de tension de plusieurs centaines de kilovolts afin de pouvoir être transportée sur de relativement grandes distances avec le moins de pertes possibles. L’électricité est enfin abaissée à plusieurs reprises à l’aide de transformateurs avant de pouvoir être amenée jusqu’aux consommateurs via le réseau de distribution en basse tension (Bergen, Arthur R. et Vittal, Vijay 2000, part. 5.0). Une partie de la production est également réalisée à des niveaux de tension plus faibles et directement injectée sur les réseaux de distribution, voire pour la production la plus décentralisée, consommée sur place . De même une partie des consommateurs soutirent l’électricité depuis des niveaux de tension plus élevés, typiquement des sites industriels ou encore le transport ferroviaire .
Le choix du courant alternatif par rapport au courant continu pour le transport et la distribution de l’électricité, fut le résultat d’une longue bataille entre les inventeurs des deux technologies respectives, Thomas Edison et Nikola Tesla, connue sous le nom de « bataille des courants » [7, Chap. 5]. Trois avantages du courant alternatif triphasé expliquent son succès (Meslier et Persoz 1989, part. 2.2; Aguet et Morf 1993, part. 1.5) :
◆ la possibilité d’élever et d’abaisser la tension à l’aide de transformateurs, ce qui permet de transporter l’électricité en haute tension et ainsi de réduire considérablement les pertes ;
◆ la présence de plusieurs phases facilite la création d’un champ tournant et permet ainsi de réaliser des générateurs plus performants qu’en continu ou qu’en monophasé ;
◆ il est plus facile de couper le courant dans les disjoncteurs du fait du passage du courant par zéro deux fois par période. Ce mode de transport et de production de l’électricité n’est toutefois pas exempt de défauts (Aguet et Morf 1993, part. 1.5.6; Joncquel 2005, part. 1) :
◆ il est plus difficile de régler la vitesse des machines à courant alternatif que celle des machines à courant continu ;
◆ les lignes de transmission nécessitent entre 3 et 5 conducteurs contre 2 en courant continu pour transporter la même puissance ;
◆ il n’y a pas de transport de puissance réactive en courant continu, ce qui augmente la puissance active transportée, et permet de s’affranchir de postes intermédiaires destinés à absorber cette puissance « parasite » pour des lignes à grande distance ;
◆ l’utilisation du courant alternatif en sous-marin ou souterrain est restreinte aux petites distances du fait de pertes importantes par effet capacitif;
◆ la répartition des transits de puissance sur le réseau électrique se fait suivant les lois de Kirchhoff et ne peut être maîtrisée aisément .
Ces inconvénients, ainsi que l’apparition de l’électronique de puissance qui facilite la réalisation de convertisseurs alternatif/continu (thyristors puis convertisseurs source de tension) à partir des années 1970, a rendu économique le transport d’électricité en courant continu pour certaines applications (Kalair, Abas, et Khan 2016). Ce type de courant est ainsi privilégié pour :
◆ les liaisons sous-marines,
◆ les liaisons souterraines dès quelques dizaines de kilomètres,
◆ les liaisons aériennes de grande distance (au-delà de 600-800 km),
◆ ainsi que pour interconnecter des réseaux fonctionnant à des fréquences différentes (Joncquel 2005, part. 1; Meslier et Persoz 1989, part. 2.2).
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Table des matières
Introduction générale
Organisation du document
Contributions
Chapitre 1 : Les enjeux de modélisation du système électrique dans une perspective de long terme
1-A. Caractéristiques du système électrique
1-A.1. Description du système électrique
1-A.2. Contexte de l’évolution du système électrique
1-B. Intégration du renouvelable variable dans le système électrique
1-B.1. Impacts du renouvelable variable sur la gestion du système électrique
1-B.2. Impacts du renouvelable variable sur l’architecture du réseau électrique
1-C. Prospective et modélisation du système électrique
1-C.1. La démarche prospective
1-C.2. L’étude du système électrique en prospective
Conclusion du chapitre 1
Chapitre 2 : Fondamentaux du système électrique : du court terme au long terme
2-A. Fonctionnement du système électrique
2-A.1. L’équilibre production – consommation en temps réel : conduite et réglages
2-A.2. La stabilité du système électrique
2-A.3. Planification et prévisions amont
2-A.4. Modélisation du système électrique
2-A.5. Conclusion : un équilibre complexe à la base des grands principes du
fonctionnement des systèmes électriques
2-B. Impacts du renouvelable variable sur le système électrique
2-B.1. Non corrélation de la production renouvelable variable avec la consommation
2-B.2. Moindre prévisibilité des moyens renouvelables variables
2-B.3. Participation aux services système
2-B.4. Conclusion sur les impacts du renouvelable variable : des besoins supplémentaires de flexibilité
2-C. Représentation du système électrique dans les modèles de prospective
2-C.1. Etude des systèmes électriques dans les modèles « classiques » de prospective
2-C.2. Couplage « faible » des modèles de prospective avec des modèles dédiés à la représentation du fonctionnement du système électrique
2-C.3. Intégration d’éléments propres au fonctionnement des systèmes électriques dans les modèles de prospective
2-C.4. Bilan et limites des approches existantes
Conclusion du chapitre 2
Chapitre 3 : Réconciliation de la dynamique de court terme du système électrique et de son évolution de long terme
3-A. Indicateurs cinétique et magnétique
3-A.1. Approche thermodynamique de l’électromagnétisme et bilan des puissances sur un
système électrique
3-A.2. Construction des indicateurs cinétique et magnétique
3-B. Indicateur de synchronisme
3-B.1. Lien entre dimensionnement du réseau électrique et stabilité
3-B.2. Equivalence entre l’étude de la stabilité des systèmes électriques et la dynamique de systèmes mécaniques
3-B.3. Modèle de Kuramoto et étude de la stabilité des systèmes : rôle de la connectivité algébrique
3-B.4. Formulation énergétique du problème
3-B.5. Modèle de Kuramoto du système électrique et conditions suffisantes de stabilité
3-B.6. Calcul de l’indicateur de synchronisme
3-C. Un modèle TIMES pour le système électrique français
3-C.1. Choix du modèle : un formalisme technologiquement riche et souple d’utilisation
3-C.2. Les grands principes de la modélisation TIMES
3-C.3. Présentation du modèle TIMES France pour le secteur électrique
3-C.4. Technologies représentées dans le modèle TIMES-FR-ELC
3-C.5. Contraintes sur les technologies modélisées
3-D. Implémentation des indicateurs dans les modèles de prospective
3-D.1. Calcul des indicateurs cinétique et magnétique en post-traitement du modèle
TIMES-FR-ELC
3-D.2. Discrétisation du modèle TIMES-FR-ELC pour endogénéiser l’indicateur cinétique
3-D.3. Déclinaison de l’indicateur de synchronisme en post-traitement du modèle TIMES
décrivant le secteur électrique français, pour un réseau agrégé
3-D.4. Preuve de concept : le cas de l’île de la Réunion
Conclusion du chapitre 3
Conclusion générale
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