Les empreintes traumatiques dans le corps

Les empreintes traumatiques dans le corps

Les causes d’un traumatisme

Selon le DSM-IV-TR (APA, 2000), la cause d’ un traumatisme est un événement hors du commun qui provoque des symptômes évidents de détresse chez la plupart des individus. Parmi ses particularités nous retrouvons ses côtés soudains, imprévisibles et intenses. Il suscite de l’ impuissance, de l ‘ horreur ou de la peur chez la plupart des personnes qui y sont exposées . L’ événement traumatique confronte la personne au « réel de la mort » c’ est-à-dire que cette dernière est placée devant une mort possible (la sienne ou celle d’ une autre personne) (Lebigot, 2005 ; Ponseti-Gaillochon et al. , 2009; Romano et al. , 2011). La personne qui subit un événement traumatique entrevoit sa propre mort : elle se voit, l’ espace d’ un éclair, comme morte.
Freud (1921) disait que le danger extérieur n ‘ est traumatique que s’ il passe par une intériorisation. Le choc traumatique survient lorsque nous sommes confrontés à des événements menaçant notre vie et dépassant nos capacités d’ adaptation. Les événements traumatiques atteignent l’ individu avec une telle intensité et une telle violence que la personne se voit incapable d’ y répondre adéquatement. C’ est alors qu’elle éprouve un choc, une brisure intérieure, une impression d’ effraction qui créent une brèche dans sa psyché , laquelle varie en fonction des sujets et du moment de la rencontre traumatique (Ponseti-Gaillochon et al. , 2009) .
Des événements menaçant la vie ou l’ intégrité physique d ‘ une personne, tels les actes de violence interpersonnelle (p. ex. , agressions physiques, agressions sexuelles, guerres, tortures, vols à main armée , séquestrations, etc.), les accidents causés par la main de l’ homme ou l’ erreur technique (p. ex. , accidents de voiture, d’ avion, de train, naufrages en bateau, désastres écologiques ou nucléaires , explosions, incendies, accidents de travail, etc.) et les catastrophes naturelles (p . ex., tornades, inondations, ouragans, feux de forêt , tremblements de terre, etc .) peuvent facilement être classés comme événements hors du commun. Pourtant, certaines personnes vivent ce genre d’ événement sans pour autant développer un traumatisme. D ‘ autre part, plusieurs événements classés comme « expérience humaine courante » (p. ex., interventions chirurgicales, maladies divorce, etc.) peuvent être traumatisants. Par exemple, Levine (2008b) mentionne que lors d’ une intervention chirurgicale, le corps peut ressentir l’intrusion comme un événement qui menace sa survie. Au niveau cellulaire, le corps peut donc percevoir qu’il a subi une blessure grave de nature à mettre sa vie en danger.
Bien qu’un événement traumatisant soit porteur d’une menace traumatique, c’est plutôt la réaction spécifique de la personne par rapport à cet événement qui doit être prise en compte. Levine (2008b) mentionne que ce n’ est pas l’événement en tant que tel qui est traumatisant, mais plutôt la façon dont la personne l’interprète, ce qui dépend de plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, l’événement lui-même (p. ex., la menace qu’il représente pour la personne, sa durée, sa fréquence, etc.), le contexte de vie lors de l’événement traumatisant (p. ex., soutien ou non de la famille et des amis, état de santé, etc.), les caractéristiques physiques de la personne (p. ex., aptitudes, stades de développement, etc.). Les compétences acquises; c’est-à-dire les connaissances ou l’expérience servant à gérer une situation de danger peuvent modifier la vulnérabilité de la personne face au traumatisme. La confiance de l’individu en sa capacité à affronter le danger ou son histoire personnelle de réussite ou d’échec va aussi jouer un rôle.
Toujours selon Levine, l’ intensité du traumatisme est liée à la perception de l’individu exposé à un événement, laquelle est déterminée par l’ensemble de ses ressources internes (p. ex., les aptitudes mentales et les expériences vécues, les réponses instinctuelles et les plans d’actions innés) et externes (p. ex., les éléments de protection dans l’environnement). C’est ainsi qu’une personne, exposée au même événement qu’un autre individu, le vivra d’une manière différente.
Ce n’est donc pas tant l’événement comme tel qui importe, mais ce qu’il induit chez la personne: des désorganisations physiques, émotives et cognitives. Ces désorganisations se manifestent par différents symptômes et c’est à partir de ces symptômes qu’il nous est possible de dire s’il y a présence, ou non, d’un traumatisme.
En ce sens, la prochaine section présente les critères nécessaires à l’émission d’un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT) et résume les différents symptômes que peuvent vivre les personnes traumatisées.

Les critères diagnostiques

En psychologie clinique, lorsqu’il est question de travailler auprès de personnes traumatisées , c’est souvent dans un contexte de stress post-traumatique. D’un point de vue diagnostique, il est possible de bien documenter les critères d’un TSPT. Le DSM- IV -TR (APA, 2000) en fait une description assez précise:
1) avoir vécu, été témoin ou été confronté à un événement hors du commun durant lequel des personnes ont pu mourir ou être gravement blessées , avoir été menacé de mort ou de blessures graves ou encore que son intégrité physique ou celle d’ une autre personne ait été menacée et avoir eu une réaction de peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’ horreur;
2) la présence d’ au moins un symptôme de réviviscence;
3) la présence d’ au moins trois symptômes d’évitement;
4) la présence d’au moins deux symptômes d’activation neurovégétative ;
5) le temps écoulé depuis l’apparition des symptômes;
6) la présence d’une souffrance cliniquement significative ou d’ une altération du fonctionnement social, familial ou professionnel de la personne.
Cependant, d’ un point de vue clinique, l’ énumération descriptive des critères du DSM-IV-TR ne permet pas de comprendre les processus sous-jacents au traumatisme: l’ ampleur des effets traumatiques sur la personne, la façon dont les symptômes se sont mis en place ainsi que leurs interactions. Herman (1992) mentionne que cette description ne tient pas compte des processus de traitement de l’information (la capacité d’attention est biaisée par la peur d’être agressé de nouveau, trahi , exploité ou abandonné) , des dysfonctionnements de la conSCIence (p. ex., la dissociation’ , etc.), du dysfonctionnement émotif (p. ex., autres que l’anxiété et la dysphorie [la culpabilité, la gêne, la tristesse, etc.]) ainsi que des réactions physiques comme la somatisation2 . Par ailleurs, le DSM-IV -TR ne tient pas compte de réalités plus complexes telles que les problématiques de négligence et de maltraitance, problématiques qui sont documentées par Courtois et Ford (2009) . Ces auteurs soutiennent que ces problématiques vécues en bas âge peuvent nuire, bloquer ou même interrompe le développement psychologique de l’ enfant et ce, dans une période où le développement des fondations psychologiques et biologiques est nécessaire pour tous les développements à venir:
1) attention et apprentissage;
2) mémoire de travail, déclarative et narrative;
3) régulation des émotions;
4) formation et intégration de la personnalité
5) relation d’attachement.
De plus, il semble que l’ampleur des traumatismes vécus par les enfants exposés à ces contextes de vie soit comparable à celui vécu par les soldats atteints de TSPT (Bélanger, Lavallée, Lévesque, White, & Dembri, à venir).
Tout en respectant les critères du DSM-IV-TR, le présent essai intègre la vision des auteurs, cités précédemment, concernant l’ aspect diagnostique du traumatisme. Certains regroupements parmi les personnes traumatisées deviennent alors possibles; lesquels seront présentés dans la prochaine section.

Les types de victimes d’un traumatisme.

Selon les Nations Unies (1985), une victime est une personne qui a subi un préjudice, c’est-à-dire qu’ elle a subi une atteinte à son intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle ou une atteinte grave à ses droits fondamentaux en raison d’ actes ou d’ omissions qui enfreignent les lois pénales. De plus, la victime peut avoir conscience ou non d ‘avoir subi ces préjudices (p. ex. , un bébé , un enfant, une personne présentant une déficience mentale, etc.).
Nous avons retenu deux types de classement des traumatismes. Nous présentons d’abord celui de Rothschild (2008) et Terr et par la suite, celui de Romano et al (2011).
Les victimes d ‘ un traumatisme peuvent se regrouper selon différentes caractéristiques. Rothschild (2008) résume et complète les travaux de Terr. Ces auteurs identifient six types de victimes de traumatisme. Les deux premiers types de victimes réfèrent au nombre d’événements traumatiques vécus par la personne. Le Type 1 englobe les personnes qui ont vécu un seul événement traumatisant (p . ex., accident de la route, terrorisme, épisode d ‘ agression sexuelle, d’assaut ou de violence conjugale, etc.) alors que le Type II réfère aux personnes qui ont été confrontées de façon répétitive à des événements traumatisants (p . ex. , torture, guerre, génocide , violence conjugale, maltraitance, etc.) . Les personnes victimes d ‘ actes de violence répétés sont soumises à une tension et à un stress perpétuels qui peuvent affecter différents aspects de leur personnalité: l’ estime de soi, la confiance en soi et en l’autre, la capacité d ‘ intimité , etc.
De plus, Herman (1992) souligne que ces événements répétés peuvent finir par entraîner les conséquences ou les désordres suivants: idéations suicidaires chroniques, problèmes alimentaires (p. ex., anorexie, boulimie), actes de colère intense et colère refoulée , sexualité dysfonctionnelle, pertes de mémoire reliées à l ‘ événement , sentiment de détachement de son corps, sentiment d ‘ impuissance ou de détresse intense, honte ou culpabilité chronique, regard dépréciatif sur soi , indifférence marquée face au monde extérieur, attribution de pouvoirs irréalistes à l’ agresseur, idéalisation ou reconnaissance envers l’ agresseur, perte marquée de confiance en la vie et automutilation.
Parmi les personnes du Type II, deux autres catégories ont été formées. Le Type lIA décrit les personnes qui ont vécu plusieurs événements traumatiques, mais qui, malgré tout, sont capables de parler et de traiter chacun de ces événements de façon distincte. Le Type lIB , quant à lui , réfère aux personnes qui ont souffert aussi de plusieurs événements traumatiques, mais qui sont incapables de les traiter indépendamment l’ un de l’autre. Ces personnes parlent donc d’ un événement traumatisant puis d’un autre et d’un autre, sans faire de distinction, tellement elles en sont affectées. Nous verrons dans la vignette clinique no 1, l’ importance pour le thérapeute de connaître ces distinctions.
La compréhension et le traitement du traumatisme en seront ainsi facilités.
Vignette clinique 1 : Contamination de l’événement présent par un autre événement traumatisant. Justin raconte son accident de la route qui , à première vue, semble mineur. Il a eu un accrochage avec un autre véhicule dans un stationnement. Dans son récit , il semble y avoir des incohérences avec ce que nous connaissons déjà de cet incident. Plus la thérapie avance, plus Justin devient nerveux et complètement dépassé par l’évé nement. Il dit « Ça sent l’essence . Ça sent vraiment beaucoup l’essence ». Cette information ne coïncide pas avec l’évé nement traité actuellement. Il n ‘y a eu aucun déversement d ‘ essence dans cet accident. En explorant avec Justin cette sensation d’odeur d’essence, il mentionne un autre accident dans lequel il a été impliqué . Cet accident, beaucoup plus violent, avait causé la mort d ‘ une jeune femme. Sous l’ impact des voitures, il y avait eu déversement d’essence et danger d ‘explosion.
Lorsque le thérapeute relève des incohérences dans le récit de l’événement de son client, comme c’est le cas pour Justin, il s’assure qu’ il n’y a pas présence d’autres traumatismes qui viendraient expliquer ces incohérences. Ceci est d ‘autant plus vrai lorsque ces incohérences sont causées par des souvenirs sensorimoteurs. Ces incursions sensorimotrices dans le discours sont les souvenirs bruts d’ une expérience. Un des objectifs thérapeutiques est d ‘en trouver l’origine. Par la suite, le thérapeute amène la personne à reVOlr les événements séparément afin qu’ elle pUIsse les intégrer adéquatement.
Revenons maintenant aux personnes du Type lIB qui sont, à leur tour, divisées en deux sous-groupes. Le Type IIB(R) regroupe les personnes qui ont déjà été capables de résilience, mais face à un nouveau traumatisme n’ ont pu maintenir cette capacité ; elles sont submergées par la réalité du moment présent. Le Type lIB (nR) , quant à lui, concerne plutôt les personnes qui n’ ont jamais eu les ressources suffisantes qui les auraient amenées à devenir résilientes.
Dans un tout autre contexte, Romano et al. (20 Il) mentionnent que l’ impact de l’ événement traumatique sur le plan physique influence aussi la thérapie. Plus ces impacts affectent physiquement la personne touchée, plus les empreintes sensorimotrices sont intenses et marquées . Dans un premier temps, être témoin d ‘ une situation traumatique (p. ex. : voir un grave accident) affecte moins l’ individu que s’ il était impliqué directement dans l’ événement traumatisant (p . ex. : être blessé dans l’ accident).
Par la suite, parmi les personnes impliquées directement, celles qui n’ ont subi aucune atteinte physique (p . ex. : vol à main armée) ne sont pas touchées de la même façon que celles qui ont subi des atteintes physiques (p. ex. : viol, torture, agressions physiques, etc.) . Et, les personnes qui ont subi des atteintes corporelles et qui restent avec des séquelles physiques (p. ex. : amputation d’ un membre, cicatrices, etc.) doivent faire face à leur traumatisme d’ une tout autre façon. Enfin, les personnes qui, en plus d ‘ avoir subi des atteintes avec séquelles physiques, ont encore dans leur vie de tous les jours des inconvénients qui leur rappellent sans cesse le traumatisme (p. ex. : douleurs chroniques, soins médicaux permanents, etc.) abordent, elles aussi , leur traumatisme de façon bien différente que celles qui ont été témoins à distance. S’ il ne veut pas réactiver de façon incontrôlable le traumatisme, le thérapeute portera une attention particulière à cet aspect avant d’ intervenir au niveau corporel avec ces victimes.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 – Le traumatisme
La terminologie
Les causes d’un traumatisme
Les critères diagnostiques
Les types de victimes d’un traumatisme .
Chapitre 2 – Les empreintes traumatiques dans le corps
Le traitement de l’information
Les trois régions du cerveau: le cerveau reptilien, le cerveau limbique et le néo-cortex
La désorganisation des processus sensorimoteur, émotif et cognitif
Les notions physiologiques et neurologiques
Les composantes qui transmettent l’information au cerveau reptilien
Le système limbique
Le système mnésique
La réponse d’ orientation
La définition de la réponse d’orientation
La définition de la réponse d’orientation
Les étapes de la réponse d’orientation
Chapitre 3 – Les mécanismes de régulation
L’ énergie résiduelle
Le figement ou l’immobilisation
La répétition
L’évitement
La dissociation
Chapitre 4 – Les interventions
Le lien thérapeutique
L’évaluation
L’anamnèse
L’évaluation psychométrique
Le travail effectué au niveau corporel
La lecture du corps
Le reflet des réactions sensorimotrices
La conscientisation
L’expérimentation et l’exploration
La différenciation des processus impliqués dans l’expérience présente
L’assemblage des différents niveaux de processus
Le traitement thérapeutique
Phase 1 : Sécuriser et stabiliser le client
Phase 2 : Traiter le matériel traumatique
Phase 3 : Intégrer l’évènement traumatique et réorganiser l’expérience globale, passée et future, de cet événement
Discussion
Conclusion
Références

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