Quelques concepts préliminaires
Afin de mieux comprendre notre sujet de recherche, nous allons commencer par définir les différents concepts qui composent notre sujet d’études.
Projet Si nous nous basons sur la définition donnée par la Commission Européenne pour ce terme, voici ce que l’on a : « Un projet est une série d’activités avec des objectifs précis, conçues pour produire des résultats spécifiques dans un délai donné ».C’est un ensemble organisé d’activités et de procédures que l’on a conçues afin d’atteindre des objectifs spécifiques à l’intérieur des limites de budget, des ressources et de délais préétablis. En l’occurrence, il y a le projet de développement, lequel est généralement financé par des bailleurs bilatéraux, multilatéraux ou privés et dont l’objectif est d’améliorer le niveau socioéconomique d’un pays (PIB), mais aussi les conditions et le niveau de vie des populations locales du pays (PNB). Sinon, il convient de préciser ici que les projets sont parfois cofinancés par plusieurs bailleurs à la fois.
Développement Le développement on en parle beaucoup de nos jours. Développement économique, développement durable, développement social… il y en a de tous les types. D’ailleurs, chaque auteur a sa propre définition à ce sujet. Durant les années 50 et 60, c’étaient les idées de W.W. ROSTOW qui dominaient. Selon cet économiste et théoricien politique américain, le développement est un processus historique linéaire qui se déroule suivant cinq étapes consécutives :
– Première étape : La phase de la société traditionnelle durant laquelle l’activité économique est surtout agricole et s’effectue dans le cadre familial avec des techniques rudimentaires et suivie d’une faible productivité.
– Deuxième étape :La phase de transition appelée « conditions préalables au décollage » où se développent une épargne et des investissements qui permettent une augmentation de la productivité dans l’agriculture et l’industrie naissante.
– Troisième étape :La phase de « décollage », rendue possible grâce à une hausse significative du taux d’investissement net qui passe de 5% ou moins de 10% du revenu national, l’exercice de l’institution rapide d’un appareil politique qui devrait être favorable pour que les impulsions qui dérivent de la croissance soient transmises dans l’économie ; la création d’un ou plusieurs secteurs d’industries de transformation ayant un taux d’expansion élevé.
– Quatrième étape :La marche vers la maturité, phase au cours de laquelle les effets du décollage sont prolongés. C’est une période pendant laquelle l’économie applique effectivement la gamme des techniques modernes à l’ensemble de ces ressources. Ici, le taux d’investissements atteint 20% du revenu national et les progrès se généralisent.
– Cinquième étape :La phase de « société de consommation de masse ». Les besoins essentiels de la population sont satisfaits, l’industrie a atteint sa maturité et le secteur des services se développe rapidement. La grande vitesse qui se produit permet d’ouvrir des options importantes. Bien que cette idée semble tenir la route et ait séduit beaucoup de personnes, elle a aussi ses détracteurs et les idées ont toujours évolué au fil du temps. Pour le concept de développement, de nouvelles acceptions sont donc apparues. Parmi tant d’autres, il y a celle de François PERROUX12qui définit le développement comme la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rende aptes à accroitre cumulativement et durablement son produit global. Alors que la croissance est une notion quantitative et économique qui renvoie à l’augmentation du PNB. Le développement est une notion plus quantitative qui inclut toutes les transformations sociales qui accompagnent la croissance. Bref, les définitions que l’on donne au concept de développement sont nombreuses et variées. Mais suivant une perspective plutôt méthodologique, nous allons préférer prendre celle de Jean Pierre Olivier de SARDAN qui définit le développement comme « l’ensemble des processus sociaux induits par des opérations volontaristes de transformation d’un milieu social, entreprises par le biais d’institutions ou d’acteurs extérieurs à ce milieu, mais cherchant à mobiliser ce milieu, et reposant sur une tentative de greffe de ressources et/ou techniques et/ou savoirs. »13 En d’autres termes, le développement n’est pas quelque chose que l’on doit chercher la réalité chez les populations concernées, contrairement à l’acception usuelle. Tout au contraire, il y a du développement du seul fait qu’il y a des acteurs extérieurs qui se donnent le développement comme objet ou comme but et y consacrent du temps, de l’argent et du savoirfaire. En somme, c’est la configuration « développementiste » qui définit l’existence même du développement. Cette dernière définition nous semble plus appropriée pour notre thématique de recherche dans la mesure où nous nous proposons ici d’analyser les interactions entre les comités agricoles de proximité (CAP) et les paysans cibles du projet ProTana.
Communication Nous ne vivons pas isolés, nous sommes tous en relation les uns des autres. Que ce soit dans la vie courante ou dans le monde du travail, nous devons entretenir ces relations par un savoir-vivre et surtout par une bonne communication avec autrui. Mais qu’est-ce dont la communication ? De manière simpliste, on peut la définir comme l’action de communiquer, de transmettre des informations ou des connaissances à quelqu’un ou, s’il y a échange, de les mettre en commun. Mais au sens social et sociologique du terme, on peut définir la communication comme l’ensemble des actes de communication qui visent à modifier des représentations, des comportements ou à renforcer des solidarités.14 Ses objectifs sont divers :
– Transmettre des valeurs pour créer et renforcer plus de liens de solidarité ;
– Informer sur des problèmes de caractère social pour ensuite faire prendre conscience ;
– Redonner une voix et des pouvoirs aux personnes ;
– Changer des idées ou des attitudes qui pourraient être mauvaises pour les personnes aussi bien au niveau individuel que collectif.
Leadership Le leadership est un concept en vogue de nos jours. On l’utilise spécifiquement dans le monde de l’entreprise. Toutefois, le concept peut être étendu à toutes les actions de direction de personnes. De manière triviale, le leadership se définit comme l’influence politique, psychologique, sociale, etc. d’un individu ou d’un groupe d’individus sur un groupe ou un autre groupe. Ce terme a été emprunté à l’anglais et il définit la capacité d’un individu à mener ou conduire d’autres individus ou organisations dans le but d’atteindre certains objectifs. A priori, on peut donc dire qu’un leader est une personne qui sait guider et influencer. Mais il doit également être une inspiration pour les autres. Suivant une perspective sociologique et psychologique, le leader est une personne qui présente certains traits de personnalité. Ils sont capables d’exercer un pouvoir sur les autres sans avoir à utiliser la force. Plusieurs éléments entrent en compte dans cela : le charisme, les capacités intellectuelles, la position sociale, etc.
La dynamique de groupe et leadership
La dynamique de groupe constitue également l’une des rubriques épistémologiques que nous avons utilisées pour notre étude. De manière générale et triviale, on peut la définir comme l’ensemble des phénomènes, mécanismes et processus psychiques et sociologiques qui émergent et se développent dans les petits groupes sociaux que l’on appelle également groupes restreints. Le psychologue américain Kurt Lewin fait partie de ses plus grands précurseurs. C’est en effet le premier à avoir essayé d’analyser la réalité sociale d’un groupe restreint en posant celle-ci comme un champ dynamique dans lequel les relations qu’entretiennent entre eux les membres d’un groupe reposent, non sur leurs ressemblances ou leurs différences, mais bien plus sur leur interdépendance. Pour Kurt Lewin, le groupe représente un tout, au sein duquel un changement dans l’état de l’un de ses éléments, qu’il s’agisse des membres du groupe, de leur statut, de leur rôle ou des normes établies, change l’état de tous les autres. Il ne se réduit pas à la somme de ses parties. Le groupe va composer avec son entourage immédiat une structure dynamique (un champ), dont les principaux éléments sont les sous-groupes, les membres, les canaux de communication, les barrières. A noter que pour l’analyse des groupes, Kurt Lewin se base sur le principe de la Gestalt théorie, laquelle relève de la psychologie de la forme. Lewin applique un modèle emprunté aux sciences physiques, et plus particulièrement à l’électromagnétisme. Pour lui, le groupe se présente comme un champ de forces s’exerçant à l’intérieur d’une zone de liberté qui a été laissée par les institutions sociales. La conduite du groupe est la résultante de la combinaison de ces forces selon des lois psychosociologiques. Ce modèle naturaliste a permis à Lewin d’administrer, en laboratoire, sur des groupes artificiels, la preuve de ces lois. Cependant, quelques temps avant sa mort, Lewin avait pris la décision d’abandonner ce modèle après avoir vu les limites. Malgré l’engouement de ses successeurs et la diversité de leurs explorations théoriques et techniques, aucun modèle expérimental nouveau ne s’est imposé depuis. Par contre, les méthodes de formation « par le groupe » qui en sont issues se sont répandues en Occident. Par ailleurs, reprenant certaines idées de Kurt Lewin, le psychosociologue Roger MUCCHIELLI a distingué 7 caractéristiques psychologiques fondamentales de tout groupe :
– Les interactions ;
– L’existence de buts collectifs communs ;
– L’émergence de normes ou règles de conduite ;
– L’émergence d’une structure informelle de l’ordre de l’affectivité avec répartition de la sympathie et de l’antipathie, elle est dite informelle car non officielle et souvent non consciente ;
– L’existence d’émotions et de sentiments collectifs communs ;
– L’existence d’un inconscient collectif ;
– L’établissement d’un équilibre interne et d’un système de relations stables avec l’environnement.
MUCCHIELLI soutient que dans un groupe naissent des règles informelles et des pressions de conformité. Plus le groupe est solidaire, plus les pressions de conformité sont grandes. Les membres déterminent entre eux des règles informelles. Ces règles sont puissantes et obligent chaque membre à s’y conformer au risque d’être exclu ou de devenir le « souffre-douleur » sur lequel le groupe peut déverser une foule de sentiments aussi négatifs que farfelus. Bref, de par toutes ces idées, la dynamique de groupe de Kurt Lewin nous sera d’une grande utilité dans le cadre de notre étude. Nous allons en effet nous efforcer de comprendre les relations qu’entretiennent les CA avec les paysans et leur organisation. Enfin, pour ce qui est du leadership et des rôles des CA en tant que leaders (mais aussi des présidents des organisations paysannes), nous allons reprendre ici la typologie de WEBER, notamment en ce qui concerne les différents types de leaders. Cet auteur distingue notamment trois principaux types de leaders :
– Le leader traditionnel ;
– Le leader charismatique ;
– Le leader rationnel légal.
Ces idées vont nous permettre de comprendre le mode de désignation du leader de chaque organisation paysanne et aussi les manières dont les paysans voient les CA comme leader.
La sensibilisation
La sensibilisation, si elle est bien menée et si elle s’accompagne d’une large diffusion, peut avoir des incidences sur le niveau de connaissances, les attitudes et el comportement de la population cible des actions de développement. Les CA utilisent de cette technique de communication pour transmettre les messages qu’ils veulent porter aux paysans. A cette occasion, ils rassemblent les paysans membres des organisations paysannes sur un vaste terrain ou dans une grande salle. Parfois, ils parlent tout simplement à haute voix. Mais quand il le faut, les CA se servent de micro et de haut-parleur pour diffuser leur message. Des fois, les messages en question consistent en des partages d’expériences. Mais dans certains cas, il y a lieu des débats ou des formations sur un thème en particulier. Néanmoins, dans l’ensemble, les messages diffusés consistent en l’adoption de nouvelles techniques en matière d’agriculture, d’élevage et aussi de la gestion des dépenses et des revenus.
Techniques de leadership mises en œuvre par les leaders des OP
Le leader des organisations paysannes joue notamment un rôle important dans le bon fonctionnement de leur association. Il guide les membres et s’assure que tous participent aux réunions et aux formations organisées par les CA du projet ProTana. C’est également au leader de faire parvenir les informations émises aux membres de l’organisation paysanne qu’il dirige. Il collabore étroitement avec les CA et s’assure que les membres de son OP puissent bénéficier de tous les avantages que peuvent leur procurer le projet. C’est aussi le leader qui suit de près les activités des membres et transmet leurs attentes aux CA et autres responsables du projet ProTana. C’est lui qui représente l’OP transmet les messages au cas où les CA seraient absents. Lors de nos investigations, nous avons pu déceler différentes formes de leadership chez les leaders des OP. Mais les formes que nous avons les plus rencontrées sont le leadership collaboratif et le leadership participatif. Lors des réunions et des diverses autres activités des membres, les leaders animent les réunions, incitent aux échanges des idées et à la participation de tous les paysans. Cependant, des problèmes subsistent pour certains paysans.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1.- Généralités
2.- Motifs du choix du sujet et du terrain
3.- Question de départ
4.- Objectifs
4.1 Objectif général
4.2 Objectifs spécifiques
5.- Résultats attendus
6.- Aperçu méthodologique
6.1.- Méthode
6.2.- Matériels et techniques
7.- Limites de l’étude
8.- Annonce du plan
Première partie : Cadrage général de la recherche
Chapitre I : Présentation du projet ProTana
I.- Le projet ProTana
I.1.- Description de l’ASA
I.1.1.- Objectif
I.1.2.- Résultats attendus
I.1.3.- Activités
I.2.- Description du projet ProTana
Chapitre II : Présentation de la méthodologie
I.- Quelques concepts préliminaires
I.1.- Projet
I.2.- Développement
I.3.- Communication
I.4.- Leadership
II.- Balises méthodologiques
II.1.- Méthodes
II.1.1.- Type de recherche
II.1.2.- Démarche
II.1.3.- Champs de recherche et dimensions théoriques du sujet
II.1.3.1.- La Socio-anthropologie du développement
II.1.3.2.- La dynamique de groupe et leadership
II.1.3.3.- Sociologie de la communication
II.1.4.- Posture théorique
II.1.4.1.- Apports de l’interactionnisme
II.1.4.2.- Apports de l’Individualisme méthodologique
II.1.5.- Type d’analyse
II.1.5.1.- L’analyse quantitative
II.1.5.2.- L’analyse qualitative
II.2.- Matériels et techniques
II.2.1.- Exploration
II.2.1.1.- La documentation
II.2.1.2.- Entretien exploratoire
II.2.1.3.- Observation
II.2.2.- Elaboration de la problématique
II.2.3.- Hypothèses de recherche
II.2.4.- Elaboration et mise en œuvre du dispositif de vérification
II.2.4.1.- Echantillonnage
II.2.4.2.- Enquête
II.2.4.3.- Traitement des données
Deuxième partie : L’interaction des comités agricoles et les organisations paysannes dans l’arène de développement
Chapitre III : Présentation des organisations paysannes (OP) et des comités agricoles de proximité (CAP ou CA)
III.1.- Organisations paysannes : structure et fonctionnement
III.1.1.- Des OP nouvelles et des OP redynamisées
III.1.2.- Composition et organisation des OP
III.2.- Dynamique des comités agricoles de proximité ou CA
III.2.1.- Présentation des CAP (Conseiller Agricole de Proximité)
III.2.2.- Les misions des CA
III.2.2.1.- Mission d’organisation
III.2.2.2.- Mission de diffusion technique
III.2.2.3.- Mission d’accompagnement et de conseil
III.2.3.- Compétences et expériences des CA
III.2.4.- Les divers supports et techniques de communication des CA
III.2.4.1- Les affichages
III.2.4.2.- La sensibilisation
III.2.4.3.- La communication verbale
III.2.4.- CA et OP à charge
Chapitre IV : Interactions CA/OP et dynamique interne des OP
IV.1.- Les problèmes au niveau des organisations paysannes
IV.1.1.- Les problèmes de structure
IV.1.2.- Les problèmes de leadership interne
IV.1.2.1.- Caractéristiques des leaders des OP
IV.1.2.2.- Techniques de leadership mises en œuvre par les leaders des OP
IV.1.2.3.- Les problèmes de leadership au sein des OP
IV.2.- Les problèmes au niveau des interactions CA/OP
IV.2.1.- Les problèmes au niveau de la prospection
IV.2.2.- Problème au niveau des interactions avec les organisations paysannes
IV.2.3.- Problème au niveau de l’âge des membres de l’OP et de la performance de l’organisation
IV.2.4.- Les stratégies adoptées par les CA face aux problèmes
IV.2.5.- Styles de leadership pratiqués par les CA
Chapitre V : Logiques et stratégies paysannes sur la scène de développement
V.1.- Stratégies des paysans face aux actions de développement
V.1.1.- Stratégie d’adoption sélective
V.1.2.- Stratégie de détournement
V.2.- Résistance au changement
V.2.1.- Contraintes socio-économiques
V.2.2.- Contraintes physiques
V.2.3.- Problème foncier
V.3.- Les logiques qui sous-tendent les stratégies des paysans
V.3.1.- Assistancialisme
V.3.2- Logiques représentationnelles des paysans
V.3.3.- Logique de sécurité
Troisième partie : Développement local et dynamique associative
Chapitre VI : Suggestions pour l’amélioration des interactions entre CA et paysans
VI.1.- Suggestions pour amélioration de la communication
VI.1.1.- Fréquence des réunions et formations
VI.2.- Les différences d’âge entre les CA et les paysans des OP
VI.2.- Les réseaux de communication et d’influence personnelle
II.1.- La famille
II.2.- Les pairs
II.3.- Les groupes de même confession
Chapitre VII : Perspective de gouvernance locale
CONCLUSION GENERALE
Bibliographie
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