Les enjeux actuels de l’agriculture urbaine

L’agriculture urbaine : généralités

Cette partie tente de reprendre les principales généralités sur l’agriculture urbaine, son historique, ses enjeux, les différentes techniques qui sont utilisées pour la pratiquer en ville et sa perception à travers l’urbanisme.

Historique

Alors que le terme “agriculture urbaine” se répand au cœur des conversations citoyennes voire politiques actuelles, il est à croire que cette forme de production de denrées est émergente.

Tout d’abord, l’agriculture urbaine s’est développée en même temps que les villes prenaient forme. Ces milieux, parfois considérés comme antinomiques, ont pourtant toujours coexistés. En effet, les villes se sont construites à proximité des fleuves ou des cours d’eau permettant ainsi aux Hommes de bénéficier de terres fertiles, indispensables pour assouvir leurs besoins de nourriture (Duchemin, Wegmuller, et Legault 2010). Au Moyen-Âge, les zones maraîchères positionnées à la ceinture des centres urbains les approvisionnaient directement, puis les abbayes présentes au cœur de celles-ci cultivaient dans un but d’autosubsistance alimentaire (Leguay JP, 2009). Cependant, toujours durant le Moyen-Âge mais jusqu’au XIIème siècle, l’agriculture s’est aussi développée à l’extérieur des villes pour la simple raison de gain de surface. À partir du XIVème et du XVème siècle, la population dans les villes a commencé à vraiment se densifier et la production agricole issue de l’intérieur et de la périphérie des cités ne suffisait plus. C’est alors que les premières importations et les premiers échanges, notamment de blé, deviennent la base du commerce de longue distance. Cependant, les productions autres que les céréales, c’est-à-dire les fruits et légumes, les plantes médicinales, les plantes à huile mais aussi les animaux, restent toujours principalement produits et élevés à proximité des villes par les habitants. À cette époque, des localités périurbaines commencent aussi à se spécialiser dans le développement et le commerce de certaines variétés (S. De Muynck et P. Servigne, 2012). Le XVIIIème siècle et son mouvement hygiéniste qui prône l’ouverture des milieux et la présence d’espaces verts en ville (Duchemin 2013) va petit à petit faire ré-apparaître des espaces de cultures au cœur des villes. Ceux-ci avaient été exclus des villes pour des raisons de santé publique. Cet engouement va alors se poursuivre au siècle suivant. En effet, au XIXème siècle, une évolution de pensée de l’urbanisme quant à l’environnement est notable. Par exemple, « Le Plan d’urbanisme de Barcelone, établi par Ildefonso Cerda en 1859, qui porte sur la nature et l’agriculture en ville, la cité-jardin proposée par Ebenezer Howard en 1902, les préconisations de Le Corbusier sur les espaces verts ainsi que le traitement de la nature chez Gaston Bardet, sont quelques exemples de la place de la nature et de l’agriculture dans la pensée des fondateurs de l’urbanisme » (Nahmias et Le Caro 2012). Cette référence démontre que la nature, mais aussi l’agriculture, ont au XIXème siècle, de nouveau bénéficié d’une place privilégiée dans les réflexions d’urbanisme. En effet, les villes laissaient des espaces vacants de manière à répondre à une demande de lieux cultivables pour les habitants. C’est pourquoi, les plans des villes datant du XIXème siècle présentent une majorité d’espaces propices et libérés pour l’agriculture en ville (J Hista, 2007). À partir du XIXème siècle, les pays développés ont connu un essor des transports (augmentation de la motorisation et démocratisation de la voiture individuelle, développement des lignes ferroviaires, mutations industrielles) ce qui influa sur le commerce de la production agricole des denrées alimentaires (M. Chevrier, 2001). La “révolution verte” du XXème siècle, assimilée à une agriculture majoritairement intensive, et la mondialisation qui participe à l’exode rural vont aussi diminuer la proximité des échanges et des relations entre le monde urbain et agricole (Bourguignon, 2017). Aujourd’hui et notamment depuis la conférence de Rio en 1972 mais aussi suite à une succession de documents et d’événements (Grenelles de l’environnement, PNR, chartes…) dans lesquels le développement durable s’est vu devenir l’ordre du jour de certains agendas internationaux, l’agriculture urbaine se voit assigner un rôle de protection, voire de régénération de l’environnement (Labrecque, 1997). De plus, principalement depuis les années 1970 dans les community gardens à New-York, la nature en ville s’est vue de plus en plus transformée en agriculture, participant à la mise en œuvre d’un urbanisme plus durable en rendant la ville plus “verte”. Cette forme d’urbanisation est marquée par une appropriation de la ville par les habitants (Bourdeau-Lepage et Vidal, 2012). Cependant, la fracture que l’on connaît encore entre la ville et la nature est toujours présente depuis le changement du système de production suite aux Trente Glorieuses (Nahmias et Le Caro 2012) mais, à l’heure où nous rentrons dans l’aire de la démondialisation (J. Sapir, 2011), l’agriculture urbaine n’est pas seulement une “tendance de fond” mais bien un concept qui a toujours eu la valeur d’exister. De plus, depuis l’apparition et l’augmentation de certaines crises de confiance alimentaire, le consommateur cherche à connaître de manière plus précise la provenance et le mode de production de ce qu’il achète (P. Donadieu, 2013).

Les enjeux actuels de l’agriculture urbaine

La notion de ville “durable”, terme récent, remet en question nos anciennes habitudes pour se tourner vers des modes de vie plus responsables, incluant le retour d’une proximité ville-nature et donc une proximité entre ville et agriculture. L’agriculture urbaine contribue à ce système en devenant un outil multifonctionnel (Wegmuller, 2009) du développement durable, entrecroisant différentes sphères d’intervention (Duchemin Eric, 2010) :

L’éducation à l’environnement et la pédagogie
Dans les pays du Sud, l’agriculture urbaine, la plupart du temps traditionnelle, est surtout développée parce qu’elle a un but vivrier ou commercial, nécessaire à la subsistance de la population. Mais pour ce qui est des pays industrialisés, et surtout en Europe, l’agriculture urbaine constitue aussi un vecteur d’éducation à l’environnement et de sensibilisation. Elle peut se développer via le milieu scolaire ou via les échanges de connaissances autour du jardinage. En milieu scolaire, l’éducation peut se faire à travers des jardins pédagogiques internes à l’établissement ou à travers des visites de projets d’agriculture en ville. Un des exemples d’une réappropriation de la nature à travers l’agriculture urbaine pédagogique est la ferme urbaine du collège Pierre Mendès France à Paris. C’est en 2014 que l’association Veni Verdi se voit octroyer la possibilité de créer un espace de culture dans une friche de 4500m² appartenant au collège. Quelques années après, c’est six zones de maraîchage, des arbres fruitiers, une mare, des parterres de fleurs, un poulailler et une serre qui se sont développés. Les élèves ont la possibilité d’animer des ateliers scolaires et périscolaires ou des projets en lien avec le cours de Sciences de la Vie et de la Terre. Ils enseignent ensuite aux nouveaux élèves ce qu’ils ont appris afin de transmettre leurs savoirs et de passer la main à la nouvelle génération. La sensibilisation est d’autant plus efficace si les personnes s’approprient le lieu. Les élèves sont sensibilisés aux techniques de culture comme la permaculture ou l’agroforesterie. Ces projets pédagogiques se donnent pour missions d’aborder des notions comme la nutrition, la lutte contre l’obésité et la consommation de fruits et légumes variés (Lautenschlager et Smith, 2007). En dehors du milieu scolaire et formel, le jardinage urbain communautaire peut fournir des connaissances horticoles (Masse et Beaudry, 2008) sur des sujets comme les semis, la récolte ou le compostage mais également d’échanger des recettes de cuisine en lien avec les légumes que les jardiniers ont cultivés.

Le développement économique

L’agriculture urbaine professionnelle est également un secteur d’activité permettant de créer des entreprises, des emplois et donc de pourvoir un chiffre d’affaires. “Pour que des exploitations agricoles des entreprises restent durablement dans la région urbaine, il leur faut réunir des conditions minimales (stabilité foncière, rentabilité économique, clientèles urbaines stables et suffisantes, diversification des productions et des transformations de produits, intérêt des pouvoirs publics urbains, etc.)” (Donadieu, 2013). Ainsi, nombreux se passionnent pour adapter les techniques d’agriculture rurale à la ville. Mais là où elle semble être la plus intéressante, c’est dans la place qu’elle exerce dans l’économie locale et circulaire. Au sens de l’ADEME, “l’économie circulaire peut se définir comme un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien-être des individus.” (ADEME). L’agriculture urbaine s’inscrit ainsi dans le concept d’économie circulaire puisque les critères qui suivent sont appliqués :
– réduction de la distance entre le consommateur et le producteur, favorisant la démarche de l’achat responsable,
– optimisation des circuits de distribution, de stockage et de commercialisation, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre,
– prise de conscience environnementale et sociale de la consommation.

À cela s’ajoute que l’agriculture urbaine vise également à optimiser les ressources via le recyclage des déchets organiques, l’économie de l’eau et l’optimisation de l’espace urbain en favorisant les espaces sur les toits ou dans d’anciens bâtiments abandonnés. Pour exemple, le projet The Plant à Chicago a pour ambition de réinvestir une ancienne usine abandonnée d’un groupe agro-alimentaire pour en faire une ferme verticale. L’usine, reconvertie à 80%, va permettre de développer des actions autour de la production et le commerce de produits agricoles mais également autour de l’éducation et de la recherche. Cette ferme intelligente possède l’avantage de ne pas consommer d’énergie extérieure puisqu’elle récupère les déchets alimentaires avoisinants de la ville pour les transformer en énergie nécessaire au fonctionnement du site grâce à un digesteur (Le Moniteur, 2015).

La sécurité alimentaire 

L’agriculture urbaine permet d’accroître l’autosuffisance des villes et ainsi lutter contre l’insécurité alimentaire. L’intérêt porté à ces enjeux vient surtout du fait que, si du jour au lendemain, l’approvisionnement des villes devenait impossible, beaucoup de citadins seraient affamés. En citant l’exemple de Paris, V’Île Fertile estime l’autonomie alimentaire de la capitale à trois jours. Cependant, s’il venait l’idée de développer l’agriculture urbaine sur les 320 hectares de surfaces potentiellement végétalisables de la capitale intra-muros, cela pourrait alimenter – à raison d’un rendement standard de 5 kilogrammes de légumes par an par m² – 230 000 parisiens chaque année (Étude de l’Atelier Parisien d’Urbanisme, 2014). Cela est faible mais constitue un potentiel à exploiter. Même si elle ne pourrait pas subvenir à la totalité des besoins de la ville, l’agriculture urbaine pourrait être complémentaire de l’agriculture rurale.

Les crises majeures sont souvent une cause d’un retour de l’agriculture en ville. En France, la première guerre mondiale ainsi que la crise des années 30 ont amené les Jardins de la Victoire à se transformer en zone de lutte contre la pénurie alimentaire. Pour citer un autre exemple, l’agriculture urbaine à Detroit est devenue le moteur du renouveau économique de la ville. Soumise aux crises économiques, au chômage puis à l’abandon de ses logements, la ville devint une zone constituée de nombreuses friches industrielles. Vers les années 1970, le Maire donne accès à ses habitants à un petit terrain pour cultiver leurs légumes. Des décennies plus tard, c’est la ville entière qui s’organise autour de ces jardins, donnant aux riverains un accès aux produits frais dans une zone classée désert alimentaire. Depuis quelques années, Detroit a donc fait le pari de l’agriculture urbaine pour relancer la dynamique de la ville. De grands projets viennent peu à peu se monter en addition de tous ces potagers urbains (Paddeu Flaminia, 2014). À la Havane, sur l’île Cubaine, environ 39 500 hectares de jardins (soit la moitié de la superficie de la ville), ainsi que des milliers de petites parcelles de moins de 800 mètres carrés sont consacrés à l’agriculture urbaine. En 2013, 58 000 tonnes de produits commercialisés étaient issus de l’agriculture urbaine, dont 6700 ont été affectées aux hôpitaux, écoles et autres établissements publics. Cela signifie que plus de 50% des denrées alimentaires consommées par la population de la Havane ont été cultivées à l’intérieur de la ville (PDSA, 2001). L’agriculture urbaine a donc constitué une réponse aux crises socio-économiques.

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Table des matières

Introduction
Partie I : État de l’art
1. L’agriculture urbaine : généralités
1.1. Historique
1.2. Les enjeux actuels de l’agriculture urbaine
1.2.1. L’éducation à l’environnement et la pédagogie
1.2.2. Le développement économique
1.2.3. La sécurité alimentaire
1.2.4. Le besoin d’espaces de détente et de nature en ville
1.2.5. Les interactions sociales
1.2.6. La santé
1.2.7. La protection de la biodiversité
1.3. Les différentes techniques utilisées en agriculture urbaine
1.3.1. Hydroponie
1.3.2. Aquaponie
1.3.3. Aéroponie
1.3.4. Culture en pleine terre
1.3.5. Culture en bacs
1.4. Naissance d’un urbanisme durable à travers l’agriculture urbaine malgré ses difficultés de mise en place
1.4.1 Orientation de l’aménagement des villes vers un urbanisme durable
1.4.2 Les difficultés actuelles majeures pour le développement de projets d’AU
2. Les limites de l’agriculture urbaine
2.1. Des exemples de projets pour déterminer les limites de l’AU
2.2. Bilan sur les limites des exemples d’AU
Conclusion de la partie I
Partie II : Les Jardins Perchés
1. Les Jardins Perchés : un nouvel outil au service de l’agriculture urbaine
1.1. Un projet commun entre
1.1.1. Tour(s)Habitat
1.1.2.… le lycée agricole de Tours-Fondettes, exploitant du site
1.2. Un projet unique en France
1.3. Situation du projet
1.4. Infrastructures
1.5. Coûts
2. Les Jardins Perchés : un outil polyvalent
2.1. L’origine du projet
2.2. Les acteurs du projet
3. Les Jardins Perchés : un outil pédagogique de formation à l’agriculture urbaine
3.1. Pourquoi le lycée agricole de Fondettes s’est-il intéressé au projet?
3.2. Qu’est-ce que “J’habite mon jardin” ?
3.3. Comment sera cultivée la production et sous quelle forme sera-t-elle commercialisée ?
3.3.1. Production
3.3.2. Commercialisation
3.4. Comment le projet s’intègre-t-il au territoire tourangeau ?
3.4.1. Les habitants des Jardins Perchés
3.4.2. Les autres maraîchers
3.5. Quelles sont les limites actuelles du projet ?
Conclusion de la partie II
Conclusion
Bibliographie
Webographie
Table des figures
Annexes

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