Les enjeux de l’implantation d’infrastructures dans un territoire en conflit

Le continent africain est considéré depuis bien avant les indépendances comme un continent sous-développé, où la pauvreté et la misère gagnent de plus en plus du terrain. Une des principales caractéristiques de ce continent est sans nul doute ses multiples conflits sociopolitiques qui entravent son développement malgré ses potentialités. Les exemples sont nombreux : Guinée Bissau, Tchad, République Démocratique du Congo, Rwanda, Somalie… Tous ces pays sont marqués par une carence très profonde en infrastructures, pilier de tout développement. Les disparités régionales et sous-régionales sont importantes. Elles se mesurent d’une part à travers les infrastructures qui y sont implantées. Le manque d’infrastructures favorise des frustrations qui peuvent se transformer en rébellion. Par ailleurs, dans un territoire en conflit, le nombre d’infrastructures diminue au fur et à mesure que l’on va vers les zones les plus affectées. Ainsi, la majeure partie de ces pays et régions en conflit se caractérisent par un déficit notoire en infrastructures et services, malgré leurs potentialités.

La question des conflits constitue une préoccupation majeure pour les états africains. En effet, depuis quelques décennies, l’Afrique à travers l’Union Africaine (UA) s’est engagée dans un processus de résolution des crises qui entravent son développement. En Afrique de l’Ouest, l’implication des pays limitrophes qui jouent souvent le rôle d’intermédiaire a apporté des résultats plus ou moins concluants dans la résolution des conflits. Le Burkina Faso l’a été pour la Côte d’Ivoire et la Guinée Conakry, le Sénégal pour la Mauritanie, la Guinée Bissau, et la Guinée Conakry, la Guinée Bissau et la Gambie pour la Casamance. Cette dernière est frappée depuis trois décennies par un conflit armée qui ne cesse de tirer en longueur. Les conséquences sur le plan socio-économiques sont importantes. Les infrastructures qui constituent un des facteurs de paix, de stabilité et surtout de développement sont absentes. Elles sont au début et à la fin de tout développement.  D’ailleurs, c’est dans cette dynamique d’implantation d’infrastructures que se sont lancés l’Etat du Sénégal, la municipalité et ses partenaires au développement. Idem pour l’Afrique de l’Ouest à travers la mise en place d’institutions sous- régionales comme l’UEMOA et la CEDEAO. A cela s’ajoute dans un cadre plus vaste le NEPAD qui prône pour les infrastructures. Ces dernières favorisent l’intégration sous-régionale à l’image de la route de la Communauté Économique de Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), (l’axe Ziguinchor-Bissau). Par ailleurs, le choix de la ville de Ziguinchor par les européens qui l’explorent au XVII siècle repose sur son caractère estuaire. A partir du XVIe siècle, une nouvelle génération de villes apparut. Cette fois-ci, elles sont suscitées par les puissances européennes implantées en Afrique. De ce fait, elles sont différentes des anciennes à plusieurs titres. Par rapport à la situation géographique, ces nouvelles villes, à quelques exceptions près, ont été installées sur la côte, le long des cours d’eau et des îles (VENNETIER P. 1987), alors que les anciennes sont presque développées à l’intérieur du continent. Quant au site, beaucoup de villes coloniales ont été implantées sur des reliefs plats, « si plat que le marécage est un élément fréquent de la topographie urbain, qui limite la ville ou oppose à son extension, un genre difficile à surmonter » écrit (DRESCH J. 1950).

Au niveau architectural, les villes coloniales se distinguent par leurs édifices impressionnant (COQUERY-VIDROUITCHC. 1988), alors que les périphéries avaient en général des édifices modestes en banco couverts de toiture en paille ou en tôles.

Sur le plan de l’urbanisme, les pouvoirs coloniaux ont aménagé le centre en fonction des activités ; quartier administratif, quartier commercial, zone portuaire, les rues et avenues sont larges et rectilignes, les chaussées goudronnées ont leurs trottoirs alignés d’arbres. Par contre la périphérie se caractérise par son désordre, les habitations sont en banco, les rues sont étroites. Ses quartiers survivent dans une situation d’insuffisance criarde d’infrastructures de base. Toutes ces caractéristiques évoquées plus haut et bien d’autres s’appliquent ou sont ce que l’on peut voir dans la ville coloniale de Ziguinchor. Cette dernière est aujourd’hui la capitale du sud du Sénégal. Elle constitue le pôle de développement le plus important de la zone méridionale.

PROBLEMATIQUE

L’histoire montre que la présence coloniale en Afrique s’est manifestée par la création le long des côtes des comptoirs et d’escales à l’intérieur, dans les régions les plus fertiles ; pour la collecte et l’acheminement vers la métropole de produits agricoles.

La morphologie de ces villes où s’opposent un noyau commercial et administratif constituant « l’Escale » au centre ou sont implantées les infrastructures de bases, et des quartiers périphériques résidentiels, souvent non lotis, marqués par une carence très profonde en infrastructures. C’est cette morphologie urbaine que l’on peut voir dans toutes les villes coloniales. Le choix de la ville de Ziguinchor par les européens qui l’explorent au XVII siècle repose particulièrement sur son caractère estuaire. L’implantation d’infrastructures a favorisé son essor. En effet, la position géographique de la ville par rapport au reste de la région, lui confère le caractère de ville satellite autour duquel gravitent les infrastructures socioéconomiques de bases les plus importantes de la région. Elle constitue à cet égard un pôle d’attraction et une étape transitoire importante de mouvements migratoires.

Cependant, cette région du sud du Sénégal est frappée depuis 1983 par un conflit armé. Les impacts sont importants dans tous les secteurs d’activités. De nos jours, les efforts menés dans l’implantation d’infrastructures par l’Etat et ses partenaires au développement jusque dans les zones les plus affectées par le conflit a fortement contribué à la stabilité notée ces dernières années. La ville de Ziguinchor est située au sud du Sénégal, sur la rive gauche du fleuve Casamance à environ 60 km de son embouchure (longitude 16° 16’ ouest, latitude 12° 38’ nord) avec l’atlantique. Avec une superficie de 9 km², l’extension de la ville le long du fleuve est limitée par les contraintes hydrographiques du site. L’existence des marigots de Boutoute à l’Est et de Djibélor à l’Ouest ainsi que la présence de terre argileuse basée en bordure du fleuve constituent des obstacles à l’évolution riveraine de la ville. Par ailleurs, avec la forte croissance démographique de la population urbaine en corrélation avec l’exode rural massif, la ville de Ziguinchor compte environ 252005 habitants, soit une densité de 261 habitants/km². Cette croissance fulgurante de la population nécessite de l’espace et des infrastructures pour répondre aux besoins des citadins.

Il existe une relation entre implantation d’infrastructures et conflit mais aussi la paix. Le déséquilibre spatial lié au manque ou à la mauvaise répartition des infrastructures est souvent source de frustration qui peut aboutir à un conflit. Il n’est pas rare de voir une population se rebeller pour réclamer des infrastructures. Résoudre un conflit c’est aussi lutter contre la pauvreté. L’implantation des infrastructures dans un territoire en conflit peut également favoriser le retour de la paix. Mais il n’est pas dit que partout où il ya manque d’infrastructures, il ya forcément conflit. On ne parle de conflit dans ce contexte que si une frange de la population d’une région prend les armes pour réclamer quelque chose. En effet, implantation d’infrastructures et développement sont également deux concepts intimement liés, mais néanmoins deux dynamiques distinctes qui ne sont pas nécessairement dans un rapport de causalité. On ne peut parler de développement sans infrastructures. Alors qu’on peut nuancer que l’implantation d’infrastructures n’est pas automatiquement synonyme de développement. Ainsi, l’implantation d’infrastructures dans un contexte récent peut trouver dans le territoire un cadre d’expression encore plus favorable pour lui donner plus de consistance. L’implantation est la disposition d’un édifice, d’un habitat, d’un ensemble urbain, etc. dans son cadre urbain et architectural et par rapport à la voirie. Les infrastructures sont des équipements réalisés au sol ou au sous sol. Les infrastructures concernent les ouvrages, les réseaux de transport (voirie et stationnement, chemins de fer, canaux, ports, aéroports et aménagement des cours et plans d’eau).

Le territoire est un vaste espace délimité, approprié par une société qui l’aménage en vue d’assurer la satisfaction de leurs besoins. L’espace communal est selon PELISSIER P. et SAUTER G. une portion du terroir approprié utilisé et aménagé éventuellement par le groupe qui y réside et y tire ses moyens d’existence. Ainsi, à l’image des autres capitales coloniales, la ville de Ziguinchor est marquée par un déséquilibre spatial croissant. Toutes les infrastructures son implantées au centre ville. Cette ancienne stratégie d’aménagement permettait de garantir aux agents de l’administration coloniale un cadre de vie sain et agréable. Ce qui a entraîné le déséquilibre spatial que l’on peut voir dans la physionomie actuelle de la ville.

Contrairement au centre ville, la périphérie reste marquée par une occupation anarchique du territoire et une carence très profonde en équipements. Les disparités avec le centre ville sont très importantes. Au fur et à mesure que l’on progresse vers la périphérie, le déficit en infrastructures s’accentue. Cela est dû au model de développement hérité de la colonisation, mais aussi au conflit qui prévaut dans la zone d’extension. C’est la configuration que donnent le réseau routier, et les infrastructures économiques et services implantés dans la commune. En effet, les politiques d’aménagement du territoire sont nées de la prise de conscience des disparités régionales de développement tant au niveau national que local. L’aménagement du territoire est une politique volontariste et prospective qui vise à organiser l’espace, à donner un meilleur équilibre géographique plus rationnel des infrastructures favorisant ainsi le développement durable.

Aménagement et décentralisation sont deux concepts liés. La décentralisation est le transfert de compétences du pouvoir central aux collectivités locales. Elle a favorisé l’émergence de nouveaux acteurs. De nos jours, la municipalité a lancé une série de travaux qui vont changer le visage de la ville. Ceux ayant trait à la voirie restent plus importants grâce à la création d’une usine de pavés. Le dallage est accompagné de l’assainissement et il est prévu l’éclairage public. Au total pour ce programme, 13 km de rues et à terme une vingtaine de km seront faites en pavés. A cela s’ajoute la réhabilitation et la construction de nombreuses autres superstructures et infrastructures socio-économiques.

Par ailleurs, l’aménagement de la périphérie à hauteur de Kénia et Diabir et l’implantation de nouvelles infrastructures de base permet de désengorger le centre ville (Boudody-Escale), mais aussi offre à cet espace des enjeux territoriaux importants. Les besoins d’espace deviennent plus importants dans cette zone. Le prix du m² a atteint des proportions considérables. La gestion foncière devient plus préoccupante pour les autorités locales. La ville empiète sur l’espace rural. Des infrastructures y sont construites. Ce qui entraine des conflits fonciers et des problèmes de gestions entre les autorités communales et celles de la Communauté Rurale de Niaguis. Cependant, les efforts de développement au niveau de la zone d’extension qui devait constituer un pôle d’équilibre administratif et économique du centre ville tarde à se réaliser à cause de la situation d’insécurité qui prévaut.

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Table des matières

INTRODUCTION
I.PROBLEMATIQUE
II.METHODOLOGIE
PREMIERE PARTIE : DYNAMIQUES SPATIALES ET SOCIO-ECONOMIQES
CHAPITRE I : DYNAMIQUES SPATIALES
CHAPITRE II : LES CARACTERISTIQUES DEMOGRAPHIQUES DE LA POPULATION
CHAPITRE III : L’ALIMENTATION EN EAU POTABLE ET ACTIVITES SOCIOECONOMIQUES
DEUXIEME PARTIE : ELEMENTS D’HITOIRE DE LA CRISE ET LES ENJEUX DE L’IMPLANTATION DES INFRASTRUCTUES DANS UN CONTEXE DE CONFLIT
CHAPITRE I : ELEMENTS D’HISTOIRE ET DE GEOGRAPHIE
CHAPITRE II : ANALYSE ET INVENTAIRE DE L’ORGANISATION PHYSIQUE DES INFRASTRUCTURES ET SERVICES DANS UN TERRITOIRE EN CONFLIT
CHAPITRE III : ETUDE DES INFRASTRUCTURES ROUTIERS
TROISIEME PARTIE : LA VILLE DE ZIGUINCHOR DANS L’ESPACE REGIONAL ET SOUS-REGION
CHAPITRE I : LES RELATIONS VILLES-CAMPAGNES
CHAPITRE II : LA PLACE DE LA VILLE DANS L’INTEGRATION SOUSREGIONALE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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