Madagascar souffre de trois obstacles majeurs pour relever le défi d’un développement durable : premièrement, une pauvreté persistante et extrême, surtout en milieu rural, qui provoque des problèmes étendus de sécurité alimentaire ; deuxièmement, une productivité agricole faible et en déclin, avec comme résultat le fait que la population rurale reste pauvre, et troisièmement, une dégradation environnementale rapide et une perte de biodiversité. La pauvreté extrême est définie par la Banque Mondiale comme l’incapacité d’acheter un panier de produits alimentaires de base afin de satisfaire les besoins de subsistance (INSTAT, 2005 a). Il convient de remarquer que la pauvreté est un phénomène complexe qui sévit surtout en milieu rural où la principale activité est l’agriculture. Quoi qu’il en soit, elle se manifeste toujours par la faim qui frappe la grande partie de notre île actuellement. Il est ainsi essentiel de ne pas négliger les campagnes si nous voulons véritablement lutter contre la faim et la pauvreté. D’ailleurs, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), à atteindre de 2000 à 2015, fixent comme premier objectif la réduction de moitié de l’extrême pauvreté et de la faim. Selon le PNUD, 78% de la population malgache résident en milieu rural contre 22% en milieu urbain dont 10% dans les Grands Centres Urbains (GCU) (PNUD, 2006). De ce fait, les OMD ne pourront être réalisés sans progrès significatif dans la lutte contre la pauvreté en zones rurales.
GENERALITES SUR LA PAUVRETE ET LE FONCIER A MADAGASCAR
La pauvreté est un phénomène mondial qui touche plus particulièrement l’Afrique subsaharienne. Elle est en étroite relation avec la faim. D’ailleurs, les OMD, à atteindre de 2000 à 2015, fixent en première position l’objectif de réduire de moitié l’extrême pauvreté et la faim. La pauvreté est liée surtout au manque d’accès à la terre. Cette dernière est mal répartie, comme la richesse et la pauvreté, surtout dans les pays africains victimes de la colonisation.
LE CONTEXTE DE PAUVRETE ET LE REGIME FONCIER A MADAGASCAR
« La pauvreté est une insulte. Elle diminue, elle déshumanise, elle détruit le corps et l’esprit, sinon l’âme. C’est la plus mortelle des violences, affirmait Mahatma Gandhi au début de ce siècle. Le pis de tout, c’est qu’elle persiste, en dépit des stratégies aussi créatives soient-elles, déployées pour en venir à bout » (SPORE n°80, 1999). En effet, la pauvreté est surtout liée à l’insécurité foncière qui provoque souvent l’insécurité alimentaire puis des maladies voire des décès. Nous allons donc voir dans cinq sections le phénomène rural de pauvreté d’abord, puis la terre face à la pauvreté, après le triangle du foncier, ensuite les statuts des terres et enfin les modes d’appropriation foncière.
Le phénomène rural de pauvreté
Ce phénomène rural de la pauvreté sera expliqué dans quatre paragraphes par les caractéristiques de la pauvreté rurale, les causes de la pauvreté rurale, la situation de la pauvreté à Madagascar et la féminisation de la pauvreté.
Les caractéristiques de la pauvreté rurale
La pauvreté et la sécurité alimentaire sont avant tout une question rurale. Il est bien connu que 70% des 800 millions de personnes définies comme étant en état d’ « insécurité alimentaire » vivent dans les zones rurales. Ces populations ont, entre autres, la caractéristique de ne pas posséder de biens ménagers et de ne pas avoir le pouvoir d’influencer les décisions qui influent sur leurs sources de revenus et leurs moyens d’existence. L’ironie de la situation est que les fermiers et les ouvriers agricoles, censés proches de la production agricole donc alimentaire, sont les populations les plus vulnérables et les plus sujettes à l’insécurité alimentaire. Ils ne sont sûrs ni d’avoir le droit d’utiliser leur terre dans le futur, ni de pouvoir travailler dans des conditions équitables comme ouvriers agricoles (MOORE H. Bruce, 2002). Dans la plupart des pays en développement, la pauvreté rurale est directement associée à l’absence d’accès aux ressources productives telles la terre, l’eau, les semences, le crédit, etc. La grande masse des pauvres est constituée de paysans ou d’anciens paysans qui ne disposent plus de moyens suffisants pour survivre (VEREECKEN Anne, 2001). La pauvreté rurale est ainsi un phénomène complexe incluant la faiblesse des revenus ; l’accès inéquitable aux moyens de production, aux installations sanitaires et aux établissements scolaires ; l’insécurité alimentaire ; les problèmes nutritionnels ; la dégradation des ressources naturelles ; etc. L’appropriation foncière est un facteur déterminant de richesse. Or, la non possession de terres agricoles à Madagascar est fortement liée au manque d’autres formes de capital productif, y compris l’éducation, d’où les ménages ruraux dépourvus de terre sont les plus pauvres. Non seulement ces derniers possèdent moins de terre, mais de plus, le peu qu’ils possèdent est de mauvaise qualité (MINTEN Bart, 2003). Ainsi, les ruraux pauvres ont souvent trop peu de terre, n’arrivent pas à entretenir le potentiel de production de leur terre, et ne bénéficient pas de systèmes de gestion de l’eau qui leur permettraient d’intensifier leur production (FIDA, 2002).
Les causes de la pauvreté rurale
La faim et la malnutrition constituent des préoccupations persistantes pour l’avenir. De plus, les problèmes environnementaux liés à l’agriculture pourraient endommager la productivité agricole et le bien-être des populations rurales (Banque Mondiale, 2000). La pauvreté rurale vient de l’iniquité profonde de la structure foncière, de la dégradation de la qualité des sols et du faible niveau d’intrants. L’intérêt du paysan est la production des sols ou l’agriculture. Or, les colonisateurs se sont emparés de la majorité des terres les plus fertiles ou les ont donné aux riches entrepreneurs malgaches de l’époque qui ont pu titrer leur propriété foncière. « La situation actuelle des ruraux pauvres a pour origine le système colonial et le carcan politique et institutionnel dans lequel a été enserré le paysan africain, qui l’ont tenu à l’écart des meilleures terres au profit des groupes dont les intérêts étaient opposés à ceux de la majorité rurale » (FIDA, 2002). Les pauvres ont été délaissés, ils n’ont pu exploiter que les terres moins fertiles et n’ont pas eu la possibilité de demander des titres fonciers. En fin de compte, les crises rurales sont nombreuses et leurs causes multiples : conflits fonciers, manque d’accès aux ressources naturelles et au crédit, sécheresse, insécurité alimentaire, désertification, détérioration des termes de l’échange, etc. (Le Courrier, 2002).
La situation de la pauvreté à Madagascar
Les études de l’INSTAT en 2005 font ressortir que l’incidence de la pauvreté se situe à 68,7%. Le phénomène de pauvreté est plus marqué en milieu rural qu’en milieu urbain. En effet, le taux de pauvreté en milieu urbain est de 52% contre 73,5% en milieu rural. Les régions sur la côte Est de l’île sont les plus touchées par la pauvreté. Les taux de pauvreté de ces régions avoisinent tous les 80% (Atsimo Atsinanana : 83,9%, Vatovavy Fitovinany : 80,8%). Le seuil de pauvreté est estimé à 305.300 Ariary. 47,7% de la population ont déclaré être en difficulté contre 0,3% qui ont répondu qu’ils vivent aisément. En milieu rural, la moitié des individus se sont classés parmi ceux qui sont en difficulté. La grande majorité de la population pauvre pratique l’agriculture comme activité principale. Parmi les ménages agricoles, environ 73,3% sont des petits exploitants, exploitant moins de 1,5 Ha. Les grands exploitants, exploitant plus de 4 Ha, ne représentent que 4,5% (INSTAT, EPM 2005 b).
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : GENERALITES SUR LA PAUVRETE ET LE FONCIER A MADAGASCAR
CHAPITRE I : LE CONTEXTE DE PAUVRETE ET LE REGIME FONCIER A MADAGASCAR
Section 1 : Le phénomène rural de pauvreté
Section 2 : La terre face à la pauvreté
Section 3 : Le triangle du foncier
Section 4 : Les statuts des terres
Section 5 : Les modes d’appropriation foncière
CHAPITRE II : LA POLITIQUE FONCIERE A MADAGASCAR
Section 1 : La crise foncière
Section 2 : La réforme foncière
Section 3 : Le contexte de la sécurisation foncière
Section 4 : Le processus de décentralisation
Section 5 : La décentralisation générale à Madagascar
Section 6 : La décentralisation de la sécurisation foncière
PARTIE II : ETUDE D’IMPACT DE LA SECURISATION FONCIERE PAR LA CERTIFICATION
CHAPITRE I : LES REALITES DE LA DECENTRALISATION DE LA GESTION FONCIERE
Section 1 : L’implantation d’un dispositif de gestion foncière décentralisée
Section 2 : La sécurisation foncière à Ambatofinandrahana
Section 3 : La sécurisation foncière à Faratsiho
CHAPITRE II : LES PORTEES ET LIMITES DE LA SECURISATION FONCIERE
Section 1 : Les apports de la sécurisation foncière
Section 2 : Les facteurs de blocage de la sécurisation foncière
Section 3 : Des recommandations pour la sécurisation foncière
Section 4 : Les limites
CONCLUSION