Les émulsions sont des systèmes dispersés métastables constitués d’au moins deux liquides non miscibles et d’un agent amphiphile. L’un des liquides est dispersé dans le second sous forme de petites gouttes sphériques dont la taille varie selon les conditions de 0,1 à quelques dizaines de micromètres [1, 2]. Le système ainsi créé ne correspond pas à un état thermodynamiquement stable, l’état le plus stable consisterait en la séparation macroscopique des deux liquides. Les émulsions sont largement produites et utilisées dans l’industrie. Ce sont aussi bien des produits alimentaires comme le lait, le beurre, les mayonnaises, les vinaigrettes, que des produits cosmétiques ou pharmaceutiques à appliquer sur la peau tels que les crèmes ou les pommades. A l’échelle industrielle, les émulsions sont utilisées pour le revêtement des routes ou l’étanchéité des bâtiments. Dans tous les domaines, la plupart des formulations traditionnelles sont remises en cause pour faire face à des exigences nouvelles liées à la protection de l’environnement, à la sécurité des utilisateurs, à la facilité de mise en œuvre et aux contraintes de coût. On s’oriente donc vers l’élimination progressive des solvants organiques et des tensioactifs de synthèse, tous deux étant jugés nocifs pour l’environnement [3]. Pickering et Ramsden [1, 2] ont démontré au début du dernier siècle la faisabilité d’émulsions sans tensioactifs, en présence de particules solides. Ces émulsions sont appelées «Emulsions de Pickering». Ce concept d’émulsions stabilisées par des particules solides connait un regain d’intérêt de nos jours vu les nombreux avantages qu’il présente: bonne stabilité, protection de l’environnement, sécurité des utilisateurs, variétés de particules etc. Depuis peu de temps, les possibilités d’applications d’émulsions stabilisées par des particules sont considérées dans l’industrie pharmaceutique. Ce type de formulation peut être un système potentiel d’encapsulation des principes actifs, permettant la libération contrôlée et ciblée des principes actifs depuis la phase interne. Cependant, ce type d’émulsions n’est pas encore commercialisé. Il existe de nombreuses études sur la formulation et les propriétés physicochimiques des émulsions stabilisées par des particules solides, mais à ce jour des études avec incorporation d’un principe actif ont été très peu décrites dans la littérature. Sur le plan fondamental, les émulsions posent des questions relatives à leur préparation (Émulsification), leur durée de vie (mécanismes et cinétique de destruction), leur propriétés d’écoulement (rhéologie, élasticité des émulsions concentrées), etc. Ces questions ont été abordées en présence de tensioactifs ou de protéines mais rarement en présence de particules solides.
GENERALITES SUR LES EMULSIONS DE PICKERING
Concepts de formulation et de stabilisation des émulsions de Pickering
Définition :
Les émulsions de Pickering sont des dispersions de deux liquides non miscibles; thermodynamiquement instables; stabilisées par des particules solides. Cet effet de stabilisation par des particules fines, connu depuis environ un siècle, fut d’abord mis en évidence par Ramsden puis décrit de manière plus complète par Pickering [1, 2]. Ce dernier a établi que des particules peuvent, tout comme des tensioactifs, stabiliser des émulsions huile dans eau. De telles émulsions n’ont pas encore suscité de forts développements industriels, mais elles connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt lié au contexte socioéconomique, d’autant que leur stabilité est souvent meilleure que celle des émulsions stabilisées par des tensioactifs classiques [3]. Il a été montré que les émulsions ainsi obtenues peuvent, comme celles stabilisées par des tensioactifs moléculaires, être de type direct (H/E), inverse (E/H) ou multiples (E/H/E ou H/E/H) [4, 5]. La stabilisation des émulsions de Pickering est liée à l’adsorption des particules à l’interface entre les phases non miscibles [6].
Formulation et caractérisations des émulsions de Pickering
Formulation
Une goutte peut se fractionner en plusieurs gouttelettes de taille inferieure sous l’action de forces mécaniques : pression, gradient de vitesse, ou forces turbulentes. Mais globalement, le fractionnement résulte des effets compétitifs entre les propriétés rhéologiques et interfaciales des deux phases, et des caractéristiques hydrodynamiques de l’écoulement via des forces mécaniques [7]. Avant la rupture d’une goutte, l’interface séparant la phase continue de la phase dispersée se déforme sous l’action des forces tangentielles et normales. La tension superficielle σ permet à une goutte sphérique de diamètre d de supporter une contrainte de même intensité que la différence de pression de part et d’autre de l’interface, appelée pression de Laplace [8].
Il existe une variété de techniques permettant la formation d’émulsions. Les plus utilisés sont :
❖ Agitation mécanique.
Le principe repose sur le fractionnement d’une goutte en plusieurs gouttelettes de taille inferieure sous l’action d’une force mécanique ,
❖ Ultrasonication.
Le principe repose sur l’irradiation d’un milieu liquide par des ondes sonores inférieures à 20 kHz .
Ces techniques ont des avantages non négligeables : facilité de mise en œuvre, possibilité de préparer rapidement d’importantes quantités d’émulsion. Cependant, les émulsions obtenues sont généralement constituées de gouttes très polydispersées, ce qui rend difficiles les études systématiques et la rationalisation de tels systèmes [9]. Elles permettent également de créer d’importantes interfaces, afin de disperser une des phases dans l’autre pour former une émulsion. Il est alors possible de disperser une phase apolaire dans une phase polaire, conduisant à une émulsion huile dans eau ou au contraire de disperser une phase polaire dans une phase apolaire conduisant à une émulsion eau dans huile [3]. Plusieurs types de particules peuvent être utilisés pour la stabilisation des émulsions de Pickering : oxyde de fer, hydroxydes métalliques, silice, argiles, carbone [4, 10]. Les particules stabilisantes ne sont pas obligatoirement solides. Une stabilisation efficace a été observée avec des particules de microgels [11], des cristaux liquides, mais aussi avec des particules naturelles telles que des bactéries et des spores [12, 13].
Caractérisation
Détermination du sens de l’émulsion
La nature de la phase externe, et par conséquent le type d’émulsion, peut être détecté par différentes techniques :
❖ Par des expériences de dispersibilité d’un petit volume d’émulsion dans une phase aqueuse ou huileuse. Par exemple, si l’échantillon prélevé est dispersible dans l’eau (respectivement dans l’huile) l’émulsion est de type H/E (respectivement E/H) [14].
❖ Par des mesures de conductivité : En effet, dans la majorité des cas, l’eau, contrairement à l’huile, contient un électrolyte. La conductivité de la phase aqueuse est donc 100 à 1000 fois plus élevée que celle de l’huile. La valeur de la conductivité d’une émulsion dépendant de sa phase externe, il est donc relativement facile de déterminer si l’émulsion est de type E/H ou de type H/E. La conductivité d’une émulsion (λem) est directement liée à la conductivité de la phase externe (λext) et à sa fraction volumique (λfW). Ainsi, en première approximation on peut utiliser la relation linéaire suivante :
λem = fw.λext
La phase externe peut être aussi d’une importance capitale dans l’interprétation des phénomènes observés pour les émulsions, notamment pour détecter l’inversion de phase au cours d’un procédé d’émulsification [15].
❖ Par les tests aux colorants: Le principe de ces techniques repose sur la détermination de l’hydrosolubilité ou de la liposolubilité de l’émulsion formée via des colorants comme le bleu de méthylène et le rouge soudan.
Granulométrie
Une des propriétés importantes des émulsions est la taille des gouttelettes, qui peut être déterminée par une méthode de mesure appelée « granulométrie ». La taille des gouttelettes est particulièrement représentative des conditions d’agitation et de formulation dans lesquelles l’émulsion a été élaborée. Dans la plupart des cas, une émulsion contient des gouttelettes de tailles différentes, notamment à cause du caractère partiellement ou totalement aléatoire des procédées d’agitation, donc une distribution de tailles des gouttelettes qui représente un inventaire statistique de la population présente dans l’émulsion. L’émulsion peut être caractérisée par une seule valeur de diamètre représentative d’une moyenne de l’ensemble de la population des gouttelettes [8].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LES EMULSIONS DE PICKERING
I Concepts de formulation et de stabilisation des émulsions de Pickering
I.1 Définition
I.2 Formulation et caractérisations des émulsions de Pickering
I.2.1 Formulation
I.2.2 Caractérisation
I.2.2.1 Détermination du sens de l’émulsion
I.2.2.2 Granulométrie
I.2.2.3 Viscosité
I.2.2.4 Détermination du pH
I.3 Concept de stabilisation des émulsions de Pickering
I.3.1 Structure et mécanisme de stabilisation de l’interface
I.3.1.1 Structure de l’interface
I.3.1.2 Mécanismes de stabilisation
I.3.2 Mouillage des particules et positionnement à l’interface
I.3.3 Mesure de l’angle de contact
I.3.4 Aspect énergétique
I.3.5 Interaction entre particule à l’interface
II : Type et stabilité des émulsions de Pickering
II.1 Les facteurs expérimentaux influençant le type d’émulsion
II.1.1 La mouillabilité des particules
II.1.2 Localisation initiale des particules
II.2 Les facteurs expérimentaux influençant la stabilité
II.2.1 Taille et forme des particules
II.2.2 Etat de dispersion des particules
II.2.3 Concentration des particules
II.3 Phénomène d’instabilité
II.3.1 Sédimentation et crémage
II.3.2 Floculation, coalescence et mûrissement d’Oswald
II.4 Déstabilisations des émulsions de Pickering
III APPLICATIONS
III.1 L’industrie pharmaceutique et cosmétique
III.2 Préparation des matériaux
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL EXPERIMENTAL
I MATERIEL ET METHODES
I.1 Matériel
I.2 Matières premières
I.2.1 Phase huileuse
I.2.2 Phase aqueuse
I.2.3 Particules
I.2.4 Le principe actif
I.2.5 Autres composés utilisés
I.3 Méthodes de préparations des émulsions
I.3.1 Préparation de la phase huileuse dispersante
I.3.2 Préparation de la phase aqueuse dispersée
I.3.3 Émulsification
I.4 Déterminations des propriétés physico-chimiques des émulsions
I.4.1 Détermination de la densité des huiles
I.4.2 Mesure de la viscosité d’une émulsion au viscosimètre à chute de bille
I.4.3 Détermination du sens des émulsions
I.4.3.1 Mesure de la conductivité
I.4.3.2 Test aux colorants
I.4.4 Détermination du pH des émulsions
I.4.5 Détermination taille des gouttelettes
I.4.6 Viscosité
I.4.7 Examen macroscopique
I.5 Déstabilisation et dosage
I.5.1 Déstabilisation
I.5.2 Dosage
I.5.2.1 Préparation de la solution mère de paracétamol et étalonnage
I.5.2.2 Principe du Dosage
II Résultats
II.1 Examen macroscopique
II.2 Détermination du sens des émulsions
II.2.1 Test aux colorants
II.2.2 Conductivité
II.3 Détermination du pH
II.4 Taille des gouttelettes
II.5 Viscosité
II.6 Déstabilisation et dosage
III Discussion
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES