Les enfants NSA ont une représentation stéréotypée de l’école

Comment les élèves entrent dans les apprentissages

L’entrée dans les apprentissages est toujours considérée à partir de certains paramètres : l’apprenant, c’est-à-dire le récepteur de l’apprentissage ; l’éducateur, celui qui transmet et l’environnement, familial ou scolaire. Lorsqu’on étudie le moment où l’apprenant commence à apprendre, les chercheurs envisagent invariablement les premières années de la vie ou l’âge adulte, dans le cadre de l’analphabétisme par exemple. Or notre champ d’investigation est différent : il s’agit de travailler sur des enfants entrant dans les apprentissages scolaires à une autre période que celle prévue par les institutions.
Nous articulerons cette partie théorique autour du parcours chronologique et logique des élèves.
Du moment où l’élève arrive dans le milieu scolaire jusqu’à celui où il dépasse l’étape de la découverte de cet environnement, nous chercherons à cerner les éléments essentiels qui peuvent fonder son adhésion au pacte scolaire. Après avoir circonscrit les champs disciplinaires qui interviendront dans le cadre de notre recherche, nous tenterons d’identifier quelles sont les représentations a priori des élèves, à l’instant où ils pénètrent pour la première fois dans l’enceinte scolaire. Puis nous nous attacherons à tout ce qui se joue en dehors des pratiques pédagogiques, en poursuivant l’exploration de la perception des élèves : l’importance des interactions à l’école et en classe, et les émotions qui en découlent, en identifiant ce qui est spécifique aux enfants nouvellement arrivés, allophones. Le fait de pénétrer dans un nouvel univers implique de se positionner par rapport à lui et de l’intégrer dans une certaine mesure ou pleinement à son histoire personnelle et son identité. C’est pourquoi nous essaierons de voir comment cette découverte peut s’insérer dans la narration intime, individuelle et joue sur la ou les mémoire(s).
Autrement dit, l’objectif de cette partie est de trouver dans l’ensemble des documents que nous avons pu consulter, les points et les liens qui nous permettront de tisser notre dispositif et notre analyse.

Les champs disciplinaires

Notre recherche s’inscrit en didactique des langues mais ne peut s’y cantonner. La langue nouvelle est bien un des facteurs importants de l’entrée dans les apprentissages mais d’autres éléments doivent être pris en compte, issus de différents champs disciplinaires, que nous décrirons brièvement.

Sciences de l’éducation

Depuis leur émergence à la fin du XIXème siècle, les sciences de l’éducation se sont structurées autour des recherches et innovations de la pédagogie. D’après les écrits de Gaston Mialaret, on peut considérer que les sciences de l’éducation regroupent l’ensemble des disciplines qui étudient les conditions d’existence, de fonctionnement et d’évolution des faits et des situations d’enseignement. L’intérêt de cette définition est de souligner la nécessité d’un regard pluriel sur des disciplines voisines et complémentaires. Effectuer des recherches en éducation implique de prendre en compte à la fois le sujet étudié mais aussi les implications périphériques, qui enrichiront et approfondiront la perspective. Cependant, cette multiplicité de disciplines implique de préciser lesquelles seront sollicitées dans notre travail.
Nous cherchons avant tout à cerner les enjeux des premières semaines de scolarisation pour les élèves allophones non scolarisés antérieurement, du point de vue de l’élève et des adultes qui l’entourent. Nous restreindrons notre champ d’action à ce qui se situe aux frontières de la pédagogie. Ainsi, nous pouvons définir que nous ferons appel aux connaissances sur le système éducatif, pour mieux situer les élèves-sujets dans leur environnement. Le terrain particulier que nous avons choisi, une école dans un centre d’hébergement d’urgence en banlieue parisienne, amène à le mettre en perspective avec l’institution scolaire dans lequel il s’inscrit.
D’autre part, l’expansion des neurosciences ces dernières décennies ont permis d’apporter un éclairage nouveau sur les processus d’apprentissage. Puisque nous nous appuierons sur des témoignages, observations et comportements d’élèves, il est important d’appréhender leur corps et leur cerveau pour tenter d’avoir une vision globale de ce processus. L’apport des neurosciences, que nous ne développerons pas, nous permettra de faire le lien entre cognition et émotion, puis cognition et apprentissage.
Enfin, sans être le centre de notre démarche, il sera nécessaire d’utiliser certains éléments de la sociologie. La méthodologie de recherche s’appuiera sur une compréhension des phénomènes sociaux et individuels qui cerneront les enjeux de ces premiers temps de la scolarisation.

Psychologie transculturelle

Alors que nous souhaitons mieux comprendre l’entrée à l’école des enfants non scolarisés antérieurement, nous essaierons d’articuler plusieurs paramètres : le rôle des émotions, l’impact des représentations et de la mémoire. L’apport de la psychologie est essentiel et particulièrement de la psychologie transculturelle.
Le public cible de notre enquête a subi des chocs pendant sa migration. Les psychologues et psychiatres ont beaucoup travaillé ces dernières décennies sur les réactions post-traumatiques et les fondements de la résilience. Ces travaux nous permettront de cerner le profil psychique des élèves-sujets et de mieux comprendre les étapes par lesquelles ils sont passés en fonction de leur âge et de leur vécu. L’objectif est de prendre en considération les sujets en tant qu’enfant et migrant. On ne peut pas isoler l’un de l’autre, mais on peut chercher à analyser les influences de l’un sur l’autre.
Il sera alors intéressant de s’appuyer sur la psychologie de l’enfance et sur la psychologie transculturelle. A l’origine, la psychologie transculturelle s’est développée afin de mettre en relation les individus et leur culture. Elle prend en compte l’influence du milieu de ces individus : en tirant partie des paroles, attitudes, comportements, émotions, elle se rapproche de nos préoccupations et interrogations.
Depuis le développement de l’ethnopsychiatrie initié par l’ethnopsychanalyse de Georges Devereux, entre 1950 et 1960, la psychologie clinique interculturelle a pour objectif principal de comprendre et réduire les souffrances liées à certains traumatismes culturels. En France se sont développées de nombreuses consultations transculturelles, qui prennent en charge des patients migrants en grande précarité psychique.
L’origine ethno et anthropologique de cette discipline se rapproche de la méthodologie qui nous intéresse, même si le contexte de notre étude reste très différent. L’observation, l’écoute du terrain tel qu’il se présente et la recherche d’éléments de compréhension dans différents domaines connexes sont des points communs à ces démarches.
Pour résumer, les champs disciplinaires auxquels nous ferons appel tenterons de proposer une vision holistique, globale. Sans rentrer dans les débats qui se demandent s’ils s’opposent ou se rapprochent, l’objectif est d’aller chercher des réflexions, des éclaircissements auprès des domaines qui peuvent être utiles à notre travail.

L’entrée dans les apprentissages : concept et caractéristiques

S’il est nécessaire de définir le concept d’apprentissage et les notions qui en découlent, il n’est pas inutile de s’arrêter quelques instants sur les caractéristiques de ce qu’on entend par « entrée » car elles varient selon la discipline d’étude, le terrain étudié, Pour un psychologue, un médecin, l’entrée dans les apprentissages a lieu déjà in utero : le fœtus vit dans le ventre de sa mère et capte des signes qu’il va reconnaître et s’approprier. Après la naissance, le nouveauné se développera par des apprentissages multiples, liés aux sens, à sa motricité et sa maturation cérébrale. Pour un didacticien, un professeur, l’entrée dans les apprentissages se situe au moment où l’enfant arrive à l’école. Il existe évidemment des apprentissages en dehors du cercle familial avant l’entrée en petite section de l’école maternelle, par exemple dans les structures de la petite enfance, mais ils ne sont pas aussi définis que dans les programmes scolaires.
L’entrée est davantage envisagée comme un processus que comme une porte : il s’agit de cerner les étapes qui permettent aux enfants cibles de notre travail d’apprendre, non pas d’imaginer qu’il existe un instant ou un lieu où tout bascule. C’est ce cheminement de l’extérieur vers l’intérieur qui nous intéresse afin de comprendre les éléments et phénomènes qui donnent accès aux savoirs. Entrer dans les apprentissages, c’est s’engager dans ce chemin.
Cependant, en général, les études se bornent à situer l’entrée dans les apprentissages dans la petite enfance, de la naissance à trois ou quatre ans. Prenons par exemple le modèle élaboré par Piaget, psychologue, se basant sur la philosophie et la biologie. Il comprend que le développement cognitif de l’enfant est lié à la maturation du cerveau, en relation avec l’élaboration du langage, et au développement des interactions sociales avec l’environnement.
Les quatre structures cognitives qu’il caractérise sont liées aux stades du développement de l’enfant : les élèves concernés par notre travail en sont à la troisième étape, celle où les opérations concrètes se développent. Entre 6-7 ans et 11-12 ans, l’enfant devient capable d’envisager des événements qui surviennent en dehors de sa propre vie, en fonction des expériences vécues. Il commence aussi à conceptualiser et à créer des raisonnements logiques qui nécessitent cependant encore un rapport direct au concret. A partir de phénomènes observables, il va pouvoir coordonner des opérations psychiques plus complexes.
A la suite de ces travaux, les didacticiens et pédagogues ont lié stades de développement et apprentissages scolaires. C’est notamment le cas au ministère de l’éducation nationale où le conseil des programmes réunit ces spécialistes et tente d’adapter les apprentissages à l’âge des apprenants.
Pourtant, les enfants qui ont migré acquièrent très souvent une maturité rapide due aux circonstances de vie. Les adultes qui les côtoient le soulignent : ils grandissent plus vite que les autres, car ils sont confrontés à des situations d’adultes. Lorsqu’un de ces enfants n’a jamais été à l’école, le décalage entre maturité et niveau scolaire déroute les équipes pédagogiques jusqu’aux éditeurs de contenus scolaires : les professeurs doivent choisir entre un support adapté au niveau scolaire et un support adapté à l’âge de l’élève NSA. Pour notre étude, il est important de ne pas corréler le développement corporel et psychique des enfants avec l’entrée dans les apprentissages, car elle n’est pas concomitante : au moment où les élèves NSA entrent à l’école, ils possèdent depuis longtemps les structures cognitives nécessaires à l’apprentissage.

Concept d’apprentissage

Le premier sens d’apprentissage, attesté par le dictionnaire historique de la langue française, est dérivé du nom apprenti. Il est donc en relation avec une formation technique, artisanale, souvent en rapport avec un métier. Plus récemment, le nom s’est appliqué au domaine éducatif, se rapprochant du verbe apprendre. A l’origine, par son étymologie apprehendere, celui-ci désigne l’action de se former. Or cette action est double : du point de vue de l’enseignant, c’est l’action de faire apprendre, de trouver les moyens de transmettre un savoir. Du point de vue de l’apprenant, c’est l’action de s’approprier un savoir, d’acquérir une connaissance. Comme notre volonté est de cerner ce second point de vue, nous utiliserons apprendre et apprentissage selon la seconde acception.
Le concept d’apprentissage implique un processus, et renforce l’idée que nous venons de souligner à propos du nom entrée : l’apprentissage ne peut s’envisager comme un moment en soi, ponctuel, déconnecté du contexte, mais au contraire comme un parcours, un itinéraire intellectuel et surtout une continuité : l’apprentissage n’est ni borné par un lieu -comme l’entrée ou la sortie de l’école-, ni par un temps déterminé -la journée d’école où l’on apprend et le week-end où l’on se repose-. Il est difficile de concevoir l’ensemble du processus d’apprentissage, et nous nous limiterons pour ce travail à un moment, celui des premières semaines de scolarisation, tout en étant conscient que ce moment s’inscrit dans une temporalité plus large.
Par ailleurs, l’apprentissage est un terme générique qui semble impliquer une certaine homogénéité. Mais peut-on dégager des invariants qui caractérisent tout apprentissage ? Certes, en le nommant ainsi, on lui confère une unité qui implique une certaine uniformité, ce qui se rapproche du système scolaire, qui le conçoit comme un processus en groupe : l’enseignant définit sa stratégie pour l’ensemble de la classe, même s’il différencie ses activités pour tenir compte des différents profils d’apprenants dans un même groupe. Pourtant, il ne faut pas oublier que l’apprentissage est avant tout individuel : il se présente comme une série d’actions cognitives qui vise à l’appropriation d’un savoir. Chaque apprenant, ici chaque enfant, accèdera (ou pas) à ce savoir à son rythme, en créant un modèle individuel d’apprentissage s’adaptant à sa personnalité, ses capacités et son identité. Cette notion de temporalité adaptée est inhérente à l’apprentissage et chacun prendra un temps propre, difficile à prévoir, pour mettre en place des stratégies favorisant l’apprentissage.
Ces variations temporelles sont généralement dues à deux facteurs principaux : les habiletés cognitives et le vécu. Ces enfants n’arrivent pas ex nihilo aux portes de l’école. Les profils que nous mettrons en avant dans notre étude ont déjà connu des moments d’apprentissage en dehors de l’école. Ils n’ont aucun handicap cognitif et sont donc capables d’apprendre ce qui leur est enseigné, du moment où les contenus sont adaptés à leur niveau de langue et de connaissance dans la discipline. Ils peuvent entrer en relation avec l’objet d’apprentissage, tels que le définissent Bernadette Aumont et Pierre-Marie Mesnier (1992 : 174) : c’est un temps d’apprivoisement de l’objet, d’ « incubation ».
Pendant cette étape, l’apprenant confronte l’objet d’apprentissage à ses savoirs pré-acquis : il va envisager cet objet par rapport à ce qu’il sait et ce qu’il méconnait. Autrement dit, il va s’appuyer sur son vécu pour construire un nouveau maillon sur la chaine de son savoir. Or, dans le cadre de notre travail, ces enfants qui ont quitté le pays de leur petite enfance et ont passé souvent plusieurs mois dans des pays tiers avant d’arriver en France, ont vécu des situations traumatisantes, déstabilisantes. Ce passé traumatique peut entraver l’entrée dans les apprentissages. Il est donc important de prendre en compte ce fait dans la notion même d’apprentissage. Comme il n’y a pas de passé scolaire pour ces enfants, le vécu dans sa globalité est le seul élément qui compte lors de l’entrée à l’école. Comprendre les domaines de résistance permettra de mieux cerner le processus lui-même.
Pour résumer, l’apprentissage est envisagé ici comme un cheminement. Du point de vue de l’élève, c’est un itinéraire individuel qui, dans le cadre de l’école, devient collectif. Chaque enfant est mû à la fois par l’énergie du groupe, insufflé généralement par l’enseignant, et sa propre volonté. Cet apprentissage induit une temporalité différenciée, qui varie en fonction des compétences pré-acquises des élèves et de leur passé ; temporalité différente des stades de développement de l’enfant, puisque les élèves-sujets de notre travail arrivent en classe plus tardivement que les autres élèves scolarisés en France.

Eléments liés à l’apprentissage

La notion d’apprentissage est donc liée à une temporalité individuelle. Néanmoins, elle peut se définir à partir d’éléments qui constituent un processus universel. Nous chercherons ici à en identifier certains, qui nous paraissent essentiels pour les élèves allophones nouvellement arrivés, non scolarisés antérieurement.
Avant son entrée à l’école, l’enfant s’est développé à l’aide de son environnement et a des acquis pré-scolaires, trop souvent minimisés dans l’enceinte de la classe. Il est certes difficile de prendre en compte l’ensemble de ces acquis individuels pour en tirer une activité commune, mais il est important de garder cette idée à l’esprit pour inscrire toute intervention scolaire dans un continuum. On peut alors parler plus facilement d’entrée à l’école, moment ponctuel d’une vie, que d’entrée dans les apprentissages, qui n’est pas borné dans un espace ou un temps. Quels sont les éléments qui facilitent ou entravent ce cheminement vers les apprentissages ?
Tout d’abord, l’enfant doit avoir envie d’apprendre et de se confronter à la complexité de l’acte d’apprendre. Aumont et Mesnier (1992 : 255) distinguent pendant le moment d’incubation évoqué plus haut, trois modes de mise en route possibles de l’apprentissage : la méconnaissance de l’objet, la nécessité de l’objet et la curiosité pour l’objet. Le premier mode pousse l’apprenant à s’interroger sur l’objet : il se demande s’il le connait, totalement ou partiellement, ou s’il le méconnait. C’est ce questionnement qui suscitera l’intérêt pour l’objet. Dans le second mode va s’établir une relation de nécessité entre l’objet et l’apprenant : l’enfant voudra le découvrir et se l’approprier dans un but précis et conscient. Le troisième mode est davantage interne : l’apprenant éprouve un attrait qui le pousse vers l’objet. Cette curiosité est le moteur de l’apprentissage. L’un des points communs de ces trois modes réside dans l’intervention de la volonté de l’apprenant pour entrer dans les apprentissages. Est-ce que les élèves qui arrivent à l’école pour la première fois à un âge différent des autres élèves ont envie d’apprendre ?

L’affectivité à l’école

L’ensemble des notions que nous venons d’évoquer sont centrées sur l’affectivité des élèves.
Le rôle des émotions, qu’il reste à définir, semble être l’élément central de la perception des élèves non scolarisés antérieurement. Mais quel rôle a l’affectivité vis-à-vis de l’entrée dans les apprentissages ?
L’affectivité, (affect en anglais ou dimension affective), englobe et unifie la sphère de la sensibilité, des sentiments, des émotions et des passions. Selon Arnold (2006), elle comprend non seulement les sentiments, les émotions mais aussi les croyances, les attitudes et conditionne de manière significative notre comportement. En contexte didactique, l’affectivité désigne l’ensemble des sentiments qui ont une incidence sur l’apprentissage (Cuq, 2003). Dans l’enseignement-apprentissage, il a été montré que l’affectivité est un moteur de l’action, particulièrement chez les adolescents. C’est une source puissante d’énergie et de motivation. Piaget, dès 1961 avait décrit les sentiments comme des régulateurs, c’est-à-dire des freins ou des facilitateurs de l’action. Autrement dit, l’affectivité permet l’accès à la connaissance.
Pendant longtemps, l’affectivité est définie par opposition à la rationalité et non pas dans ses interrelations avec la raison, la cognition et l’action. Dans les années 1990, les neurosciences s’emparent de cette notion et confirment scientifiquement l’influence de l’affectivité dans l’apprentissage des langues – l’affectivité fait partie de la cognition : « the brain stem, limbic and frontolimbic areas, which comprise the stimulus appraisal system, emotionally modulate cognition so that, in the brain, emotion and cognition are distinguishable but inseparable. Therefore, from a neural perspective, affect is an integral part of cognition » (Schumann 1994 : 232). En réalité, il existe une interdépendance entre émotion et cognition, l’émotion précédant la pensée. Arnold (2006 : 407) souligne que l’un des objectifs des éducateurs est d’aider les élèves à atteindre leurs potentialités en tant qu’apprenants et en tant que personne, ce qui implique nécessairement la prise en compte de la dimension affective.
Par conséquent, l’étude de l’affectivité est réalisée à partir de celle des relations interpersonnelles dans différentes situations, ici dans l’enceinte de l’école. L’intérêt de cette prise en compte permet d’envisager de manière holistique l’apprentissage, à la fois dans le corps et l’esprit des apprenants. Le contexte particulier de l’entrée à l’école après une migration constitue une situation qui modifie sans doute l’affectivité. Mais dans quelle mesure ?
Pour trouver des éléments de réponse, il est nécessaire de cerner le rôle de l’interaction et les réponses émotionnelles, d’une part dans la relation d’enseignement-apprentissage, d’autre part en prenant en considération la spécificité de ces élèves migrants allophones non scolarisés antérieurement. Nous verrons alors en quoi leur vulnérabilité est une des caractéristiques qui intervient en entrant dans les apprentissages.

Les interactions dans l’espace scolaire

Avant d’entrer en classe, chaque élève arrive avec les émotions de l’extérieur et des ressentis, des attitudes qui seront prégnantes dans les premières minutes, les premières heures.
L’ensemble des interactions dans l’enceinte de l’école va modifier leur perception et leur comportement, le but étant de les focaliser sur leurs apprentissages.
La transmission du savoir ne peut par définition qu’induire une relation interpersonnelle, d’autant plus qu’elle passe nécessairement par une situation de communication. Ainsi, la classe et plus largement l’école apparaissent comme un champ d’interactions multiples : entre enseignant et apprenants, entre apprenants, entre apprenant et langue, entre apprenant et matériel didactique. L’espace de la classe est celui de la compression, comme le soulignent Cuq et Gruca (2005 : 54) : « L’acte didactique s’effectue sous des contraintes de temps, de lieu et de matériaux dont la caractéristique principale est d’être réduits par rapport aux éléments non didactiques dont ils sont abstraits. » L’entrée en classe symbolise ce moment de compression où l’environnement social, affectif, linguistique de l’apprenant va pénétrer dans l’école.
Certains éléments de son identité pré-scolaire vont être des ressorts pour l’apprentissage.
Cet espace-temps compressé est un univers en soi que l’enfant, devenu élève en passant les portes de l’école, doit s’approprier, condition préalable pour ensuite entrer dans les apprentissages. « Dans ce contexte, l’univers de croyances et les représentations de l’enseignant et de l’apprenant sont des éléments dont la connaissance est majeure pour atteindre les objectifs d’appropriation linguistique et culturelle qu’ils se sont fixés par un contrat. » (Cuq et Gruca, 2005 : 112) On voit ici que ces croyances et représentations préexistent à l’arrivée dans l’école et ne sont pas annihilées par le cadre scolaire : ni l’espace, ni le temps, ni le contrat de l’école ne cherchent à les remettre en cause, à les ignorer. L’école est un espace archétypal, cloisonné, qui est organisé avec des règles à la fois communes à toutes les autres écoles et spécifiques à cette école-là. Du coup, à l’image de ce qu’explique Cyrulnik concernant le lien entre les émotions des nouveaux nés et les liens avec les représentations parentales (Cyrulnik, 2005 : 123), le champ sensoriel est défini, structuré et relativement stable.
Tout être entrant dans cet espace pénètre également dans cette sphère.
Une méthodologie adaptée au terrain Les hypothèses énoncées en introduction touchent l’ensemble des sujets abordés dans la première partie : les représentations des élèves, leurs émotions traversant l’espace scolaire, l’articulation entre les liens nouveaux qui s’établissent lors des premiers temps de la scolarisation et la narration intime, et enfin le rôle de la langue française durant cette période. Notre étude prend appui sur la perception de l’enfant qui devient élève ; mais elle ne peut se limiter à sa parole, ses comportements et attitudes : pour analyser et interpréter les données des élèves, il est nécessaire d’élargir notre vision et de recueillir des données également à partir de son environnement.
De chaque hypothèse se dégagent des implications qui induiront une méthodologie. Nous les résumerons ici brièvement.

1 ère hypothèse : Les enfants NSA ont une représentation stéréotypée de l’école

Nous allons chercher quelles sont les représentations de l’école des élèves non scolarisés antérieurement, au moment où ils entrent dans l’école. Celles-ci peuvent être verbalisées ou dessinées. Dans les dits et les écrits, se dégage-t-il des invariants ? Si oui, peuvent-ils être considérés comme des stéréotypes ? S’agit-il de représentations qui restent extérieures, comme un discours rapporté, ou bien intériorisées par l’enfant ?

2 ème hypothèse : Les tensions entre émotions positives et négatives sont exacerbées lors des premières semaines

Cette affirmation sous-tend que l’intensité des émotions est plus importante au début de la scolarisation. Pour évaluer cette intensité, nous chercherons à comprendre l’affectivité qui s’est jouée pour les élèves-sujets au moment où ils sont arrivés à l’école. Il faudra d’une part identifier ces émotions et d’autre part envisager leur intensité, en les comparant à celles qui entrent en jeu dans la suite de la scolarisation par exemple. 3 ème hypothèse : Après la rupture du jour de la rentrée, l’enfant tente de construire des liens entre ce qu’il vit à l’école et ce qu’il est. Ces liens vont développer un continuum entre passé et présent.
Cette hypothèse véhicule implicitement deux opinions : il existe une rupture au moment de l’entrée à l’école ; celle-ci va disparaître lorsque le sujet intégrera cet événement dans son vécu.
Il est alors nécessaire d’interroger, d’observer le sujet de plusieurs manières et à plusieurs moments, pour envisager son évolution. En lien avec l’affectivité, on peut supposer que si l’enfant a vécu négativement son entrée à l’école, une rupture (la même que celle présente le jour de la rentrée) s’installera dans son esprit.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières
Introduction 
Première partie : comment les élèves entrent dans les apprentissages
1. Les champs disciplinaires
1.1 Sciences de l’éducation
1.2 Sciences du langage et didactique des langues
1.3 Psychologie transculturelle
2. L’entrée dans les apprentissages : concept et caractéristiques
2.1 Concept d’apprentissage
2.2 Eléments liés à l’apprentissage
3. Comment les enfants se représentent l’école
3.1 Images et représentations
3.2 Attitudes et ressentis
3.3 Motivation
4. L’affectivité à l’école
4.1 Les interactions dans l’espace scolaire
4.2 Les réponses émotionnelles des élèves
4.3 Vulnérabilité des enfants migrants allophones
5. L’inscription dans une histoire personnelle
5.1 Rupture temporelle et résilience en classe
5.2 L’articulation du vécu et des acquis scolaires dans la mémoire
5.3 Situer l’entrée à l’école dans sa narration intime
6. Le rôle de la langue française
6.1 L’insécurité linguistique
6.2 La parole est une structure affective
7. Une identité en construction
Deuxième partie : une méthodologie adaptée au terrain 
1. Le public cible
1.1 Les élèves allophones
1.2 Les élèves non scolarisés antérieurement
1.3 Les élèves en situation instable
2. Le terrain : l’école du centre d’hébergement d’urgence
2.1 Présentation du centre et de l’école
2.2 Paradoxes d’un projet : enclaver une école en immersion
2.3 Parcours scolaire des élèves dans cette école
3. Posture : le chercheur en action
3.1 De l’acteur au regardeur
3.2 Les biais de la démarche méthodologique
4. Méthodologie de recherche : entretiens et observations
4.1 Les démarches possibles
4.2 Les entretiens semi-directifs
4.3 L’atelier vidéo
5. Compléments au protocole
5.1 Les observations
5.2 Les autres élèves
6. Les deux écoliers choisis
6.1 Setareh
6.2 Thierno
Troisième partie : analyse et résultats 
1. Spécificités des données recueillies
1.1 Un contexte particulier : la situation sanitaire
1.2 Recueillir des discours individuels : quelles conséquences ?
1.3 Comparer le visible pour saisir l’invisible
2. Quelles représentations sont véhiculées par les écoliers ?
2.1 L’école de Setareh, loin des stéréotypes
2.2 L’école de Thierno : un espace conflictuel
2.3 S’approprier les représentations des autres
3. Le cheminement des émotions
3.1 Fragilité et vulnérabilité des deux écoliers
3.2 Les premiers jours à l’école
3.3 La perception des sentiments des deux élèves
3.4 Affectivité et relations interpersonnelles
3.5 Une image positive de soi-même
4. Insérer l’école dans son histoire personnelle
4.1 Quelle conscience du passé ?
4.2 Le cheminement vers une résilience
4.3 Mémoire, narration et apprentissage
5. La place de la langue française
5.1 Le français dans la biographie langagière
5.2 Maitrise du français et entrée dans les apprentissages
6. Vers le champ didactique et pédagogique
Conclusion
Annexe 1 : Grilles des entretiens semi-directifs
Annexe 2 : Transcription partielle (Setareh)
Annexe 3 : Transcription partielle (Thierno)
Annexe 4 : Attestation sur l’honneur
Bibliographie
Index des sigles 
Table des illustrations 
Table des matières 
Résumé 

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *